M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-361.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-24, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

 

 

 

 

Vie étudiante

 

 

 

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

100 000 000

 

100 000 000

Recherche spatiale

 

 

 

 

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

100 000 000

 

100 000 000

SOLDE

- 100 000 000

- 100 000 000

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement a pour objet de prélever 100 millions d’euros sur la trésorerie du CNRS dans un contexte, faut-il le rappeler, de déficit abyssal des comptes publics – plus de 150 milliards d’euros, et ce pour la cinquième année consécutive.

Madame la ministre, j’ai entendu vos propos. Rassurez-vous : notre intention n’est pas du tout d’affaiblir de manière pérenne les crédits du CNRS. (On en doute sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Elle n’est pas davantage de porter atteinte aux projets de la structure. Il s’agit d’une mesure ponctuelle, pour 2024, qui fait suite à des propos volontaristes tenus, au mois de juillet dernier, par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Pierre Ouzoulias. Ce n’est pas son ministre !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Bruno Le Maire a cité explicitement le CNRS en indiquant que la structure avait un excédent potentiel de trésorerie déclarée comme non fléchée et mobilisable. Il s’appuyait à ce titre – vous venez de l’évoquer – sur un rapport de l’inspection générale des finances, dont les agents ne sont pas vraiment des amateurs !

Le ministre annonce que le CNRS a des réserves budgétaires – j’en dirai un mot –, sans qu’il se passe rien. Ce n’est pas une bonne manière de gérer l’argent public.

Le CNRS nous a tout de même indiqué avoir une trésorerie de 1,3 milliard d’euros, avec un fonds de roulement de plus de 700 millions et une trésorerie disponible de 170 millions. Ce constat n’est pas un gros mot ! Au moins, ces chiffres ont le mérite de poser les choses sur la table.

Par conséquent, cet amendement, madame la ministre, vise simplement à mettre le Gouvernement devant ses responsabilités : qui dit vrai ?

Faut-il donner tant de mou ? Ce matin, à votre place, j’ai tenu le même propos sur la formation professionnelle des enseignants : presque 1,4 milliard d’euros sont provisionnés, un tiers seulement ayant été mobilisé à fin octobre. Nous avons besoin de comptes mieux tenus et plus sincères.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Je prendrai un peu de temps pour exprimer mon avis, car ce point est important. Je serai plus rapide sur les autres amendements, madame la présidente.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mais nous n’avons pas le ministre Le Maire !

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Vous avez la ministre Retailleau ! Vous allez voir ! (Sourires.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il faut les deux !

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Vous indiquez vouloir réduire de 100 millions d’euros la trésorerie du CNRS afin que celui-ci contribue à la consolidation des comptes publics.

Pourtant, l’adoption de votre amendement ne produirait pas cet effet : la mise à contribution envisagée est non pas un prélèvement sur trésorerie ponctuel, mais une diminution pérenne de subventions.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Non !

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Cette diminution serait reprise en base dans les crédits du programme 172 et constituerait le point de départ d’un prochain projet de loi de finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est inexact !

Mme Sylvie Retailleau, ministre. J’y suis bien sûr opposée.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Moi aussi !

Mme Sylvie Retailleau, ministre. En premier lieu, le CNRS participe déjà fortement à la consolidation des comptes publics puisqu’il voit ses réserves financières disponibles fortement mises à contribution. Nous sommes responsables ; je crois que ce budget l’a montré.

En 2022 et en 2023, le CNRS n’a pas bénéficié d’une compensation de l’effet à mi-année des hausses de point d’indice. Cette contribution ponctuelle s’élève à quelque 60 millions d’euros sur deux ans. À partir de 2024, la compensation des revalorisations de juin dernier ne sera que de 50 %. Cette contribution supplémentaire représente 25 millions d’euros par an. À ce stade, l’établissement ne dispose pas de compensation des surcoûts d’énergie en 2024, qui s’élèvent à 17 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2022, selon l’établissement.

