M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fin du monopole de la RATP, le 31 décembre 2024, a été actée de longue date par la Commission européenne, pour des raisons qu’elle a négociées avec la France, laquelle s’est soumise à cet objectif sans prêter attention à son propre calendrier, marqué notamment par l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques l’été prochain.

Bien évidemment, le risque d’un mouvement social durant les jeux Olympiques nous inquiète tous. En effet, malgré les nombreuses années de préparation depuis l’annonce de la privatisation, les conditions de l’ouverture à la concurrence ne sont toujours pas réunies.

En dépit des appels d’offres lancés en 2020, le processus d’ouverture à la concurrence pose des problèmes de nature opérationnelle, technique, réglementaire et surtout sociale, avec l’absence de certitude quant aux conditions de transfert des agents de la RATP.

Les difficultés que rencontrent les usagers des transports franciliens depuis a minima la période de la covid-19 sont considérables, malgré une hausse importante du prix du titre de transport. À la RATP, c’est un peu comme avec les impôts : moins ça va, plus on paye !

Mme Valérie Pécresse annonce un retour à la normale quasiment tous les mois, mais visiblement ses prévisions ne se réalisent jamais, le taux de ponctualité étant toujours en baisse. Ce sont souvent les plus précaires, ceux qui habitent loin de leur travail, parce que le prix du logement, notamment parisien, en a chassé plus d’un, qui souffrent de cette situation de monopole du réseau RATP.

L’ouverture à la concurrence permettra, j’en suis persuadé, de négocier une amélioration de la qualité du service au bénéfice des voyageurs et une baisse des tarifs sur l’ensemble du réseau. Une véritable négociation sociale sur les conditions de transfert du personnel est nécessaire pour que l’ouverture de la concurrence soit véritablement préparée durant ces deux années de report. Il ne faudrait pas que notre vote en faveur de cet allongement du délai ne se traduise finalement que par un simple report du chaos annoncé.

Nous voterons donc en faveur de ce texte.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

M. Philippe Tabarot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les différentes crises qui se sont succédé ont mis en lumière non seulement les éléments clés, mais également les points de faiblesse de la mise en concurrence des services de transport.

Pour autant, l’ouverture à la concurrence doit-elle rester à quai ? Je ne le pense pas. Bien au contraire, elle doit se poursuivre avec méthode, pour réintroduire ce qui peut faire défaut dans une situation historiquement monopolistique.

La concurrence incite à l’innovation, à la performance et à la mise en œuvre de politiques tarifaires attractives qui permettent d’accroître la demande. Je sais que tel n’est pas le débat de ce soir, mais j’ai tout de même envie de vous le dire : la concurrence n’est pas un gros mot ; c’est une réelle chance, et elle mérite d’être menée jusqu’à son terme. C’est le cas avec cette proposition de loi déposée par notre collègue Vincent Capo-Canellas.

Lors de la préparation du processus d’ouverture à la concurrence, la RATP et Île-de-France Mobilités ont fait face à des difficultés opérationnelles auxquelles ce texte permet de répondre.

En plus de laisser à IDFM la possibilité d’étaler l’ouverture à la concurrence des bus jusqu’au 31 décembre 2026, la proposition de loi garantit aux agents l’absence de mobilité géographique contrainte, tout en affinant les modalités de transfert selon les catégories d’emploi et le lieu d’exercice des missions. Nous avons pu le constater lors de notre visite au centre-bus de Montrouge.

Ce texte montre aussi que l’initiative parlementaire est source de performance.

Sur la forme, tout d’abord. D’une part, en montrant que les autorités de la mobilité et les opérateurs peuvent enfin anticiper et améliorer le service. D’autre part, en permettant à un État habituellement plus prompt à contraindre et pénaliser de devancer un problème.

En l’espèce, l’État et le législateur fixent ici un meilleur cadre et définissent les principes que l’autorité organisatrice serait chargée de mettre en œuvre pour tous les opérateurs.

Sur le fond, ensuite, le Sénat souligne un fait essentiel : les mobilités en Île-de-France constituent un enjeu immense, non seulement en raison des jeux Olympiques et Paralympiques, mais aussi parce que l’Île-de-France compte l’un des plus importants réseaux de transports européens.

Sans esprit de polémique ou de chantage syndical, nous formons le vœu, au travers de cette proposition de loi, que la gestion des transports, en cette période exceptionnelle, soit à la hauteur des attentes, et qu’elle le soit aussi bien pour les dirigeants du monde qui seront présents que pour n’importe quel Francilien.

