M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je précise que les avis de la commission sont favorables sur les amendements nos 630, 631, 583 rectifié bis, 349 rectifié bis et 611.

M. le président. Monsieur Retailleau, l’amendement n° 348 rectifié est-il maintenu ?

M. Bruno Retailleau. Vous avez bien compris l’esprit de mon amendement. Notre parlement s’est terriblement affaibli sous la Ve République. Si nous anticipons chaque décision du Conseil constitutionnel en nous autocensurant, nous nous affaiblirons encore davantage. Nous devons exprimer l’intérêt général et protéger les Français.

Si je comprends bien, mon amendement présente des difficultés juridiques, mais son retrait bénéficierait à d’autres amendements qui pourraient être votés par la majorité sénatoriale ? C’est à cette seule condition que je pourrais le retirer.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Retailleau, je ne voudrais pas que nous passions un marché de dupes.

Je vous informe, avant que vous ne retiriez votre amendement, que je ne pourrai pas émettre un avis favorable sur celui de M. Karoutchi. L’avis du Conseil d’État m’en empêche.

M. Bruno Retailleau. Quand ce n’est pas le Conseil constitutionnel, c’est le Conseil d’État !

M. Gérald Darmanin, ministre. Absolument, monsieur Retailleau : cela s’appelle l’État de droit ! (Rires sur les travées des groupes RDPI et SER.) Le ministre de l’intérieur doit s’en accommoder. Mea maxima culpa.

Le Gouvernement avait soumis à l’avis du Conseil d’État une rédaction de l’article 9 que nous pourrions considérer comme similaire à ce que vous proposez, exception faite de la peine automatique relative au retour.

Le Conseil d’État ne s’est pas opposé, je le répète, à la levée des protections. Il a néanmoins attiré notre attention sur la coexistence de deux régimes juridiques : celui de l’éloignement et celui de l’expulsion.

Le régime de l’éloignement concerne les personnes en situation irrégulière, qui peuvent faire l’objet d’une OQTF et être éloignées du territoire national.

Le régime de l’expulsion concerne les personnes en situation régulière. Les arrêtés ministériels d’expulsion s’adressent ainsi à des personnes qui ont des papiers.

Le Conseil d’État souligne que, du fait de très nombreuses évolutions juridiques et de la jurisprudence, nous avons rapproché les deux régimes. Or ce rapprochement serait selon lui risqué, car ces deux régimes ne présentent pas les mêmes garanties.

Si nous infligions systématiquement des AME aux personnes en situation irrégulière – tel est l’objet, me semble-t-il, de l’amendement de M. Karoutchi –, nous favoriserions l’AME aux dépens de l’OQTF. Nous confondrions ainsi les deux régimes et créerions, selon la gravité de la situation, des inégalités juridiques.

Le Conseil d’État nous alerte donc : le Conseil constitutionnel pourrait considérer que l’adoption de l’amendement de M. Karoutchi a pour effet d’aggraver l’unification ou le rapprochement des deux régimes, ce qui exposerait alors le texte à un risque de censure.

Loin de moi l’idée de m’opposer par principe à la position de M. Karoutchi. Mais il existe deux régimes – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la loi contient deux articles –, en l’occurrence un régime d’expulsion, pour les personnes en situation régulière, et un régime d’éloignement, pour les personnes en situation irrégulière.

L’article 10 prévoit l’éloignement des personnes en situation irrégulière. Nous levons les protections, comme vous le souhaitez, mais dans deux articles différents, qui correspondent aux deux régimes.

M. Bruno Retailleau. Les OQTF sont beaucoup plus précaires que les expulsions.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce sont deux régimes différents !

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est la raison pour laquelle je vous propose, monsieur Retailleau, de faciliter les expulsions des personnes en situation régulière.

Nous allons débattre de l’article 10. Nous pourrions d’ailleurs l’amender en nous inspirant des propositions de M. Karoutchi. Mais ne confondons pas les deux régimes. En infligeant des AME à des personnes en situation irrégulière, nous nous retrouverions dans la situation risquée que le Conseil d’État nous suggère d’éviter.

Ce dernier s’est d’ailleurs montré très à l’écoute de la demande du Gouvernement sur la levée des protections en général. Il aurait très bien pu appliquer je ne sais quel principe de fraternité, ce qu’il n’a pas fait ; il nous a suivis sur l’article 9, sur l’article 10 et sur l’article 13.

