M. Ronan Dantec. Sur cet amendement, nous écouterons attentivement l’avis qu’émettra le Gouvernement.

La contemporanéisation des ressources prises en compte pour la délivrance des aides personnelles au logement représente, nous le savons, une économie importante pour l’État. Il serait donc parfaitement justifié, dans l’autre sens, de supprimer le mois de carence, véritable source d’incompréhension et de colère pour les ménages modestes qui s’installent dans un nouveau logement.

Il n’est pas possible, monsieur le ministre, de jouer la simultanéité dans un sens et la carence dans l’autre. Certes, la suppression de celle-ci représentera un coût supplémentaire pour l’État, mais celui-ci sera tout de même largement inférieur à l’économie attendue du fait de l’application de la contemporanéisation des ressources.

Il s’agit donc d’une mesure de justice à la fois sociale et temporelle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° II-325.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial. La suppression du mois de carence est un vieux sujet. Il méritera d’être traité en profondeur, dans un délai rapidement bref, mais pas ce soir, mon cher collègue.

La somme proposée – 250 millions d’euros – est excessive, sans compter qu’une telle mesure serait difficile à mettre en œuvre, en raison notamment de ses incidences sur les systèmes d’information des caisses d’allocations familiales (CAF).

Comme toujours ce soir, l’avis est donc défavorable sauf retrait de l’amendement.

M. Ronan Dantec. Je suis un peu trop en avance !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial. Comme d’habitude… (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Outre les raisons invoquées par M. le rapporteur spécial, je rappellerai que le délai de carence, vous le savez, est un principe général qui s’applique au versement non pas simplement des APL, mais des prestations sociales en général, et qui participe de la bonne instruction des dossiers.

Il existe déjà des dispositifs dérogatoires permettant de répondre à la situation des publics fragiles et notamment de ceux qui vivent les plus grandes situations de détresse. Je pense ainsi aux personnes qui étaient hébergées dans des logements-foyers conventionnés, car il faut à l’évidence assurer la continuité des droits des ménages concernés.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Nous nous étions battus contre la contemporanéisation des ressources. Nous voterons donc ces amendements identiques, qui visent à supprimer le mois de carence en matière d’ouverture des droits aux aides au logement.

Ce délai de carence, qui pénalise les ménages s’installant dans un nouveau logement, est venu s’ajouter à toutes les économies budgétaires réalisées depuis 2017 sur les aides aux logements, économies qui se montent tout de même à plus de 10 milliards d’euros pour l’État.

Dans le contexte actuel, la protection de nos concitoyens ne doit plus être ni menacée ni même questionnée. Faut-il le rappeler, la moitié des bénéficiaires des aides au logement travaillent. Les APL ont démontré leur réelle efficacité pour aider, par exemple, les jeunes travailleurs à s’insérer dans la société. La réduction de la précarité et l’accès au travail commencent par une stabilité dans le logement.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-309 et II-325.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-308, présenté par MM. Dantec, Jadot, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

 

 

 

 

Aide à l’accès au logement

50 000 000

 

50 000 000

 

Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

 

50 000 000

 

50 000 000 

Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

dont titre 2

 

 

 

 

Politique de la ville

dont titre 2

 

 

 

 

Interventions territoriales de l’État

 

 

 

 

TOTAL

50 000 000

50 000 000 

50 000 000

50 000 000 

SOLDE

0

0

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Étant toujours extrêmement attentif à vos propos, monsieur le rapporteur spécial, j’ai bien noté que vous jugiez excessif le montant de 250 millions d’euros précédemment proposé. Je présente donc maintenant une mesure beaucoup plus modeste, d’un coût de 50 millions d’euros, afin de rétablir l’APL accession pour tout logement, neuf ou ancien, sur l’ensemble du territoire.

Si l’on retient l’hypothèse de 30 000 nouveaux ménages aidés, le coût annuel de ce rétablissement pour les finances publiques sera effectivement de 50 millions d’euros. Pour y parvenir, nous proposons une réaffectation de crédits, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.

