M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour le plein emploi.

L’ambition de ce projet de loi est de réduire le taux de chômage à 5 % à l’horizon 2027, contre 7,1 % aujourd’hui, en ciblant les personnes les plus éloignées de l’emploi, dont les 1,9 million de bénéficiaires du revenu de solidarité active.

Ce texte vise donc à renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi et des bénéficiaires du RSA en fluidifiant leur parcours, dans le cadre d’un unique contrat d’engagement. À cette fin, il prévoit de rassembler les acteurs du service public de l’emploi et de l’insertion dans un réseau nommé « réseau pour l’emploi », au sein duquel Pôle emploi serait transformé en opérateur France Travail.

Par ailleurs, l’accord trouvé en commission mixte paritaire entérine le fonctionnement du futur réseau pour l’emploi, initialement appelé « France Travail ». Forte de mon expérience de conseillère en évolution professionnelle et d’ancienne agente de Pôle emploi, je me réjouis que cet établissement public puisse jouer son rôle de chef d’orchestre au sein de cette nouvelle organisation, avec notamment l’obligation de fournir tout le réseau en logiciels communs pour assurer une inscription, un diagnostic et un suivi partagé des demandeurs d’emploi.

Le projet de loi prévoit également d’inscrire automatiquement sur la liste des demandeurs d’emploi les bénéficiaires du RSA et de renforcer leur accompagnement dans le cadre d’un contrat d’engagement adapté à leur situation sociale et professionnelle.

Ce texte préserve la disposition initialement introduite par le Sénat, qui prévoit que ce contrat d’engagement, conclu avec le demandeur d’emploi ou le bénéficiaire du RSA, devra définir une durée d’activité hebdomadaire d’au moins quinze heures.

Cette durée d’activité comprendra des actions de formation et d’accompagnement et pourra être aménagée selon la situation individuelle spécifique de l’intéressé.

Nous nous réjouissons également de l’accord trouvé sur l’article 10, précisant que le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant ainsi que les modalités de la concertation préalable à son établissement devront être compatibles avec le schéma départemental des services aux familles.

En effet, la suppression de l’article 10 par l’Assemblée nationale nous avait alertés, tant cette mesure était attendue par les familles, les élus locaux et le secteur de la petite enfance.

Ainsi, modifié par les deux chambres, ce texte aura permis de conserver les objectifs principaux défendus par le ministre Olivier Dussopt lors de son examen en première lecture au Sénat le 10 juillet dernier.

Le plein emploi doit être un espoir et une perspective partagés par tous, y compris dans nos territoires ultramarins. Notre groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera donc pour les conclusions de cette commission mixte paritaire et attend avec enthousiasme et impatience son application prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi dit « pour le plein emploi » se situe dans la droite ligne de l’idéologie néolibérale qui a déjà présidé à la réforme régressive de l’assurance chômage et à la réforme injuste des retraites. Loin de traiter des sujets d’insertion par l’emploi ou de qualité du travail, il ne fait que mettre à mal une nouvelle fois les droits sociaux en France.

Dans cet exercice, le Gouvernement s’est trouvé un allié toujours fidèle quand il s’agit de stigmatiser les bénéficiaires du RSA. La droite du Sénat et celle de l’Assemblée nationale ont en effet répondu présent quand il s’est agi de renforcer le conditionnement et les sanctions pour les bénéficiaires du RSA.

Ainsi, la commission mixte paritaire a retenu la mesure visant à conditionner le RSA à une durée hebdomadaire d’activité d’au moins - au moins ! - quinze heures.

Néanmoins, un flou entoure le contenu concret de ces activités, de la formation aux mises en situation en passant par les remobilisations individuelles ou collectives ; et les moyens accordés à l’accompagnement individualisé des bénéficiaires du RSA et des personnes en recherche d’emploi restent tout aussi flous.

Serait-ce du travail forcé et à bas coût ? Il y a de quoi s’interroger…

Finalement, le Gouvernement a fait sienne la logique de la députée Les Républicains Valérie Bazin-Malgras, qui avait déposé une proposition de loi visant à conditionner le versement du revenu de solidarité active à l’aide active aux vendanges et récoltes agricoles saisonnières.

