Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous le disons aujourd’hui solennellement à la majorité sénatoriale : ne vous laissez pas dériver vers une droite extrême, qui ne se satisfera jamais de vos propositions.

Au groupe centriste, nous disons : ne vous laissez pas emporter par cette dérive orthogonale (Vives protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) à votre conception de la société, ne passez pas du compromis à la compromission. (Vives protestations sur les travées du groupe UC.) Il est encore temps de mettre un terme à cette dérive.

M. Loïc Hervé. Nous sommes assez grands pour savoir ce que nous devons faire !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le groupe socialiste, pour sa part, prend ses responsabilités et s’oppose avec force à une vision étroite de la France, selon laquelle notre pays serait menacé par chaque étranger. Cette vision n’est pas la nôtre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDSE. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe SER et plusieurs sénateurs du groupe GEST se lèvent. – M. Ahmed Laouedj et Mme Guylène Pantel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Bravo ! et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’exprime non pas au nom de la commission des lois, mais au nom du groupe Les Républicains.

Au moment où nous abordons le vote de l’ensemble de ce texte, il nous faut laisser de côté les injures et les caricatures et regarder la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. Éric Kerrouche proteste.)

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. François-Noël Buffet. C’est, je le crois, la seule base de travail qui vaille ! Les idées, les visions, les conceptions finissent toujours par se heurter à la réalité des faits.

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. François-Noël Buffet. Or le Sénat a depuis longtemps largement documenté ces questions et ses analyses ne sont jamais contestées. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Le contexte, vous le connaissez, c’est une pression migratoire sans précédent, régulière – 316 000 premiers titres de séjour ont été délivrés en 2022 – comme irrégulière – on compte 400 000 bénéficiaires de l’AME, mais le ministre lui-même estime que plus de 900 000 personnes sont en situation irrégulière sur le territoire national – et une grande incapacité des pouvoirs publics à réagir face à cette intensification des flux.

La conséquence – regardons-la en face, comme le font les Français – est que le processus d’intégration est grippé, pour ne pas dire qu’il ne fonctionne pas. Nous devons nous en désoler.

Les taux d’éloignement ne sont pas bons, chacun le sait. Les chiffres sont connus : le taux d’exécution des OQTF n’est que de 7 %, ce qui est évidemment largement insuffisant. Nous avons eu l’occasion de nous exprimer sur les raisons de ce phénomène.

La chaîne de l’asile est au bord de l’implosion. On estime que le nombre de demandes d’asile s’élèvera à 160 000 l’année prochaine. Le délai moyen de traitement des dossiers est de onze mois, très supérieur à l’objectif de six mois.

Quelles sont les causes de cette situation ?

Pour la majorité sénatoriale et le groupe que je représente à cette tribune, cette situation résulte d’abord d’une absence de vision de notre politique migratoire. Tant que la France n’aura pas déterminé la politique qu’elle souhaite avoir en la matière, elle ne connaîtra que des échecs.

M. François-Noël Buffet. Nous avons souhaité définir précisément notre politique migratoire dans le texte, de manière que tout soit parfaitement clair pour tout le monde et que les mesures qui en découlent soient cohérentes.

Le projet de loi comportait, dans la version que nous a transmise le Gouvernement voilà maintenant plusieurs mois, 27 articles. À l’issue de notre examen, il en comptera plus de 90. On peut donc considérer que le Sénat a beaucoup travaillé. Il a largement modifié ce texte pour définir, conformément à nos objectifs, une stratégie claire.

Le texte a été examiné en commission, évidemment. Nos rapporteurs ont effectué un travail approfondi et fixé six objectifs.

Le premier est de maîtriser les voies d’accès au séjour et de lutter contre l’immigration irrégulière.