Au regard des enjeux, je souligne que ce texte consacre l’intérêt des usagers et des agents, tout en bâtissant une échelle précise des compétences. Dans quel but ? Pour la seule qualité du service.

Cet ajustement n’est ni un rétropédalage ni un abandon. Il était difficile d’envisager quelle serait leur nouvelle affectation des 19 000 salariés au 1er janvier 2025, de basculer vers l’ouverture à la concurrence d’un seul coup.

Avec la voie qui est proposée, laquelle se veut progressive, apaisée, pragmatique et responsable, l’usager a tout à gagner. C’est, me semble-t-il, le but que nous visons tous. Par un compromis raisonnable, nous pensons que notre service public, celui des bus d’Île-de-France, fonctionnera le mieux possible.

C’est une avancée sécurisée et graduée, qui nous rappelle la chance qu’offre la concurrence face aux fausses idées entretenues. La concurrence n’est pas la privatisation, puisque le contrôle public est maintenu. Elle n’est pas non plus la précarisation sociale, l’emploi étant maintenu et les garanties sociales – et non, cher Roger Karoutchi, le « sac à dos social » ! – préservées.

La concurrence, c’est tout le contraire. Elle est vertueuse par le recours aux délégations de service public, qui instaurent un dialogue plus compétitif et équilibré entre l’autorité organisatrice de la mobilité et les opérateurs.

J’en ai d’ailleurs été le témoin privilégié dans ma région, lorsque nous étions les premiers à mettre en œuvre cette concurrence pour le TER, avant même que le rapporteur n’en fasse de même dans les Hauts-de-France !

Notre commission de l’aménagement du territoire a choisi de rester fidèle à cette ambition réformatrice, très équilibrée.

Pour conclure, la réussite de ce processus supposait plusieurs conditions : la remise en jeu à une fréquence relativement régulière, mais raisonnable, de l’organisation d’un service public de transport ; la garantie à la fois de la continuité et de la qualité du service offert aux usagers du réseau de bus francilien ;·enfin, l’acceptabilité sociale dans les conditions de transfert et dans l’ajustement de certaines garanties, pour en préserver le bénéfice à l’ensemble des salariés concernés.

Le monde avance, le transport français ne peut reculer ! Il ne peut reculer face aux menaces sociales, face aux difficultés opérationnelles qui ne doivent pas entraver le service public pour les usagers et pour les Français, qui en sont les contribuables financeurs.

Cette proposition de loi répond à cette donne opérationnelle, sociale et économique. Aussi, au vu des réponses apportées, du cadre posé et de l’équilibre trouvé, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. Franck Dhersin, rapporteur. Bravo !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la ratp

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP
Article 2

Article 1er

I. – La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du code des transports est ainsi modifiée :

1° L’article L. 3111-16-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque survient un changement d’exploitant d’un service ou d’une partie des missions de service régulier de transport public par autobus ou autocar dans la région d’Île-de-France opéré par l’établissement public à caractère industriel et commercial de la Régie autonome des transports parisiens, l’ensemble des contrats de travail en cours des salariés affectés à l’exploitation et à la continuité du service public concerné sont transférés aux nouveaux employeurs.

« Par dérogation au premier alinéa, les contrats de travail des salariés concourant aux missions réalisées par le service interne de sécurité mentionné à l’article L. 2251-1-2, aux missions des structures centrales de la Régie autonome des transports parisiens hors entités mutualisées, ainsi qu’à certaines fonctions des entités mutualisées dont la liste est fixée par décret, sont exclus du champ du transfert. » ;

b) Au 1°, après le mot : « partie », sont insérés les mots : « des missions » ;

c) Au 2°, après le mot : « partie », sont insérés les mots : « des missions » ;

2° Après le même article L. 3111-16-1, il est inséré un article L. 3111-16-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3111-16-1-1. – Pour l’application de la présente section, on entend :

« 1° Par “centre-bus” : toute entité du cédant chargée de l’exploitation des lignes régulières de transport public par autobus ou autocar, du remisage et, le cas échéant, de la maintenance des véhicules associés aux lignes ;

« 2° Par “entités mutualisées” : toute entité du cédant, dont l’activité n’est pas dédiée qu’à un seul centre-bus, au sein de laquelle des salariés concourent directement ou indirectement au service régulier de transport public par autobus ou autocar, ou à une partie des missions exercées au sein de ce service ;

« 3° Par “service” : l’exploitation des lignes régulières de transport public par autobus ou autocar, le remisage et, le cas échéant, la maintenance des véhicules associés aux lignes au sein d’un centre-bus, ainsi que les activités y concourant directement ou indirectement. » ;

