Mme la présidente. L’amendement n° 162 rectifié ter, présenté par Mme Tetuanui, MM. Kern et Canévet et Mmes Jacquemet, O. Richard, Vérien, Billon et Vermeillet, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le I ter des articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Par dérogation aux I et I bis, ne sont pas redevables de la contribution les personnes qui relèvent, en matière d’assurance maladie, de la caisse de prévoyance sociale de Polynésie française. »

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Lana Tetuanui.

Mme Lana Tetuanui. Dans la continuité des propos tenus par mes collègues, je défendrai la cause des Français résidant en Polynésie française : ce n’est pas à l’étranger, c’est la France, mais avec un statut particulier !

Mon amendement vise tout simplement à corriger une injustice que subit une catégorie de contribuables résidents fiscaux en Polynésie française, dont les revenus proviennent d’organismes issus de l’État.

Ceux-ci sont affiliés à un régime obligatoire de protection sociale, la caisse de prévoyance sociale (CPS) – organisme local en Polynésie française -, selon leur statut professionnel, et leur domicile fiscal n’est pas en France ; pourtant, ils ne sont pas exonérés de CSG-CRDS et sont ainsi soumis à une double imposition pour tous leurs revenus de source française, la retenue à la source ne tenant pas compte de l’existence d’un impôt local, la contribution sociale de solidarité, et de la ponction de l’organisme local de protection sociale, la CPS.

Je demande simplement que les Français de Polynésie française puissent bénéficier du même traitement que celui dont profitent certains Français établis hors de France depuis l’adoption de l’amendement de Christophe-André Frassa l’an dernier.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Permettez-moi de vous remercier, mes chers collègues, pour l’ensemble de ces amendements, dont le dispositif est repris et défendu chaque année ici même, au Sénat, mais aussi à l’Assemblée nationale.

Au bout du bout, je sais bien que je ne parviendrai pas, malgré mes explications, à vous faire changer d’avis. L’année dernière, vous aviez ainsi voté majoritairement en faveur de ces amendements analogues. Pour autant, il me revient de tenter de vous expliquer les raisons – bien connues – pour lesquelles la commission est défavorable à vos amendements.

Je comprends tout à fait le sentiment d’injustice dont vous venez de faire part, mes chers collègues, que ce soit celui que ressentent les Français établis hors de France ou les Polynésiens.

Toutefois, je rappellerai que cette différence de traitement n’est évidemment pas intentionnelle de la part des pouvoirs publics.

Depuis un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de 2015, la France doit appliquer une telle exonération aux Français résidant au sein de l’Union européenne. Pourquoi, dans ces conditions, n’a-t-on pas décidé d’exonérer également les Français vivant hors de l’Union européenne ?

En voici les trois raisons principales.

Premièrement, la CSG et la CRDS sont non pas des cotisations, qui créent des droits, mais des impôts, qui ne créent pas de droits quant à eux. Si l’on se met à exonérer de la CSG et de la CRDS les Français vivant hors de l’Union européenne, où s’arrêter ? Pourquoi ne pas les exonérer aussi, par exemple, d’impôt sur le revenu ? Après tout, ils utilisent moins les routes ou les écoles situées dans l’Hexagone…

M. Christophe-André Frassa. Cela n’a rien à voir !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il est peu probable que je parvienne à convaincre l’ensemble de l’hémicycle avec ce premier argument… (Sourires.)

Je vais donc vous exposer la deuxième raison, probablement la plus solide, qui m’incite à rejeter vos amendements : il n’est pas du tout évident qu’il soit juridiquement possible d’exonérer les Français sans exonérer également les étrangers.

Par exemple, vous suggérez de subordonner cette exonération à l’assujettissement à un régime français obligatoire d’assurance maladie ; or le lien entre ce critère et l’exonération de CSG ou de CRDS est loin d’être évident. C’est pourquoi il est douteux qu’un tel dispositif subsiste dans le cas où le juge constitutionnel en était saisi.