Le deuxième est de muscler la politique d’intégration, c’est-à-dire de l’améliorer afin de permettre une intégration des étrangers sur le territoire national. L’objectif est non pas de bloquer les étrangers, mais de décider simplement que, dès lors qu’ils sont entrés sur le territoire national et qu’ils bénéficient d’un titre de séjour, ils doivent être rapidement intégrés à la vie commune dans les meilleures conditions possible ; il ne s’agit pas d’autre chose ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

Les autres objectifs sont les suivants : autoriser l’éloignement des étrangers qui ne respectent pas nos lois et nos valeurs, nouveauté essentielle qui s’inscrit dans la continuité de la loi confortant le respect des principes de la République ; agir pour la mise en œuvre effective des décisions d’éloignement, évidemment ; mieux encadrer la réforme de l’asile, parce qu’il faut impérativement retrouver de l’efficacité dans ce domaine ; et enfin – personne n’en parle et pourtant c’est crucial –, perfectionner la réforme du contentieux, en portant à trois le nombre de procédures finalement applicables, afin de soulager nos magistrats administratifs en facilitant leur travail.

Le texte est parvenu ensuite au stade de l’examen en séance publique. Des débats importants ont eu lieu de nouveau sur la maîtrise des voies d’accès au séjour et à la nationalité, débats auxquels notre groupe a largement participé afin de muscler le dispositif, mais je n’entrerai pas dans le détail.

Nous avons débattu aussi de la lutte contre l’immigration irrégulière. À ce propos, puisqu’il a été question plus tôt de l’AME et que notre collègue nous a reproché non seulement de ne pas vouloir soigner les gens, mais aussi de supprimer les allocations familiales, je précise – c’est important – qu’il s’agit des prestations familiales non contributives.

M. François-Noël Buffet. Nous avons aussi discuté de la politique d’intégration et du fameux article 3.

Vous nous reprochez haut et fort d’être contre l’intégration par le travail. C’est faux ! Nous voulons simplement que la régularisation des sans-papiers travaillant dans les métiers en tension réponde à des règles. Nous refusons qu’elle soit massive et automatique, comme le prévoyait l’article 3 ; son adoption aurait constitué un appel d’air considérable. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Nous avons donc modifié le dispositif initial et confié la décision de régularisation au préfet, dans le cadre de la procédure d’admission exceptionnelle au séjour. Je pense que nous avons bien fait.

Il faut que ceux qui suivent nos travaux sachent que les étrangers qui ont un contrat de travail dans des métiers en tension pourront être régularisés sur le territoire national par le préfet, à la condition qu’ils en fassent, naturellement, la demande au titre de la procédure d’admission exceptionnelle au séjour et que la réalité de leur travail soit contrôlée. Voilà, en réalité, ce que nous avons voulu faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

Nous avons également travaillé sur la mise en œuvre des décisions d’éloignement. Le sujet est difficile et compliqué, nous le savons, mais la mesure d’éloignement doit être ferme.

Si je devais résumer en quelques mots ce qu’ont voulu faire nos rapporteurs et la majorité sénatoriale, en particulier le groupe auquel j’appartiens, je dirais que nous avons fait en sorte que l’immigration régulière soit choisie, que l’État fasse des choix et les affirme clairement. Nous souhaitons une immigration économique qualitative.

Mme Laurence Rossignol. Piquer les médecins des pays pauvres, c’est tout ce qui vous intéresse…

M. François-Noël Buffet. Nous n’avons pas inventé cette notion tout seuls naturellement, peut-être que nous n’en serions d’ailleurs pas capables, je n’en sais rien… Nous nous fondons sur le rapport de l’OCDE, comme je l’ai déjà dit à cette tribune il y a plusieurs semaines.

Nous voulons une intégration de qualité, grâce à un renforcement des moyens d’apprentissage du français pour élever le niveau de langue et au respect des valeurs de la République. Nous devons évidemment nous donner les moyens d’y parvenir. N’instaurons pas une intégration au rabais !

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. François-Noël Buffet. À cet égard, nous prônons la tolérance zéro face à l’immigration irrégulière. Il faut savoir dire non à tous ceux qui sont en situation irrégulière sur le territoire national, qui y sont arrivés via des réseaux ou d’autres moyens illégaux et qui essaient de s’y maintenir à tout prix. Que les choses soient claires !

C’est aussi une mesure de justice à l’égard de ceux qui respectent les procédures, qui sont venus en France de manière régulière et qui s’y intègrent complètement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP. – Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.) Ces dispositions faciliteront leur intégration dans notre société.