Ce projet de loi est la traduction d’une pensée simpliste, qui fait des pauvres des assistés ou des paresseux qui ne peuvent avancer qu’à coups de bâton.

Pourtant, cette philosophie ne mène qu’à une précarisation et à une paupérisation de notre société. Toute la recherche en sciences sociales et en économie démontre que la sanction ne produit que du non-recours et de l’exclusion. Ces mesures de suspension-remobilisation ne seront donc pas efficaces.

Le corollaire de ces sanctions serait l’accompagnement renforcé ; mais rien n’est précisé dans le texte. Pas un mot sur les effectifs ou les moyens nécessaires. Les personnes privées durablement d’emploi ont besoin d’un accompagnement de qualité, soutenu et adapté à chacun.

Passer de 40 % des allocataires du RSA inscrits à Pôle emploi à 100 % exigera des moyens considérables qui ne sont pas définis dans ce texte.

Pour mémoire, il y a vingt ans, 20 % environ des dépenses du revenu minimum d’insertion (RMI) étaient consacrées à l’accompagnement des bénéficiaires de cette aide ; aujourd’hui, seules 10 % des dépenses du RSA sont liées à cet accompagnement.

Sans moyens et sans ambition, cet accompagnement renforcé – que nous appelons pourtant de nos vœux – n’est qu’une illusion.

Nous déplorons également que ce texte consacré au plein emploi ne donne lieu à aucune considération par le Gouvernement des raisons qui empêchent de retrouver un emploi. Parmi ces freins périphériques, je pense notamment aux problèmes de mobilité, de niveau de rémunération, de qualité ou de pénibilité de l’emploi, ou d’attractivité même du métier. Ces dimensions sont pourtant essentielles dans la recherche du plein emploi. De la même manière, la lutte contre la pauvreté, la question du non-recours – qui sera aggravé par ce texte – ou celle du reste à vivre ne sont pas traitées.

Ce texte développe une vision purement « adéquationniste » de l’emploi, avec, d’un côté, des gens qui ne travaillent pas, inscrits obligatoirement sur la liste des demandeurs d’emploi, et de l’autre, des entreprises qui peinent à recruter. Il suffirait de les mettre en relation et de sanctionner les personnes qui ne peuvent obéir à cette logique pour arriver au plein emploi !

Ce texte vise également à recentraliser la gestion des demandeurs d’emploi. Il prive de leurs compétences exclusives les régions et les départements ou encore les missions locales pour les jeunes, qui bénéficient pourtant d’une expérience et d’une qualification dans la gestion de ces sujets.

Enfin, si nous ne pouvons qu’être favorables à la création d’un service public de la petite enfance, nous regrettons que le texte reste muet quant aux moyens accordés aux collectivités pour l’assurer efficacement. Nous déplorons d’ailleurs qu’un sujet si important pour nos concitoyens ne fasse pas l’objet d’un texte plus complet et ne soit évoqué qu’au détour d’un texte sur l’emploi.

On ne saurait voir le service public de la petite enfance comme un simple service aux parents pour leur permettre de travailler : il doit assurer un service éducatif aux jeunes enfants.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a proposé une vision alternative à ce projet de loi : celui d’un droit opposable à l’accompagnement du bénéficiaire et un minimum social inconditionnel bénéficiant également aux jeunes. Ce texte fait peser l’entière responsabilité de leur situation sur les bénéficiaires du RSA, tandis qu’il signe également l’échec de Pôle emploi, qui les a accompagnés dans leur recherche d’emploi sans succès.

Nous souhaitons la création d’un véritable service public de l’emploi qui garantisse un accompagnement adapté pour faciliter la réinsertion sociale et professionnelle de chacun.

Ce texte est aussi inefficace que brutal : le groupe SER ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains tient tout d’abord à saluer la qualité du travail de notre rapporteure, dont la détermination a permis de parvenir à une position commune en commission mixte paritaire, préservant les principaux apports du Sénat. Une telle conclusion n’allait pas de soi.

M. Bruno Belin. Très bien !

M. Laurent Burgoa. Tout d’abord, si le projet de loi initial prévoyait, dans un souci d’efficacité, de fédérer les acteurs de l’aide à l’emploi et à l’insertion au sein du réseau France Travail, la répartition des rôles entre ceux-ci n’était pas clairement définie.

