compte rendu intégral

Présidence de M. Roger Karoutchi

vice-président

Secrétaires :

Mme Martine Filleul,

M. Jacques Grosperrin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 13 juillet 2023 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

comptabilisation des surfaces photovoltaïques dans le calcul du « zéro artificialisation nette »

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 760, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le ministre, en vous posant cette question, je n’ai pas dans l’idée de faire un point général sur le « zéro artificialisation nette » (ZAN) : ce serait un peu trop peu ambitieux. Cela étant, j’aurais beaucoup d’observations à formuler sur cet objectif punitif et sur cette logique globale de décroissance…

Ma question concerne exclusivement le traitement des énergies renouvelables dans ce cadre.

De nombreux maires nous posent la question suivante : les opérations de développement d’installations photovoltaïques ou éoliennes par une commune entreront-elles en compte dans le calcul de son ZAN ? Vous vous doutez bien, monsieur le ministre, que, en fonction de la réponse, la gestion de ces dossiers sera à l’évidence très différente.

Il nous avait été indiqué que cette question serait tranchée par la voie législative. Or je n’ai rien décelé de tel dans le projet de loi relatif à l’industrie verte, qui a été récemment adopté par le Sénat et que l’Assemblée nationale examine actuellement, non plus que dans la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

Je réitère donc ma question : les opérations de développement d’installations photovoltaïques ou éoliennes seront-elles, oui ou non, prises en compte dans le calcul du ZAN communal ?

Votre réponse est très attendue par les élus locaux.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, à la différence des autres questions orales sans débat, pour lesquelles j’aurai la joie de m’exprimer en lieu et place de mes collègues, je puis, pour celle que vous venez de me poser, vous répondre directement et vous annoncer la publication imminente d’un décret en lien avec votre question et avec cette interrogation légitime partagée par nombre d’élus locaux.

Pour dire les choses de manière simple, une installation éolienne, dans la mesure où son emprise au sol est généralement inférieure à 50 mètres carrés, ne sera pas prise en compte dans le calcul de l’artificialisation nette.

S’agissant des panneaux photovoltaïques, dès lors qu’ils seront installés non pas à même le sol, qu’ils n’altéreront donc pas, mais à une hauteur qui permettra à la faune de se reproduire et à la flore de préserver les qualités écologiques du terrain, ils ne seront pas, eux non plus, pris en compte dans le calcul de l’artificialisation nette.

Il ne s’agit pas que cet objectif du ZAN ait pour conséquence de bloquer le développement d’énergies dont nous avons besoin et qui, je le sais, suscitent des attentes dans nos territoires, dont vous vous faites ce matin, monsieur le sénateur, le porte-parole très légitime.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.

M. Philippe Bonnecarrère. Je prends donc note que l’objectif du ZAN ne bloquera pas le développement de ces projets.

Monsieur le ministre, je vous adjure cependant d’être particulièrement attentif aux détails dans la rédaction du décret. En particulier, je vous ai entendu dire que les panneaux photovoltaïques ne devraient pas être posés à même le sol. Je perçois là une subtilité technique à laquelle il faudra veiller…

J’admets bien volontiers cet objectif du ZAN, que nous portons en commun, dès lors que les contraintes qu’il impose ne sont pas une entrave au développement effectif des énergies renouvelables.

réaction au plan « france ruralités »

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 773, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Bruno Belin. Monsieur le ministre, voilà quelques semaines, à Saulgé, dans le département de la Vienne, vous étiez au côté de la Première ministre lorsque celle-ci est venue présenter le plan France Ruralités.

Au cours de son intervention, parmi d’autres points, elle a évoqué les enjeux liés à l’école et à la scolarisation, surtout en milieu rural – je sais que vous connaissez bien ce sujet.

Monsieur le ministre, ma question est fort simple : quelle est la stratégie du Gouvernement pour préparer, au travers de ce plan France Ruralités, la rentrée scolaire 2024 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Bruno Belin, vous l’avez dit, avec le plan France Ruralités, les territoires ruraux sont au cœur des attentions du Gouvernement. Et vous avez raison de le souligner : la scolarisation en milieu rural et les moyens qui sont alloués dans cette perspective à l’éducation nationale représentent un enjeu particulier.

Dans ce contexte, l’idée est bien d’avoir un dialogue territorial spécifique. Celui-ci comporte une nouveauté, à savoir une visibilité à trois ans. Ainsi que l’a annoncé le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, dès l’automne prochain sera mise en place dans chacune des académies, en amont des conseils départementaux de l’éducation nationale (CDEN), une instance départementale de dialogue et de concertation.

Plusieurs objectifs lui seront assignés.

D’une part – et cela constitue non pas l’ensemble de la réponse, mais une partie de celle-ci –, elle devra lancer un appel à projets d’internats d’excellence destinés spécifiquement aux territoires ruraux.

