M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans la nuit de samedi à dimanche, des tirs en rafale se sont fait entendre dans le quartier Stalingrad à Dijon.

Ces tirs d’armes de gros calibre sur un immeuble visaient non pas à intimider, mais à tuer. Les cibles étaient vraisemblablement de jeunes dealers, installés dans l’entrée, bien connue, de cet immeuble.

Les jeunes ont pris la fuite sans être touchés, mais une balle a atteint un homme qui dormait, dans son lit, au premier étage.

Depuis, à Dijon, ce sont les mêmes émotions que celles que nous avons connues à Nîmes, en août dernier, après le décès d’un jeune garçon de 10 ans, ou à Marseille, en septembre, après celui d’une jeune femme de 24 ans.

L’incompréhension, tout d’abord : comment peut-on être tué chez soi par une balle perdue ?

La douleur et la peur, ensuite : celles de ne plus être en sécurité, soi-même et sa famille, jusque dans son domicile.

La colère, enfin : tout le monde connaissait, semble-t-il, ce point de deal, l’usage grandissant des armes et l’insécurité de ce quartier.

Madame la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté et de la ville, face à l’augmentation de 57 % des homicides et tentatives d’homicide entre 2022 et 2023, face à l’ampleur des trafics qui gangrènent nos quartiers, mais aussi nos campagnes, quelles sont vos réponses ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté et de la ville.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Madame la sénatrice Loisier, vous l’avez rappelé, dans la nuit de samedi à dimanche, un père de famille de 55 ans a été tué par balle dans son sommeil, à son domicile. J’ai une pensée sincère pour sa famille. Elle a perdu un proche, victime collatérale d’un règlement de comptes sur fond de trafic de drogue.

Lorsqu’un point de deal est particulièrement visé et harcelé par les services de police et de gendarmerie, comme celui de Dijon, nous le savons, les règlements de comptes et les batailles de territoire redoublent de violence.

L’État ne reculera pas pour éradiquer le trafic de drogue.

Le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, a immédiatement envoyé et déployé la CRS 8 à Dijon. Ces renforts resteront autant de temps que nécessaire. Dans l’agglomération de Dijon, les services de l’État sont totalement mobilisés autour du préfet pour lutter pied à pied contre le trafic de stupéfiants, grâce au déploiement de moyens extrêmement importants. Depuis le début de l’année, dans le département de la Côte-d’Or, 1 252 opérations ont été conduites, 2,4 tonnes de stupéfiants saisies, 368 interpellations opérées.

À l’échelon national, ce sont 14 410 opérations de démantèlement de points de deal qui ont été menées, en hausse de 30 % par rapport à 2022. Face au trafic de drogue qui gangrène nos quartiers, le Gouvernement déploie les moyens d’agir.

Mais il faut aussi être intraitable à l’encontre des consommateurs. Car, sans consommateurs, je l’ai dit plusieurs fois, il n’y a pas de trafic, il n’y a pas de dealers.

Madame la sénatrice, soyez assurée que le ministre de l’intérieur et des outre-mer et l’ensemble du Gouvernement mettent tout en œuvre pour lutter efficacement contre ces fléaux que sont la délinquance et le trafic de stupéfiants. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.

Mme Anne-Catherine Loisier. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Je voudrais profiter de l’occasion pour saluer les initiatives de M. le préfet Robine…

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Excellent préfet !

Mme Anne-Catherine Loisier. … et l’intervention de la CRS 8, venue faire « place nette ».

Un certain nombre de questions se posent encore. Que se passera-t-il après ? Au-delà d’une opération « coup de poing », la population de ces quartiers a besoin d’une présence dans la durée, pour s’assurer qu’elle ne se retrouvera pas seule face à ces bandes violentes.

Quel dispositif le Gouvernement pense-t-il mettre en place en ce sens ?

Les forces de l’ordre, en effet, font un travail remarquable. Mais, nous le savons, les effectifs des brigades spécialisées sont insuffisants dans nos territoires.

Madame la secrétaire d’État, vous avez parlé des consommateurs. Ne serait-il pas temps de relancer des campagnes de sensibilisation, voire de revoir le montant des amendes forfaitaires, pour les rendre plus dissuasives ?