3° Le 1° de l’article L. 3111-16-2 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « transmises », sont insérés les mots : « individuellement et collectivement » ;

b) Après le mot : « “cessionnaire”, », sont insérés les mots : « concernant notamment l’existence et les conditions du transfert de leur contrat de travail, » ;

c) Après le mot : « partie », sont insérés les mots : « des missions » ;

4° L’article L. 3111-16-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3111-16-3. – Sans préjudice des articles L. 3111-16-1 et L. 3111-16-4, le nombre de salariés dont le contrat de travail se poursuit auprès des nouveaux employeurs est déterminé par centre-bus, par entité mutualisée, par catégorie d’emploi et par poste.

« Ce nombre correspond à l’équivalent en emplois à temps plein concourant à l’exploitation du service concerné, à l’exception des salariés concourant aux missions mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 3111-16-1, dans les douze mois qui précèdent la date de notification du contrat de concession.

« Ce nombre peut être déterminé en fonction de l’évolution prévisionnelle des effectifs du cédant jusqu’à la date du changement d’attributaire.

« Ce nombre est arrêté d’un commun accord par le cédant et par l’autorité organisatrice sur la base des éléments transmis par le cédant et dans le respect du secret des affaires.

« En cas de différend entre l’autorité organisatrice de transport et le cédant, l’une ou l’autre partie peut saisir l’Autorité de régulation des transports dans les conditions fixées aux articles L. 1263-1 et L. 1263-3. La décision de l’Autorité de régulation des transports s’impose aux parties.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

5° L’article L. 3111-16-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3111-16-4. – I. – Les contrats de travail des salariés affectés à un centre-bus sont transférés au nouvel exploitant du service auquel ce centre-bus est rattaché.

« Par dérogation au premier alinéa du présent I, les salariés affectés à un service devant être rattaché, en tout ou partie, à un autre centre-bus à l’issue de la procédure de mise en concurrence peuvent, à la demande de l’autorité organisatrice, lorsque les besoins prévisionnels en effectifs du service transféré le justifient, se porter volontaires, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, en vue de la reprise de leur contrat de travail par le nouvel exploitant du service public au sein de cet autre centre-bus.

« II. – Par dérogation au I, un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles le cédant fait appel au volontariat, parmi les salariés affectés à la conduite de nuit, pour le transfert de leur contrat de travail auprès du nouvel exploitant du service de nuit auquel ils sont actuellement affectés.

« III. – Pour les salariés du cédant affectés à chaque entité mutualisée participant à l’exploitation de l’ensemble des centres-bus auxquels se rattachent les services transférés, un décret en Conseil d’État fixe pour chaque service transféré :

« 1° Les conditions dans lesquelles il est fait appel prioritairement au volontariat ;

« 2° Les modalités de désignation des salariés, par entité mutualisée, par catégorie d’emplois et par poste ;

« 3° Les modalités et les délais d’établissement et de communication par le cédant de la liste des salariés désignés dont le contrat est susceptible d’être transféré.

« IV. – Pour les services ou parties de services ou les missions ou parties de missions exercées au sein de ces services, que l’autorité organisatrice décide de fournir elle-même ou d’en attribuer l’exécution à une entité juridiquement distincte sur laquelle elle exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services, les salariés du cédant concourant à l’exploitation du service ou de la mission concerné font l’objet d’un transfert de leur contrat de travail, selon le cas, à l’autorité organisatrice ou à l’entité.

« V. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

5° bis (nouveau) À la première phrase du I de l’article L. 3111-16-5, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « six » ;

6° Au premier alinéa des articles L. 3111-16-7 et L. 3111-16-10, la référence : « L. 3311-16-1 » est remplacée par la référence : « L. 3111-16-1 » ;

7° L’article L. 3111-16-11 est ainsi modifié :

a) Le mot : « ou » est remplacé par le signe : « , » ;

b) Après les mots : « auxiliaires de transport », sont insérés les mots : « , par les dispositions applicables au sein de l’établissement public à caractère industriel et commercial de la Régie autonome des transports parisiens, par les dispositions applicables au sein de l’établissement public Île-de-France Mobilités ou par les dispositions applicables au sein des filiales des entreprises de transport public urbain régulier de personnes concourant aux activités de gestion, d’exploitation ou de maintenance de service régulier de transport public, » ;

8° L’article L. 3111-16-12 est complété par les mots : « , y compris dans le cas prévu au 1° de l’article L. 3111-16-1 ».

