M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le drame de la mort de Nahel, tué par un policier à Nanterre le 27 juin, a suscité l’émotion de toute la Nation.

Puis, une colère immense a submergé le pays. Les ressorts profonds de celles-ci sont présents de manière chronique. Ils n’ont toujours pas été clairement analysés, donc compris, alors que c’est l’une des conditions pour apporter des réponses et éviter qu’une telle situation ne se reproduise.

Une partie de l’expression de cette colère s’est cristallisée dans la casse, le pillage, la violence. Nous sommes pris de vertige face à cette autodestruction.

Bien sûr, rien ne peut justifier cette violence, les intimidations, les agressions, la destruction de commerces et de bâtiments publics. Les écologistes ont tout de suite condamné fermement ces modes d’action violents. Ils ont condamné les attaques inqualifiables qu’ont subies des élus de la République, de nouveau en première ligne.

Mais rappelons que les forces de l’ordre, malgré des missions de plus en plus difficiles, se doivent d’avoir des pratiques exemplaires dans chacun de leurs actes du quotidien, car l’exemplarité est le meilleur rempart de la démocratie. La violence légitime ne doit en aucun cas sombrer dans la violence injustifiée.

Alors que les émeutes urbaines sont calmées pour le moment, tout le monde est d’accord sur la nécessité de reconstruire, et vite !

Une école, un centre de loisirs, une salle des fêtes ou un service d’état civil constituent des services essentiels. Les élus des communes touchées par ces émeutes attendent des assouplissements et l’accélération de procédures afin d’engager au plus vite les chantiers de rénovation ou de reconstruction.

Précisons dans un premier temps que nous déplorons fortement la volonté du Gouvernement de faire passer ces dispositifs à travers une loi d’habilitation, qui n’apporte pas de gain de temps et contraint encore une fois les parlementaires dans leur droit d’amendement.

Si les délais de procédure en matière d’urbanisme et de publicité des marchés publics sont raccourcis, la question de la disponibilité des matériaux et des entreprises reste entière. Nous lançons également quelques alertes.

Monsieur le ministre, la qualité du bâti reconstruit est primordiale. Reconstruire à l’identique serait préjudiciable si les exigences de performances environnementales, notamment thermiques, mais aussi de fonctionnalité n’étaient pas réinterrogées. Attention à ne pas confondre vitesse et précipitation !

Par ailleurs, le texte tend à déroger aux règles de passation et de dévolution des marchés publics : si nous entendons la nécessité de cette mesure, il importe que l’État assure un contrôle strict, afin d’éviter les dérives et de prévenir d’éventuels conflits d’intérêts.

Au final, nous l’avons dit, ce texte est une réponse partielle et court-termiste. Certes, elle est nécessaire et attendue par les élus locaux ; c’est pourquoi nous la voterons. Mais elle ne constitue en rien un début d’analyse des causes structurelles des événements, ce qui permettrait de fixer un cap. Sur ce point, il n’y a aucune réponse ni aucune méthode de la part du Président de la République et du Gouvernement.

Certes, depuis 2005, la politique de la ville a apporté quelques réponses. Mais les actions se sont concentrées sur de la rénovation urbaine. Je pense par exemple au nouveau programme de renouvellement urbain lancé en 2014. Cependant, le plus souvent, ces rénovations ont été menées sans les habitants, voire leur ont été imposées, et la question de l’accompagnement social a été mise de côté.

En France, la croyance selon laquelle le social se règle par le spatial est profondément ancrée. La rénovation a permis de changer le visage de nombreux quartiers, mais sur l’école, sur les discriminations, sur l’accès à l’emploi, sur le rapport à la police, sur la concentration d’inégalités, d’injustices, de frustrations et d’échecs et sur la relégation, les problématiques restent entières.

La sociologue et urbaniste Marie-Hélène Bacqué, autrice en 2013 d’un rapport sur la politique de la ville, souligne la perte de sa substance sociale. Cette politique a été bureaucratisée, et les professionnels et associations qui y contribuent sont aujourd’hui largement épuisés par les logiques de concurrence et d’appel d’offres.

À quand un grand plan de services publics dans les quartiers populaires ? À quand la coconstruction avec les habitants des politiques de transformation sociale ? À quand une réforme profonde de l’institution policière afin qu’elle retrouve un ancrage local et un rôle de gardien de la paix ?