Cette présentation d’amendement me donne l’occasion de revenir sur un point abordé par M. le ministre lors de son intervention en réponse aux différents orateurs. Le fait d’avoir des dispositifs différents suivant les zones pose question ; il n’est d’ailleurs pas anodin que le PTZ ait été de nouveau étendu à l’ensemble du territoire.

Un système d’aides différenciées aboutit à une situation paradoxale : en conduisant certains ménages à rester dans des zones tendues, elle ne permet pas de rééquilibrer la demande sur l’ensemble du territoire et contribue, finalement, à accroître la tension dans ces mêmes zones.

En rappelant cela, je m’éloigne de l’objet même du présent amendement, mais je tenais à souligner combien il peut être de bonne politique d’éviter tout effet de bord qui risquerait de ramener tout le monde vers les zones tendues, du fait de la limitation des aides au périmètre de ces zones. Nous avons intérêt, autant que faire se peut, à avoir les mêmes aides sur l’ensemble du territoire.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° II-447 rectifié est présenté par Mme Gacquerre et les membres du groupe Union Centriste.

L’amendement n° II-455 rectifié est présenté par MM. Masset, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Gold, Grosvalet, Guérini, Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

 

 

 

 

Aide à l’accès au logement

50 000 000

 

50 000 000

 

Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

 

 

 

 

Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

dont titre 2

 

50 000 000

 

50 000 000

Politique de la ville

dont titre 2

 

 

 

 

Interventions territoriales de l’État

 

 

 

 

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour présenter l’amendement n° II-447 rectifié.

Mme Amel Gacquerre. Cet amendement, similaire au précédent, vise à apporter le financement nécessaire au rétablissement de l’APL accession ; cette aide, ciblée vers les ménages les plus modestes, permet d’accroître la mobilité dans le parc social et de faciliter la vente de logements HLM à leurs locataires. L’idée est de mieux accompagner les ménages les plus fragiles, pour un coût, comme dans l’amendement précédent, de 50 millions d’euros.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° II-455 rectifié.

M. Michel Masset. Je souscris aux arguments avancés par mes collègues et je suis très heureux de constater que nous sommes nombreux à être sur la même longueur d’onde sur ce sujet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial. La loi de finances pour 2018 a supprimé l’APL accession pour le logement neuf et l’a maintenue temporairement, avec un an de répit, pour le logement ancien.

Le Sénat a, à plusieurs reprises, rétabli une telle disposition, dont je comprends parfaitement le bien-fondé, car elle constitue de toute évidence un complément de revenus important pour les ménages.

Malgré tout, mes chers collègues, dans le cadre de la logique qui prévaut ce soir, vous connaissez la chanson : demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. C’est en effet la loi de finances pour 2018 qui a prévu l’extinction de ce dispositif, parce qu’il était en très forte décroissance.

Le Gouvernement a choisi de privilégier d’autres voies d’accession sociale à la propriété, que vous connaissez :…

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. … le prêt social location-accession (PSLA), le bail réel solidaire (BRS)… Je ne vous ferai pas l’injure de les détailler.

Nous allons prochainement relever les plafonds de revenus qui limitent le bénéfice de ce dernier dispositif. Du reste, nous croyons profondément au BRS, beaucoup plus, en réalité, qu’à l’APL accession.

Je citerai également le prêt à taux zéro : nous avons élargi ses bénéficiaires, nous l’avons renforcé pour les plus modestes, nous avons doublé la quotité pour les ventes HLM.

Notre objectif, en matière d’accession sociale à la propriété, est de nous appuyer sur les outils déjà existants, pour les renforcer, plutôt que d’élargir l’offre disponible. Surtout, il n’est pas question de revenir à des dispositifs dont l’efficacité était moindre.

Mme Sophie Primas. Arrêtez avec ça !

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. La mesure proposée – le rétablissement de l’APL accession – aurait un coût de 50 millions d’euros, ce qui apparaît très raisonnable pour un outil extrêmement efficace, qui a vocation à aider les ménages modestes à accéder à la propriété.

L’APL accession a joué bien souvent un rôle déclencheur dans l’acte d’acquisition. Il est doublement important aujourd’hui de relancer cette aide, dans un contexte où les conditions d’octroi des prêts par les banques se sont durcies et où les bailleurs sociaux continuent d’être incités à vendre des logements HLM pour compléter leur financement.