J’appelle votre attention sur les risques que l’on prend en voulant durcir fortement – c’est ce que veut le Gouvernement – les dispositifs en vigueur.

Il faut savoir s’arrêter aux bornes que nous indique le Conseil d’État si nous voulons obtenir la validation du Conseil constitutionnel.

Nous atteignons là sans doute, monsieur Retailleau, le moment où la loi ordinaire bute sur le bloc de constitutionnalité.

Ce débat ne manque pas d’intérêt, tant s’en faut. Simplement, il intervient au mauvais moment. Nous le mènerons plus avant à l’occasion de l’examen non pas du présent projet de loi ordinaire, mais de votre proposition de loi constitutionnelle.

(Mme Sophie Primas remplace M. Alain Marc au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Madame la présidente, compte tenu de l’importance des enjeux juridiques, je sollicite une suspension de séance.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Pour la clarté de nos débats, j’informe nos collègues que la commission propose à M. Karoutchi de bien vouloir modifier la rédaction de son amendement n° 349 rectifié bis.

Mme la présidente. Monsieur Retailleau, quelle est, maintenant, votre position s’agissant de l’amendement n° 348 rectifié ?

M. Bruno Retailleau. Madame la présidente, dans la mesure où la commission m’apporte la garantie qu’elle soutiendra les amendements visant à restreindre drastiquement les protections, aussi bien absolues que relatives, contre les mesures d’expulsion ou d’interdiction du territoire français, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 348 rectifié est retiré.

Je suis saisie de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 630, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

I.- Le code de l’entrée et du séjour des étrangers est ainsi rédigé :

…° Le deuxième alinéa de l’article L. 252-2 est ainsi rédigé :

« Par dérogation au sixième alinéa de l’article L. 631-2, la circonstance qu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de trois ans ou plus d’emprisonnement n’a pas pour effet de le priver du bénéfice des dispositions du présent article. » ;

…° Le chapitre Ier du titre III du livre VI est ainsi modifié :

II. - Alinéa 4

remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

III. - Alinéas 10 et 24

remplacer le mot :

dix

par le mot :

cinq

et le mot :

cinq

par le mot :

trois

IV. -Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À l’article L. 641-1, la référence : « , 131-30-1 » est supprimée ;

V. - Alinéas 11 et 12

Supprimer ces alinéas.

VI. - Alinéa 16

1° Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Sans préjudice de l’article 131-30-2, la juridiction tient compte de la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français, ainsi que de la nature, de l’ancienneté et de l’intensité de ses liens avec la France pour décider de prononcer l’interdiction du territoire français.

VII. - Alinéas 20 et 21

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

1° L’article 131-30-1 est abrogé ;

VIII. - Alinéa 24

Supprimer la cinquième occurrence du mot :

de

IX. - Alinéa 27

Rédiger ainsi cet alinéa :

…° Les articles 213-2, 215-2, 221-11, 221-16, 222-48, 222-64, 223-21, 224-11, 225-21, 311-15, 312-14, 321-11, 322-16, 324-8, 414-6, 431-8, 431-12, 431-19, 431-27, 433-21-2, 433-23-1, 434-46, 442-12, 443-7 et 462-4 sont abrogés ;

X. - Alinéas 28 à 32

Supprimer ces alinéas.

XI. - Alinéa 33

Rédiger ainsi cet alinéa :

…° Le dernier alinéa de l’article 435-14 est supprimé.

XII. - Alinéa 34

Remplacer les références :

441-1, 441-3, 441-6 et 441-7

Par les références :

441-3 et 441-6

XIII. - Alinéa 35

Remplacer les mots :

aux articles 444-4 et 444-5

par les mots :

à l’article 444-5

XIV. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

V. - Au dixième alinéa de l’article 41 du code de procédure pénale, les mots : « les articles 131-30-1 ou 131-30-2 » sont remplacés par les mots : « l’article 130-30-2 ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. L’amendement n° 179 rectifié, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéa 10

Remplacer les mots :

pour des crimes ou délits punis de dix ans ou plus d’emprisonnement ou de cinq ans en réitération de crimes ou délits punis de la même peine

par les mots :

à une peine d’emprisonnement ferme au moins égale à dix ans

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Le sujet dont nous discutons est grave et sérieux, sur le plan tant des principes que de leur mise en œuvre.

