M. Ian Brossat. Défendu !

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 239 rectifié est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, MM. Roiron, Temal, Marie et Tissot, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, M. Kanner, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 330 rectifié bis est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 370 rectifié bis est présenté par M. Laouedj, Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol et Roux, Mme Girardin, M. Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° La section 1 du chapitre I du titre II du livre IV est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :

« Sous-section 4

« Régularisation pour motif professionnel

« Art. L. 421-4-1. – L’étranger en situation régulière ou irrégulière, qui justifie par tout moyen de l’occupation d’un emploi sur le territoire français, figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l’article L. 414-13, se voit délivrer de plein droit une carte de séjour portant la mention “salarié”.

« La délivrance de cette carte entraîne celle de l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 5221-2 du code du travail, matérialisée par ladite carte.

« Les dispositions de l’article L. 412-1 ne sont pas applicables pour la délivrance de cette carte. » ;

2° Au deuxième alinéa de l’article L. 436-4, après les mots : « aux articles », est insérée la référence : « L. 421-4-1 ».

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 239 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 330 rectifié bis.

M. Guy Benarroche. Un certain nombre de parlementaires issus de divers partis et groupes politiques – y compris Modem, Liot et Renaissance, c’est-à-dire des groupes centristes et le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale – ont tenté de trouver des solutions afin d’aboutir à un accord et de faire adopter ce texte, en faisant preuve d’imagination – celle-là même qui, selon M. le ministre, manque à notre groupe. Ce faisant, il ne s’agissait pas de vider de son sens le projet de loi initial, mais au contraire de déboucher sur un consensus pour le renforcer.

Monsieur Darmanin, vous dites souvent que vous n’avez pas voulu discuter avec nous, car nous aurions de toute façon, refusé le texte. Vous avez préféré discuter avec la droite, qui elle aussi, aurait refusé ce texte, si vous ne l’aviez pas infléchi dans le sens qu’elle souhaitait.

Vous avez donc privilégié ce type de discussion plutôt que d’avancer dans le sens d’un meilleur accueil des migrants et d’une meilleure intégration par le travail et par la formation.

Cet amendement de repli tend à rétablir l’automaticité de la délivrance du titre de séjour – c’est ce que vous souhaitiez au départ – pour les travailleurs sans-papiers travaillant dans des métiers en tension et dans des zones à déterminer.

Il vise à supprimer la condition de l’accord l’employeur, a priori comme a posteriori.

Monsieur le ministre, il est toujours temps d’émettre un avis favorable sur cet amendement.

Mes chers collègues, il est toujours temps de suivre l’option qui a été proposée par un certain nombre de députés issus de vos groupes respectifs du centre et du centre gauche !

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 370 rectifié bis.

Mme Maryse Carrère. Sur les marchés, dans le bâtiment, dans le secteur agricole, pour les livraisons ou encore dans nos restaurants, la liste est encore longue des secteurs qui vivent en partie du travail clandestin.

Depuis des années, cette clandestinité est condamnée, sans pour autant que nous offrions de solutions constructives.

D’un côté, de nombreux emplois peinent à être pourvus ; d’un autre côté, de nombreux étrangers en situation irrégulière attendent de s’intégrer pleinement dans notre société et d’exercer une activité professionnelle en dehors de toute clandestinité.

Cette équation est simple à résoudre. Le Gouvernement l’avait fait en proposant l’article 3.

Notre législation est aujourd’hui dans une forme de paradoxe. Le travail clandestin est interdit ; pourtant, il existe en dehors de tout contrôle et les employés comme les employeurs sont placés dans la précarité.

Dans le même temps, les travailleurs clandestins cherchent à attester de leur activité professionnelle pour obtenir leur régularisation.

Si nous n’avons aucune illusion sur le sort de cet amendement, nous proposons d’aller plus loin, non pas en créant un nouveau titre de séjour, mais en intégrant le nouveau mécanisme, proche de celui que souhaitait le Gouvernement, au dispositif existant du titre de séjour salarié.