Nous voterons donc en faveur de ces amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-308.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements identiques nos II-447 rectifié et II-455 rectifié n’ont plus d’objet.

L’amendement n° II-424, présenté par Mmes Margaté, Varaillas et Corbière Naminzo, MM. Gay, Brossat, Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

 

 

 

 

Aide à l’accès au logement

10 000 000

 

10 000 000

 

Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

 

10 000 000

 

10 000 000

Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

dont titre 2

 

 

 

 

Politique de la ville

dont titre 2

 

 

 

 

Interventions territoriales de l’État

 

 

 

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. En 2018, le Président de la République avait réduit les APL de 5 euros, considérant que cette décision ferait économiser 390 millions d’euros par an à l’État et que ces 5 euros ne représenteraient pas grand-chose pour les allocataires.

De nombreux parlementaires avaient relayé la stupeur des 6,5 millions de ménages sur lesquels l’État souhaitait faire des économies, alors que, en parallèle, le Gouvernement supprimait l’impôt de solidarité sur la fortune.

La somme que nous proposons, par cet amendement, de retrancher à ces 390 millions d’euros d’économies n’est pas considérable : 10 millions d’euros seulement. Elle permettrait de verser les petites allocations, celles qui ne sont pas distribuées parce qu’on les considère comme trop faibles pour que les allocataires en aient besoin.

Il est injustifiable de rogner ainsi les droits auxquels nos concitoyens sont éligibles. Alors que l’inflation a augmenté le prix des biens essentiels, mais aussi les loyers, nous proposons que le versement des APL soit conditionné non pas à leur montant, mais bien au niveau de ressources des personnes qui en font la demande.

Je souhaite également souligner que les outils numériques tant vantés par le Gouvernement pour justifier nombre de réductions de postes dans la fonction publique pourraient également servir à automatiser les droits. Celles et ceux qui sont éligibles aux APL sont bien identifiés, notamment au travers des déclarations de revenus et des données du prélèvement à la source : elles devraient pouvoir bénéficier d’un versement automatique de ces allocations sans avoir à en faire la demande.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial. La suppression du seuil de versement pour ce qui concerne l’aide personnalisée au logement est une mesure destinée à compenser la mise en place de la RLS. Pour l’allocation de logement familiale (ALF) et l’allocation de logement sociale (ALS), le seuil n’a pas été supprimé, sans que nous en connaissions la raison.

Je vois dans le dépôt de cet amendement un appel au ministre pour qu’il nous fournisse des précisions à ce sujet.

En tout état de cause, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Il est défavorable, tout simplement parce que la charge administrative supplémentaire induite par la mise en œuvre d’une telle mesure serait mille fois supérieure aux gains attendus.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-424.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° II-267 est présenté par MM. Jadot, Dantec, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° II-332 est présenté par Mmes Margaté et Corbière Naminzo, MM. Gay, Brossat, Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Créer le programme :

Fonds national d’aide à la quittance

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

 

 

 

 

Aide à l’accès au logement

 

 

 

 

Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

 

 

 

 

Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

dont titre 2

 

 

 

 

Politique de la ville

dont titre 2

 

200 000 000

 

200 000 000

Interventions territoriales de l’État

 

 

 

 

Fonds national d’aide à la quittance

200 000 000

 

200 000 000

 

TOTAL

200 000 000

200 000 000

200 000 000

200 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Yannick Jadot, pour présenter l’amendement n° II-267.

M. Yannick Jadot. Nous reprenons ici un amendement voté en commission à l’Assemblée nationale, visant à créer un fonds national d’aide à la quittance.

Chacun a pu constater, notamment depuis le retour de l’inflation, la montée des impayés. À Paris, les bailleurs sociaux enregistreraient ainsi quelque 30 000 situations d’impayés, car nombreux sont les ménages qui n’ont plus les moyens de s’acquitter de leurs loyers.

Un tel fonds permettrait de garantir que les impayés ne valent pas motif d’expulsion. Nous proposons de le doter de 200 millions d’euros par an pour les quatre années à venir, dans l’objectif de soutenir les ménages les plus modestes en compensant les défauts de paiement et les charges non couvertes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° II-332.