Ou plutôt, cette répartition suscitait de nombreuses inquiétudes, le Gouvernement construisant au fil du texte un cadre contraignant s’imposant aux collectivités et aux acteurs locaux.

Le Sénat s’est donc livré à un examen systématique des mesures laissant présager une recentralisation des décisions, et a ainsi permis de préserver les prérogatives des acteurs de terrain.

Je pense par exemple à la signature d’une charte d’engagements, sans laquelle les collectivités territoriales ne pouvaient prendre part aux instances de gouvernance. Des coopérations pourront se mettre en place sans recourir à ce cadre, qui a été supprimé.

Une autre disposition a particulièrement retenu notre attention en raison de sa portée symbolique : le changement de dénomination de l’opérateur Pôle emploi en « France Travail ».

Nous n’étions pas favorables à ce changement d’appellation, qui occasionnera des frais inutiles. Surtout, nous ne voulions pas que la même dénomination « France Travail » désigne à la fois l’opérateur et le réseau, au risque de les confondre et de donner le sentiment d’une hiérarchie des acteurs de l’emploi, sous la domination de France Travail. L’accord trouvé en commission mixte paritaire nous convient, car, s’il consacre France Travail en tant qu’opérateur, celui-ci sera bien distinct du réseau intitulé « réseau pour l’emploi ».

J’en viens à l’accompagnement des demandeurs d’emploi et plus particulièrement des bénéficiaires du revenu de solidarité active, qui a donné lieu à de longs débats.

Je rappellerai que le projet d’instaurer un certain nombre d’heures d’activité pour les personnes les plus éloignées de l’emploi émanait du Gouvernement, mais que celui-ci ne l’avait pas inscrit dans le présent texte, sans doute par crainte des polémiques. Le Sénat a donc pris la responsabilité de prévoir dans le contrat d’engagement conclu entre le demandeur d’emploi et son organisme référent une durée minimale hebdomadaire de quinze heures d’activité.

Ce dispositif a été complété utilement par l’Assemblée nationale pour tenir compte des difficultés particulières qui pourraient se poser pour le contractant, par exemple en matière de logement, de santé ou de garde d’enfant, et permettre d’éventuelles dispenses.

Nous savons que beaucoup de bénéficiaires du RSA ne pourront pas revenir immédiatement vers l’emploi. Le texte que nous adoptons aujourd’hui en tient compte. Il s’agit non pas de stigmatiser ces publics, comme certains l’ont prétendu, mais de les sortir de l’exclusion sociale.

Le texte traite également des travailleurs handicapés – sujet cher à notre président de commission –, avec l’objectif de faciliter leur emploi dans les entreprises en milieu ordinaire, pour ceux qui le peuvent. Plusieurs amendements du Sénat puis de l’Assemblée nationale ont complété ce volet du projet de loi, concrétisant certains des engagements pris lors de la dernière Conférence nationale du handicap.

Enfin, nous nous réjouissons que la rédaction du Sénat ait été retenue à l’article 10, qui concerne la gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant. Toujours dans le souci du respect des prérogatives des collectivités, nous avons supprimé la définition par arrêté ministériel d’une stratégie nationale de la politique d’accueil du jeune enfant. Nous avons également supprimé la possibilité offerte au préfet de se substituer au maire en cas de manquement. Par ailleurs, afin d’éviter des contraintes excessives sur les petites communes, seules celles de plus de 10 000 habitants seront tenues d’élaborer un schéma pluriannuel.

Ces quelques éléments illustrent les améliorations apportées par le Sénat au présent texte. Néanmoins, les outils ne sont rien sans les moyens. L’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi notamment nécessitera des investissements importants.

Aussi serons-nous particulièrement vigilants sur la mise en œuvre de la présente réforme et les moyens financiers qui lui seront consacrés. Le groupe Les Républicains votera le texte issu de cette commission mixte paritaire conclusive. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi pour le plein emploi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements précédemment adoptés par le Sénat.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 29 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 243
Contre 99

(Le projet de loi est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je veux d’abord réitérer mes remerciements et mes félicitations à notre rapporteure, Pascale Gruny, qui a mené un travail de fond important et des négociations essentielles avec nos collègues de l’Assemblée nationale : le résultat obtenu nous convient, puisque nous venons de voter le texte.