Cela facilitera efficacement la régularisation des travailleurs sans-papiers.

Ce mécanisme nous paraît plus adapté. Il s’intègre au droit en vigueur tout en répondant parfaitement à l’objectif que nous souhaitons atteindre : l’intégration par le travail.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons entendre les avis de la commission sur les sous-amendements à l’amendement n° 657 et sur les autres amendements qui viennent d’être présentés.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les sous-amendements sont extrêmement nombreux. Vous avez tous, mes chers collègues, notamment ceux d’entre vous qui ont assisté à la réunion de la commission, une idée de l’avis que je vais formuler. C’est pourquoi, si vous le voulez bien, je donnerai une explication générale sur la position de la commission.

Certains d’entre vous nous ont beaucoup reproché de manquer de pragmatisme face à une situation de fait, qui est celle des étrangers en situation de travail irrégulière en France.

Cette situation existe, en effet, mais je crois que le pragmatisme n’est pas une politique. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.) On ne peut aborder la réalité qu’en fonction des principes que l’on a définis auparavant, et nos principes, vous l’avez compris, ne sont pas tout à fait ceux que certains ont défendus hier, au cours du débat, et qui aboutissent à créer un droit au séjour des étrangers en France.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous ne reconnaissez pas le droit au séjour des étrangers ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous ne reconnaissons pas un tel droit. Nous souhaitons légiférer pour préciser la manière dont les étrangers entrent en France ou y restent et quelle autorisation de travail peut leur être donnée. Dans la mesure où il revient à l’État de décider des conditions de régularité du séjour des étrangers sur le territoire, chacun comprend bien que l’irrégularité de leur présence ne peut pas créer un droit à la régularisation.

L’irrégularité, par principe, ne peut pas être tolérée. Toutefois, le pragmatisme, celui-là même dont l’opposition de gauche se revendique, conduit à reconnaître l’existence d’une situation qui, si elle ne peut pas être tolérée par principe, peut être admise à titre d’exception. C’est pourquoi nous avons choisi la procédure de l’admission exceptionnelle au séjour (AES) pour résoudre, parfois, cette situation, qui sinon, en effet, serait insoluble.

Pas de droit à la régularisation, donc – c’est pourquoi nous avons rejeté l’article 3 –, mais une admission exceptionnelle au séjour, comme celle qui existe aujourd’hui.

Reste à savoir dans quelles conditions celle-ci peut être mise en œuvre. Vous nous avez reproché d’avoir durci les conditions prévues par la circulaire Valls, qui précise comment les préfets doivent appliquer le régime de l’admission exceptionnelle au séjour. Vous avez raison – je ne peux rien vous dire d’autre –, nous avons durci les conditions d’application du dispositif ! C’est conforme à notre conception des choses : les procédures exceptionnelles, j’y insiste, ne doivent pas être facilitées et doivent être correctement encadrées. C’est ce que nous avons fait, dans les conditions que nous avons énumérées précédemment.

Oui donc à l’admission exceptionnelle au séjour, parce que l’irrégularité ne peut pas être un principe et ne peut pas être créatrice de droits. Oui aussi à un régime d’admission plus dur, parce que nous ne souhaitons pas, en effet, que la régularisation soit simple.

Dans ces conditions, nous avons émis un avis défavorable sur tous les sous-amendements et amendements qui ne s’inscrivent pas dans cette vision des choses, c’est-à-dire la quasi-totalité des sous-amendements, à l’exception du sous-amendement n° 676 du Gouvernement, parce que celui-ci, même si le texte que nous allons adopter n’est pas celui qu’avait présenté le ministre, vise à rendre plus restrictives les conditions d’admission exceptionnelle au séjour, conformément à notre logique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces sous-amendements et amendements, et notamment sur l’amendement n° 657 ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je me suis déjà largement exprimé sur l’article 3 et sur l’amendement n° 657, qui vise à introduire un article 4 bis. Je n’y reviendrai pas en détail.