En second lieu, une baisse de dotation de 100 millions d’euros serait simplement insoutenable. Le CNRS fait face à un glissement vieillesse technicité de 25 millions d’euros par an. Dans le cadre de la LPR – je pense que beaucoup de sénateurs présents aujourd’hui s’en souviennent –, il a fallu « rebaser » sa dotation de 80 millions d’euros par an pour surmonter ce qui était appelé « le mur de dépenses » du CNRS.

Dans le contexte d’inflation que nous connaissons, vous souhaitez ponctionner la structure de 100 millions d’euros, alors qu’en 2024 le CNRS prévoit d’ores et déjà un budget en fort déficit de près de 60 millions d’euros. Avec une telle ponction, l’établissement n’aurait d’autre choix que de réduire drastiquement les recrutements ainsi que les moyens accordés aux laboratoires, au détriment de la recherche française.

Enlever 100 millions d’euros de subvention pour charges de service public (SCSP) au CNRS revient en effet à enlever des moyens aux laboratoires. Par exemple, pour ne citer que votre territoire, monsieur le rapporteur général, je pense au très beau fleuron du CNRS qu’est l’université de Lorraine.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !

Mme Sylvie Retailleau, ministre. : GeoRessources, génie des procédés… Ces laboratoires sont si utiles à la transition énergétique !

Mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque je viens devant vous rendre des comptes sur l’action du Gouvernement, vous m’interrogez souvent sur la capacité de la France à atteindre son objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche. Pensez-vous que nous les atteindrons si nous réduisons de manière pérenne les moyens du plus gros organisme national de recherche ?

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Lorsque vous m’interrogez sur la fuite des cerveaux, pensez-vous que nous conserverons nos talents en France si nous diminuons les moyens alloués aux chercheurs au travers du CNRS ?

Ce geste serait symboliquement fort. Un pays qui ne fait pas de recherche est un pays qui ne fait pas de découvertes, un pays qui n’innove pas, comme vous le reconnaissiez. Pour ma part, je n’abandonnerai jamais l’ambition de continuer à faire de la France cette grande nation scientifique, qui peut s’enorgueillir des avancées dont elle est à l’origine. Je sais que nous sommes d’accord sur ce point.

C’est pourquoi, monsieur le rapporteur général, je vous demande de retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis très défavorable ! Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de vous opposer à son adoption. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, SER et CRCE-K. – M. Laurent Lafon applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.

M. Laurent Lafon. À titre personnel, je voterai contre cet amendement de la commission des finances.

D’une part, je le ferai pour les raisons financières qui ont largement été évoquées par Mme la ministre. Pourquoi le CNRS serait-il le seul organisme à être doublement ponctionné, par les non-compensations et au travers de la loi de finances ?

D’autre part, je voterai contre cet amendement pour une raison de fond : nous nous sommes battus ici même, notamment sur l’initiative de M. Rapin et de Laure Darcos, qui était rapporteure du texte, pour que les crédits alloués à la LPR 2021-2030 soient augmentés dès les premières années. Nous y sommes ; dès lors, quelle serait la signification, à peine trois ans après, de réduire dès 2024 ces mêmes crédits ?

M. Laurent Lafon. Une telle contradiction dans la position du Sénat serait inacceptable ! Que l’État se contredise d’un ministère à l’autre, c’est son affaire, mais le Sénat doit être clair : nous soutenons pleinement la LPR parce qu’elle est nécessaire pour notre recherche publique.

Nous avons besoin de cet abondement de crédits pour rattraper tant d’années de retard en la matière. Nous avons besoin que le CNRS soit au cœur de cet effort supplémentaire. Le message qui serait envoyé si cet amendement était voté serait très négatif. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, SER et CRCE-K. – Mme Annick Billon et M. Max Brisson applaudissent également.)

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, bravo pour votre discours : c’est celui que nous attendions ! (Mme Laure Darcos acquiesce.) Malheureusement, la France n’aime pas sa recherche ni l’université. Je ne comprends pas comment, dans le pays de Pasteur et de divers prix Nobel, nous pouvons considérer que 100 millions d’euros ne représentent finalement rien pour un organisme et que les chercheurs peuvent continuer leur travail sans cette somme.