Comment faire entendre de surcroît à nos compatriotes que tel ou tel étranger fortuné, voire très fortuné, est exonéré de CSG et de CRDS sur ses investissements en France ?

Troisième raison que j’avais déjà évoquée l’année dernière – cet argument n’avait pas rencontré le succès escompté et je n’avais donc pas emporté la mise (Sourires.) - : le coût de cette mesure est estimé à environ 300 millions d’euros, si ce n’est davantage ; or, comme vous connaissez le contexte financier actuel et la dramatique situation des finances sociales.

À l’heure où le Sénat essaie difficilement de faire entendre un message de rigueur financière, il ne serait donc pas responsable de notre part de décrédibiliser cette position par ce qui serait perçu comme un cadeau fiscal fait à certains de nos compatriotes qui, même s’ils ne sont pas tous très aisés, le sont tout de même suffisamment pour tirer des revenus de leur patrimoine en France, et qui seront nécessairement perçus comme étant aisés par l’opinion publique.

Je comprends que, l’an dernier, le Sénat ait pu adopter de justesse un amendement proche de ceux que vous venez de défendre – ce qui pourrait de nouveau se produire dans quelques instants –, mais, depuis lors, la situation des comptes sociaux s’est considérablement dégradée. Je reste donc défavorable à de tels amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je souscris en tout point à l’argumentaire de Mme la rapporteure générale.

Je voudrais du reste insister sur le dernier point qui a été invoqué.

Vous étiez très nombreux dans cet hémicycle lors de la discussion générale à exprimer votre inquiétude quant à la situation financière de la sécurité sociale. Il y a encore quelques instants, je rappelais la nécessité de nous préoccuper de la situation des finances publiques, et des finances sociales en particulier.

Chacun de ces amendements représente une dépense ou, du moins, une moindre recette d’au moins 250 millions d’euros. Ils s’inscrivent tous dans un cadre très délimité, qui résulte notamment d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.

Nous ne souhaitons pas aller plus loin, afin de préserver les recettes affectées à la sécurité sociale, et c’est pourquoi nous y sommes défavorables.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne sais pas si vous avez vu le film Le jour de la marmotte, ce film sorti en salles il y a quelques années dans lequel le héros se réveillait tous les matins pour revivre la même journée qu’il essayait bien évidemment d’améliorer au fil du temps… (Sourires.)

C’est ce même espoir, me semble-t-il, qui nous pousse chaque année, depuis quatre ans maintenant, à venir devant vous pour tenter de vous convaincre de cette profonde iniquité.

Ce n’est pas un simple ressenti, madame la rapporteure générale : nous déplorons une profonde iniquité fiscale entre les Français résidant dans l’Union européenne, dans l’Espace économique européen ou en Suisse, qui sont exonérés de CSG-CRDS, et les Français résidant dans les pays tiers, qui y sont assujettis.

Vous avez eu raison de rappeler que les prélèvements sociaux étaient des impôts, mais cela signifie aussi que les Français résidant en dehors de l’Europe sont soumis à une double imposition.

Chaque année, nous réclamons sans relâche le rétablissement d’une stricte égalité entre tous les non-résidents, sans distinction géographique, pour combler les effets du régime habilement mis en place par le ministère des finances en 2019 pour se conformer à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne condamnant la France.

Cet amendement n’a ni plus ni moins pour objet que de mettre fin à une discrimination injustifiée et contraire au principe constitutionnel d’égalité de tous les contribuables devant la loi.

Nos compatriotes établis à l’étranger sont des contribuables et des citoyens de la République à part entière – cette expression doit vous être assez familière, mes chers collègues. Ils s’acquittent des mêmes obligations, d’autant que nombre d’entre eux cotisent à des régimes de sécurité sociale obligatoires dans leur pays de résidence ou à la Caisse des Français de l’étranger. Ils devraient donc jouir des mêmes droits.

Vous comprendrez qu’il y a un consensus sur ce sujet par-delà les clivages politiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.