Enfin, nous le savons tous, la réponse pénale n’est pas à la hauteur de ce phénomène. Elle inquiète de plus en plus nos concitoyens, elle décourage les policiers et les gendarmes, elle nourrit le sentiment d’impunité chez les délinquants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

cop 28 et forages pétroliers en france

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Monsieur le président, avant de poser ma question, je tiens à rendre hommage à une infatigable écologiste, la députée européenne Michèle Rivasi, qui a disparu de manière aussi brutale que dramatique ce matin.

Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, demain débute la COP 28 à Dubaï, et c’est peu dire que les engagements climatiques des États sont insuffisants. Nous nous dirigeons vers un réchauffement planétaire de 3 degrés, soit deux fois plus que les engagements pris à Paris en 2015.

« L’effondrement climatique a commencé » estime le secrétaire général des Nations unie, « l’humanité est en train de se suicider. »

Pour les Nations unies comme pour l’Agence internationale de l’énergie ou les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), nous n’avons plus qu’une seule solution dès à présent : engager la sortie des énergies fossiles, en commençant par stopper tout nouveau projet d’exploitation de charbon, de pétrole et de gaz. Ce devrait être la seule boussole du président Macron à Dubaï et, madame la Première ministre, de votre gouvernement en France.

À cet égard, comment allez-vous empêcher le projet d’extraction du gaz de houille en Moselle ?

Pouvez-vous assurer devant le Sénat que vous vous opposerez au projet funeste de huit nouveaux forages de pétrole à La Teste-de-Buch, en Gironde, là même où 7 000 hectares de forêt sont partis en fumée l’année dernière à cause d’incendies gigantesques ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bruno Sido applaudit.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Permettez-moi d’avoir également une pensée pour Michèle Rivasi, qui nous a quittés dans des conditions dramatiques.

Monsieur le sénateur Yannick Jadot, le 30 décembre 2017, c’est sous cette majorité que la France a décidé d’interdire tout nouveau projet d’exploitation d’hydrocarbures sur son sol. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe SER.)

M. Rachid Temal. Et l’accord de Paris ?

M. Christophe Béchu, ministre. Aucun des gouvernements précédents, y compris ceux dans lesquels des écologistes ont occupé des fonctions, n’avait adopté une telle mesure : c’est au premier quinquennat que nous devons la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement.

La France s’est engagée à interdire toute exploitation d’hydrocarbures sur notre sol à l’horizon de 2040. Les forages que vous évoquez à la Teste-de-Buch sont un simple renouvellement de concessions, qui n’est pas interdit par la loi actuelle. Par ailleurs, ce renouvellement a fait l’objet d’une enquête publique entre le 28 août et le 26 septembre 2023, sans d’ailleurs qu’aucun riverain fasse part d’un dysfonctionnement ou d’une nuisance.

La question de la transition énergétique relève du portefeuille d’Agnès Pannier-Runacher, dont je vous prie d’excuser l’absence aujourd’hui, mais je peux vous indiquer que nous ne nous contentons pas de la loi du 30 décembre 2017. Le Gouvernement a adopté une véritable stratégie, car il ne suffit pas d’annoncer que nous sortirons des énergies fossiles : il faut aussi prévoir de quelle manière nous y arriverons.

Pour cela, nous devrons nous appuyer sur deux piliers : d’une part, l’accélération du développement des énergies renouvelables – c’est le sens de la loi du 10 mars 2023 – ; d’autre part, la relance du programme nucléaire.

M. Mickaël Vallet. Ce n’était pas dans le programme du premier quinquennat !

M. Christophe Béchu, ministre. Monsieur le sénateur, personne ne doute de la sincérité de vos convictions, mais votre engagement sur la sortie des hydrocarbures paraîtrait plus légitime si vous cessiez de vous obstiner dans votre refus idéologique du nucléaire.

En effet, une telle posture a non seulement empêché nos voisins, notamment l’Allemagne, de tourner entièrement le dos aux énergies fossiles, mais elle les a également contraints à rouvrir des mines de charbon.

Il faut choisir ! La sortie des hydrocarbures est une stratégie et un investissement, et c’est ce que nous défendons. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour la réplique.

M. Yannick Jadot. Nous avons bien compris : pour sortir des énergies fossiles, continuons à forer et à chercher davantage de pétrole ! Décidément, la France n’est pas à la hauteur du défi climatique. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

L’État français a été condamné deux fois par la justice pour inaction climatique ; il le sera peut-être une troisième fois.

