M. Marc-Philippe Daubresse. Il va droit dans le mur !

antisémitisme (ii)

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’écrivain martiniquais Frantz Fanon écrivait voilà soixante-dix ans : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. »

Madame la Première ministre, cela fait cinq semaines que les Françaises et les Français dressent l’oreille. Ils sont inquiets, horrifiés, scandalisés par la résurgence de l’antisémitisme en France. Pas un jour ne passe sans que notre pays connaisse une nouvelle agression, une nouvelle menace, une nouvelle dégradation, une nouvelle mise en cause contre nos compatriotes de confession juive.

Cette réalité-là nous scandalise. L’antisémitisme, qui n’a jamais disparu de la société française, redouble d’acuité. Il s’étale sans complexe. Il menace, il sévit, il empoisonne la vie de nos concitoyens, de nos compatriotes.

Madame la Première ministre, toutes les forces politiques républicaines et démocratiques se mobilisent, se dressent – votre gouvernement aussi. Le Président du Sénat et la Présidente de l’Assemblée nationale ont appelé à une manifestation dimanche prochain. C’est une heureuse initiative. Merci, monsieur le président ! (Applaudissements.)

Madame la Première ministre, nous avons besoin de savoir quelle est la genèse de ces faits, quels moyens sont mobilisés pour les empêcher et quelle est la volonté du Gouvernement de lutter contre la résurgence de l’antisémitisme, afin que chacune et chacun d’entre nous prenne sa part, toute sa part, sa juste part, dans la lutte contre ce fléau. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi pas à la Première ministre ?

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme je viens de le dire en réponse à la question de M. de Legge, plus de 11 000 policiers et gendarmes sont mobilisés, dans le cadre de l’opération Sentinelle, pour protéger les 950 sites où les Français de confession juive ont l’habitude de se rendre.

Une interdiction de manifester a été prise dans les heures qui ont suivi les attaques terroristes islamistes du Hamas contre les populations israéliennes, ce qui a empêché, me semble-t-il, qu’en France, à Paris, comme en 2013 et 2014, on entende crier : « Mort aux Juifs ! » Voyez ce qui s’est passé dans d’autres grandes villes européennes : à Berlin, on a attaqué des synagogues à coups de cocktails Molotov. Fort heureusement, grâce à la fermeté de l’État, grâce à la présence des policiers et des gendarmes, cela n’est pas arrivé chez nous.

Monsieur le sénateur Bourgi, vous demandez qui sont les personnes qui sont passées à l’acte. Malheureusement, elles sont souvent très jeunes. Comme je l’ai dit au président de la commission des lois de votre assemblée, je suis tout à fait prêt à répondre à des questions sur la sociologie de ces personnes. Parmi elles, 120 sont d’origine étrangère, une quarantaine sont en situation irrégulière et trois sont fichées S.

Sur les quelque 500 interpellations réalisées, la moyenne d’âge est extrêmement faible, puisqu’il s’agit souvent de mineurs, comme ceux que l’on a vus chanter des chants nazis et de haine des Juifs dans le métro parisien ; ceux-ci ont été identifiés par la Préfecture de police ; je ne peux vous révéler ici leur identité, du fait des nécessités de l’enquête, mais je vous assure que ce dossier est suivi de très près.

Chaque acte antisémite, qu’il soit commis sur internet ou dans le monde physique, entraîne l’ouverture d’une procédure judiciaire et mobilise des services de police technique et scientifique sur l’ensemble du territoire national, y compris pour un graffiti, qui veut dire bien d’autres choses et, souvent, annonce le passage à l’acte.

Je sais que la sévérité de la justice frappera tous ceux qui profèrent des menaces de mort, notamment contre des rabbins ou des personnes sensibles pour la communauté. Je pense, monsieur Karoutchi, à Levallois-Perret, où la police a su, en moins de vingt minutes et avec l’aide de la plateforme TikTok, arrêter la personne incriminée et la déférer à la justice.

La haine sévit avant tout sur les plateformes. Nous devons donc, collectivement, réfléchir à notre accès à ces plateformes. (MM. Pierre Jean Rochette et Michel Savin applaudissent.) Quand 75 % des contenus antisémites signalés à la police viennent de Twitter, le ministre de l’intérieur se dit que les policiers ne peuvent pas tout faire : tout le monde doit prendre sa part. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, SER, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour la réplique.