II (nouveau). – Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les moyens de l’Autorité de régulation des transports au regard de la nouvelle compétence prévue à l’article L. 3111-16-3 du code des transports en matière de différends relatifs à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par MM. Uzenat, Jacquin et Temal, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Devinaz, Fagnen, Gillé, Ouizille, M. Weber et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Bourgi, Mmes Briquet et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, M. Darras, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, M. Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Tissot, M. Vallet, Vayssouze-Faure et Ziane, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 5

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

a) Le premier alinéa de l’article L. 3111-16-1 du code des transports, est complété par une phrase ainsi rédigée: « La poursuite des contrats de travail s’accompagne du transfert de garanties sociales de haut niveau ainsi que du maintien des droits issus du statut ou du cadre collectif d’emploi pour l’ensemble des salariés précédemment employés sous le régime d’un statut particulier ou d’une convention collective, sans mise en cause possible de ces droits sauf si les nouvelles conditions d’emploi sont plus favorables au salarié » ;

La parole est à M. Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. Veuillez m’excuser de citer encore une fois cette expression, car nous avons déjà longuement débattu de ce sujet lors de la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable puis en discussion générale, mais elle a été consacrée par les organisations syndicales : avec cet article, il s’agit bien de charger le plus possible le « sac à dos social » afin de rassurer au maximum les salariés.

Néanmoins, les garanties proposées ne nous paraissent pas suffisantes et des angles morts demeurent, ceux-là mêmes qui ont conduit à une détérioration des conditions d’emploi en grande couronne lors de l’ouverture à la concurrence. Je le répète, nous ne pouvons pas faire abstraction de cet exemple, qui n’est pas si ancien et qui doit nous servir d’alerte.

La détérioration des conditions d’emploi et la dégradation des conditions de travail et de rémunération des agents transférés aux opérateurs privés, avec des conséquences pour ceux-ci, s’ajoutent au malaise social et aux inquiétudes, et diminuent l’attractivité de ces métiers, pour lesquels on éprouve déjà énormément de difficultés à recruter. In fine, la qualité du service rendu à nos concitoyens pâtit de l’augmentation des démissions et du turnover accru.

Aussi, mes chers collègues, pour éviter une telle situation, nous vous invitons à adopter cet amendement, afin de garantir au maximum les droits sociaux acquis par les agents qui feront l’objet d’un transfert, les « garanties sociales », pour reprendre l’expression de Roger Karoutchi. Ces garanties doivent être aussi grandes que possible, afin que ce service public soit assuré dans les meilleures conditions.

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Barros, Mme Varaillas, M. Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

« Aucune modification du niveau de service, tel qu’il était assuré au 29 septembre 2023, ne peut être opérée à l’issue du changement d’exploitant. »

La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. Cet amendement vise à retenir comme référence du niveau de service la date de dépôt de ce texte – le 29 septembre 2023 –, afin de garantir, au moment de l’ouverture à la concurrence, l’offre de service existant à cette date.

Pourquoi cette disposition ? Parce que, bizarrement, depuis quelques semaines ou quelques mois, des lignes commencent déjà à disparaître. On a l’impression que se produit une anticipation de la réduction de l’offre sans attendre la mise en place du dispositif.

Par conséquent, nous proposons de caler la date de référence au 29 septembre 2023, pour éviter que nous ne nous retrouvions avec un réseau dépouillé avant même l’ouverture à la concurrence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Dhersin, rapporteur. En tendant à maintenir les droits issus du statut particulier de la RATP sans possibilité de remise en cause, l’amendement n° 21 rectifié bis contribue à rigidifier les relations salariés-employeur et s’éloigne de l’esprit des dispositions prévues par la proposition de loi.

Je tiens à le rappeler, cette proposition de loi élargit le bénéfice du sac à dos social à un plus grand nombre de salariés et assure la portabilité de certaines garanties statutaires de la RATP et des acquis sociaux de haut niveau. Ces modalités ont fait l’objet de longs débats lors de l’examen de la LOM, qui a permis d’atteindre un équilibre satisfaisant, conciliant droits des salariés et équité concurrentielle, équilibre auquel il ne me semble pas opportun de toucher.

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l’amendement n° 16 rectifié, il est quelque peu incongru : il vise à figer l’organisation de l’exploitation des lignes de bus à son état au 29 septembre 2023. Ce dispositif est contraire au principe de mutabilité du service public, dégagé par la jurisprudence du Conseil d’État en 1902 : si les habitudes de transport des Franciliens ou la démographie régionale viennent à changer, le niveau de service doit pouvoir s’adapter à l’évolution de la demande de transport et aux besoins des usagers.