Monsieur le ministre, à la veille de l’examen du projet de loi de finances, nous porterons naturellement un regard particulier sur les crédits qui seront accordés aux mesures concernant l’emploi. La traduction budgétaire du texte que nous venons de voter sera un point essentiel.

Enfin, je tiens à vous adresser une invitation. Nous venons de voter un texte fondamental, dont les enjeux et les objectifs ont été énoncés par le Gouvernement. La commission des affaires sociales souhaite exercer un droit de suite pour dresser le bilan des enseignements à tirer de ces mesures. Le pari que vous avez proposé est ambitieux : nous vous avons soutenu, mais nous voudrions en suivre les résultats. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Dussopt, ministre. Je remercie de nouveau M. le président de la commission, Mme la rapporteure ainsi que l’ensemble des parlementaires – tout particulièrement les responsables de groupe – pour le résultat auquel nous sommes parvenus. Ce texte est à la fois ambitieux et utile pour atteindre le plein emploi.

Monsieur le président de la commission, le droit de suite est naturel : d’abord, parce que, en tant que ministre, je me tiens à la disposition du Parlement pour rendre des comptes ; ensuite, parce qu’il me semble utile d’associer les deux assemblées parlementaires aux différentes étapes qui nous attendent. La première de celles-ci sera l’expérimentation de l’accompagnement des allocataires du RSA dans les départements volontaires au début de l’année 2024.

Enfin, sans préjuger des conclusions des débats budgétaires, vous constaterez que le projet de loi de finances pour 2024 prévoit 300 millions d’euros au bénéfice de Pôle emploi devenu France Travail, afin de renforcer l’accompagnement et d’instaurer les nouvelles dispositions de suivi des demandeurs d’emploi.

Dans le cadre du renforcement de l’expérimentation sur l’accompagnement des allocataires du RSA, nous aurons l’occasion en début d’année 2024 d’élargir le nombre de départements expérimentateurs, toujours sur la base du volontariat et en partenariat avec l’Assemblée des départements de France (ADF). Il s’agira également d’élargir les bassins d’emploi dans les départements déjà concernés. Ce sont ainsi 170 millions d’euros qui sont prévus pour la contractualisation avec les départements. Nous proposerons à tous les départements de France d’avancer sur la préfiguration de la mise en œuvre et la construction des systèmes d’information pour réussir ce pari de France Travail. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi pour le plein emploi
 

6

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande le report de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023, initialement prévu le vendredi 17 novembre à dix heures, au lundi 20 novembre à seize heures et, éventuellement, le soir.

En conséquence, nous pourrions inscrire la suite de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’ordre du jour du vendredi 17 novembre, à neuf heures trente, l’après-midi, le soir et la nuit.

Acte est donné de cette demande.

Le délai limite de dépôt des amendements de séance sur ce projet de loi de finances de fin de gestion serait fixé au vendredi 17 novembre à douze heures.

Nous pourrions fixer le délai limite d’inscription des orateurs dans la discussion générale sur ce texte au vendredi 17 novembre à quinze heures.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

7

 
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation
Article 1er

Négociations commerciales dans la grande distribution

Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation (texte de la commission n° 79, rapport n° 78).

La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes finalement parvenus à un accord avec nos collègues députés en commission mixte paritaire.

Je rappelle que, bien que sceptique, voire inquiète, sur les conséquences de ce projet gouvernemental, notre assemblée avait choisi d’examiner le texte dans le but de l’améliorer, de protéger les petites et moyennes entreprises (PME), les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les emplois de nos territoires.

À l’Assemblée nationale, saisie en première lecture, le principe d’une négociation anticipée pour les plus petites entreprises a été acté. Nous l’avons conforté au Sénat, car il constitue une avancée majeure par rapport au texte gouvernemental, qui obligeait, je le rappelle, les PME à négocier après les grands groupes.

En revanche, à l’issue de la première lecture dans chaque chambre, des désaccords persistaient sur les dates butoirs et les conditions de cette différenciation.

