M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il n’emporte aucune contrainte normative ni pour le Gouvernement ni pour le Parlement, ce projet de loi de programmation permet d’apprécier, ou non, les choix qui s’imposeront aux Français pour les années à venir.

Ce qui nous est proposé aujourd’hui ne témoigne d’aucune remise en cause du modèle politique actuel : nous sommes ici dans la continuité de ce qui ne marche pas et, de nouveau, dans le refus des évidences.

Tel était déjà le sens de ce qu’a imposé le Gouvernement par le biais du 49.3 à l’Assemblée nationale ; tel n’est pas beaucoup moins le sens de ce que contient la version sénatoriale de ce texte.

Mes chers collègues, nous ne pouvons nous soumettre en permanence aux injonctions de Bruxelles.

Nous ne pouvons faire nos économies sur le financement des collectivités territoriales et de leurs projets ni sur le droit de nos compatriotes à profiter de leur retraite après une vie de travail.

Nous ne pouvons non plus faire ces économies sur des bouts de chandelle pour l’État qui sont des coups de poignard dans le dos de nos compatriotes, comme l’est la fin des avantages fiscaux pour le gazole non routier (GNR), véritable trahison à l’égard de nos agriculteurs et d’un grand nombre d’entreprises.

Monsieur le rapporteur général, vous disiez voilà quelque temps, à juste titre, que le Gouvernement n’opérait aucun virage structurel ; je regrette que la majorité sénatoriale préserve certains totems.

Les parlementaires du Rassemblement national défendent d’autres priorités.

Nous défendons la baisse de la contribution nette que verse la France à l’Union européenne. Nous défendons la lutte contre la fraude sociale, la vraie, celle, par exemple, des 3 millions de fausses cartes Vitale en circulation. Nous défendons la priorité nationale et la lutte contre l’immigration, légale comme illégale, pour des raisons économiques et sociales, mais aussi, fatalement et de plus en plus, pour des raisons sécuritaires, que l’actualité nous a tristement rappelées. Nous défendons la taxation des superprofits, mesure de justice fiscale et sociale. Nous défendons la suppression d’agences d’État parmi celles qui ont le plus prouvé leur inutilité. Nous défendons un rééquilibrage territorial et une réorientation des moyens alloués à certains territoires confisqués de la République vers nos communes, notre ruralité et nos agriculteurs qui, eux, ne sauraient faire l’objet d’aucune cure d’austérité, loin de l’aumône annoncée dans le PLF 2024 d’une augmentation de 220 millions d’euros de la dotation globale de fonctionnement.

Loin de seulement pointer du doigt une mauvaise gestion des deniers publics par le Gouvernement, nous dénonçons des aberrations politiques, économiques et sociales qui n’ont que trop duré et qui confirment avant tout que l’exécutif est incapable de changer de logiciel, par conformisme et par manque de courage.

Le Sénat peut jouer un autre rôle que celui de limiter les pots cassés des mauvaises politiques présidentielles, il peut proposer une voie alternative complète.

Pour ces raisons, nous nous opposons à ce projet de loi de programmation des finances publiques.

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes bientôt en 2024 : plus le temps passe, moins ce texte est d’actualité. Pourtant, son adoption demeure nécessaire.

L’instauration des lois de programmation pour les finances publiques est une avancée positive, qui date du quinquennat de François Hollande. C’est suffisamment rare pour être souligné. (Sourires.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Ce n’est pas la seule !

M. Emmanuel Capus. Cet objet vise à dessiner une trajectoire, sur cinq ans, pour nos finances publiques. Il s’agit d’une prévision, qui ne contraindra pas les futurs débats budgétaires. Nous serons chaque année libres de nous y tenir ou de nous en écarter. Cela vaut pour le Gouvernement autant que pour le Parlement.

Ce caractère non contraignant rend-il cet objet sans valeur ? Je ne le crois pas. Je vois, pour ma part, trois bonnes raisons de l’adopter.

La première est une raison de temporalité : l’objectif d’une loi de programmation est de fixer, dès le début du quinquennat, une trajectoire pour nos finances publiques. Comme je le soulignais, plus le temps passe, moins la prévision est engageante et moins le texte est d’actualité. C’est pourquoi je me réjouis que son examen soit de nouveau à l’ordre du jour, en vue d’une adoption prochaine par le Parlement.