M. Christophe-André Frassa. Monsieur le ministre, ne voyez surtout rien de personnel dans mon propos.

Sachez qu’en 2012 – je suis sénateur depuis 2008 – j’ai assisté à la mise en place de cet assujettissement à la CSG et à la CRDS des revenus du patrimoine des non-résidents. En réalité, ce ne sont pas les ministres qui sont en cause : d’une certaine manière, ils sont sous l’influence de leur administration, à qui je reconnais ce talent merveilleux d’être capable de convaincre du bien-fondé de cette mesure.

Contrairement au héros du Guépard de Lampedusa, Bercy sait bien qu’il faut que « rien ne change pour que rien ne change ». (Sourires.)

Contrairement à ce que vous avancez – Mme la rapporteure générale et vous-même le savez –, cette mesure est contraire à l’esprit de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 26 février 2015, qui dispose que les prélèvements sociaux sont des cotisations et non des impôts. Il n’y a que notre pays qui considère qu’il s’agit d’impôts ! C’est son droit le plus strict, mais ce n’est pas l’avis de l’Union européenne.

S’agissant du caractère discriminatoire de cette situation, il s’agit d’un fait et aucunement d’un ressenti. Notre cause a été plaidée à deux reprises, et les plaignants ont gagné à chaque fois devant les juridictions européennes.

Quant à votre dernier argument, madame la rapporteure générale, soyons sérieux un instant : vous êtes en train de nous expliquer que les Français établis à l’étranger sont là pour renflouer un système, c’est-à-dire l’assurance maladie, auquel ils ne pourront jamais prétendre, sauf s’ils décidaient un jour de revenir en France, ce qui est pour la plupart d’entre eux assez peu probable, si l’on en juge par les chiffres qui démontrent que de plus en plus de Français partent pour l’étranger.

Revenons à l’essentiel et faisons cesser cette discrimination.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour explication de vote.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Je constate malheureusement, monsieur le ministre, que l’on sacrifie les Français de l’étranger sur l’autel des recettes fiscales.

Ne pourrions-nous pas nous réunir tous ensemble, afin d’envisager la mise en place d’un dispositif qui pourrait convenir aussi bien à Bercy qu’aux Français établis hors de France ?

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour explication de vote.

M. Ronan Le Gleut. Monsieur le ministre, la Cour de justice de l’Union européenne a reconnu qu’un Français résidant dans un pays membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen était soumis à double imposition si ses revenus du patrimoine étaient assujettis à la CSG et à la CRDS en France.

L’Union européenne a tranché et a obligé la France à changer de législation, de telle sorte qu’un Français résidant à Stockholm ou Madrid n’ait plus à subir cette double imposition. La France s’est mise à contrecœur en conformité avec la jurisprudence européenne, mais elle ne l’a fait que dans le cadre limité des pays de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et de la Suisse.

Aujourd’hui, comprenez bien qu’un Français établi à N’Djamena ou à Buenos Aires est victime d’une iniquité fiscale insupportable. Il ne bénéficie pas du même traitement que les autres Français établis hors de France, ceux qui vivent au sein de l’Union européenne ou de l’EEE.

À l’évidence, un certain nombre de Français établis hors de France sont aujourd’hui soumis à une double imposition que l’Union européenne avait pourtant jugée totalement injuste et inacceptable pour ceux de nos compatriotes résidant en Europe.

Vous aurez beau tourner le problème dans tous les sens, rien n’y fera. Si tous ces amendements font l’objet d’un tel consensus au sein de cet hémicycle, année après année, ce n’est pas le fruit du hasard.

À un moment donné, il faut savoir se poser les bonnes questions : il se peut que les parlementaires et l’Union européenne aient raison, ce qui signifie qu’il vous faudra vous remettre en cause et assumer de revoir votre copie !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1050 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 10 - Amendements n° 1050 rectifié bis, n° 1051 rectifié bis, n° 1205 rectifié, n° 1031 rectifié bis, n° 1052 rectifié bis et n° 162 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024
Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 550 rectifié

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10, et les amendements nos 1051 rectifié bis, 1205 rectifié, 1031 rectifié bis, 1052 rectifié bis et 162 rectifié ter n’ont plus d’objet.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 890 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 2° du I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 19,2 % ».