À partir de ces quartiers se posent des questions centrales pour la société française : celle de l’égalité, celle de la démocratie, celle de la gestion de la crise climatique, qui s’y fera sentir plus fortement qu’ailleurs, et celle de notre héritage colonial. Pour toutes les embrasser, il faut de la volonté et du courage politique. Nous les attendons. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Michel Canévet applaudit également. )

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 27 juin dernier, un contrôle de police qui aurait pu se dérouler comme tant d’autres a conduit au décès, dans des circonstances dramatiques, d’un jeune homme de 17 ans à Nanterre.

L’émotion du moment a – hélas ! – été rapidement débordée par plusieurs nuits de violences urbaines, de dégradations et de pillages, sans rapport direct et hors de proportion avec le fait initial.

Nous savons malheureusement comment une actualité chasse l’autre : un fait divers ou un événement est vite remplacé par un autre qui fait les gros titres quelques jours plus tard. Cependant, tous n’ont pas les mêmes conséquences violentes, entretenues, voire facilitées par les réseaux sociaux et l’information en continu.

Une semaine après l’événement déclencheur, les dégâts matériels étaient presque comparables à ceux qui sont causés par une catastrophe naturelle. Le Gouvernement a d’abord estimé leur montant à quelque 300 millions d’euros, ce qui était déjà un record par rapport aux émeutes de 2005 et au mouvement des « gilets jaunes ». Les compagnies d’assurances ont réévalué la semaine dernière ce coût à 650 millions d’euros, et d’aucuns disent que le bilan matériel va continuer de s’alourdir dans les prochains jours.

Je reviens sur la stupéfaction collective ressentie face à cette éruption soudaine de violence aveugle et, disons-le, quelque peu crapuleuse lorsqu’il s’agit de piller des boutiques d’électronique, de vêtements, de chaussures. Les acteurs du terrain nous diront sans doute que le risque était prévisible. Il devient chaque jour plus évident que nous avons manqué, depuis maintenant plusieurs décennies, d’importants objectifs en matière d’éducation, d’intégration, de vivre ensemble. De fait, les indicateurs témoignent d’une augmentation régulière de la criminalité et de la délinquance en France.

Le 7 juin dernier, lors des questions d’actualité, mon collègue Éric Gold avait attiré l’attention du Gouvernement sur l’inquiétante banalisation des violences du quotidien, en particulier en milieu scolaire, et sur l’urgence d’y remédier. Je rappellerai aussi une nouvelle fois les travaux de mon collègue Henri Cabanel sur l’engagement et la culture citoyenne chez les jeunes ; c’est un axe à approfondir.

On ne peut que regretter le manque d’attention accordée en 2018 à la remise du dernier plan Borloo, qui préconisait en particulier de concentrer les efforts sur l’éducation et le lien social dans les quartiers difficiles.

Mon groupe votera ces habilitations, compte tenu du caractère d’urgence de la situation, mais il continuera de s’interroger sur les réponses à apporter à plus long terme.

Comment résoudre les problèmes de violence urbaine et, plus généralement, d’incivilité, petite ou grande, qui fragilisent notre société et dont les premières victimes sont précisément les habitants des quartiers concernés ?

Comment lutter contre le sentiment d’abandon et de relégation, répandu en milieu urbain, mais aussi en milieu rural, malgré les milliards d’euros investis chaque année dans la politique de la ville et les différents dispositifs de solidarité ?

Comment enfin améliorer les relations entre les forces de l’ordre et la population, qui apparaissent toujours fortement dégradées ?

Je n’oublie évidemment pas la protection des élus, sur laquelle travaille beaucoup le Sénat. Notre groupe, le RDSE, est, sur l’initiative de Nathalie Delattre, à l’origine d’un texte sur le sujet. Mais nous voyons bien qu’il reste beaucoup à faire si nous voulons préserver les vocations.

En attendant les réponses qu’il faudra nécessairement apporter à ces défis, il faut accélérer le chantier national de reconstruction, vocable qui rappelle celui de l’après-guerre. Si nombre de bâtiments et équipements publics ont été touchés, la majorité des dégâts concernent des biens privés : boutiques, commerces et entreprises.

C’est l’objet du texte d’urgence que nous examinons aujourd’hui.