Je tiens toutefois à préciser, madame la rapporteure, que l’adoption de l’amendement de la commission aura pour effet non pas de durcir la circulaire Valls, mais de créer une autre circulaire. Il faut bien le comprendre. (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et GEST.)

Pour répondre à Mme de La Gontrie, la circulaire de M. Valls restera inchangée ; elle ne crée d’ailleurs pas un droit opposable, comme l’a indiqué le Conseil d’État.

L’adoption de l’article 4 bis, qui sera certainement modifié durant la navette, aboutirait à créer une nouvelle circulaire, que l’on appellera comme vous le voudrez, Dussopt par exemple,…

Mme Audrey Linkenheld. Plutôt Retailleau !

M. Guy Benarroche. Ce sera la vôtre !

M. Gérald Darmanin, ministre. … qui permettra de régulariser des personnes qui travaillent dans des métiers en tension.

La rédaction supprime, d’un côté, l’accord préalable de l’employeur, c’est une amélioration, mais elle réintroduit, d’un autre côté, une vérification a posteriori de la « réalité de l’activité » : cette disposition mériterait d’être modifiée, sans doute pas aujourd’hui, mais lorsque nous aurons l’occasion d’en reparler rationnellement lors de futurs échanges.

On crée donc une nouvelle circulaire, dont il est bien précisé qu’elle « n’est pas opposable » : je ne suis pas opposé à cette rédaction, car le ministère de l’intérieur ne souhaite pas non plus, par principe, qu’elle le soit. Toutefois cette disposition me paraît superfétatoire, même si le Gouvernement ne proposera pas de la supprimer – cela risquerait, soit dit en passant, d’attirer l’œil de ceux qui souhaitent contester le texte.

Précisons bien en revanche, j’y insiste, qu’il s’agit d’une autre circulaire que la circulaire Valls. En dépit de ce que j’ai pu lire ici ou là, on ne durcit pas cette dernière, on en fait une autre, dont les dispositions relatives aux conditions de régularisation sont durcies par rapport à l’article 3, même si celui-ci prévoyait un examen au cas par cas.

Il existe aujourd’hui trois types d’AES. Tout d’abord, l’AES prévue par la circulaire Valls, fondée sur des dispositions législatives. L’AES pour les compagnons sans-papiers d’Emmaüs, ensuite, qui avait été imaginée par M. Collomb, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, afin de pouvoir régulariser ces derniers. Enfin, l’AES à destination des jeunes étrangers, l’année de leur majorité, dans certaines circonstances. Cette dernière permet de délivrer un titre de séjour à un jeune en apprentissage, par exemple, qui atteint l’âge de sa majorité, pour lui permettre de terminer son année d’étude : il est difficile de l’expulser alors qu’il a été soutenu par le département et aidé par la République dans son parcours de formation.

Ce texte vise ainsi à créer une quatrième AES, dans les conditions qu’a indiquées Mme la rapporteure.

J’émets un avis favorable sur les sous-amendements nos 669, 671, 665, 675 et 661, qui reprennent en fait l’article 3. J’émets un avis défavorable sur les autres sous-amendements et amendements, car je ne souhaite pas entrer dans la logique d’un élargissement du dispositif de l’article 3. Je m’en remets enfin à la sagesse du Sénat concernant l’amendement n° 657, en espérant toutefois qu’il sera adopté.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, nous demandons un scrutin public sur l’amendement n° 657.

Mon explication de vote portera sur l’ensemble de ces amendements et sous-amendements. Nous sommes opposés à l’amendement n° 657 en l’état ; nous voterons pour tous les sous-amendements, à l’exception de celui présenté par le Gouvernement.

J’ai dit plus tôt que l’on nous servait une version de l’histoire qui s’apparentait à l’histoire racontée aux enfants : personne n’est dupe, la droite devait absolument trouver un accord, car M. Retailleau avait indiqué très tôt qu’il ne voterait jamais l’article 3, quel qu’en soit le contenu avait même ajouté Mme Jourda, notre rapporteure. Il fallait donc se débarrasser de cet article. Pas de chance, le groupe centriste lui trouvait un intérêt !