Je partage totalement les arguments de fond qui ont été donnés. En tant qu’ancien chercheur au CNRS, je discute beaucoup avec ceux qui étaient mes collègues. La réalité du terrain n’est pas celle d’un organisme qui thésaurise. Elle est tout autre : la France arrive à maintenir encore un peu son rang, parce que des chercheurs oublient de temps en temps de se faire rembourser et acceptent de partir à l’étranger sans que les fonds pour leurs voyages leur soient avancés. Ces petits bricolages font que le CNRS fonctionne toujours.

Ses fonctionnaires ont à cœur la volonté de servir le service public de la recherche. C’est ce qui distingue notre pays des autres nations et ce qui explique que nous n’avons pas encore complètement sombré.

Le message que nous enverrons sera destiné non pas à la direction du CNRS, mais aux chercheurs qui consacrent leur existence au bien commun. Si cet amendement était adopté, vous leur enverriez un signal absolument détestable. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST, RDPI et INDEP. – M. Laurent Lafon applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. J’ai bien écouté chacun, en particulier M. le rapporteur général, qui vient de défendre un amendement porté par la commission des finances.

Madame la ministre, l’amendement déposé par M. Jean-François Husson tend à créer un choc. C’est affiché et assumé de sa part. Toutefois, ce choc était nécessaire, et ce à plusieurs égards.

Tout d’abord, nous suivons les propos tenus en juillet dernier par M. Bruno Le Maire, qui ont eu un fort retentissement fort, selon lesquels certains organismes avaient une trésorerie importante.

Ensuite, cela n’a rien à voir, monsieur Lafon, avec le niveau d’activité de la structure. En effet, ces 170 millions d’euros, c’est de la trésorerie restante, qui n’est donc pas utilisée, à tel point que le Gouvernement est venu ponctionner 25 millions d’euros – cela n’a pas été médiatisé –, au travers des mesures dites Guerini, qui n’ont pas été compensées.

Est-ce véritablement rendre service à la recherche que de ne pas tout mettre sur la table, dans le cadre de notre proposition de revoyure ? Vous nous avez répondu, madame la ministre, mais sans autre précision : s’agira-t-il d’un projet de loi ? D’une décision gouvernementale ? D’une revoyure avec les parlementaires ? Pour l’instant, on ne le sait pas !

Il faudra nous le dire, car ce que vous avez déclaré à la fin de votre propos m’inquiète. Si vous attendez de la part de Bruno Le Maire une clarification sur les comptes, c’est très inquiétant. Cela signifie que nous n’aurions pas eu, au cours de nos auditions, les bons comptes. Ce serait grave, car nous sommes ici pour discuter du budget. La commission des finances a un seul sujet, à savoir les comptes publics. Il y a donc là un vrai problème.

Par conséquent, si cette proposition crée un choc, c’est très bien ! Je ne sais pas quel sera le sort réservé à l’amendement de Jean-François Husson, mais ce dernier aura eu le grand mérite de porter un message clair à l’intention des ministères des finances publiques et de la recherche.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Nous l’avons tous compris, cet amendement quelque peu provocateur de M. le rapporteur général et de la commission des finances a pour objet, comme vient de le préciser M. Jean-François Rapin, d’envoyer un message.

En effet, il s’agit d’en revenir aux propos du ministre Bruno Le Maire, que nous voulons comprendre. Certes, madame la ministre, peut-être n’êtes-vous pas tout à fait d’accord, peut-être n’êtes-vous pas dans le même champ d’action. Toutefois, aujourd’hui, vous représentez le Gouvernement, et nous avons besoin de savoir ce que l’exécutif a dans la tête, notamment pour ces organismes de formation.

Par ailleurs, cet amendement vise à reprendre une méthode adoptée par le Gouvernement depuis 2017 : partout où il y a de la trésorerie, elle est aspirée !