La commission émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Je souhaite au préalable préciser quelques éléments.

On a beaucoup comparé ce soir le réseau de transport francilien à d’autres réseaux, notamment pour souligner les importantes difficultés de recrutement à la RATP. Or, comme l’ont rappelé plusieurs orateurs, les difficultés de recrutement dans le transport public sont fortes partout en France : ce sont des métiers en tension dans tout le pays. Quand on étudie la carte des difficultés de recrutement, on n’observe pas de différence entre l’Île-de-France et le reste du territoire ni entre les métropoles qui ont choisi la régie et celles, beaucoup plus nombreuses, qui recourent à la délégation de service public.

À ce propos, monsieur Fernique, il ne s’agit pas de « délégation de service public au privé », pour reprendre vos termes. La délégation de service public, dont nous parlons ici, existe depuis cent cinquante ans. Il s’agit, pour une autorité publique, de définir un cahier des charges et de confier temporairement l’exercice d’un service public, sous son autorité, à un ou à plusieurs opérateurs privés qu’elle désigne et qu’elle surveille. C’est le principe même de l’autorité organisatrice.

Or – rappelons une vérité simple, qui devrait être assez largement partagée, puisque M. Karoutchi nous invite à un peu de bon sens – l’immense majorité des métropoles de France, toutes sensibilités politiques confondues, procèdent déjà ainsi ! Une majorité des mairies organisent leurs transports publics, en général par un réseau de bus, sous la forme d’une délégation de service public, choisissant un opérateur pour une durée limitée.

Ainsi, ce qui est proposé dans ce texte – on peut être pour ou contre, je ne vais pas relancer le débat, tout cela a été largement évoqué –, ce n’est pas un dispositif extraordinaire, qui nous serait imposé de Bruxelles, ce n’est pas non plus une mesure ultralibérale ou saugrenue : c’est la délégation de service public que la France a inventée voilà cent cinquante ans. Cela n’a donc rien d’extrêmement original…

Quant aux difficultés de recrutement, je le répète, elles sont fortes partout. Néanmoins, puisqu’il y a un certain nombre de galères, que vous avez signalées, mais qui sont indépendantes du sujet qui nous occupe,…

M. Fabien Gay. Ah bon ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Oui, puisqu’elles existent ailleurs !

Néanmoins, disais-je, la RATP a lancé cette année le plan de recrutement le plus important de son histoire – 6 600 recrutements, notamment de machinistes, mais également d’agents de toutes catégories – et elle est en voie d’atteindre les objectifs de ce programme inédit, alors même que l’on ne sait pas encore exactement, puisque nous en discutons ce soir, quel sera le calendrier exact de l’ouverture à la concurrence.

Cela démontre d’ailleurs bien que ni le principe de l’ouverture à la concurrence ni même l’incertitude, qu’il faut toutefois lever, ne sont des freins à l’attractivité des métiers et au recrutement au sein de la Régie autonome des transports parisiens, dès lors que l’on y met les moyens en matière de salaire et de conditions de travail.

Il fallait rétablir ces quelques vérités importantes.

J’en viens maintenant aux amendements en discussion – je vous rassure, les autres avis que j’émettrai seront plus brefs…

Pour ce qui concerne l’amendement n° 21 rectifié bis, on l’a dit, le sac à dos social est extrêmement complet et ce texte ajoute d’autres garanties. Sans toutes les énumérer, j’en citerai quelques-unes : la garantie de rémunération et d’emploi, la portabilité du régime spécial de retraite de la RATP ou encore le maintien des conventions et accords collectifs. Ce sac à dos me semble donc bien rempli, non pas de pierres, mais de garanties importantes, dont nous augmentons le nombre au travers de cette proposition de loi. Je pense notamment au principe de volontariat pour l’affectation aux centres-bus. C’était très attendu – aucune organisation syndicale n’en disconviendra, puisque cela correspondait à leur demande.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 21 rectifié bis.

Je suis encore plus défavorable, si j’ose dire, à l’amendement n° 16 rectifié, parce qu’il serait quelque peu étonnant – concurrence ou non – de définir à une date donnée, pour l’autorité organisatrice des transports, en Île-de-France ou ailleurs, un niveau de service, de desserte, que l’on ne pourrait plus jamais modifier. Ce serait assez curieux. Je ne défends pas ici l’État, puisque ce sont la région Île-de-France et Île-de-France Mobilités qui organisent les choses, mais il faut évidemment laisser l’autorité organisatrice définir son offre de services, que l’on ouvre ou non le service à la concurrence.