Les dates butoirs finalement retenues par la commission mixte paritaire sont celles qu’a préconisées le Sénat, à savoir le 15 janvier pour les PME et le 31 janvier pour les grandes entreprises.

Elles assurent ainsi un délai plus réaliste de négociations pour l’ensemble des acteurs, fournisseurs et distributeurs, par rapport au texte des députés, qui prévoyait le 31 décembre, ce qui les aurait contraints à négocier pendant la période des fêtes de fin d’année, au moment où, de surcroît, elles réalisent une large part de leur chiffre d’affaires. Dans ces conditions, les négociations auraient été difficiles et les plans d’affaires bâclés.

Les dates retenues au Sénat présentent ainsi l’avantage de permettre aux PME de négocier plus sereinement jusqu’au 15 janvier, avant les grands groupes, qui termineront leurs négociations le 31 janvier.

Pour affirmer le principe de différenciation des PME partagé par les deux assemblées, il nous fallait en plus de ces deux dates fixer un seuil de chiffre d’affaires déterminant le périmètre des entreprises négociant de manière anticipée.

En première lecture, le Sénat comme l’Assemblée nationale avaient fixé un seuil à 350 millions d’euros. Le Sénat a ajouté une précision d’importance, à savoir la référence au chiffre d’affaires consolidé, qui permet d’éviter que des filiales françaises de grands groupes, voire de multinationales, ne s’immiscent dans les négociations anticipées des PME.

Outre ces dates et ce seuil, qui sont, pour nous sénateurs, les deux points essentiels de ce projet de loi, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur l’exclusion des outre-mer du périmètre du dispositif, disposition là encore votée par le Sénat en séance publique, ainsi que sur la suppression de la mention explicite des pharmacies dans le texte. En effet, compte tenu de l’hétérogénéité du secteur, nous avons fait le choix de ne pas mentionner ces dernières, ni dans le sens d’une inclusion ni dans le sens d’une exclusion, afin de donner à ces acteurs la flexibilité qu’ils appellent de leurs vœux.

Enfin, la commission mixte paritaire a remédié au risque juridique lié à l’incompatibilité des dates. En effet, il nous a fallu repousser les dates initiales d’envoi des conditions générales de vente (CGV), fixées au 15 novembre, la loi risquant de ne pas être promulguée à cette date.

Ces aléas soulignent, madame la ministre, la précipitation dans laquelle ce projet de loi nous a été soumis. Par souci de sécurité juridique, la commission mixte paritaire a donc fixé les dates limites d’envoi des CGV au 21 novembre et au 5 décembre au lieu des 15 et 30 novembre, comme c’était initialement prévu.

Nous sommes face à un projet de loi à l’ambition modeste, comme vous-même, madame la ministre, l’avez reconnu.

Au Sénat, nous soulignons depuis le début de l’examen de ce texte qu’il ne s’attaque pas aux problèmes de fond qui persistent en matière de négociations commerciales, de transparence des marges et de pratiques abusives de centrales d’achat faisant toujours fi de la volonté du législateur, pourtant rappelée dans la loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (Égalim 3).

Nous veillerons à ce que ces sujets déterminants pour l’avenir soient pris en compte dans la future refonte du cadre des négociations commerciales que le Gouvernement appelle de ses vœux.

Enfin, en utilisant les négociations commerciales comme outil de lutte contre l’inflation, le Gouvernement vient contrecarrer la logique et la raison d’être des lois Égalim, à savoir la construction du prix en avance, en partant de l’amont agricole. Le Sénat, par ses apports au texte initial, a souhaité éviter que la lutte contre l’inflation ne se fasse au détriment des PME et des ETI de notre filière agroalimentaire.

En ce sens, nous serons attentifs aux évaluations à venir et aux effets collatéraux de ce dispositif sur la rémunération des producteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI. – Mme la présidente de la commission applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez, lundi dernier, trouvé un accord sur une version du projet de loi présenté par le Gouvernement : je ne peux que le saluer.

Je le salue, car grâce à lui l’objectif premier est atteint : avancer les négociations commerciales au mois de janvier 2024. J’en suis convaincue, cela contribuera à répercuter plus rapidement dans les rayons les baisses de prix de nombreux produits de grande consommation.