Demandez ce qu’il en est aux bailleurs sociaux et aux chambres consulaires, qui, pour reprendre vos arguments, avaient une présence territoriale, des projets de rénovation de bâtiments et de création de nouveaux logements, des idées de transformation de l’agriculture et du commerce ! Or tous leurs arguments ont été balayés au nom du mot d’ordre « pas de trésorerie », voire, ce qui est pire, « il faut faire des économies ! » Telle est votre méthode, celle du Gouvernement.

Enfin, monsieur Pierre Ouzoulias, nous sommes très attachés au CNRS, aux chercheurs de qualité qui y travaillent et aux projets qu’ils portent.

M. Rapin l’a très bien dit, cet amendement vise à adresser au Gouvernement un message, qui porte sur sa méthode.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Madame la ministre, j’ai dit tout à l’heure que vous pouviez être convaincante et pleine d’énergie, et vous l’avez montré. Comprenez donc un peu notre inquiétude, que Mme Primas a très bien exprimée.

Après tout, qui est l’auteur des coupes claires chez les bailleurs sociaux ou les CCI ? C’est Bruno Le Maire, qui sait faire, comme il nous l’a montré.

Il existe donc deux manières de lire l’amendement de M. le rapporteur général.

Tout d’abord, il s’agit d’un écho aux propos du ministre, qui constituent, je l’ai dit tout à l’heure, une faute technique et politique. Vous avez tenté, madame la ministre, de la minimiser, et ce n’est pas sur ce point que vous avez été la meilleure dans votre plaidoyer.

Ensuite, cet amendement est peut-être finalement une sorte de soutien apporté à votre ministère. (M. Pierre Ouzoulias ironise.) Votre volontarisme est grand, et il a besoin d’être soutenu. Ce débat au Parlement montre que Bruno Le Maire a eu tort.

Pour ce qui concerne la dotation du CNRS, je ne pense pas qu’elle puisse être réduite de 100 millions d’euros. Votre plaidoyer sur ce point, madame la ministre, était convaincant et m’a convaincu. Il est dommage d’ailleurs que M. le ministre de l’économie et des finances ne l’ait pas entendu, mais il est vrai que nous le voyons très rarement dans cet hémicycle…

Je suis persuadé que M. le rapporteur général ne cherche qu’à vous soutenir. Je suis persuadé qu’il vous a écoutée. Je suis également persuadé que ce moment d’alerte était nécessaire, puisqu’il s’est déroulé dans cet hémicycle, au cœur du Parlement, où il doit se dérouler. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Ros, pour explication de vote.

M. David Ros. Nous sommes donc dans la séquence : « Le choc des amendements, le poids des mots » ! (Sourires.)

Madame la ministre, quand on vous cherche, on vous trouve. Et quand on vous recherche, on vous retrouve, ce dont nous nous félicitons. (Nouveaux sourires.)

Plus sérieusement, je suis quelque peu surpris de la teneur de cet amendement, dans lequel on retrouve sorte les propos tenus par Bercy au sujet des collectivités locales, qui auraient eu trop d’argent et dont il faudrait réduire les dotations. Je connais le combat partagé de l’ensemble des élus sur cette question. Je trouve donc quelque peu étonnant que l’on prenne des dispositions similaires s’agissant du CNRS.

Nous sommes tous attachés au CNRS et au soutien à la recherche. Nous l’avons dit, à nos yeux, la LPR, la loi de programmation de la recherche, ne va pas assez vite. Nous n’allons donc pas la freiner encore plus en adoptant ce genre d’amendements. Cet enfant du général de Gaulle, notamment créé après la Seconde Guerre mondiale, a besoin de moyens.

La meilleure chose à faire est donc soit de retirer cet amendement, soit de voter contre.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Je comprends l’intention de M. le rapporteur général, qui a le souci de l’équilibre budgétaire, d’autant que la dette de notre pays dépasse les 3 000 milliards d’euros.