N’oublions pas que la France, c’est aussi nos entreprises. TotalEnergies se place au second rang mondial des énergéticiens qui investiront le plus dans le pétrole et le gaz. BNP Paribas et le Crédit Agricole font partie du top 10 des banques qui financent le plus de bombes climatiques. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il est temps de sanctionner ces entreprises, en taxant leurs superprofits,…

M. Yannick Jadot. … en supprimant toute aide publique, tout crédit d’impôt ou toute exonération de cotisations dont elles bénéficieraient. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. -– Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le ministre, on ne mène pas la bataille du climat en signant des armistices avec les lobbys qui le détruisent. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

mercosur

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Elle concerne l’accord commercial avec le Mercosur.

« Nous n’avons jamais été aussi proches de conclure un accord », peut-être « à deux semaines » : c’est ce qu’a dit ce lundi, à Bruxelles, la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne.

Voilà de quoi faire bondir nos concitoyens, en particulier nos agriculteurs, qui risquent une nouvelle fois d’être les dindons de la farce d’un processus politique qui dessaisit entièrement les parlements nationaux de leurs prérogatives.

Monsieur le ministre, faire entrer près de 100 000 tonnes de bœuf de plus sur le marché européen, c’est exposer notre agriculture à une concurrence déloyale.

Le Président de la République avait pourtant répété au salon de l’agriculture qu’un accord « n’était pas possible » si nos concurrents « ne respectaient pas les mêmes contraintes de production environnementales et sanitaires » que les producteurs européens.

Au Brésil, près de trois fois plus de pesticides sont épandus à l’hectare, sans même parler du risque de déforestation importée ni des poulets élevés aux médicaments.

À la veille de la COP 28, j’en appelle à un minimum de cohérence. Où en sommes-nous dans l’instauration de véritables clauses miroirs et dans le renforcement du contrôle de nos importations ?

La France s’opposera-t-elle à cet accord en l’état ?

Aurons-nous surtout l’insigne honneur, en tant que parlementaires, de nous prononcer un jour sur sa ratification ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Catherine Colonna, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Votre question me donne l’occasion de rappeler que la France défend une politique commerciale équilibrée. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et CREC-K.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Vraiment très équilibrée !

Mme Catherine Colonna, ministre. Équilibrée, parce qu’elle doit être au service de notre souveraineté économique et nous permettre de sécuriser et de diversifier nos chaînes d’approvisionnement, tout en s’inscrivant dans le respect de nos exigences en matière de développement durable.

J’en viens au projet d’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. À cet égard, les exigences de la France sont claires. Nous ne pouvons pas accepter l’accord tel qu’il a été négocié en 2019. Celui-ci doit être complété par des engagements additionnels contraignants – j’y insiste – et ambitieux en matière de développement durable, s’agissant en particulier du respect effectif de l’accord de Paris et de la lutte contre la déforestation.

Nous continuons de défendre cette position auprès de la Commission européenne. Celle-ci travaille avec les États du Mercosur, qui ne sont pas totalement alignés, pour que ces garanties supplémentaires soient intégrées à l’accord. Celles-ci sont indispensables à nos yeux.

Nous devons aussi nous assurer de la réciprocité dans le respect des normes européennes par les producteurs des pays tiers. Nous souhaitons que les propositions européennes soient complétées, lorsque c’est pertinent, dans le plein respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) par des clauses miroirs. Celles-ci garantiront que les efforts consentis par nos agriculteurs européens ne sont pas remis en cause par des importations de produits provenant de pays dont les normes de production ne respectent pas le même niveau d’exigence que les nôtres, ce qui serait tout à fait inacceptable.

Je vous le confirme volontiers, madame la sénatrice : sans le respect des exigences de la France, il ne saurait y avoir d’accord. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est très clair !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la ministre, votre réponse n’est pas si rassurante que cela.

N’ayons pas peur de défendre les intérêts de la France ! Il y a quelques jours, l’Australie a refusé de conclure un accord avec l’Union européenne parce qu’elle considérait, en particulier, qu’elle ne pourrait pas le défendre devant ses éleveurs.