M. Hussein Bourgi. Merci de votre réponse, monsieur le ministre. Je crois pouvoir vous dire que sur ce sujet, quels que soient nos groupes politiques, quelles que soient les travées que nous occupons au sein de cette assemblée, vous nous trouverez toujours mobilisés à vos côtés, dimanche prochain comme à l’avenir. Nous sommes, toutes et tous, dépositaires de cette phrase qui circulait voilà quelques décennies en France, en Europe et dans le monde : « Heureux comme un juif en France. » Cette phrase nous oblige, pour aujourd’hui et pour demain ! (Applaudissements.)

annonces du gouvernement à la suite des émeutes de l’été 2023

M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Pierre Barros. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mort du jeune Nahel, tué à l’âge de 17 ans, lors d’un contrôle routier, par le tir d’un policier a été le point de départ de huit jours d’émeutes d’une rare intensité, dans toute la France.

Pendant cette tempête urbaine, en tant que maire de Fosses, dans le Val-d’Oise, j’ai été témoin, comme beaucoup d’autres élus, d’actes de violence et de dégradation.

Je salue l’engagement des forces de l’ordre – police et gendarmerie –, des agents des services publics, des élus et des citoyens pendant cette période.

Quatre mois après ces tragiques événements, la présentation du plan du Gouvernement était très attendue.

Madame la Première ministre, vous avez dévoilé vos propositions il y a bientôt deux semaines, dans l’amphithéâtre de la Sorbonne. J’y étais, et je peux vous assurer que de nombreux élus en sont ressortis déçus.

Vos propositions restent largement insuffisantes pour répondre aux enjeux de nos territoires.

Votre plan mêle le tout-répressif et le contrôle social ; il s’impose, telle une double peine, notamment aux familles monoparentales.

Madame la Première ministre, avez-vous bien entendu ce que demandent les élus locaux ? Ne pensez-vous pas que, si des communes ont développé des polices municipales et demandent aujourd’hui leur armement, c’est tout simplement parce que les forces de l’ordre ont purement et simplement disparu de leur territoire ?

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous avez refusé des effectifs supplémentaires dans la loi Sécurité globale !

M. Pierre Barros. Ne pensez-vous pas que le triptyque prévention-répression-insertion gagnerait à ce que l’État assume clairement ses compétences régaliennes liées au maintien de l’ordre public ?

À ce sujet, que proposez-vous pour la prévention spécialisée, si utile pour nos quartiers ?

Enfin, madame la Première ministre, parler de police de proximité, c’est parler de complémentarité. Il faut accroître les effectifs de police et de gendarmerie nationales sur nos territoires,…

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous avez voté contre !

M. Pierre Barros. … mais il faut aussi reconnaître le métier de policier municipal pour ce qu’il est, par une rémunération et une évolution de carrière qui soient à la hauteur de l’engagement des policiers.

Madame la Première ministre, déploierez-vous les moyens nécessaires au succès de cette ambition ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté et de la ville.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la citoyenneté et de la ville. Monsieur le sénateur Pierre Barros, j’apporterai plusieurs réponses à votre vaste question.

Précisons d’abord que la prévention spécialisée relève, me semble-t-il, de la compétence des départements. Cela dit, des mesures ont été prises en la matière.

Vous m’interrogez sur les réponses apportées par le Gouvernement aux émeutes urbaines.

Citons d’abord – vous faites bien de les rappeler – les actions immédiates de gestion de crise visant à rétablir l’ordre républicain et notamment la mobilisation, par le ministre de l’intérieur, de moyens exceptionnels.

Ensuite, des mesures fortes ont été prises pour favoriser la reconstruction, au travers d’un projet de loi transpartisan.

En parallèle, le Gouvernement a pris le temps du diagnostic et de la concertation, avec les élus locaux et les acteurs de terrain, pour rechercher des solutions.

Le 26 octobre dernier, la Première ministre a annoncé un ensemble de mesures fortes, qui concernent toutes les dimensions de l’action publique et non pas seulement la sécurité.

Je veux tout d’abord citer la mise en place de forces d’action républicaine (FAR), dont l’objectif est de renforcer tous les services publics.

Je l’ai dit plusieurs fois : je suis très attachée à ce que le droit commun s’applique dans les quartiers prioritaires comme sur l’ensemble du territoire national.

M. Laurent Burgoa. Comme c’est courageux…

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat. Trois de ces FAR seront déployées à titre expérimental à Besançon, Valence et Maubeuge. C’est le moment ou jamais de mener des expérimentations : si vous me permettez l’expression, on a tout essayé, sauf ce qui marche.