Comment faire alors, quand la majorité au Sénat nécessite l’accord des deux groupes ? Vous vous êtes rencontrés, vous avez déjeuné, dîné, pris le thé, le café, et eu cette idée de génie : supprimer l’article 3 et le récrire ailleurs – c’est ainsi qu’est née l’idée d’un article additionnel après l’article 4 –, tout en l’assortissant de conditions plus strictes : vous avez ainsi allongé de huit à douze mois la durée de travail nécessaire pour obtenir une régularisation, rétabli, avec une formulation tortueuse, une participation de l’employeur – alors que l’intérêt de l’article 3 était qu’il supprimait cette dernière – et ajouté une dose d’ordre public – cela plaît toujours, à droite –, ainsi que des formules alambiquées.

Mais se pose alors un problème de communication entre vous : chacun dit qu’il a gagné (Sourires sur les travées des groupes SER et GEST.), y compris le Gouvernement, ce qui est pourtant impossible ! Nous verrons bien qui en sortira gagnant à l’extérieur. M. Retailleau a dégainé le premier, avant que MM. Marseille et Darmanin ne réagissent à leur tour. Chacun a son interprétation du dispositif que vous allez voter. Heureusement, l’Assemblée nationale fera le travail.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.

M. Stéphane Ravier. Je crois que nous avons besoin d’un médecin ! Ou de Vogalène, peut-être…

La gauche nous refuse le droit de voir l’immigration partout, mais, depuis deux articles, elle nous explique qu’il y a des immigrés partout : dans nos cuisines, nos champs, nos entreprises…

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas faux…

M. Stéphane Ravier. Il y en a aussi beaucoup dans les commissariats et les prisons ! (Rires sur certaines travées.)

Il conviendrait donc de régulariser les clandestins – sans quoi nous serions dans un déni de réalité – et pas seulement ceux qui travaillent dans les métiers en tension : Mme Vogel a eu la sincérité de souhaiter la régularisation de tous les clandestins. Il en faut toujours plus !

L’amendement de la droite sénatoriale, c’est en réalité la victoire de l’article 3 de M. Darmanin sur l’article 3 de la Constitution, selon lequel « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ».

En votant cet amendement, mes chers collègues, vous vous dessaisissez de vos responsabilités de législateur et acceptez les régularisations massives par voie réglementaire. On nous dit qu’elles se feront au « cas par cas », toutefois on sait ce que cela signifie : cela prendra plus longtemps, mais tout le monde sera régularisé. Reste que la droite n’en portera pas la responsabilité… La question est donc la suivante : veut-on, oui ou non, des régularisations massives ?

D’autres solutions existent : augmentation des salaires en réduisant l’écart entre le salaire brut et le salaire net, grâce à la suppression de 20 milliards de dépenses sociales non contributives chaque année ; mise sous condition du RSA ; développement d’un système de formation adapté ; mise en place d’une politique familiale pour favoriser le regain de la natalité, etc.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Oui, madame de La Gontrie, c’est un accord politique. Ce n’est pas un gros mot ! Cet accord, dont vous vous êtes moquée, révèle la solidité de la majorité sénatoriale. Peut-être est-ce cela qui vous gêne… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Olivier Henno. Cet accord résulte d’un équilibre. Je salue d’ailleurs le travail de nos rapporteurs. Nous avons agi avec prudence en préférant le cas par le cas plutôt que la régularisation systématique. C’est un choix. En tout cas, nous avons avancé et progressé. Ces dispositions ne se substituent pas à la circulaire Valls, elles s’y ajoutent.

M. Olivier Henno. Pour reprendre une image que vous connaissez bien : on est un peu plus gentils avec les gentils !

Enfin, n’allez pas nous donner des leçons en matière d’accord politique, quand vous avez signé celui de la Nupes ! (Applaudissements et rires sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

M. Olivier Henno. Voilà un bel exemple de grand écart !

Je voudrais insister sur le principe de prudence. Il me semble, lorsque je vous écoute, que vous êtes bien confiants. Oui, nous abordons ces questions la main tremblante, car le choc démographique est là : nous ne sommes plus dans les années 1980, à l’époque des pancartes « Touche pas à mon pote ».