Enfin, il est nécessaire de protéger la procédure d’asile. Il faut bien évidemment appliquer la convention de Genève, accorder le statut de réfugié à tous ceux qui en ont besoin et à qui cette protection est nécessaire.

M. le président. Il faut conclure !

M. François-Noël Buffet. Il faut bien évidemment lutter contre les réseaux de voyous qui profitent de cette procédure et provoquent une embolie du système…

Puisque l’on m’impose de terminer, j’indique que mon groupe votera ce texte. (Bravo ! et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains se lèvent.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues…

Mme Laurence Rossignol. Après la copie, voici l’original !

M. Christopher Szczurek. Calmez-vous, madame Rossignol !

« Un acte manqué » : je ne saurais mieux résumer que par ces mots ce dont accouche finalement le Sénat.

Tout n’avait pourtant pas si mal commencé. Nous avions eu quelques espoirs lorsque notre assemblée accepta, un soir, de transformer l’aide médicale de l’État en une plus juste aide médicale d’urgence, mesure que le Rassemblement national appelle de ses vœux depuis de nombreuses années. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Elle permet de recentrer notre solidarité sur nos compatriotes, sans évidemment abandonner quiconque se retrouverait en situation d’urgence vitale.

À cet égard, permettez-moi cette parenthèse : nous nous insurgeons contre le dépôt de plaintes visant deux de nos collègues médecins ayant voté la suppression de l’AME. Ces dépôts de plainte sont évidemment symboliques et « foutraques » d’un point de vue pénal, mais ils attestent d’une volonté de pression sur les législateurs.

Mme Marie Mercier. Ne vous donnez pas ce mal !

M. Christopher Szczurek. Non, tout n’est pas mauvais dans ce texte, mais à la suite des tergiversations de la majorité sénatoriale, la disposition constituant le péché originel de ce projet de loi est revenue, certes par la petite porte, mais elle est tout de même revenue !

Nous restons persuadés que l’article 4 bis ne constituera nullement un frein à l’immigration illégale et au travail clandestin. Certes, il ne prévoit plus exactement un droit opposable, mais nous savons tous très bien ce que ce dispositif donnera dans la pratique – et au fond, vous le savez aussi très bien vous-mêmes, mes chers collègues !

Cet article dont nous avons débattu mercredi soir est un beau gâchis. Son adoption ne permettra pas de rompre avec les politiques d’incitation à l’immigration que nous dénonçons.

Nous savons par ailleurs que le Gouvernement va tenter de « caviarder » ce texte : le président macroniste de la commission des lois de l’Assemblée nationale l’a déjà annoncé et Gérald Darmanin a aussi manifesté sa volonté de cornaquer le travail des députés.

M. Gérald Darmanin, ministre. « Cornaquer », rien que ça !

M. Christopher Szczurek. Finalement, tout cela est sans doute le signe que le référendum que nous proposons est la seule issue démocratiquement viable sur ce sujet. Les Français, nous le savons, soutiennent les dispositions que nous défendons, au premier rang desquelles figurent la fin du droit du sol et la priorité nationale.

Dès lors, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour réaffirmer notre vision de la communauté nationale. Comme le disait Jacques Bainville dans son Histoire de France fondatrice : « Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation. »

Quelques décennies plus tôt, Renan expliquait que la nation résultait d’une adhésion collective. Celle-ci trouve évidemment ses sources non pas dans l’ethnie ou dans les origines, mais bel et bien dans le regroupement autour d’une volonté et de valeurs communes.

Telle est notre vision de la France : une volonté commune d’aller vers une même destinée. Dès lors, l’immigration ne peut avoir lieu sans un consentement mutuel des arrivants et, surtout, des accueillants.

Les Français ne sont ni racistes, ni xénophobes, ni fondamentalement opposés à une immigration raisonnable.

Mme Laurence Rossignol. Eux non, mais vous, si !

M. Christopher Szczurek. Ils considèrent simplement comme nous que nous n’avons plus les moyens de l’assumer. Il s’agit évidemment non pas d’une haine des autres, mais d’une envie de protéger les nôtres.