Ce cadre d’exception que nous nous apprêtons à voter appellera néanmoins toute notre vigilance au moment de sa mise en œuvre. En particulier, il faudra éviter les irrégularités lors des autorisations administratives et les abus dans la commande publique qui risqueraient de saper la crédibilité des acteurs publics.

Le texte ne prévoit pas de nouvelles dépenses publiques, ce qui est cohérent avec la volonté de l’exécutif de renouer avec un certain sérieux budgétaire.

En conclusion, les membres du groupe RDSE voteront en faveur de ce projet de loi d’habilitation et espèrent un vote conforme de nos collègues députés, ce qui nous éviterait de devoir revenir vendredi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, durant plus d’une semaine, la France s’est trouvée plongée dans le chaos après la mort de Nahel à Nanterre. Durant plus d’une semaine, de très nombreuses villes ont été otages de la violence inouïe des émeutiers, qui n’attendaient qu’une occasion pour laisser libre cours à leur haine de notre pays et de ses institutions.

Il fallait en découdre avec les forces de l’ordre et mettre à terre les édifices publics représentatifs de cette France qu’ils ne respectent pas et dont ils ignorent tous les codes collectifs.

À peine les dernières fumées d’incendie dissipées, certains observateurs se sont livrés à des critiques absurdes : nous aurions abandonné les quartiers populaires et méprisé ceux qui y vivent péniblement, victimes de la pauvreté, des discriminations et du racisme. Or c’est tout l’inverse : tous les élus le savent bien.

Mon département, l’Essonne, a été le théâtre de violents affrontements et a connu son lot de dégradations et de pillages. Mairies, écoles, médiathèques, maisons de quartier, postes de police municipale, commerces, restaurants, bus et voitures : rien n’a échappé aux destructions. Mais les maires ont eu l’intelligence collective de ne pas trop en faire état sur les réseaux sociaux et dans les médias, pour éviter d’exciter ces jeunes, qui faisaient entre eux de la surenchère sur Snapchat d’un quartier à l’autre.

Rien ne justifie un tel déchaînement de violence contre les personnes et les biens.

Aujourd’hui, le constat est amer, et la colère des élus de nos communes est d’autant plus légitime que les émeutiers ont voulu faire table rase des services publics, pourtant si indispensables à la population, y compris à eux-mêmes. C’est la preuve supplémentaire de leur aveuglement.

Nos écoles, lieux d’apprentissage du vivre ensemble et de la transmission des savoirs, ont été la cible délibérée des voyous. Ces écoles, où les enfants apprennent à user de la raison et à s’exercer à l’esprit critique sous le regard bienveillant de leurs professeurs, hussards de la République, abandonnés depuis longtemps par leur ministère !

Et pourtant, selon le célèbre pédopsychiatre Boris Cyrulnik, interrogé dans Le Point la semaine dernière : « Ces enfants sont désespérés, car ils ne sont pas tutorisés. » Pour ce spécialiste de la toute petite enfance, ces jeunes désécurisés obéissent à des rituels claniques. Seule l’éducation peut les sauver.

Le plus triste est que ces délinquants ont surtout puni leurs petits frères et petites sœurs, qui, ne pouvant pas partir en vacances cet été, seront privés des activités culturelles et ludiques que les maisons de quartier et les médiathèques leur auraient offertes.

Le coût des dommages est insupportable pour nos communes et pour les professionnels. France Assureurs estime qu’il est trois fois supérieur à celui des sinistres occasionnés par les quatre semaines d’émeutes de l’automne 2005.

Dix jours après le début des violences urbaines, plus de 11 000 sinistres ont été déclarés, pour un coût total de 650 millions d’euros, dont 227,5 millions pour les biens des collectivités territoriales et 357,5 millions pour ceux des professionnels.

Dans ce contexte, la Première ministre a adressé une circulaire aux préfets, le 5 juillet dernier, afin d’accélérer les procédures de reconstruction et de réparation. Je salue cette initiative, dont l’objectif était d’éviter que des interprétations trop strictes de notre législation relative aux procédures d’urbanisme et aux règles de la commande publique n’entravent la dynamique de reconstruction.

L’exigence de célérité doit prévaloir sur l’application tatillonne des normes, dont notre pays s’est fait une spécialité.