Le projet de loi prévoit d’abolir le système existant : les protections légales contre l’expulsion dépendraient non plus de la peine prononcée, mais de la peine encourue.

Si la levée des protections doit évidemment être possible, encore faut-il respecter les principes de proportionnalité et d’individualisation des peines. Or c’est exactement ce qui est en train d’être mis à bas.

Le texte instaure une disproportion entre le motif sur lequel reposera l’expulsion et le profil des étrangers concernés. Par exemple, un étranger établi en France depuis plus de dix ans pourrait être expulsé pour des délits de faible gravité. Sa protection pourra être levée, par exemple, pour un simple vol à la tire dans le métro, puisque cette infraction constitue un vol aggravé, au sens de l’article 311-4 du code pénal, et est punie de cinq ans d’emprisonnement. Voilà une traduction concrète et opérationnelle de ce qui est en train d’être adopté.

Permettez-moi de rappeler quelques principes dont le respect définit l’État de droit. La rédaction proposée contredit ainsi le principe d’individualisation des peines, selon lequel le prononcé de la peine varie en fonction de la gravité de l’infraction et de la personnalité de son auteur. Je pourrais aussi citer l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi, évidemment, que l’ensemble des décisions du Conseil constitutionnel.

Nous proposons donc, par cet amendement, que la levée de la protection ne soit possible qu’au regard de la peine effectivement prononcée, en l’espèce une peine d’emprisonnement ferme au moins égale à dix ans pour les étrangers protégés au titre de l’article L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Rappel au règlement

 
 
 

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour un rappel au règlement.

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, j’avais demandé la parole bien avant la suspension de la séance, afin d’intervenir sur l’amendement de M. Retailleau, espérant pouvoir m’exprimer avant le passage à l’examen des amendements suivants.

Or je ne l’ai pas obtenue. Je m’en étonne. Je note que des discussions ont lieu en live dans l’hémicycle : peut-être les négociations qui ont eu lieu hier ne sont-elles pas terminées… Voilà qui me rappelle ce que nous avons connu à propos de la suppression de l’AME.

Depuis trois ans que je siège au Sénat, et au sein de la commission des lois, c’est la première fois que les discussions se font non plus sur le fondement des avis juridiques et politiques des commissaires, mais dans le cadre d’une négociation presque « à ciel ouvert » – certes, nous sommes sous une coupole ! (Sourires.) –, à laquelle les autres membres de l’assemblée assistent en spectateurs, sans pouvoir intervenir. Je ne peux que déplorer cette situation.

Mme la présidente. Mon cher collègue, j’avais bien vu que vous aviez demandé la parole. Mais comme l’amendement de M. Retailleau a été retiré, je ne pouvais plus vous donner la parole pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Ce n’était pas une explication de vote !

Mme la présidente. Je ne peux vous donner la parole que pour explication de vote. Cela suppose que l’amendement sur lequel vous souhaitez expliquer votre vote soit maintenu. En l’occurrence, ce n’était pas le cas.

Article 9 (début)
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Après l’article 9

Article 9 (suite)

Mme la présidente. L’amendement n° 316 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

I – Alinéa 4 et 6

Remplacer les mots :

1° à 4°

par les mots :

3° et 4°

II – Alinéa 10

Remplacer les mots :

1° à 5°

par les mots :

1°, 2° et 5°

La parole est à M.- Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement de repli vise à lever les dérogations à la protection des parents d’enfants français et des personnes mariées contre l’expulsion.

Le maintien des liens de l’enfant avec ses parents doit être préservé, même lorsque ces derniers sont condamnés pénalement ou incarcérés. Cela doit s’appliquer sans discrimination pour les mineurs, que leurs parents soient Français ou étrangers en situation régulière ou irrégulière.

Le Comité des droits de l’enfant souligne : « La rupture de l’unité familiale par l’expulsion de l’un des parents ou des deux parents en raison d’une infraction aux lois relatives à l’immigration liée à l’entrée ou au séjour est disproportionnée, en ce que le sacrifice inhérent à la restriction de la vie de famille et aux conséquences sur la vie et le développement de l’enfant n’est pas compensé par les avantages obtenus par le fait de forcer le parent à quitter le territoire au motif d’une infraction à la législation relative à l’immigration. »

Le principe, qui figure dans de nombreuses dispositions déjà en vigueur, selon lequel, pour les étrangers, s’ajoute à la sanction pénale une sanction spécifique liée à leur qualité d’étranger – c’est la « double peine » – est aujourd’hui associé à des garanties spécifiques pour les personnes ayant des liens familiaux en France.