La deuxième raison tient à une question de principe : adopter cette loi de programmation, c’est bien sûr trouver un point d’équilibre politique, mais c’est aussi envoyer un message à nos partenaires européens et aux institutions financières.

Sauf à ce que quelqu’un trouve, d’ici à la fin de l’année, une solution pour effacer, d’un coup, d’un seul, la dette publique de la France, il est important de veiller à notre crédibilité sur la scène internationale. Pour ce faire, il est indispensable de trouver un accord politique sur cette loi de programmation.

La troisième et dernière raison vaut 18 milliards d’euros, soit le montant des deuxième et troisième paiements que la France attend encore du plan de relance européen. Leur versement est conditionné à l’adoption de cette loi de programmation.

Le plan de relance européen a permis à tous les États membres de limiter l’impact de la crise sanitaire. Il a impulsé une forte dynamique dans les domaines économique et politique. Nous contenter d’une lecture comptable reviendrait à l’ignorer. Il serait irresponsable de laisser des querelles politiciennes nous priver de ressources aussi considérables.

Toutes ces raisons justifient donc, sur la forme, l’adoption de ce texte.

Reste le fond, mes chers collègues. Je le dis sans ambiguïté, monsieur le ministre, notre groupe soutient ce texte. Sur certains points, nous proposons d’en relever l’ambition, par exemple sur la réduction des effectifs de l’État. Nous avions déjà fait adopter cette mesure en première lecture, monsieur le rapporteur général, et je me réjouis qu’elle figure dans le texte en nouvelle lecture.

En tout état de cause, je remercie le rapporteur général et le président de notre commission d’œuvrer à l’adoption de ce texte. Au-delà des divergences politiques, c’est important pour le fonctionnement de notre démocratie et pour préparer l’avenir de notre pays. Le Sénat, monsieur le ministre, mes chers collègues, encore une fois, est au rendez-vous du débat.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.)

M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, bienvenue au Sénat. J’espère que vous resterez plus longtemps que votre prédécesseur (Sourires.) : quatorze mois, c’est trop court !

Ce départ prématuré démontre que le redressement des finances publiques n’est malheureusement pas une priorité pour le Gouvernement.

Je me permets, comme à vos prédécesseurs, de vous offrir mon livre, Les vertus de léquilibre, publié en 2020. Cet ouvrage reste malheureusement d’actualité et risque de le rester longtemps. J’espère que vous prendrez le temps de le lire…

Si je devais le résumer en deux idées, je dirais, premièrement, que les pays qui sont à l’équilibre budgétaire ou en excédent – cela existe, il y en a même un certain nombre – sont en meilleure santé économique que nous.

Je dirais, deuxièmement, que la rigueur est une qualité indispensable pour bien gérer l’argent public et qu’elle n’est pas impopulaire, contrairement à une idée largement répandue. Cette rigueur n’est pas incompatible avec le cœur. C’est l’alliance de la rigueur et du cœur qui fait une bonne politique.

Je voudrais profiter de mon intervention pour dénoncer les âneries entendues sur les finances publiques, qui n’aident pas nos compatriotes à y comprendre quelque chose.

D’un côté, à gauche, on n’arrête pas de dénoncer le retour de l’austérité : cela fait peur et on aime bien se faire peur !

Mais ce retour à l’austérité, on le dénonce sans définir ce qu’est l’austérité et sans nous dire quand elle a été appliquée en cinquante ans. Mes chers collègues, je vais vous faire gagner du temps, ne cherchez pas : elle n’a jamais été mise en œuvre en France au cours des cinquante dernières années !

De l’autre côté, le ministre de l’économie présente un budget prétendument « à l’euro près », après avoir emprunté 800 milliards d’euros en six ans ! (M. le rapporteur sesclaffe.)

Autre ânerie incompréhensible, le même ministre déclare qu’il faut accélérer le désendettement ; mais, pour accélérer, encore faudrait-il avoir démarré ! Dois-je rappeler qu’il prévoit même de battre le record des emprunts en 2024 ?

Le groupe UC, au nom duquel je m’exprime, votera cette loi de programmation pour deux raisons.

Tout d’abord, il la votera pour garantir – cela a été rappelé à maintes reprises – que la France puisse bénéficier des fonds du plan de relance européen à la mise en œuvre duquel elle a grandement contribué.