L’accord politique que nous avons trouvé est équilibré et responsable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le tout c’est d’y croire !

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Mon propos vaudra explication de vote de mon groupe sur l’ensemble des sous-amendements et des amendements.

Je ne reviendrai pas sur la dynamique par laquelle les groupes de la majorité sénatoriale sont parvenus à conclure ce fameux accord : Mme de La Gontrie l’a expliquée avec brio.

Je voudrais quand même revenir sur deux points qui me paraissent particulièrement inquiétants pour notre société à l’avenir, si toutefois ils devaient prospérer au cours de la navette et figurer dans le texte qui sera finalement promulgué.

Le premier concerne la suppression de l’AME, dont nous avons discuté hier. Je ne comprends toujours pas la position du Gouvernement, ni pourquoi la ministre a émis un avis de sagesse après avoir brillamment démontré qu’il était contre-productif et inhumain de la supprimer. Cette suppression restera un marqueur du texte issu du Sénat…

Le second point concerne le dispositif de régularisation des travailleurs sans-papiers, sur lequel nous allons voter. Nous souhaitions une régularisation sans condition. Vous souhaitiez la réserver, monsieur le ministre, aux travailleurs des métiers en tension, tant pour faciliter leur intégration que pour satisfaire des demandes émanant de certains secteurs d’activité économique de notre pays.

Finalement, on assiste à un abandon du Gouvernement face à la droite sur ces deux points. Mais y a-t-il eu vraiment un affrontement ? Je ne le pense pas. Il semble qu’il s’agisse plutôt de tensions fratricides entre des partisans de conceptions légèrement différentes sur l’approche à adopter.

L’article 3 du projet de loi comportait, dans sa version initiale, une expérimentation de la régularisation de certains travailleurs dans les zones en tension. Une forme d’automaticité était prévue dans la mesure où les critères étaient inscrits dans la loi, afin que les décisions ne dépendent pas de l’appréciation fluctuante des préfets. Le texte ne prévoyait pas d’intervention de l’employeur, afin que les sans-papiers ne soient pas à la merci de patrons indélicats. Tel était, selon M. Darmanin, le point d’équilibre du texte… (Cest fini ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je poursuis, car il s’agit d’une explication de vote commune à l’ensemble des amendements et des sous-amendements…

M. le président. Mes chers collègues, je laisse M. Benarroche dépasser son temps de parole, comme je l’ai fait également pour les orateurs précédents, car il s’agit d’une explication de vote sur l’ensemble des amendements et des sous-amendements. Cette « tolérance » a pour objet de permettre à la Haute Assemblée d’avoir un débat complet et éclairé.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Monsieur Benarroche, veuillez poursuivre.

M. Guy Benarroche. Je vous remercie, monsieur le président.

Les caractéristiques que je viens d’énoncer représentaient, pour le Gouvernement, le point d’équilibre du texte. M. Darmanin a ainsi déclaré, à la fin de la discussion générale : « Nous avons besoin d’une disposition législative pour pouvoir régulariser des personnes qui méritent de l’être, quand bien même l’employeur ne le souhaite pas. » Il se déclarait « prêt au compromis », notamment à compléter l’article 3 « en intégrant le critère de respect des valeurs de la République ».

Que nous propose la commission des lois au regard du texte initial ?

Elle a bien évidemment conservé l’aspect expérimental. Le compromis évoqué par le ministre sur le respect des valeurs de la République et de nos modes de vie figure également dans le texte, puisqu’il correspond parfaitement à la philosophie de la commission. De même, le pouvoir discrétionnaire du préfet a été rétabli, puisque les conditions citées dans l’amendement n° 657 ne sont pas opposables à l’autorité administrative. La faculté de régularisation ne devient qu’une possibilité, dans la mesure où l’expression « se voit délivrer » est remplacée par : « peut se voir délivrer » une carte de séjour. Enfin, la commission a replacé l’intervention de l’employeur au cœur du dispositif, certes a posteriori, mais celle-ci reste un élément critique pour la délivrance de l’autorisation de travail.