L’actualité étant cruelle, je ne mentionnerai pas les six mineurs migrants isolés interpellés ce matin, après des coups de feu, dans le quartier des Moulins à Nice…

Ce texte aurait pu et aurait dû être une démonstration de courage. Nous déplorons, comme le disait ce matin le député LR Pradié, qu’il soit une reculade. Nous voterons donc contre ce texte. (MM. Joshua Hochart et Stéphane Ravier applaudissent. – Huées sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les questions de lutte contre l’immigration illégale et d’intégration sont devenues pour beaucoup de Français, depuis de longues années, synonymes d’échec et d’impuissance publique. Elles constituent le symbole d’une forme de faillite de l’État.

Il existe un écart entre, d’un côté, un État surnormé, suradministré, qui a le goût du contrôle permanent dans beaucoup de domaines, et, d’un autre côté, un État qui paraît depuis longtemps démuni et dépassé quand il s’agit d’immigration, donnant le sentiment que ce sujet lui échappe et que, en la matière, nous ne sommes plus souverains ni maîtres de notre destin. C’est cet écart, ce paradoxe, qui nourrit les incompréhensions et parfois les colères chez les Français.

M. Joël Guerriau. Tout à fait !

M. Pierre-Jean Verzelen. Le Gouvernement a choisi de déposer un texte régalien en première lecture au Sénat. Notre examen s’appuie sur le travail et le rapport de la commission des lois, présidée par notre collègue François-Noël Buffet. Ce projet de loi était attendu, il était nécessaire.

Les débats ont été animés, parfois houleux, mais ils sont toujours restés corrects. Après l’examen de près de 700 amendements, nous arrivons aujourd’hui au terme de la discussion.

Chacune et chacun pourra objectivement, monsieur le ministre, saluer votre intérêt pour le travail parlementaire et votre implication dans les débats.

Au-delà des différences de points de vue, de convictions et parfois, disons-le, de postures, nous avons pu vérifier pendant la discussion que les questions de régulation de l’immigration et d’intégration sont, dans la pratique, devenues particulièrement techniques et juridiques. Ces matières donnent lieu, depuis quarante ans, à un empilement, une addition, une accumulation d’une multitude de lois, de circulaires, de décrets. Finalement, cette complexité nuit à la clarté et certainement à la capacité d’agir.

Ce texte comporte des avancées significatives.

La première d’entre elles est un renforcement de la législation contre ceux qui vivent de la misère et de la détresse des plus faibles, contre ceux qui n’ont pas de respect pour la dignité humaine : je pense aux passeurs, aux marchands de sommeil et aux patrons voyous.

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. Pierre-Jean Verzelen. Ensuite, un consensus s’est dégagé sur la nécessité d’organiser un débat annuel au Parlement sur la politique migratoire. C’est une bonne nouvelle. Alors que l’on parle d’immigration partout dans le pays et tout le temps, il est logique que le Parlement en discute au moins une fois par an. Ce sera l’occasion de déterminer les quotas en matière migratoire, en fonction des besoins de notre société.

Les Français attendent, et on le comprend, plus de fermeté. Un certain nombre de dispositions permettront l’expulsion des étrangers qui menacent gravement l’ordre public ou encore de ceux qui sont condamnés pour avoir commis des actes de violence.

Les délinquants étrangers n’ont pas leur place sur le territoire national. Nous souscrivons pleinement à la levée des protections contre leur expulsion. Les auteurs d’infractions lourdes ne pourront plus se maintenir sur notre sol. La faculté pour un juge de prononcer une interdiction du territoire français en cas de condamnation pour un crime ou un délit passible d’une peine de plus de trois ans d’emprisonnement sera enfin généralisée.

Une fois tous les recours exercés devant les tribunaux et le Conseil d’État, trois ans se sont souvent passés avant qu’il ne soit possible de dire définitivement à un étranger s’il peut ou non rester en France. Ce texte permettra de raccourcir significativement ce délai. N’est-ce pas la manière la plus efficace de faire appliquer ces fameuses OQTF, ces obligations de quitter le territoire français ?

Réaffirmons clairement qu’il n’existe pas, en France, de droit opposable au séjour.

Le contrôle du territoire et celui des flux de population constituent des éléments constitutifs de la souveraineté des États : la France ne peut pas et ne doit pas se départir de cette prérogative.