J’ai également bien entendu les observations qu’il a formulées sur les fonds propres, dont les montants laissent place à une interprétation assez large. Nous en avons eu l’illustration lors de votre audition budgétaire, madame la ministre, puisque vous évoquiez une fourchette comprise entre 600 millions d’euros et un milliard d’euros. Le flou règne donc autour des fonds propres des établissements d’enseignement supérieur et de recherche d’une manière générale.

La clause de revoyure de la LPR sera peut-être l’occasion de faire le point et d’obtenir des clarifications en la matière.

Je connais aussi les difficultés des établissements et organismes de recherche. Vous avez cité les mesures salariales qui sont non compensées et pour lesquelles, pour ma part, j’exige une compensation intégrale le plus tôt possible, c’est-à-dire cette année ou l’année prochaine. Je pense également au coût de l’énergie.

Toutefois, si les dispositions de cet amendement peuvent créer un choc – elles font même naître des vocations gaulliennes du côté gauche de l’hémicycle ! (MM. Pierre Ouzoulias et David Ros sexclament.) –, elles suscitent aussi un questionnement sur les dotations.

De mon point de vue, il n’est pas forcément opportun de voter cet amendement, surtout qu’il s’agit de 100 millions d’euros. M. le rapporteur général nous propose là une sorte de mur pour le CNRS.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je ne le voterai pas, tout en souhaitant une clarification de la position du Gouvernement et de vos deux ministères.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Mes chers collègues, je vois qu’il y a quelques dissensions concernant le positionnement de M. le rapporteur général. On le comprend, car les explications de la commission n’ont pas été d’une extrême limpidité. Certes, sa perspective est celle de la dette de l’État.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Ce n’est pas rien !

M. Daniel Salmon. Bien entendu, mon cher collègue ! Je n’ai pas dit le contraire.

Toutefois, pourquoi ciblez-vous directement le CNRS ? Mme Primas l’a souligné, nous aimons cet organisme. Comme preuve d’amour, on peut faire mieux que de lui prendre 100 millions d’euros !

Mme Sophie Primas. On aurait dû prélever 200 millions d’euros !

M. Daniel Salmon. Cet amendement n’a donc ni clarté ni lisibilité. Nous voterons bien entendu contre : nous avons besoin de la recherche en France et nous devons envoyer des signaux clairs et précis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Mme Laure Darcos. En tant que rapporteure de la loi LPR avec M. Rapin, je rejoins ce que vous avez dit, mes chers collègues : nous attendons tous une clause de revoyure, y compris vous, madame la ministre.

Sur les travées du groupe des Républicains, il y a une vraie contradiction. Souvenez-vous, mes chers collègues, nous avions émis le souhait d’une commission mixte paritaire conclusive sur la LPR, à condition d’abonder les crédits au cours des premières années. C’est ce que nous avons fait ; tel était encore le cas pour les troisième et quatrième années.

L’important, à nos yeux, était de réduire le poids des trois dernières années sur les dix prises en considération. Je m’en souviens, le « mur du CNRS » faisait également partie de la négociation, dans le cadre de la commission mixte paritaire. Mes collègues Les Républicains de la commission de la culture et l’éducation s’en souviennent. Je les remercie d’ailleurs d’émettre, ce qui est rarissime, des avis différents de ceux du rapporteur général.

Si cet amendement était maintenu, notre groupe voterait contre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.

Mme Annick Girardin. Le groupe RDSE est très attaché au soutien à la recherche et à tous ses organismes.

M. Max Brisson. Nous aussi !

Mme Annick Girardin. Il n’y a pas de raison que le CNRS soit particulièrement visé ou doublement ponctionné, même si j’ai bien compris le message politique envoyé.

La LPR devait avoir une clause de revoyure ; nous l’avions tous demandé. Vous vous êtes engagée sur ce point, madame la ministre, et nous aurons un débat dans ce cadre. J’espère que nous aurons alors à notre disposition l’ensemble des chiffres, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Notre groupe ne votera pas cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est un message de Bruno Le Maire ! (Rires.)