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à relever le taux de CSG sur les produits du patrimoine et les produits de placement. C’est une constante de notre action depuis le début de nos débats : nous cherchons de nouvelles recettes pour renforcer la protection sociale.

Nous savons que les entreprises du CAC 40 ont enregistré des profits considérables en 2023, alors qu’à l’inverse, selon l’Insee, la consommation des Français a chuté de plus de 11 %.

Phénomène plus inquiétant encore, si les profits croissent de manière aussi considérable, c’est en grande partie à cause de l’augmentation des prix qu’un certain nombre de grandes firmes imposent à nos concitoyens.

Dans cette perspective assumée d’aller chercher l’argent là où il se trouve, nous vous proposons cette solution, au même titre qu’un certain nombre de nos collègues défendront dans quelques instants des amendements allant dans le même sens.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 722 rectifié bis est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L’amendement n° 891 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 2° du I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 12 % ».

La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 722 rectifié bis.

Mme Anne Souyris. Cet amendement a pour objet d’augmenter de 2,8 points le taux de CSG applicable aux revenus du capital.

Nous avons à l’évidence besoin de recettes supplémentaires ; la bonne nouvelle est qu’il existe des solutions.

Si cet amendement était adopté, il permettrait de rapporter 3 milliards d’euros supplémentaires aux caisses de sécurité sociale, la moitié des économies nettes prévues dans le cadre de la réforme des retraites à l’horizon 2030 pour la branche vieillesse, le tiers du déficit de la sécurité sociale prévu pour 2023, et trois fois plus que ce que coûte l’aide médicale de l’État (AME) !

Bien sûr, pour garantir notre modèle social, nous devons taxer les revenus du capital, du patrimoine, les produits de placement à la hauteur de la taxation du travail.

Or les revenus du capital, qui progressent à un rythme plus rapide, ne contribuent pas de manière proportionnelle à la solidarité nationale. Ainsi, en 2018, on a augmenté d’un point le taux de CSG applicable aux revenus du capital, quand on a fait croître de 1,7 point le taux de CSG applicable aux revenus d’activité.

Il est temps d’aller plus loin pour assurer une juste contribution à nos services publics et à notre système de sécurité sociale. Faisons nôtre la maxime « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins », et mettons à contribution ceux et celles qui le peuvent : ils le demandent !

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l’amendement n° 891 rectifié.

Mme Silvana Silvani. Force est de constater que, malgré la promesse du Président de la République, Emmanuel Macron, de lutter contre la rente, le travail reste davantage taxé que le capital en France.

Ainsi, un contribuable gagnant 1 million d’euros de salaire est taxé à plus de 54 %, tandis qu’un actionnaire percevant 1 million d’euros de dividendes l’est à hauteur de 30 %.

Cet amendement de bon sens vise à aligner le taux de CSG applicable aux revenus du capital sur celui des revenus d’activité.

En 2018, le Gouvernement a relevé de 1,7 point le taux de CSG sur les revenus d’activité et de remplacement, sur les salaires et les pensions de retraite, tandis que le taux de CSG sur les revenus du capital progressait de seulement 1 point.

En 2023, les entreprises du CAC 40 ont battu tous les records en versant des dividendes dont le montant a atteint plus de 80 milliards d’euros.

L’adoption de cet amendement rapporterait 3 milliards d’euros supplémentaires aux caisses de sécurité sociale. Il permettrait de revaloriser l’ensemble des prestations sociales au rythme de l’inflation.

Mme la présidente. L’amendement n° 1201 rectifié, présenté par MM. Ouizille et Jomier, Mmes Poumirol, Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche, Chantrel et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 2° du I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 10,6 % ».

La parole est à M. Alexandre Ouizille.

M. Alexandre Ouizille. Le présent amendement, comme les précédents, vise à augmenter le taux de la contribution sociale généralisée sur les revenus du capital de 1,4 point. En effet, comme l’ont souligné mes collègues, le patrimoine est moins mis à contribution que le travail.