Ensuite, la responsabilisation des parents est un enjeu majeur. Nous souhaitons créer une contribution citoyenne à verser quand une infraction est commise par un mineur. Cette contribution participera également à l’indemnisation des victimes, dont on parle trop rarement à mon sens.

Pour renforcer l’encadrement des jeunes délinquants ou décrocheurs, nous développerons également des dispositifs visant leur insertion dans une vie citoyenne et active, comme les classes de défense ou le service militaire volontaire.

Enfin, en ce qui concerne l’usage des réseaux sociaux – vous n’ignorez pas qu’ils ont joué un rôle de catalyseur dans ces émeutes –, nous créerons une peine complémentaire de suspension de compte utilisateur en cas d’infraction commise sur une plateforme en ligne.

Notre réponse est donc multiforme. Il serait trop long d’énumérer ici les annonces qui ont été faites au Comité interministériel des villes (CIV). (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Sous l’autorité de la Première ministre, le Gouvernement mobilise tous les leviers à sa disposition pour que ces événements ne se reproduisent plus.

Monsieur le sénateur, nous pourrions en discuter plus longuement,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat. … tant les mesures ont été fortes et nombreuses. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour la réplique.

M. Pierre Barros. Madame la secrétaire d’État, nous avons lu les communiqués de presse, nous connaissons leur contenu. À titre expérimental, l’État pourrait commencer par faire son travail ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER. – M. Michel Savin applaudit également.)

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat. Faites aussi le vôtre !

position des maires face aux mariages d’étrangers en situation irrégulière

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Madame la ministre chargée des collectivités territoriales, je veux évoquer ce que nous appellerons peut-être demain l’affaire Wilmotte.

Stéphane Wilmotte est maire d’Hautmont, dans le Nord. Grâce à son courage, ainsi qu’à la volonté du préfet et de M. le ministre de l’intérieur, un imam salafiste de sa commune a pu être expulsé. Cette expulsion était on ne peut plus normale : dans ses prêches, l’imam en question, qui se trouve aujourd’hui en Algérie, faisait l’apologie du terrorisme et remettait en cause notre modèle républicain.

Les choses auraient pu en rester là, mais il se trouve que ce triste individu a assigné Stéphane Wilmotte à comparaître, demain, devant le tribunal judiciaire d’Avesnes-sur-Helpe.

Loin de moi l’idée d’exercer une pression quelconque sur la justice ; elle est souveraine. Je poserai néanmoins quelques questions légitimes.

Ne serait-il pas opportun de modifier la législation en la matière ? Tel est l’objet d’un amendement que mon collègue Stéphane Demilly et moi-même avons déposé sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. J’ai des doutes sur la question, mais vous y répondrez.

Faut-il, ensuite, renforcer l’accompagnement et l’aide apportés aux maires par les préfets et les procureurs dans ce domaine ? Faut-il, enfin, prolonger les délais d’enquête ?

Ma conviction est en tout cas la suivante : il ne faut absolument pas laisser les maires, ces soutiers de la République, seuls face à cette question des mariages de complaisance.

Ces derniers risquent de se multiplier, au moment même où nous renforçons, à juste titre et de façon légitime, les dispositions législatives relatives au droit des étrangers. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Henno, je veux d’abord, à votre suite, souligner le courage de Stéphane Wilmotte, maire d’Hautmont. L’action qu’il a menée dans cette petite commune du Nord, par ailleurs charmante, mais dont les moyens sont limités, ainsi que les informations qu’il a transmises à M. le préfet du Nord et à moi-même, ainsi qu’à vous, monsieur le sénateur, ont permis l’expulsion de cet imam étranger qui exposait une version moyenâgeuse, radicale et insupportable de l’islam. Oui, grâce à l’action du préfet du Nord, nous sommes en effet parvenus à expulser cet individu et à interdire son retour sur le territoire national.

Vous avez par ailleurs rappelé à raison, monsieur le sénateur, que M. Wilmotte paie cher son courage dans sa vie personnelle et familiale.

Il a, bien sûr, l’entier soutien de la République, du ministre de l’intérieur et de ses services : à plusieurs reprises, j’ai échangé avec lui, et j’ai tenu à garantir sa protection et son intégrité physique, lorsqu’il a été menacé.

Vous avez parfaitement raison : les enquêtes doivent sans doute durer plus longtemps, afin de permettre à un maire, à un officier d’état civil agissant au nom de l’État – en l’occurrence des services de la justice –, d’intervenir en cas de doute sur la véracité d’un mariage.