L’absence de loi de programmation risquerait, à en croire ce qu’écrit le ministre de l’économie, de faire peser un doute sur deux versements européens, d’un montant de 18 milliards d’euros. Pourtant, en matière budgétaire, il est rare que les règles européennes soient appliquées…

Nous n’avons jamais respecté les critères de Maastricht et nous avons empilé les « déficits excessifs » sans que Bruxelles ose recourir au panel de sanctions prévues à cet effet… Mais, dans le doute, le groupe Union Centriste préfère assurer.

Le groupe UC votera ensuite cette loi de programmation, car la version que le Sénat devrait adopter sera plus volontariste, avec deux orientations fortes concernant la trajectoire des finances publiques que notre groupe approuve : le retour à un déficit public en deçà du seuil des 3 % du PIB dès 2025, au lieu de 2027 dans la copie du Gouvernement ; la nécessité d’efforts de redressement budgétaire identiques pour les collectivités locales et pour l’État, hors mesures exceptionnelles de crise.

Si mon groupe votera ce texte, je tiens à préciser qu’à titre personnel je voterai contre, malgré les améliorations indéniables du Sénat, et ce pour trois raisons principales.

Premièrement, les prévisions de croissance sont, comme toujours, beaucoup trop optimistes. (M. le ministre délégué se montre dubitatif.) En matière de prévisions budgétaires, non seulement il fera beau demain, mais aussi pendant les cinq prochaines années. Ainsi, au seul titre de l’année 2024, le Gouvernement prévoit une croissance presque deux fois plus élevée que le consensus des économistes. J’ai bien entendu ce qu’en pense le FMI, attendons de voir ce qu’il en sera. Les économistes tablent sur une progression de 0,8 %, contre 1,4 % pour le Gouvernement.

Deuxièmement, les efforts indispensables pour redresser nos finances publiques soit n’existent pas, soit sont reportés en fin de période, soit ne pèsent que sur les collectivités, soit les trois à la fois. Tout cela n’est pour moi pas crédible !

Troisièmement, les budgets pour 2024 présentés récemment prouvent que les engagements du Gouvernement dans le présent projet de loi ne sont, dans la pratique, pas tenus.

La dépense publique n’est pas maîtrisée, mais elle augmente encore de 47 milliards d’euros en 2024. Vous rendez-vous compte, mes chers collègues : 47 milliards d’euros !

L’emploi de l’État et de ses opérateurs augmentera de plus de 8 200 équivalents temps plein en 2024, alors même que l’article 10 du présent projet de loi vise à engager l’État à la stabilité de ses effectifs.

Monsieur le ministre, faire des économies ne consiste pas à ne pas reconduire des dépenses exceptionnelles d’une année sur l’autre. Si j’achète une voiture une année, ne pas acheter de voiture l’année suivante, ce n’est pas faire des économies ! Or, de vraies économies, il y en a plein à faire. Je vous renvoie à nos travaux et à mon livre, vous y trouverez de nombreuses pistes.

En matière de gestion de l’argent public, il serait utile de respecter deux règles intangibles : la prudence dans la prévision et la rigueur dans l’exécution. Je regrette que l’on n’ait aujourd’hui ni l’une ni l’autre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-François Husson, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’inscrirai dans les propos de mon collègue Daniel Breuiller, qui s’était exprimé en première lecture, tant le texte a peu évolué.

Prévoir et construire les trajectoires budgétaires de notre pays pour les années qui viennent est un exercice démocratique important. Pourtant, la lecture de ce texte nous donne assez peu d’espoir sur l’avenir de notre pays.

Que ce soit pour le Gouvernement ou pour la majorité sénatoriale, ce projet de loi est l’illustration d’un double déni qui fragilise notre destin commun.

Sur les questions écologiques, le compte n’y est pas. Il y a dans ce texte un affaiblissement profond de la parole de notre pays. La France, qui a su montrer la voie avec les accords de Paris, renie sa parole quand il faut la mettre en actes.

Alors qu’elle a pris de nouveaux engagements climatiques européens, avec l’ambition de réduire d’ici à 2030 de 50 % ses émissions de gaz à effet de serre, elle oublie ici qu’elle doit provisionner les investissements publics nécessaires.

La marche est haute : le mur d’investissements publics et privés pour atteindre nos objectifs est colossal. Et plus nous attendons pour agir, plus ce montant grimpera. Or s’il est une dette qu’on ne rembourse pas, c’est bien la dette climatique.