Le projet de loi que le Gouvernement soumet à l’examen du Sénat aujourd’hui comporte trois articles d’habilitation à légiférer par ordonnance dans le champ des règles d’urbanisme, de la commande publique et du financement de la reconstruction.

L’article 1er a pour objet de faciliter la reconstruction à l’identique, les travaux immédiats et la réduction des délais. L’habilitation prévoit notamment la possibilité pour les reconstructions à l’identique d’appliquer les règles d’urbanisme en vigueur au moment de la délivrance de l’autorisation d’urbanisme initiale, ainsi que la faculté de démarrer les travaux de reconstruction dès le dépôt de la nouvelle demande.

L’article 2 a pour objet d’autoriser à déroger aux règles de passation et de dévolution des marchés publics et aux règles de recours aux marchés globaux prévues par le code de la commande publique. Ainsi, il sera permis aux maîtres d’ouvrage publics de conclure des marchés ou des lots d’un marché sans publicité, mais avec mise en concurrence préalable, pour les travaux inférieurs à 1 million d’euros hors taxes, et de s’affranchir de l’obligation d’allotissement, afin de pouvoir confier à un même opérateur un marché global.

Enfin, l’habilitation de l’article 3 prévoit la possibilité de subventionner les collectivités au-delà du plafond de 80 %, de déroger au plafonnement des fonds de concours versés entre établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et communes, et d’accélérer les versements du FCTVA.

Indéniablement, de telles dispositions sont de nature à répondre à la demande des élus locaux, qui veulent rendre de nouveau accessibles à leurs administrés les services publics de proximité dont ils ont tant besoin. Le Sénat est là pour les entendre et les soutenir. Notre groupe se prononcera donc en faveur de ce texte.

La reconstruction achevée, nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion sur la prévention de cette délinquance, de plus en plus précoce, sur la nécessité de restaurer l’autorité de l’État dans les quartiers gangrénés par le trafic de drogue, sur le besoin d’éducation, y compris des parents, sur la nécessité de la sanction et de la réparation, ainsi que sur l’accompagnement global des personnes déclassées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un policier a ouvert le feu lors d’un contrôle routier ; le conducteur, mineur, est mort. Nous le déplorons évidemment. Depuis, le policier est placé en détention provisoire. Malgré l’enquête en cours, malgré la saisine de la justice afin de faire toute la lumière sur les faits, notre pays a connu plusieurs nuits d’émeutes d’une rare intensité. Plus de 800 membres des forces de l’ordre ont été blessés. Je veux saluer le professionnalisme des femmes et des hommes qui sont intervenus tout au long de cette période, comme ils le font au quotidien, pour protéger nos concitoyens.

Certains d’entre nous ont été directement visés par des actions violentes. C’est notamment le cas – cela a été rappelé – du maire de L’Haÿ-les-Roses, M. Vincent Jeanbrun, et de sa famille. Au nom du groupe Les Indépendants, je tiens à lui témoigner notre entier soutien, ainsi qu’à tous ceux qui ont été victimes de violences.

Contestation après contestation, nous voyons se multiplier de tels actes contre les élus. Les violences sont toujours inacceptables. Cependant, lorsque des élus sont pris pour cible, c’est la République qui est attaquée. Sur fond de crise des vocations, l’avenir de la démocratie suscite des inquiétudes bien légitimes. Il est urgent d’inverser cette tendance et de retrouver le chemin du dialogue républicain. Les récentes émeutes confirment que brûler n’est ni un programme ni une solution.

Comme beaucoup d’autres départements, l’Aube n’a pas été épargnée. Le bilan matériel de ces événements est très lourd : il est encore en cours de chiffrage, mais je pense notamment aux près de 2 millions d’euros qu’avait coûtés la maison de quartier des Sénardes à Troyes.

On ne compte plus les commerces détruits, les salles de classe dégradées, les mairies incendiées. Glorifiant le vandalisme le plus stérile, nous avons vu fleurir sur les réseaux sociaux, en forme d’appels de la tribu, les défis les plus délétères. Certains l’ignorent sans doute, mais le pouvoir de brûler une voiture n’équivaut pas à celui de la construire. La vraie puissance appartient aux bâtisseurs, pas aux casseurs.

Mme Sophie Primas, rapporteur. C’est vrai !