Or le projet de loi érode un peu plus ces garanties, augmentant ainsi les risques de ruptures dans l’unité familiale, ce qui n’est pas sans conséquence pour le maintien des liens familiaux et le développement de l’enfant. Ces dispositions risquent de creuser la différence de traitement entre les enfants de parents étrangers ayant menacé gravement l’ordre public et ceux dont les parents n’ont pas commis d’infractions.

Le danger est de restreindre de façon disproportionnée l’exercice des droits des étrangers parents d’enfants français et de compromettre les droits de leurs enfants mineurs.

Parce que ces dispositions sont contraires à l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit de mener une vie familiale normale, notre groupe demande la suppression des dérogations à la protection des parents d’enfants français et des personnes mariées contre l’expulsion.

Cet amendement est inspiré des travaux de l’Unicef.

Mme la présidente. L’amendement n° 631, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I.- Alinéa 6

Après le mot :

conjoint

insérer les mots :

, d’un ascendant

II.- Alinéa 8

Remplacer cet alinéa par un alinéa ainsi rédigé :

- au huitième alinéa, les mots : « 3° et 4° » sont remplacés par les mots : « 1° à 5° » et, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , d’un ascendant » ;

III.- Alinéa 23

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

…) Le septième alinéa est ainsi modifié :

- les mots : « au 3° et au 4° » sont remplacés par les mots : « aux 1° à 5° » ;

- après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , d’un ascendant » ;

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. L’amendement n° 561 rectifié, présenté par Mme Romagny, MM. Henno, Cambier, Menonville, Houpert et Canévet, Mmes Herzog, P. Martin et Micouleau et MM. J.M. Arnaud, Duffourg et Chauvet, est ainsi libellé :

Alinéas 13 à 35

Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :

III. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 131-30 est ainsi rédigé :

« Art. 131-30. – Pour tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit puni de cinq ans ou plus d’emprisonnement, la peine d’interdiction du territoire français est prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus.

« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.

« La peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un délit puni de moins de cinq ans d’emprisonnement.

« L’interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l’expiration de sa peine d’emprisonnement ou de réclusion.

« Lorsque l’interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d’exécution de la peine. Elle reprend, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin. » ;

2° Les articles 131-30-1, 131-30-2 et 422-4 sont abrogés.

La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.

Mme Anne-Sophie Romagny. Nous savons quelle sera vraisemblablement l’issue de la discussion, mais je tenais tout de même à défendre cet amendement, qui est très proche de celui de M. Retailleau.

Il s’agit de renforcer l’arsenal juridique et d’outiller la justice et l’administration pour protéger les citoyens de notre pays. Cela répond à une demande de fermeté vis-à-vis des criminels. Cette demande largement partagée par les Français, à plus raison au regard des derniers événements dramatiques qu’a connus notre pays.

Cet amendement ne vise pas à instituer une mesure d’ordre général. Il n’est ni exclusif ni fermé. Il a deux objectifs.

Premièrement, étendre l’automaticité– je sais que c’est un mot qui dérange – de la peine d’interdiction du territoire français, qui existe déjà en matière de terrorisme, à l’ensemble des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d’emprisonnement, sauf décision motivée du juge, qui pourra prendre en compte les circonstances de l’infraction ou la personnalité de son auteur.

Deuxièmement, supprimer l’automaticité des protections, qui, dans le droit actuel, empêchent inéluctablement le tribunal de prononcer des ITF, y compris à l’encontre des terroristes. Le juge aura toujours la possibilité de ne pas appliquer l’OQTF en fonction de circonstances motivées. L’idée, vous l’aurez compris, est d’inverser la vapeur – nous en parlons depuis suffisamment de temps maintenant –, afin que l’expulsion des criminels étrangers devienne la règle, tout en laissant au juge la faculté d’y déroger.

Mme la présidente. L’amendement n° 134, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« La peine d’interdiction du territoire français est prononcée, à titre définitif, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime. Elle est prononcée pour une durée de dix ans à l’encontre de tout étranger coupable d’un délit de puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à deux ans ou d’un délit pour lequel la peine d’interdiction du territoire français est prévue par la loi. » ;

La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Cet amendement vise à inscrire dans le marbre de la loi le principe d’une interdiction du territoire définitive à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime, mais également celui d’une interdiction de territoire d’une durée de dix ans à l’encontre de tout étranger coupable d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à deux ans.