À l’origine de ce projet de loi, nous en avions longuement parlé, se trouve un chiffre : la baisse de près de 7 % sur un an des prix agricoles à la production – les prix industriels suivent la même pente. Au-delà de ce chiffre, nous observons depuis des années une corrélation quasi automatique entre la baisse des prix des matières premières, la baisse des prix de production des industriels, et la baisse des prix payés par les consommateurs.

Si le cadre régissant les relations commerciales en France a permis une certaine stabilité, avec notamment en 2022 un lissage de la répercussion de la hausse des coûts des industriels sur les prix de vente aux consommateurs, les mêmes causes produisant les mêmes effets, c’est cette même annualité rigide qui, aujourd’hui, empêche l’inflation alimentaire de redescendre plus rapidement et l’étau sur les achats du quotidien des Français d’être desserré.

Notre objectif avec ce texte était simple, comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, et je ne m’en suis jamais cachée : que les prix en rayon puissent baisser plus rapidement. Je vous rappelle que l’inflation alimentaire a diminué de plus de 8 points depuis le mois de mars dernier.

Nous ne pouvions pas attendre le mois de mars, surtout lorsque l’on sait que nos concitoyens ont déjà beaucoup souffert de cette forte inflation dans leurs courses du quotidien, d’autant que le début de l’année, au même titre que la rentrée de septembre, constitue bien souvent un moment de tension quant au pouvoir d’achat dans la vie quotidienne.

La position du Gouvernement était donc de vous proposer d’avancer de six semaines les négociations commerciales, tout en préservant les intérêts de nos PME.

La ministre des PME que je suis sait que ces entreprises sont au cœur de notre souveraineté alimentaire et industrielle. C’est pourquoi j’avais été l’an dernier à l’origine du pacte de solidarité commerciale – je le rappelle, car il est assez rare qu’un dispositif de ce type fonctionne. Ce pacte avait permis d’aider les PME dans leurs négociations, pour leur permettre de ne pas négocier leurs hausses de prix liés aux coûts de l’énergie, à partir du moment où ces derniers étaient documentés.

Dès le début de la rédaction de ce projet de loi, j’ai appelé l’ensemble des acteurs à une charte d’engagement afin que nos PME soient traitées prioritairement. Dans le cadre des échanges préparatoires à l’élaboration et à l’examen de ce texte, le Gouvernement et le Sénat n’ont eu de cesse d’écouter leurs voix, même si elles n’étaient pas unanimes, voire semblaient parfois polyphoniques.

Les débats parlementaires ont privilégié l’inscription dans la loi de deux dates butoirs distinctes, afin que nos PME concluent leurs négociations quinze jours avant les grands groupes : j’en prends acte.

J’appelle solennellement les fournisseurs qui ne l’auraient pas encore fait à envoyer le plus rapidement possible leurs conditions générales de vente pour que les négociations puissent se réaliser dans les meilleures conditions possible. Selon la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), une cinquantaine de grands fournisseurs ont confirmé avoir déjà envoyé les leurs, gage que les négociations pourront se dérouler à temps, ou du moins qu’un certain nombre de négociations sont déjà en cours.

L’accord trouvé en commission mixte paritaire a également acté l’exclusion des distributeurs d’outre-mer du dispositif. Je réitère ici mon engagement à faire accélérer les discussions autour du bouclier qualité prix (BQP), pour que nos concitoyens ultramarins bénéficient eux aussi d’une anticipation la plus rapide possible de ces baisses de prix. Je vous confirme qu’une circulaire est en cours de rédaction, en lien avec les services du ministère des outre-mer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, lorsqu’il s’agit de protéger le pouvoir d’achat des Français, chaque jour compte. L’accord trouvé sur ce texte en témoigne.

Anticiper les baisses de prix et préserver la qualité des négociations pour nos entreprises, tel est l’objectif sur lequel nous nous sommes accordés, et je veux sincèrement vous en remercier. Madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, je veux en particulier vous remercier de la qualité de nos échanges, apaisés, qui démontrent que, malgré des avis pas toujours identiques, nous pouvons avoir une coopération fructueuse et constructive. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la présidente de la commission et Mme la rapporteure marquent leur approbation.)