Mme Marianne Margaté. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial. Le dispositif proposé est à la fois trop coûteux – 200 millions d’euros – et bien difficile à mettre en œuvre.

J’en demande donc le retrait ; sinon, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Le dispositif proposé serait redondant avec d’autres dispositifs qui existent déjà : outre les APL, je citerai notamment le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) et le chèque énergie.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-267 et II-332.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-300 rectifié n’est pas soutenu.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-261, présenté par Mme Ollivier, MM. Dantec, Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dossus, Fernique et Gontard, Mmes Guhl et de Marco, MM. Mellouli et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

160 000 000

160 000 000

Aide à l’accès au logement

Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

dont titre 2

Politique de la ville

dont titre 2

160 000 000

160 000 000

Interventions territoriales de l’État

TOTAL

160 000 000

160 000 000

160 000 000

160 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Ouvrir 10 000 places d’hébergement d’urgence supplémentaires, voilà la proposition que nos collègues écologistes ont formulée à l’Assemblée nationale : factuelle, urgente, elle y a été votée en commission des finances avant d’être supprimée dans le texte issu du 49.3 du Gouvernement.

C’est cette proposition que nous défendons de nouveau, ici, au Sénat.

Certes, monsieur le ministre, vous prévoyez 203 000 places d’hébergement d’urgence pour 2024 ; nous reconnaissons les efforts engagés.

Mais, dois-je le rappeler, en France, 14,5 % des ménages vivent sous le seuil de pauvreté, 330 000 personnes sont sans domicile et l’on comptait en octobre dernier 42 % d’enfants à la rue de plus qu’à la fin du mois d’août, deux fois plus par rapport à l’automne 2022.

Ici même, à Paris, ce soir, des dizaines de familles dorment dans la rue. Ces chiffres, ce sont ceux de l’Unicef et de la Fondation Abbé Pierre, qui soulignent d’ailleurs que jamais autant d’enfants n’ont été à la rue.

Nous ne pouvons pas nous habituer à de tels chiffres – on parle de plus de 2 800 enfants ! –, qui plus est largement sous-évalués.

Les écoutants sociaux du 115 croulent sous les appels, qui ne débouchent bien souvent que sur des demandes non pourvues. L’hiver dernier, plus de 5 000 personnes ayant appelé ce numéro sont restées sans solution.

La saturation de notre système d’hébergement n’est pas nouvelle, mais, avec l’inflation et la crise du logement et de l’hôtellerie, elle s’est brutalement aggravée.

Monsieur le ministre, face à l’augmentation des inégalités, face à ces chiffres affolants d’enfants à la rue, vos engagements ne suffiront pas. Il faut ouvrir ces 10 000 places supplémentaires !

Mes chers collègues, j’espère que, dans cet hémicycle, ce soir, nous adopterons cet amendement, tant la situation est grave et alarmante. Il y va du bien-être et de l’avenir de ces enfants, il y va aussi de notre humanité, de notre capacité à faire société.

Mme la présidente. L’amendement n° II-276 rectifié, présenté par Mmes Artigalas, Linkenheld, Monier, Le Houerou, Brossel et Rossignol, MM. Cardon, Bouad, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et Kanner, Mme Espagnac et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

85 000 000

 

85 000 000

 

Aide à l’accès au logement

 

 

 

 

Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

 

85 000 000

 

85 000 000

Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

dont titre 2

 

 

 

 

Politique de la ville

dont titre 2

 

 

 

 

Interventions territoriales de l’État

 

 

 

 

TOTAL

85 000 000

85 000 000

85 000 000

85 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Le Secours catholique a publié, le 14 novembre dernier, son rapport annuel sur l’état de la pauvreté en France.

Cette année encore, la pauvreté s’aggrave dans notre pays : elle touche en premier lieu les femmes, surtout les femmes avec enfants.

Le parc d’hébergement est stabilisé pour 2024 à 203 000 places. Or, comme nous le rappelle la Fédération des acteurs de la solidarité, ce niveau est insuffisant : en septembre 2022, plus de 6 000 demandes d’hébergement au 115 n’ont pas été pourvues ; en octobre dernier, plus de 8 000 demandes n’ont pu être prises en charge.