Monsieur le ministre, vous parliez de courage politique au sujet de la réforme de l’assurance chômage, courage qui consiste, en réalité, à prélever de l’argent sur les revenus de personnes ne disposant ni de pouvoir économique, ni de pouvoir social, ni d’un quelconque pouvoir symbolique.

Nous vous proposons de faire preuve d’un réel courage, en prélevant ce surplus de CSG sur les revenus du capital.

Je citerai quelques chiffres importants : l’année dernière, 62 % des dividendes ont été perçus par 0,1 % des Français. Cette mesure permettrait donc, à la fois, de rapporter de l’argent – entre 1,5 milliard et 3 milliards d’euros selon le taux choisi, comme mes collègues l’ont indiqué –, tout en ne touchant que très peu de gens, et d’assurer un financement pérenne de la sécurité sociale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ces quatre amendements, comme les précédents, sont les premiers d’une série d’amendements qui visent à trouver de nouvelles recettes. Aussi mon discours sera-t-il le même sur l’ensemble de ces propositions, et je vous prie de m’excuser de la rapidité avec laquelle je vous répondrai.

Vous vous interrogez sur le niveau des cotisations, des contributions et des impôts qui sont prélevés en France. Bien sûr, ils assurent le financement de notre protection sociale et d’un certain nombre de prestations sociales. Néanmoins, le niveau des prélèvements en France est très élevé, puisqu’il se situe à plus de 45 % du produit intérieur brut.

N’est-ce pas un niveau suffisant ? Que les prélèvements soient injustement répartis, nous pouvons en discuter, mais leur niveau global est tout de même très haut.

Notre protection sociale est très forte, mais aujourd’hui, nous n’arrivons plus à tenir l’ensemble. Nous ne disposons pas des recettes suffisantes pour couvrir les dépenses, qui sont dynamiques – il faut le dire.

Aussi, ne devrions-nous pas plutôt nous interroger sur nos dépenses ?

D’ailleurs, monsieur le ministre, nous n’avons pas eu l’occasion d’évoquer la revue des dépenses, que vous annoncez, qui permettra de réaliser 6 milliards d’euros d’économies : nous aimerions savoir à quel niveau celles-ci seront faites.

Il s’agit véritablement d’interroger la qualité, l’efficience et la performance des dépenses. Augmenter les contributions ne me semble finalement pas nécessaire.

Au travers de ces amendements, vous proposez de passer de 15 milliards d’euros de CSG à 30 milliards d’euros.

Certes, cela ferait du bien à la sécurité sociale – nous n’en doutons pas –, mais la réalité est que nous devons d’abord interroger nos dépenses.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En effet, toutes les contributions imposées aux Français, quels que soient leur niveau ou leur assiette, connaissent déjà une dynamique, comme les allégements, puisqu’il existe aussi de moindres recettes.

Interrogeons d’abord la performance des dépenses avant d’augmenter encore les recettes à tous les niveaux.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Les auteurs de ces différents amendements, dans des proportions différentes, nous proposent un choc fiscal compris entre 3 et 15 milliards d’euros.

Toutefois, augmenter un taux d’impôt ne garantit pas d’accroître les recettes. Par exemple, a contrario, depuis que nous en avons baissé le taux, nous n’avons jamais autant collecté d’impôt sur les sociétés.

Cela peut vous paraître étrange, mais en réduisant le taux de l’impôt sur les sociétés, vous encouragez la création d’activité et d’emploi, ainsi que le développement des entreprises.

Méfions-nous du réflexe qui consisterait à dire : « Vous allez voir ce que vous allez voir, je vais ramener 15 milliards d’euros à la sécurité sociale en augmentant le taux de la CSG. » Cela ne marche pas comme cela. L’exemple de l’impôt sur les sociétés doit nous conduire à réfléchir, puisque – vous le voyez bien –, il n’existe pas de lien direct entre l’augmentation du taux d’imposition et celle des recettes.