Notre groupe est satisfait du compromis trouvé concernant la régularisation des étrangers qui exercent des métiers en tension. Les préfets s’assureront que les personnes intéressées sont véritablement intégrées. Les démarches ne dépendront plus du bon vouloir de l’employeur.

Finalement, comme toutes les parties prenantes à cet accord estiment avoir eu gain de cause, on peut penser que l’article 4 bis est sans doute un bon compromis.

M. Pierre-Jean Verzelen. La régularisation et l’accueil légal des étrangers ne peuvent pas se faire au détriment de la cohésion nationale. Notre priorité doit être de parvenir à une intégration réussie : nous avons tellement échoué en la matière et depuis longtemps, nous avons tellement négligé cet aspect que nous en subissons aujourd’hui les conséquences.

L’étranger qui arrive en France devra s’engager à respecter les valeurs de la République : la liberté de conscience, la liberté d’expression, l’égalité entre les femmes et les hommes. Le non-respect de ces engagements donnera lieu un retrait du titre de séjour. Il faudra, là aussi, veiller à l’application de ces sanctions.

Les étrangers admis à résider durablement dans notre pays doivent maîtriser notre langue. L’obligation de réussite à l’examen de français est non pas un obstacle, mais, bien au contraire, une condition de la réussite de l’intégration.

« Ma patrie, c’est la langue française », disait Camus.

Le partage de la langue, c’est ce qui permet d’interagir avec l’autre, de transmettre, de comprendre l’histoire, de se respecter, parfois de s’aimer, de s’intégrer, de s’assimiler. La langue constitue la pierre angulaire de toute intégration réussie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Ce projet de loi s’inscrit naturellement dans un cadre européen et reste soumis aux évolutions géopolitiques mondiales. La liberté de circulation des personnes qui prévaut au sein de l’espace Schengen rend d’autant plus cruciale la maîtrise de nos frontières extérieures. Soulignons à cet égard le travail de l’agence Frontex, qui a la responsabilité de cette mission. Son financement a été accru et il faut veiller à renforcer encore ses moyens.

Les défis auxquels notre pays est confronté sont immenses. Les crises d’aujourd’hui nourrissent l’émigration de demain. Les guerres, les famines, le réchauffement climatique, les évolutions démographiques entraîneront des flux migratoires plus importants vers notre continent.

Les relations diplomatiques et économiques avec les pays d’émigration constituent un enjeu majeur et essentiel si l’on veut reconduire les immigrés illégaux dans leur pays d’origine.

En conclusion, ce projet de loi, tel qu’il a été modifié par le Sénat, sera bientôt examiné à l’Assemblée nationale. On entend dire, on lit que certaines et certains ont indiqué que la version du texte que nous avons adoptée serait détricotée, que les compteurs seraient remis à zéro… Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, de veiller à ce que le fruit d’un débat et d’un travail parlementaire approfondis soit respecté à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront ce projet de loi. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque nous avons entamé l’examen de ce projet de loi, nous avions la crainte – fait assez rare dans cet hémicycle – de ne pas pouvoir parvenir à un accord sur l’ensemble du texte.

La discussion avait été riche lors de l’examen en commission en mars dernier et elle l’a été également en séance la semaine dernière.

Aujourd’hui, nous sommes satisfaits d’adopter un texte sur un sujet aussi important pour nos concitoyens. Notre assemblée aura fait œuvre utile, et c’est tant mieux.

Le texte que nous nous apprêtons à voter a bien changé depuis son dépôt sur le bureau du Sénat, le 1er février dernier. Il s’est d’abord étoffé. Nous avons ainsi adopté un nombre d’articles additionnels assez inhabituel. Cela montre que la version initiale du projet de loi présentait plusieurs manques que notre assemblée a dû combler.

Ainsi, le texte ne prévoyait rien en matière de regroupement familial ou de contrôle de l’immigration étudiante alors que des évolutions étaient indispensables sur ces points.

Nous aurions aussi voulu aller plus loin sur le sujet brûlant des mineurs non accompagnés, mais certains de nos amendements ont malheureusement été frappés d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution.