Nous aurions dû voir apparaître ici la trajectoire financière qui en découle ; ce n’est pas le cas. Nous sommes largement en dessous des besoins. C’est symptomatique de la dissonance française sur la question : d’un côté, un secrétariat général à la planification qui pourrait construire un scénario de décarbonation secteur par secteur ; de l’autre, une programmation des finances publiques qui regarde l’avenir avec les seules lunettes comptables et ignore la globalité des besoins.

D’un côté, un ministre de l’écologie qui plaide pour l’adaptation de la France à une trajectoire à +4 degrés Celsius ; de l’autre, un ministre des comptes publics qui n’intègre pas cette impérieuse nécessité d’adaptation dans sa trajectoire budgétaire de long terme.

En refusant d’agir et de nous montrer à la hauteur, ce sont les générations futures que nous condamnons par notre inaction.

Nous avons besoin d’une programmation pluriannuelle des financements de la transition écologique afin de réellement planifier, de sécuriser les moyens nécessaires aux transformations profondes de notre société et d’offrir des perspectives claires à notre économie.

Si l’on parle d’écologie, alors il faut aussi parler des acteurs majeurs de sa mise en œuvre : les collectivités territoriales. L’attitude de l’État à leur égard les inquiète. Si la crise, notamment énergétique, les frappe durement, il en est de même de la suppression de leurs leviers fiscaux comme la CVAE ou du corsetage de leurs dépenses de fonctionnement.

Écologie, collectivités, mais aussi santé, avec une contrainte extrêmement forte sur l’Ondam : c’est tout le champ du bien public qui est contraint, limité, restreint par une vision idéologique des finances publiques partagée entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale.

À cela près que la majorité sénatoriale a ajouté un coup de rabot budgétaire supplémentaire à ce texte. Et pas des moindres : un objectif de réduction des emplois publics de 5 % en équivalents temps plein !

Oui, au moment où nous avons tant besoin d’une République en acte, au moment où les agents publics qui la font vivre doivent se sentir soutenus, la droite sénatoriale propose un plan social d’ampleur. Dans le contexte actuel, c’est assurément un désarmement de notre République auquel nous ne pouvons adhérer.

M. Jean-François Husson, rapporteur. Absolument pas !

M. Thomas Dossus. Pour autant, la situation n’est pas inextricable. Les ressources potentielles sont là, elles existent. Nous pourrions mettre en œuvre de nouvelles contributions sur le patrimoine des plus riches ou sur les profits énormes des grandes entreprises – souvent polluantes – qui ont honteusement profité de la crise.

Nous pourrions aussi prévoir une extinction des niches fiscales anti-écologiques fléchée vers des mesures de soutien pour les actifs, pour les ménages et pour les plus fragiles. Voilà quelques pistes concrètes.

Les besoins, mais aussi les leviers, comme les sources de financement, sont connus de tous. Pourtant, texte après texte, budget après budget, la même déception, le même constat d’échec se font jour : la transition n’est toujours pas au rendez-vous et le service public est de plus en plus affaibli. Le double déni est toujours présent.

C’est pourquoi, comme en première lecture, nous ne voterons pas ce projet de loi de programmation des finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, André Comte-Sponville, lors d’un débat au 93e congrès des maires, trouvait les mots justes : « Je suis convaincu qu’il y a un bonheur d’être maire, au moins un bonheur attendu, un bonheur espéré. Attention, cela ne veut pas dire que vous êtes heureux, mais cela veut dire que vous êtes maire pour être heureux. »

À la lecture de ce projet de loi de programmation des finances publiques, les élus locaux s’éloignent considérablement du bonheur. La raison est à la fois simple et énoncée clairement : « Les collectivités territoriales contribueront à l’effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique. » C’est inscrit en toutes lettres dans ce projet de programmation. Les collectivités territoriales sont mises au pain sec, pour paraphraser la très inquiétante formule du président Retailleau. Pourtant, la majorité sénatoriale apporte son soutien aux articles 13 et 16.

Le premier, l’article 13, ne prévoit ni plus ni moins qu’une baisse de 2,55 milliards d’euros constants des concours financiers de l’État, qui représentent 50 % des transferts financiers que perçoivent nos collectivités, soit 5,8 % de moins en volume, une bouchée de pain !