J’avancerai un second contre-exemple, celui du prélèvement forfaitaire unique.

Lorsque les dividendes ont été soumis au barème de l’impôt sur le revenu, une baisse des dividendes distribués a été constatée, mais à la suite de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, des dividendes sont réapparus. Alors que, facialement, la fiscalité sur le capital avait baissé, nous avons perçu plus de recettes.

Par conséquent, de tels chocs fiscaux ne garantiraient pas, in fine, le surplus de recettes escompté.

D’autre part, madame Silvani, vous indiquez que l’augmentation du taux de la CSG, telle que vous le proposez, doit permettre de revaloriser l’ensemble des prestations sociales au niveau de l’inflation. Je vous rassure : c’est déjà prévu. Il n’est donc pas nécessaire d’augmenter la fiscalité.

D’ailleurs, au-delà des prestations, le projet du Gouvernement est d’indexer les pensions de retraite sur l’inflation, ce qui représente un effort de 14 milliards d’euros.

Mme Audrey Linkenheld. L’indexation des dotations aussi ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Enfin, pour répondre à Mme la rapporteure générale – qui nous a tendu la main – sur les économies et la revue des dépenses, je puis lui indiquer que 12 milliards d’euros d’économies sont à trouver pour 2025 : 6 milliards sur le budget de l’État et 6 milliards d’euros dans la sphère sociale. C’est un objectif très ambitieux auquel nous œuvrons d’ores et déjà.

Je serais très heureux de travailler avec le Sénat, sur vos propositions, afin de nous aider à ralentir la croissance de la dépense, car c’est de cela qu’il s’agit.

Mme Émilienne Poumirol. Il faut davantage de prévention !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je suis donc à la disposition de Mme la rapporteure générale et de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs intéressés par cette réflexion.

Comme Mme la rapporteure générale, je suis convaincu que nous garantirons le financement à long terme de notre modèle social grâce à la maîtrise de la dépense.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces quatre amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Je veux dire à Mme la rapporteure générale que j’ignore quel est le bon niveau de dépenses. En revanche, je sais que la dépense publique se répartit entre trois grands domaines : les services publics, les transferts vers les ménages et les transferts vers les entreprises.

Or, depuis quelques années, les transferts vers les entreprises sont massifs. C’est la politique de votre gouvernement et vous la revendiquez, monsieur le ministre.

Celle-ci a pour résultat le sous-financement des services publics, qui sont en grande difficulté. Aussi, nous tous ici, élus que nous sommes, réclamons des financements pour le transport ferroviaire ou pour les services publics départementaux.

Mais, pour financer les transferts massifs vers les entreprises, l’argent doit être pris sur les revenus des ménages ; c’est ce que vous faites au travers de vos réformes successives. (Mme Émilienne Poumirol renchérit. M. le ministre délégué manifeste son désaccord.)

Bien sûr ! La réforme des retraites n’avait pas d’autre objectif que de prendre un peu d’argent aux ménages afin de maintenir des transferts massifs vers les entreprises !

Au travers de ces amendements, notamment celui de M. Ouizille, qui propose une hausse très modérée de la CSG, nous disons que la question des recettes doit être posée.

En effet, il ne suffit pas ensuite d’indiquer que les ménages sont soumis à tel taux de prélèvement. Cela dépend du niveau économique de chacun et ceux qui sont les plus favorisés sont soumis à des taux de prélèvement bien trop bas. Une marge significative existe.

Seulement, vous faites un refus d’obstacle total s’agissant de la question des recettes, là encore pour des raisons à 100 % idéologiques ! Vous ne voulez pas prélever quoi que ce soit.

Et quelle bataille a-t-il fallu mener depuis deux ans pour commencer à envisager d’étudier tant soit peu les exonérations qui ne servent à rien !

Voilà où vous en êtes ! Ne nous accusez pas de matraquage fiscal ; c’est vous qui orientez mal la dépense publique. (M. Alexandre Ouizille applaudit.)