M. Martin Lévrier. Non, je n’ai besoin de personne pour passer un message !

Mes chers collègues, je vous invite à faire très attention. Le CNRS est un organisme que tout le monde qualifie, ici, d’excellent. Toutefois, il devient l’otage d’un débat politicien. Or, derrière cet organisme, notre collègue Pierre Ouzoulias l’a dit très clairement, il y a des chercheurs, qui sont des gens absolument remarquables.

C’est à eux que nous envoyons un message. Celui-ci se voudrait à double détente, puisqu’il viserait également à expliquer notre façon de travailler. Je vous le rappelle, mes chers collègues, vous avez augmenté de 1,6 milliard d’euros les dépenses concernant les collectivités. Ainsi, vous augmentez sans aucun état d’âme certains budgets et essayez ensuite de ponctionner 100 millions d’euros au détriment d’organismes qui ont besoin de cet argent…

Je ne comprends pas votre démarche. Je la trouve même assez dangereuse pour le CNRS, que nous devons tous défendre ici. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. David Ros applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je suis à peu près d’accord avec tout ce qui a été dit, même si, madame la ministre, vous avez été un peu accusatrice pendant une minute et demie, sur le thème : « Vous aurez des comptes à rendre aux agents du CNRS, vous êtes contre la recherche… »

Pensez-vous, madame la ministre, que l’on dépose ce type d’amendement comme cela, au débotté, pour faire des économies ?

J’essaie juste d’avoir un temps de vérité. J’ai parlé de votre ministre de tutelle, et vous avez réagi, estimant que le ministre de l’économie et des finances n’était pas votre ministre de tutelle. Certes ! Mais il existe tout de même un ministre des comptes publics, qui s’intéresse aux finances publiques de la France. De deux choses l’une : soit ce ministre ne dit pas la vérité, soit on nous cache quelque chose. Il s’agit simplement, pour moi, de poser le débat.

S’agissant de la recherche, qu’elle soit fondamentale ou appliquée, privée ou publique, nous en avons besoin ! Nous avons envie d’appartenir à une nation qui considère de façon égale tous ses chercheurs, hommes et femmes, quel que soit leur territoire, qu’ils soient étudiants, qu’ils soient dans l’industrie ou derrière des vaches.

Le sujet n’est pas là. Il s’agit des comptes de la France et de la parole d’un ministre. Au regard de la situation de nos finances publiques, nous devons avoir ce temps de vérité, même si cela prend trente minutes. L’idée n’est pas de faire le buzz, mais de continuer à tenir un discours de vérité sur les comptes de la France, quoi qu’il arrive.

Il est bon de parler de l’avenir à propos de la recherche, mais il est aussi important de le faire à propos de la dette que nous laisserons aux générations futures, ainsi qu’aux chercheurs de l’avenir, d’ailleurs. Je n’ai que faire des leçons de morale, de tenue et de maintien. J’essaie juste d’être authentique, sincère et direct.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la ministre, je vais vous laisser régler les comptes – j’allais dire, régler vos comptes ! –, pour éviter un schisme au sein du Gouvernement. Vous l’avez dit très clairement, entre Bruno Le Maire et vous-même, il n’y a ni contact ni discussion, et il vous cache des éléments. Allez donc voir Mme la Première ministre.

Je retire donc mon amendement, pour vous permettre de travailler sereinement et au calme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-24 est retiré.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, du retrait de cet amendement, mais aussi de vos paroles.

S’agissant de votre demande d’éclaircissement, permettez-moi de vous le dire, la position du Gouvernement est très claire. Elle est contenue dans le PLF qui vous a été présenté. Le Gouvernement n’a déposé aucun amendement visant à ponctionner de 100 millions d’euros les crédits du CNRS. Depuis la déclaration de Bruno Le Maire, il a été décidé de ne pas compenser, ce que je vous ai expliqué, et de mobiliser les réserves. Il n’y a pas de contradiction.

Sans doute y a-t-il des informations à vous apporter, et je serai toujours là pour ça. Le PLF est clair, il est porté par la Première ministre et le gouvernement dans son ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)