Même si un étranger en situation irrégulière a constitutionnellement le droit de se marier sur le territoire national, ce mariage ne doit en aucun cas constituer un obstacle à son éloignement.

Le cas s’est présenté à la mairie de Béziers. La personne concernée a été expulsée, malgré la demande qui avait été formulée par le procureur de la République au maire de Béziers de prononcer ce mariage.

Monsieur le sénateur, il y a lieu, sans doute, de réfléchir à de nouvelles dispositions dans le cadre du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.

Votre assemblée a ainsi adopté hier soir un amendement d’Olivier Bitz sur la reconnaissance frauduleuse de paternité, délit qui sera désormais passible de cinq ans d’emprisonnement et de plus de 75 000 euros d’amende.

Nous pourrons également travailler ensemble, soit dans le cadre de l’examen de ce texte par le Sénat, soit au cours de la navette parlementaire et lors de la réunion de la commission mixte paritaire, sur des dispositions qui permettraient à un maire, lorsqu’il a un doute sérieux que ses services lui ont permis de documenter – c’était le cas de M. Wilmotte –, de s’opposer au mariage de personnes qui s’engagent dans cette démarche non par amour, mais par intérêt, contre la République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP. – Mme Brigitte Micouleau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.

M. Olivier Henno. Merci, monsieur le ministre, d’avoir souligné le courage de M. Wilmotte et d’avoir affirmé la volonté de l’État en la matière.

Nous avons un devoir : ne pas laisser les maires seuls. Le cas dont je vous ai saisi n’est pas isolé. Les tentations et tentatives de mariages de complaisance risquent de se multiplier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

maintien d’atos dans le giron français

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Cédric Perrin. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.

Nous sommes entrés dans une ère où la compétition stratégique entre les puissances est désormais la norme, et où la lutte contre les ingérences étrangères est devenue une préoccupation de chaque instant. La délégation parlementaire au renseignement en a d’ailleurs fait le thème central de son dernier rapport.

Son président, Sacha Houlié, membre de votre majorité, madame la Première ministre, y propose un plan d’action pour protéger les intérêts économiques et scientifiques de notre pays. En résumé, il vous invite à sortir du déni.

C’est un vœu similaire que nous formulions le 2 août dernier, avec mes collègues du groupe Les Républicains, dans une tribune intitulée : « Cessons de vendre nos fleurons les plus stratégiques à des puissances étrangères. »

Nous alertions sur la décision du groupe Atos de céder une partie de ses activités à la société EP Equity Investment, propriété du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky.

Depuis cette publication dans les colonnes du Figaro, pas une semaine ne se passe sans un nouveau rebondissement : chute vertigineuse du cours d’Atos, fronde des actionnaires, plaintes déposées auprès du parquet national financier (PNF), départ forcé du président d’Atos, ou encore, cette semaine, arrivée très opportune d’un nouvel investisseur.

Bien sûr, Atos est une entreprise privée, mais elle n’est pas une entreprise comme les autres. C’est sur elle, sur ses supercalculateurs, que repose une partie de notre souveraineté nucléaire.

Son démantèlement et, surtout, l’immixtion d’acteurs étrangers, fussent-ils européens, dans son activité font peser un risque inacceptable.

Alors que l’enjeu est crucial, comment comprendre le silence assourdissant de votre gouvernement sur cette question ?

Madame la première ministre, reprenez les choses en main ! Le projet de M. Kretinsky fera-t-il, oui ou non, l’objet d’un contrôle au titre des investissements étrangers en France ?

Nous attendons une réponse claire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du numérique.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Cédric Perrin, vous avez raison de le dire : Atos n’est pas une entreprise comme les autres.

Ce fleuron industriel français, qui fournit plus de 100 000 emplois, est présent dans plus de soixante-dix pays. Grâce à cette entreprise, des savoir-faire technologiques français rayonnent depuis plus de vingt ans dans le monde entier.

Il est vrai que, certes pour une part minoritaire de ses activités, Atos revêt un intérêt stratégique pour la souveraineté numérique de notre pays.

Je pense évidemment aux supercalculateurs – Atos est la dernière entreprise européenne à savoir les concevoir et les produire –, mais aussi à la cyberdéfense et à la cybersécurité – Atos est le premier partenaire des jeux Olympiques et Paralympiques en la matière –, ou encore, comme vous l’avez rappelé, à la supervision de notre parc nucléaire.