Mme Vanina Paoli-Gagin. Depuis les émeutes, ceux qui n’avaient pas grand-chose ont encore moins. Cela a été rappelé, les assureurs évaluent les dégâts à plus de 650 millions d’euros. Ces événements auraient, en outre, coûté à notre économie plus de 300 millions d’euros.

Dans les quelque 500 communes concernées, plus de 800 bâtiments publics ont été dégradés. Se pose maintenant la question de leur réparation.

Le principe d’une loi d’urgence pour reconstruire aux frais du contribuable les bâtiments détruits par des émeutiers peut laisser perplexe. L’État doit-il se presser de financer les dégâts causés par ceux qui s’en sont pris à notre République ?

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires considère qu’il est urgent de reconstruire, non pour les émeutiers, mais pour tous les autres.

Vous le savez bien, mes chers collègues, hormis quelques fanatiques encouragés par l’irresponsable et inflammable France insoumise, hormis quelques opportunistes, l’immense majorité de nos concitoyens souhaitent que le calme revienne, pour que la justice puisse faire sereinement son travail, pour que nos concitoyens puissent reprendre le cours de leurs activités. Tous le savent bien : ce n’est que par le travail que l’individu peut s’émanciper.

Nous voulons dire à ceux de nos concitoyens qui vivent dans des quartiers difficiles et qui n’ont pas fait le choix de la délinquance, à ceux qui sont allés travailler plutôt que piller, que la République ne les abandonne pas.

Ce travail de reconstruction sera également l’occasion de démontrer la puissance publique. À cet égard, la République doit être présente sur l’ensemble du territoire de notre pays.

Au-delà de la réparation des dégâts, nous sommes convaincus que le travail de restauration devra être poursuivi. Monsieur le ministre, il faut restaurer l’État dans ses capacités et dans son autorité. Nous devons collectivement veiller à faire en sorte que les lois de la République soient appliquées sur l’ensemble du territoire.

En conséquence, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra l’adoption de ce texte, première étape d’un retour de l’État que nous appelons ardemment de nos vœux. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Claude Raynal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en complément de mon collègue et ami Christian Redon-Sarrazy, qui a dit l’essentiel tout à l’heure, j’évoquerai brièvement l’article 3 du projet de loi.

Les violences urbaines qui se sont déroulées entre le 27 juin et le 5 juillet derniers vont probablement coûter plusieurs centaines de millions d’euros, qu’il va maintenant falloir prendre en charge.

Le maintien de l’ordre public relève exclusivement de la compétence de l’État. À la suite des émeutes de 2005, certaines collectivités avaient d’ailleurs demandé au juge de reconnaître la responsabilité sans faute de l’État.

Logiquement, au-delà des interrogations légitimes et des réponses politiques qu’appellent ces événements, l’État doit être au rendez-vous pour financer la reconstruction des biens dégradés ou démolis. Avec l’article 3 du présent projet de loi, il souhaite faciliter les reconstructions des biens. C’est indéniablement une bonne chose.

L’article prévoit trois mesures : rembourser dans l’année le FCTVA ; supprimer la participation minimale d’une collectivité à un projet qu’elle porte ; supprimer la limite concernant le montant total des fonds de concours. Tout cela va dans le bon sens.

Sur le fond, quelques imprécisions auraient pu être levées.

Ainsi, sur la modification des dépenses ouvrant droit au FCTVA, le Gouvernement ne précise pas ses intentions à ce stade. Par exemple, la location de structures temporaires peut-elle entrer dans le champ du remboursement ?

Sur le sujet de la participation financière minimale, si le bornage dans le temps est, de fait, prévu par le dispositif, qui restreint cette dérogation aux seuls dommages occasionnés par les « émeutes », on peut s’interroger sur la formule « dommages directement causés », qui pourrait ouvrir un champ de contestation.

Sur la question des fonds de concours, je note également une absence de précision quant à la typologie des travaux pris en charge ; l’ordonnance devra évidemment y remédier.

En l’espèce, il ne s’agit pas seulement de faciliter les reconstructions. Il faut évidemment aussi les financer. Et les solutions budgétaires peuvent être multiples. À ce stade, nous ne savons pas grand-chose de celles qui seront retenues : création d’un fonds exceptionnel, au-delà du fonds peu important qui a d’ores et déjà été mis en place ; avances ; subventions ; etc. Le Gouvernement doit, en associant les parlementaires et les élus locaux, élaborer des propositions budgétaires concrètes, qui n’apparaissent pas pour l’instant.