Peu importe que, dès la première année de programmation entre le texte initial et la nouvelle version, 1,8 milliard d’euros supplémentaires soient prévus, attestant de l’obsolescence programmée de cette loi de programmation. Vous me direz que c’est moins que les 4,5 milliards d’euros de rabot du texte initial, mais je ne connais aucun maire dans mon département du Nord qui avoue pouvoir se passer du moindre euro.

Vous disiez dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, vouloir faire confiance aux élus locaux : commencez donc par les écouter.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Éric Bocquet. Nous leur dirons, partout dans nos départements, que vous leur faites rembourser la dette publique au mépris des réalités financières locales.

Le second, l’article 16, inscrit une baisse de 0,5 % des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités en volume par année. La majorité sénatoriale, là non plus, ne dit rien, acquiesce, prend acte et vote. Elle allège légèrement le fardeau des départements en excluant quelques-unes des dépenses contraintes.

Non sans une certaine ambiguïté, elle se félicite que cet objectif ne soit plus contraignant. Nous nous sommes battus pour la suppression du retour des contrats de Cahors, véritables pactes de défiance envers les collectivités locales qui avaient déjà frappé 322 communes lors du précédent quinquennat.

Le côté droit de l’hémicycle se borne à demander que l’effort de l’État soit au moins aussi important que celui des collectivités. La position politique que vous adoptez est une fois de plus très simple : l’austérité – n’en déplaise à Vincent Delahaye – pour toutes les administrations publiques, l’État, les collectivités et la sécurité sociale.

N’y a-t-il pas un renchérissement des taux d’intérêt dû au resserrement de la politique de la Banque centrale européenne ? N’y a-t-il pas une augmentation des financements de la Banque des territoires du fait de l’indexation des prêts sur le taux du livret A, insuffisamment majoré ? Les collectivités, qui souffrent dans leur capacité de financement, devraient réduire encore leurs dépenses de fonctionnement et se débrouiller seules, une fois de plus.

Pourtant, les témoignages que j’ai entendus dans le Nord pendant les élections sénatoriales et que je lis également dans le rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) sont incompatibles avec ces restrictions à venir. Les achats et charges externes ont bondi de 8,8 %, après une hausse de 5,6 % en 2021. En 2022, la situation arrêtée et connue est grave : l’énergie-électricité a augmenté de 22 % pour les communes de plus de 500 habitants, les combustibles et carburants sont en hausse de 29 %, l’alimentation de 10 % après une augmentation de 24,7 %, les transports de 28 % après une hausse de 19 % en 2021. Voilà qui justifierait pleinement l’adoption des amendements de suppression qui vous seront soumis.

L’évolution obligatoire du point d’indice, pour protéger les agents de la fonction publique, en particulier territoriale, grèvera une nouvelle fois les budgets locaux.

Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky s’opposera à ce texte, qui valide l’impasse financière des collectivités et empêche le bonheur des élus locaux ainsi que celui de leurs administrés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Thomas Dossus applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons bientôt commémorer le cinquantième budget de la France en déficit. (M. Éric Bocquet opine.) Nous pourrions célébrer l’événement en nous gargarisant de notre expertise en la matière et en la faisant partager aux autres pays de l’Union européenne, voire au-delà. Ne soyons pas modestes ! (Sourires.)

Plus sérieusement, année après année, les déficits se creusent. Nous avons dépassé le seuil des 250 milliards d’euros d’emprunt pour le budget de l’État. À ce rythme, nous passerons bientôt le cap des 300 milliards d’euros.

En témoignent les dispositions de ce projet de loi, le remboursement de la dette sera le premier poste budgétaire des dépenses de l’État, devant la défense et l’éducation nationale, pour les années 2023 à 2027.

Ce texte a l’ambition de ramener le déficit sous le seuil de 3 % du PIB, chiffre que je continue de considérer comme absurde, pour ne pas dire ridicule, car c’est minima vers l’équilibre budgétaire qu’il nous faut tendre le plus rapidement possible.

À l’examen de ce texte, je note tout d’abord un manque d’ambition en matière de réduction des déficits de notre pays.

Je relève ensuite que les prévisions macroéconomiques retenues par le Gouvernement sont considérées comme optimistes par tous les analystes.

J’observe enfin un effort insuffisant du principal responsable de la situation actuelle, à savoir l’État, qui fait porter sur les organismes de sécurité sociale et sur les collectivités territoriales l’essentiel de l’effort budgétaire.