Mme Valérie Boyer. Et la réponse ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Cependant, contrairement à ce qui a été proposé, notamment à l’Assemblée nationale, le Gouvernement n’est pas favorable à la nationalisation d’Atos, comme le ministre de l’économie et des finances l’a rappelé ce matin.

D’une part, une telle décision ne réglerait pas les problèmes opérationnels et financiers de l’entreprise. D’autre part, Atos a besoin non pas de la tutelle de l’État, mais bien d’investisseurs et de partenaires industriels. (M. Jacques Grosperrin sexclame.)

Cela étant, je veux rappeler, pour vous rassurer, qu’une prise de participation en deçà de 10 % ne confère à son auteur qu’une influence très marginale sur la vie de l’entreprise. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Rachid Temal sexclame également.) Par ailleurs, nous n’hésiterons pas à activer le contrôle des investissements étrangers en France.

Comme vous le savez, monsieur le sénateur, le code monétaire et financier soumet toute prise de participation par un acteur étranger dans une entreprise d’importance stratégique en France à une autorisation du ministre de l’économie et des finances.

M. Rachid Temal. Et que fera-t-il ?

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Où est-il ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Soyez assuré que, sous l’autorité de la Première ministre, le Gouvernement est attentif à l’avenir d’Atos comme à la garantie de la souveraineté numérique de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.

M. Cédric Perrin. Monsieur le ministre, ceux qui, comme moi, attendaient une réponse claire en sont pour leurs frais ! De fait, l’absence de réponse à ma question obligera le Sénat à exercer son devoir constitutionnel de contrôle. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

En accord avec la commission des affaires économiques, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées exercera bien son devoir de contrôle sur l’affaire Atos. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et CRCE-K.)

aide médicale de l’état

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, depuis la mise en place de l’aide médicale de l’État (AME) par Lionel Jospin en 1999, les détracteurs de cette mesure sont toujours les mêmes : les extrêmes droites, de Le Pen à Zemmour.

Hier soir, le Sénat a voté sa suppression, sans opposition de votre Gouvernement. C’est une digue de plus qui vient de sauter. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Cette suppression s’est faite sur fond de cacophonie gouvernementale. Le 7 octobre dernier, M. le ministre Darmanin se déclarait favorable à la suppression de l’AME.

Ce lundi, vous avez vous-même déclaré, madame la Première ministre, y être défavorable, dans l’attente du rapport de MM. Stefanini et Évin, l’AME étant selon vous « un enjeu d’humanité et de santé publique ».

Ce mardi, ici même, après avoir prononcé un plaidoyer émouvant, ou presque, pour l’AME, après avoir indiqué l’attachement du Gouvernement à ce dispositif, après avoir marqué son opposition à la droite sénatoriale, Mme la ministre Firmin Le Bodo s’est totalement dédite en émettant un avis de sagesse, synonyme de blanc-seing pour cette même droite sénatoriale. (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le soir même, son ministre de tutelle, M. Aurélien Rousseau la désavouait, en regrettant cette suppression, qu’il qualifiait de « grave erreur ». (Mêmes mouvements.)

Nous partageons l’avis de votre ministre – je précise : celui de ce dernier ! (Rires.)

Nous nous élevons contre cette posture politicienne de la droite sénatoriale, prête à sacrifier la santé des étrangers et les enjeux de santé publique dans un calcul électoral cynique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements nourris sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

L’ensemble du corps médical est révolté. Nos hôpitaux s’en trouvent fragilisés. Une certaine idée de la République sociale est bafouée. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Madame la Première ministre, à quelques heures de la suppression prévisible des articles 3 et 4 du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, nous n’y comprenons plus rien, sauf à constater la recomposition de la droite, avec votre ministre de l’intérieur à la manœuvre ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Alors, madame la Première ministre, quelle est la position officielle de votre gouvernement sur le devenir de l’AME ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Patrick Kanner, vous avez entamé, ce lundi, l’examen du projet de loi défendu par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin.

Ce projet de loi vise à atteindre un double objectif : d’une part, éloigner plus rapidement ceux qui n’ont pas vocation à rester sur notre sol ; d’autre part, mieux intégrer ceux que nous choisissons d’accueillir.

M. Patrick Kanner. C’est mal parti !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Vous m’interrogez spécifiquement sur l’AME.

Ma position est sans ambiguïté. C’est celle de mon gouvernement et elle a été exprimée très clairement hier. (Exclamations et marques dironie sur les travées du groupe SER.)

M. Rachid Temal. Par qui ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. L’AME est un dispositif nécessaire, qui répond à un impératif de santé publique.