Ces chiffres restent bien en deçà de la réalité. De nombreuses personnes à la rue, découragées, ne sollicitent plus le 115 et ne sont, de fait, pas comptabilisées. Les solutions d’hébergement ont besoin d’être mieux adaptées. J’insiste : deux tiers de ces demandes d’hébergement non pourvues concernent des familles. Selon le baromètre de l’Unicef Enfants à la rue, 1 650 enfants se trouvaient sans solution d’hébergement avant la rentrée scolaire en 2022. À la rentrée 2023, ce sont 2 000 enfants qui ont été identifiés comme étant à la rue, et plus de 2 800 au début du mois d’octobre.

Monsieur le ministre, cela fait plusieurs semaines que vous êtes alerté sur l’insuffisance des moyens pour répondre à cette urgence sociale. L’État n’est plus en mesure de mettre à l’abri les personnes, ni même les familles et les enfants.

C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial. Bien évidemment, on ne peut qu’être sensible à ce qui vient d’être dit. J’ai moi-même évoqué ce sujet lors de la discussion générale.

Cependant, nous nous en tiendrons à la logique que nous avons retenue pour le débat de ce soir, en appelant au retrait des amendements, d’autant que 10 000 places, c’est 160 millions d’euros, dont 80 millions dus à l’inflation.

Je note tout de même que le Gouvernement a augmenté son parc d’urgence de 50 000 places en quatre ans, même si les modalités posent question, notamment en ce qui concerne le recours aux hôtels, qui, à l’évidence, ne sont pas une solution.

Bien évidemment, tout cela fait réfléchir, mais renvoie aussi à des questions beaucoup plus larges, alors que la pauvreté s’accroît dans notre pays. Il faudrait des heures des débats.

Pour l’heure, la commission sollicite le retrait de ces deux amendements ; à défaut, son avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Sur cette question, personne ne peut être indifférent. Nous avons tous une part d’humanité ! Nous pouvons tous comprendre les choses et être sensibles à ces situations.

Mais de quoi parle-t-on ? Nous sommes passés de 93 000 à 203 000 places d’hébergement d’urgence. Aujourd’hui, nous ne sommes même pas certains de pouvoir recruter les travailleurs sociaux nécessaires pour accompagner ces créations ! Nous ne parvenons plus à recruter de personnes pour travailler au 115. La durée des contrats des personnes qui travaillent au 115 est actuellement très courte. Nous sommes à la limite du système.

Il faut une rénovation, une restructuration en profondeur du système de l’hébergement d’urgence. Il faut aussi remettre sur la table la question de la durée de cet hébergement.

Comme je le disais tout à l’heure, 42 % des personnes en hébergement d’urgence y sont depuis plus de trois ans. Trouvez-vous cela normal ? Trouvez-vous normal qu’une famille doive vivre à l’hôtel pendant plus de trois ans, sans accompagnement, avec des enfants scolarisés ?

Effectivement, aujourd’hui, il faut restructurer en profondeur le système. C’est la raison pour laquelle nous avons massivement augmenté le nombre de postes sur la veille sociale – de plus d’un tiers, avec 500 ETP supplémentaires –, y compris pour renforcer le 115.

Sur la question des familles, chaque fois que le sujet est abordé dans le débat, d’aucuns brandissent des chiffres : 2 000, 3 000, bientôt 10 000… Mais ces chiffres ne sont évidemment pas documentés.

Nous avons fait procéder à un examen par les différentes préfectures de l’Île-de-France, et nous nous sommes aperçus que 80 % des familles concernées par le 115 refusaient une évaluation sociale de la situation à l’occasion de maraudes. Ce taux me laisse penser qu’une meilleure connaissance des publics est nécessaire.

Je le répète, il faut une restructuration en profondeur de l’hébergement d’urgence. En revanche, il ne faut pas forcément, chaque année, réclamer 10 000 places supplémentaires d’hébergement d’urgence. On le fait depuis des années et des années, et cela ne règle rien !

J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.