Vous devez faire de même en France, afin que la voix de notre pays compte autant que celle des autres pays. Il y va de notre souveraineté. Si vous ne voulez pas que l’ensemble du peuple et ses représentants se braquent encore plus brutalement contre le libre-échange et contre l’Union européenne à l’avenir, agissez, et défendez les intérêts de la France ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mmes Cécile Cukierman et Silvana Silvani applaudissent également.)

bilan d’étape du comité interministériel des outre-mer

M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Frédéric Buval. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Elle porte sur le bilan d’étape du comité interministériel des outre-mer (Ciom) que préside la Première ministre et qui se veut la traduction opérationnelle de l’engagement du Président de la République en faveur d’un « renouveau pour les outre-mer ».

Le Ciom a formulé soixante-douze propositions concrètes pour lutter contre la vie chère, améliorer le quotidien de nos compatriotes ultramarins et leur offrir des perspectives.

Le ministre délégué chargé des outre-mer a dressé cette semaine un inventaire de l’avancée du Ciom, en présence des acteurs institutionnels de chaque territoire ultramarin. En dépit de quelques malentendus regrettables, nous ne pouvons que saluer la volonté manifeste de coconstruction du Gouvernement.

Pourtant, des inquiétudes demeurent, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, d’abord, il est impératif de rassurer les partenaires sociaux et les organisations professionnelles par la mise en place rapide d’échanges et de concertation avec l’ensemble des acteurs économiques de terrain.

Sur le fond, ensuite, les sujets délicats tels que l’octroi de mer ou la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPNAF) devraient être abordés avec précaution.

Certes, une réforme de simplification est, de l’avis de tous, nécessaire. Mais sa bonne conduite prendra du temps, car il faudra en évaluer les conséquences et écouter les élus locaux pour prendre en compte les spécificités de chaque territoire et bâtir des solutions adaptées et différenciées.

À cet égard, des mesures plus fortes sont attendues à l’horizon de la prochaine étape du Ciom. Vous connaissez mon engagement personnel envers la jeunesse ou l’environnement, notamment sur le sujet des sargasses.

En Martinique, les sargasses représentent un défi quotidien tant pour les élus locaux des zones côtières que pour les acteurs économiques et, surtout, les habitants des rivages souillés : en effet, ceux-ci sont non seulement exposés aux émanations issues de ces algues, mais ils doivent régulièrement remplacer les appareils électroménagers dégradés par leur prolifération.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur l’avenir du Ciom ? Celui-ci nous permettra-t-il de transformer les territoires d’outre-mer afin que leurs habitants puissent se projeter pleinement dans l’avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Jocelyne Guidez et M. Stéphane Demilly applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre chargé des outre-mer.

Votre question me donne cependant l’occasion de réaffirmer, au nom du Gouvernement, notre engagement à travailler en toute transparence et de manière concertée pour améliorer le quotidien des Ultramarins : ce que nous voulons, c’est une coconstruction productive.

Le ministre chargé des outre-mer recevra lundi 4 décembre l’ensemble des acteurs économiques ultramarins pour un point d’étape sur les mesures économiques prévues par le Ciom. Cette séquence de trois heures environ sera l’occasion pour chacun de poser des questions et de soumettre des propositions dans le cadre des réformes à venir, auxquelles les acteurs économiques seront bien évidemment associés.

Par ailleurs, comme le ministre a eu l’occasion de le confirmer la semaine dernière, la réforme annoncée de l’octroi de mer aura pour objet de faire baisser les prix des produits de grande consommation, de garantir les ressources des collectivités et de protéger la production locale. Je le redis devant cette assemblée : aucune réforme n’est écrite d’avance. Elle se fera en concertation avec les élus et le monde économique.

À cet effet, les préfets constitueront dans les prochains jours des groupes de travail dans chaque territoire afin de recueillir des propositions. Le prochain bilan d’étape du Ciom, qui devrait se tenir à la fin du mois de février ou au début du mois de mars 2024, sera ainsi l’occasion de faire un point de situation sur les propositions formulées et de commencer à définir les premières modalités de cette réforme importante.

Enfin, l’avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) est une mesure de protection qui s’applique aux territoires à enjeux, autant dans l’Hexagone que dans les outre-mer. Néanmoins, il est vrai que les territoires ultramarins sont intégralement soumis à l’avis conforme, ce qui peut susciter des interrogations. Nous allons réfléchir avec l’ensemble des parties prenantes pour faire évoluer la doctrine, même si les positions des acteurs sont encore divergentes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

agression à crépol

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.