Au regard du contexte économique, qui oblige les collectivités territoriales à maîtriser leurs dépenses, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défendront des propositions pour soutenir nos élus locaux dès la rentrée, et au plus tard lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative de fin de gestion.

De manière générale, les ordonnances amenuisent le rôle des parlementaires. Le Parlement ne peut pas être qu’une chambre d’approbation ou d’enregistrement.

En conséquence, il me paraît opportun de créer un comité de suivi, afin de donner à voir en toute transparence ce qui est fait. Nous devons être capables de suivre l’évolution de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis.

Malgré ces quelques réserves, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera pour le texte qui nous est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Daphné Ract-Madoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Arpajon, Athis-Mons, Bondoufle, Chilly-Mazarin, Corbeil-Essonnes, Dourdan, Draveil, Épinay-sous-Sénart, Étampes, Évry-Courcouronnes, Fleury-Mérogis, Gif-sur-Yvette, Grigny, Juvisy-sur-Orge, Les Ulis, Lisses, Massy, Saint-Germain-lès-Corbeil, Saint-Michel-sur-Orge, Sainte-Geneviève-des-Bois, Savigny-sur-Orge, Vigneux-sur-Seine ou Viry-Châtillon… cela n’est malheureusement pas un cours de géographie essonnienne. C’est la liste non exhaustive des communes de mon département qui ont été touchées par les émeutes.

Derrière le drame du décès de Nahel Merzouk et la nécessaire enquête qui doit s’ensuivre, rien n’excuse les violences, les dégradations et les pillages qui ont eu lieu dans toute la France.

Rien n’excuse les dégâts humains, moraux, matériels et financiers.

Rien n’excuse enfin les attaques répétées contre des institutions qui sont le ciment de notre République.

J’ai une pensée toute particulière pour les élus locaux et les agents publics, sur le pont jour et nuit, qui ont vu leurs mairies endommagées, comme celle de Dourdan ; pour les enfants qui ont vu leurs écoles saccagées, comme celle de Viry-Châtillon ; pour les habitants d’Évry-Courcouronnes et leur maison de quartier ; pour l’ensemble de nos concitoyens qui ont vu leurs équipements, leurs services de transports et leurs commerces du quotidien dégradés et détruits. Nous avons vu des pompiers encerclés apeurés, des policiers municipaux assiégés, certains élus agressés, quand d’autres éteignaient les incendies, extincteurs toujours à portée de main dans le coffre.

À l’aune de ces réalités, il nous faut nous poser les bonnes questions et tirer de ces événements tragiques des enseignements pour nos territoires et notre jeunesse. Il est de notre responsabilité de prendre le temps du débat démocratique, d’échanger avec l’ensemble des acteurs de nos quartiers, afin d’éviter tout aveuglement malheureux. La gravité de ces événements ne doit ni être ignorée ni minimisée.

Le coût inédit de ces dégradations, parfaitement mis en lumière par ma collègue Françoise Férat, rendait nécessaire le dépôt rapide d’un projet de loi. Je salue à ce titre le recours aux ordonnances plutôt que le choix d’une rédaction dans l’urgence : cela laissera à l’État le temps de mettre en œuvre un plan adéquat et permettra de consulter largement les représentants des principales victimes.

L’accompagnement de chacun doit être notre priorité. Le présent projet de loi répond à cet impératif. J’appelle de mes vœux une mobilisation forte de notre institution sur cette question, mes chers collègues. Les causes et les conséquences d’un tel déchaînement de violence dans nos territoires devront être étudiées et questionnées, tout comme le plan de reconstruction. À cet égard, la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information sénatoriale me semblerait tout à fait appropriée.

Si la reconstruction matérielle et financière est éminemment nécessaire et urgente, j’espère que notre démocratie transformera la conflictualité brûlante de ces émeutes en un puissant ferment permettant de rebâtir des fondations solides et républicaines dans nos communes, des fondations où le dialogue apaisé trouvera toute sa place et où les symboles de notre République continueront d’être des lieux de rassemblement plutôt que de destruction. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)