Il était aussi nécessaire de renforcer le rôle du Parlement. Nous avons souhaité qu’il puisse fixer, à l’occasion d’un débat annuel, le nombre d’étrangers admis en France pour chacune des catégories de titres de séjour, à l’exception de l’asile.

Enfin, les débats en séance ont permis d’aller plus loin sur certains aspects du texte, notamment à la lumière de l’actualité dramatique de l’attentat d’Arras. Le Sénat a ainsi facilité la levée des protections contre les expulsions et les interdictions du territoire français, en supprimant certaines de ces protections et en généralisant la possibilité de prononcer leur levée.

Nous avons également rétabli en séance l’obligation pour un employeur de prendre en charge les frais relatifs à l’apprentissage du français.

Certains aménagements ont suscité des doutes ou des réticences au sein de notre groupe. C’est notamment le cas des dispositions de l’article 1er N adopté en séance, qui conditionne l’ouverture des droits aux prestations sociales non contributives à cinq années de résidence stable et régulière. Je rappelle qu’il s’agit des allocations familiales, de la prestation de compensation du handicap (PCH), ou encore des aides personnelles au logement.

Plusieurs membres de notre groupe estiment que ce délai de cinq années est trop long. Je rappelle toutefois que le délai en vigueur aujourd’hui n’est que de six mois. Nous l’avons donc étendu à cinq ans.

De même, la modification de l’aide médicale de l’État a suscité certaines réactions. Le débat se poursuivra à l’Assemblée nationale et en commission mixte paritaire.

Mais, soyons honnêtes, il existe une part de mauvaise foi des deux côtés. Ceux qui annoncent de manière tonitruante que nous avons supprimé cette aide et que c’est très bien ainsi ne rappellent pas toujours que nous avons surtout changé son nom en aide médicale d’urgence et réduit ainsi le panier de soins auquel elle donne droit. De même, ceux qui s’indignent de l’inhumanité de cette suppression font aussi semblant de ne pas voir qu’avec cette AMU, en réalité, on ne laissera aucune personne, qu’elle soit française ou étrangère en situation irrégulière, mourir d’une pathologie grave sur notre sol…

M. Rachid Temal. Cela ne change rien alors !

Mme Isabelle Florennes. Un compromis, je le rappelle mes chers collègues, n’est pas une compromission. J’appelle donc chacun, des deux côtés, à revenir à plus de sérénité et à cesser les déclarations trop radicales, qui ne reflètent pas ce que le Sénat a réellement voté ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Isabelle Florennes. Enfin, nous saluons l’accord qui est intervenu au sein de la majorité sénatoriale sur la question des métiers en tension.

Personne ne voulait, ni au sein du groupe LR ni au sein du groupe UC, de la création d’un titre de séjour qui aurait instauré un droit opposable à la régularisation. Nous sommes sortis de cette discussion par le haut. Je tiens, à cet égard, à saluer particulièrement les rapporteurs, ainsi que le président de la commission des lois, qui nous ont permis de parvenir à cet accord. Ce compromis pragmatique démontre une nouvelle fois l’utilité du travail du Sénat.

Mais une question est maintenant dans toutes les têtes : que va-t-il se passer maintenant ? (Ah ! sur les travées du groupe SER.)

J’espère, monsieur le ministre, que vous avez profité de cette semaine au Palais du Luxembourg, car il ne s’agissait, finalement, que d’un échauffement minutieux. J’ai bien peur que les débats au Palais Bourbon ne soient bien plus acrimonieux.

Le Sénat sera naturellement attentif à ce que feront les députés, mais nous pourrons difficilement transiger, vous l’avez bien compris, sur plusieurs aspects du texte.

Nous conservons l’espoir que le texte qui sera adopté à l’Assemblée nationale permettra la tenue d’un dialogue constructif en commission mixte paritaire. Toutefois, nous ne pourrons pas vous suivre, monsieur le ministre, si les apports du Sénat sont systématiquement remis en cause par la majorité à l’Assemblée nationale.

L’examen par la commission des lois débutera fin novembre et nous donnera des signaux auxquels nous serons attentifs.

Pour l’heure, les membres du groupe Union Centriste voteront très majoritairement en faveur du texte issu des délibérations de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)