Certains pointent du doigt le taux des prélèvements obligatoires. Ce n’est pas l’aspect le plus critiqué par les Français, car nos concitoyens adhèrent tous à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui, dans son article XIII, dispose que, « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

Mais l’article XIV de cette même Déclaration ajoute que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».

C’est bien là que le bât blesse : nos citoyens sont tout à fait disposés à payer des impôts ou à verser des cotisations sociales si leur participation financière est utilisée à bon escient et avec efficacité.

Supprimer des effectifs de la fonction publique ne veut, selon moi, rien dire, car les Français sont attachés à la fonction publique et demandent à juste raison plus de fonctionnaires pour la santé, en particulier dans les hôpitaux, pour l’éducation, pour les tribunaux, mais aussi au sein des forces de police et de gendarmerie.

Or ils constatent que, parallèlement à l’augmentation de leurs contributions, les effectifs des fonctionnaires de proximité diminuent, alors qu’ils ne cessent d’augmenter dans les administrations centrales et chez les opérateurs. C’est là que nous devons agir, selon deux axes essentiels.

D’une part, en fixant un taux maximal de crédits pour les dépenses de l’administration afin que, comme chez nos voisins européens, un maximum de contributions soient affectées aux services opérationnels.

D’autre part, en supprimant chaque année 10 % des opérateurs, agences, hauts conseils, comités Théodule dont l’efficacité n’est pas démontrée.

Je m’abstiendrai sur ce texte pour deux raisons.

En premier lieu, parce que la non-adoption d’une loi de programmation des finances publiques semble compromettre le versement d’aides européennes.

En second lieu, parce que la réduction des déficits, à laquelle je suis favorable, me paraît trop modérée et trop timorée en l’absence de réforme du mille-feuille. Celui-ci, même s’il est composé des strates territoriales, est surtout coiffé par la croûte administrative !

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Monsieur le président, Monsieur le ministre, mes chers collègues, après le dépôt de ce texte au mois de septembre 2022, nous voilà de nouveau réunis, presque un an plus tard, pour examiner le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Créée en 2008 par la réforme constitutionnelle, la loi de programmation des finances publiques est un instrument qui prévoit des outils de planification et d’évaluation pour le Parlement.

Elle permet également de limiter les dépenses fiscales et sociales, mais aussi de s’assurer de la stabilité des schémas d’emplois.

Derrière ces objectifs financiers, économiques et sociaux, il s’agit également d’un enjeu de crédibilité à l’échelle européenne.

Si nos avis divergent bien souvent sur les trajectoires de désendettement, accordons-nous cependant sur une chose : nous devons doter la France d’une loi de programmation des finances publiques.

Loin d’être un détail, c’est une nécessité, surtout si notre pays souhaite bénéficier du plan national de relance et de résilience. Je rappelle que la France pourra encore recevoir près de 18 milliards d’euros de subventions dans le cadre de ce plan, au titre de la facilité pour la reprise et de la résilience, adopté en réponse à la crise de la covid, sans oublier les 2,8 milliards d’euros dans le cadre de l’instrument REPowerEU, adopté en réponse à la crise énergétique.

Par conséquent, je considère qu’il est capital d’adopter une loi de programmation. Ne prenons pas de risques inutiles avec la Commission européenne, qui pourrait bloquer les versements financiers que j’évoquais à l’instant, car ces milliards d’euros sont bel et bien conditionnés au respect de nos engagements.

J’ai bien écouté vos arguments en commission, monsieur le président Raynal : si les menaces que nous voyons se profiler sont au conditionnel, je vous suggère, mes chers collègues, de ne pas jouer avec le feu. (M. le ministre délégué acquiesce.) Prendre le risque de ne pas adopter une loi de programmation pluriannuelle en matière de finances publiques constituerait une menace réelle pour la crédibilité de notre pays.

Comme l’a récemment indiqué le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve, le Parlement a adopté des lois de programmation dans des domaines régaliens comme l’armée ou la justice. Il n’y a donc aucune raison de ne pas adopter une loi de programmation en matière de finances publiques.

Si les débats existent en matière de trajectoires budgétaires à propos de la méthode, je tiens à rappeler que le Gouvernement agit pour réduire la dépense publique et diminuer l’endettement de la France comme son déficit.