Cet amendement vise donc à clarifier la peine d’interdiction du territoire français. Les étrangers qui ont gravement porté atteinte aux règles régissant la société française n’ont pas leur place sur le territoire national. L’interdiction définitive du territoire français doit s’appliquer à titre permanent à l’égard de ceux qui ont commis un crime.

Il est incompréhensible pour nos compatriotes qu’un étranger ayant commis un crime ait une seule chance de rester sur notre territoire à l’issue de sa peine. Un étranger doit avoir un comportement irréprochable lorsqu’il est légalement accueilli par le peuple français sur le sol national.

Ainsi, nous proposons qu’une peine d’interdiction de dix ans du territoire soit prononcée pour tout étranger coupable d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à deux ans, ou d’un délit pour lequel la peine d’interdiction du territoire français est prévue par la loi.

De plus, les propres services du ministère de l’intérieur nous apprennent que 93 % des personnes mises en cause pour vol, 72 % des auteurs de vol avec violences et 32 % des condamnés pour coups et blessures sont des étrangers. Ces personnes n’ont rien à faire sur notre sol.

Mes chers collègues, nous vous appelons au bon sens et à la fermeté. L’étranger qui enfreint nos lois n’a plus sa place à nos côtés, et nous, en législateurs, devons veiller à protéger avant tout nos compatriotes, en expulsant les personnes qui méritent de l’être.

Mme la présidente. L’amendement n° 180, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 20 et 21

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Christophe Chaillou.

M. Christophe Chaillou. À l’instar de ma collègue Colombe Brossel, je voudrais insister sur un principe qui nous semble fondamental : l’individualisation des peines.

L’article 9 prévoit que le juge n’aura plus l’obligation de motiver sa décision d’ITF dans deux cas de figure très particuliers, ce qui, très honnêtement, nous interpelle profondément, y compris au regard des principes fondamentaux du droit et de l’État de droit.

L’ITF est une peine très lourde. Il semble tout à fait légitime de considérer que le juge devrait toujours motiver sa décision lorsqu’il prononce cette peine, au regard à la fois de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale de l’étranger.

D’ailleurs, le Conseil d’État lui-même recommande – nous attirons votre attention sur ce point, mes chers collègues – de ne pas retenir cette disposition. Il estime qu’une telle dérogation « introduit une incertitude quant au maintien de l’obligation générale de motivation qui s’impose en matière correctionnelle en application de l’article L. 132-1 du code pénal et qui est incompatible avec les exigences attachées au contrôle de proportionnalité réalisé au titre de l’article 8 de la CEDH qui impliquent que l’ensemble des éléments utiles à ce contrôle ressortent des motifs du jugement ».

C’est la raison pour laquelle il nous semble important de revenir aux principes fondamentaux du droit et de l’État de droit. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 103 rectifié quater, présenté par MM. L. Vogel, Bonneau, A. Marc, Guerriau, Courtial, Somon, Rochette, Brault et V. Louault, Mme Lermytte, MM. Médevielle et Capus, Mme Paoli-Gagin, M. Longeot, Mme Aeschlimann, MM. Wattebled, Verzelen et Fialaire, Mme L. Darcos et MM. Pellevat, Maurey et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Remplacer les mots :

état de récidive

par le mot :

réitération

La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Mon collègue Louis Vogel m’a demandé de défendre cet amendement.

Considérant qu’il n’est pas tolérable que des étrangers auteurs de graves infractions puissent se maintenir impunément sur le territoire national, la commission a choisi, à l’article 9, de clarifier les critères de levée de la protection, de systématiser cette levée à l’encontre des auteurs de violences intrafamiliales et de généraliser la possibilité pour le juge de prononcer des ITF.

L’article 9 prévoit ainsi de faciliter l’expulsion des étrangers qui constituent une menace pour l’ordre public ou pour nos concitoyens. Seront notamment concernés ceux qui auront commis des infractions graves ou répétées. L’alinéa 10 fait référence à la « réitération d’infraction » tandis que l’alinéa 24 vise la « récidive ». Il semble préférable de s’en tenir à la notion de « réitération ». Le simple fait qu’un étranger soit l’objet de plusieurs condamnations définitives justifie qu’il soit expulsé.