Au final, le point d’équilibre n’est pas atteint : ni celui que nous avons essayé de faire prévaloir avec un certain nombre de nos collègues du Sénat et de l’Assemblée nationale, ni celui que le ministre disait souhaiter, ni même d’ailleurs celui que les centristes souhaitaient, à un moment donné, imposer à la droite, ou du moins celui qu’ils espéraient obtenir en négociant avec elle.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Quand j’entends Olivier Henno, je me retrouve dans la majorité sénatoriale. (Marques dironie sur les travées des groupes SER et GEST.) Merci pour cette allusion à la Nupes, qui nous a un peu détendus alors qu’il est déjà minuit.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est la seule chose qui vous rapproche !

M. Bruno Retailleau. Il est clair, après plusieurs heures de discussion, que l’article que tend à créer l’amendement n° 657 de la commission n’a rien à voir avec l’article 3 du Gouvernement. J’en veux pour preuve l’avis défavorable du Gouvernement sur la suppression de l’article 3, l’opposition farouche de la gauche à la suppression de ce dernier, ainsi que son opposition à la proposition de la commission !

Dernière preuve : dans Le Figaro, Sacha Houlié, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, annonce qu’il rétablira « le texte ambitieux de l’exécutif, tout le texte de l’exécutif ». (Mme Cécile Cukierman sexclame.) Voilà qui est clair !

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous finirez par ne pas voter votre propre amendement !

M. Bruno Retailleau. Nous avons voulu durcir les conditions de la circulaire Valls…

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous ne le faites pas !

M. Bruno Retailleau. D’abord, on proclame – c’est une nouveauté par rapport à l’article 3 – qu’il n’y aura jamais de droit automatique à la régularisation. Ensuite, on durcit un certain nombre de critères de manière très claire : la personne devra avoir travaillé non plus huit mois, mais douze mois au cours de vingt-quatre derniers mois ; le préfet devra procéder à une instruction « à 360 degrés » du dossier, pour tenir compte notamment du respect par l’étranger de l’ordre public ou des principes de la République.

Nous prévoyons aussi un dispositif antifraude qui ne figurait pas dans l’article 3 : si le salarié peut déclencher la procédure, le préfet pourra vérifier la réalité du travail en se retournant vers l’employeur – et j’espère d’ailleurs, à ce propos, que des employeurs seront punis pour avoir utilisé frauduleusement une main-d’œuvre sans-papiers. Enfin, le 31 décembre 2026 l’expérimentation s’arrêtera. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. J’ai l’impression que Bruno Retailleau a vraiment très envie de dire qu’il est favorable à l’article de régularisation, et je le remercie de son soutien…

L’article 4 bis ne durcira pas la circulaire Valls, il en ajoute une autre.

M. Bruno Retailleau. Elle sera différente !

M. Gérald Darmanin, ministre. Certes, mais elle ne durcit rien ! Elle crée une nouvelle circulaire, avec des conditions que vous avez fixées.

Aujourd’hui, une femme sans enfant en situation irrégulière qui est embauchée par un patron voyou, qui ne souhaite pas sa régularisation, ne peut être en aucun cas régularisée sur le fondement de Valls « travail » ; en revanche, si elle a un enfant, elle peut être régularisée sur le fondement de Valls « famille ». On l’encourage à avoir des enfants pour être régularisée ! J’y insiste, sans enfant, cette femme ne pourrait être régularisée – la loi l’interdit –, quand bien même le préfet le souhaiterait et quand bien même elle respecterait les critères que vous avez mentionnés.

Il fallait donc légiférer, et je suis heureux que, après des semaines d’échanges par médias interposés, chacun parvienne, monsieur le président Retailleau, à reconnaître cette évidence !

L’article 4 bis créera une nouvelle circulaire…