Hélas, après l’expédition punitive dramatique de Crépol, force est de constater qu’il y a bien deux France qui s’opposent.

D’un côté, une France qui a basculé dans une violence gratuite, une France où l’ivresse de la barbarie est le résultat d’une éducation défaillante et d’un refus d’accepter nos valeurs, une France « hors tout », souvent biberonnée à l’argent public ou vivant parfois de trafics, une France minoritaire certes, mais revendicative et omniprésente.

De l’autre, une France paisible, respectueuse des lois, de l’autorité, une France civilisée qui aime s’amuser, s’instruire, s’engager, apprendre, une France tolérante, généreuse et ouverte d’esprit, qui subit quotidiennement l’autre France.

Face à ce constat aussi désolant que préoccupant, nous méritons mieux que des leçons de morale ou des procès en stigmatisation ou en récupération politique. Les Français n’acceptent plus ce déni qui ne fait qu’accentuer davantage le fossé entre ces deux France.

Vos litanies ne font qu’attiser les rancœurs et le sentiment d’injustice, et favorisent l’inquiétante envie de se faire justice.

M. Jérôme Durain. C’est donc normal ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Face à face, nous y sommes !

Quand le Gouvernement écoutera-t-il enfin ceux qui n’ont qu’une seule volonté : l’unité de notre pays et la paix civile ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. (M. Jacques Grosperrin sexclame.)

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Eustache-Brinio, quand on prône l’unité de la France, on ne peut pas dire qu’il y aurait deux France qui s’opposeraient l’une à l’autre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Il y a, madame la sénatrice, une France : celle des villes, celle des champs, celle des cités, celle des cœurs de ville – une seule France, unie. Et dans cette France, il y a des délinquants. Or ces délinquants, nous devons les traquer, les sanctionner, les punir et protéger la population contre les actes délictueux qu’ils peuvent commettre.

À Crépol, où je me suis rendu, ce sont des délinquants qui ont attaqué gravement et tué le jeune Thomas. Ils ont aussi blessé des habitants de cette commune et des alentours, venus se rassembler pour faire ce que l’on fait de mieux en France : s’unir dans la fête et dans la joie.

Je l’ai dit lors de mon déplacement à Crépol : c’était non pas une rixe, mais une attaque. Un meurtre a été commis. Le motif de meurtre en bande organisée a été retenu par le procureur, de sorte que le suspect présumé de l’assassinat du jeune Thomas est passible de la prison à perpétuité.

Je l’ai réaffirmé à Crépol : l’État de droit est fort, il est ferme, et il est le même pour tout le monde. Aucun facteur potentiellement aggravant ne sera éludé ; rien ne sera caché.

Je salue l’action déterminée des forces de police, notamment de la gendarmerie. Une mobilisation de 150 hommes a permis en moins de trois jours – ce qui est rarissime – d’interpeller neuf prévenus dont sept avaient prévu de prendre la fuite en Espagne.

Madame la sénatrice, personne ne nie qu’une grande partie de nos compatriotes, qu’ils soient issus de la France des villes ou de la France des champs, ont peur face à ces possibles déferlements de violence. Mais parmi ceux-ci, certains vivent cette violence au quotidien : ce sont les habitants des quartiers dont sont souvent issus les délinquants. C’est donc aussi vers eux que nous devons tourner nos pensées, et c’est pour eux, aussi, qu’il faut rétablir la paix républicaine et la concorde. Ils font partie de cette France unie, indivisible, à laquelle je vous sais attachée autant que nous, et que nous protégeons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Fabien Genet. Que nous protégeons mal !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. L’omerta engendre la colère et je crains que nous n’ayons pas la même notion de la lucidité !

Les morts de Samuel Paty, de Dominique Bernard, de Lola, d’Enzo et de Thomas sont des faits de société. C’est une réalité.

L’impunité, le « en même temps » et votre aveuglement vous ont conduits à ignorer une France qui aspire clairement à l’autorité, à la fermeté et au respect !

Diriger, gouverner, c’est avoir du courage, de la cohérence. C’est ne pas céder aux minorités, c’est accepter d’écouter enfin cette majorité silencieuse qui n’en peut plus et qui ne veut plus subir ces violences !

Essentialiser les citoyens de ce pays, comme l’a fait le garde des sceaux hier, est inacceptable.

Réveillez-vous, tant qu’il en est encore temps ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

infanticide d’alfortville

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)