D’autre part, il lui faudra généraliser l’expérimentation de ce qu’on appelle les « territoires éducatifs ruraux », sur lesquels la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) travaille de manière effective. L’objectif est que nous disposions de 185 territoires éducatifs ruraux à partir de 2024, contre 63 à la minute où je vous parle, soit le triple.

Chaque département – hors ceux de l’Île-de-France – sera doté d’au moins un territoire éducatif rural. La définition du périmètre géographique, l’établissement des diagnostics et l’élaboration des plans d’action feront l’objet d’une concertation entre les autorités académiques et les élus, de telle sorte que la création de ces territoires soit officialisée au plus tard au tout début de l’année 2024.

Outre ces politiques spécifiques, qui sont le pivot de cette stratégie pour les territoires ruraux, je veux citer bien évidemment les stages de réussite, l’école ouverte, le dispositif Devoirs faits et les cordées de la réussite, qui ont déjà concerné spécifiquement près de 37 000 élèves des territoires ruraux.

Nous avons évidemment le souhait de conduire une politique en faveur de l’équité. C’est pourquoi le taux d’encadrement des élèves dans les territoires ruraux est plus élevé qu’en milieu urbain : le ratio est de 20,28 enfants par classe dans les communes rurales éloignées et de 21,2 dans les communes rurales, alors que le ratio moyen national est de 21,7.

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.

M. Bruno Belin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je formulerai deux remarques factuelles.

D’une part, il manque à ce plan France Ruralités du contenu et une orientation stratégique : un Médicobus par département si les collectivités concernées sont volontaires, un chargé de projet par département, 5 000 euros ou 6 000 euros par commerce repris en milieu rural, tout cela est insuffisant !

D’autre part, s’agissant des questions scolaires, qui font l’objet de mon interrogation, j’entends que 185 territoires éducatifs ruraux vont être expérimentés. Si l’on ramène ce chiffre à l’ensemble des départements, cela donne une moyenne de deux pour chacun d’entre eux. Nous ne pouvons nous en satisfaire.

De même, évoquant le nombre d’élèves par classe, vous pointez la différence de ratio entre les classes qui sont situées en zone rurale et celles qui se trouvent en zone urbaine. N’oubliez jamais, cependant, que les enfants vivant en milieu rural passent beaucoup de temps dans les cars scolaires. C’est pourquoi il convient d’être très attentif à la cartographie des regroupements pédagogiques.

Vous parlez de plans à trois ans – c’est essentiel –, élaborés en coordination par les élus et les autorités académiques – ainsi que, je l’espère, par les préfets, qui ont une vision politique des choses un peu plus aiguë que les recteurs d’académie.

À tout le moins, cette concertation autour du plan à trois ans doit d’ores et déjà acter qu’il n’y aura pas de fermetures de classes à la rentrée de 2024. Puisqu’il faut se projeter à trois ans, ayons le courage de sacraliser, par ce statu quo, les classes des territoires ruraux.

manque de moyens humains pour le suivi linguistique des élèves allophones

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, auteur de la question n° 789, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Éric Gold. Monsieur le ministre, j’ai été interpellé par une équipe de soutien linguistique de mon département qui s’occupe de la bonne intégration, en milieu scolaire, des élèves arrivés récemment sur le territoire et ne parlant pas le français.

L’obligation d’instruction vaut dans notre pays pour les jeunes de 3 ans à 16 ans. Cette règle s’applique également aux nouveaux arrivants, même ceux dont la langue maternelle n’est pas le français.

Pour leur donner les mêmes chances de réussite, un soutien spécifique, notamment linguistique, est prévu.

Cependant, pour les professeurs de ces unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants, la tâche devient de plus en plus difficile du fait de l’augmentation continue du nombre d’élèves concernés. À Clermont-Ferrand, ils sont 50 % de plus, alors que le nombre d’enseignants demeure identique.

Naturellement, les conditions d’enseignement se dégradent, pour l’équipe pédagogique comme pour les élèves concernés.

Or ces jeunes ont besoin d’un accompagnement adapté et soutenu, notamment ceux qui n’ont pas été scolarisés antérieurement ou qui ont connu des parcours de vie compliqués, voire traumatiques.

Neuf heures au minimum d’enseignement intensif du français sont préconisées dans une circulaire du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse. Or, bien souvent, par manque de moyens humains, les enseignants ne peuvent intervenir qu’une à deux heures par semaine, chacun d’entre eux ayant parfois plusieurs écoles à couvrir sur son secteur.

Un rapport de la Cour des comptes publié en mars dernier indique par ailleurs que les délais d’affectation dans ces unités spécialisées se sont fortement allongés, retardant de fait la scolarisation des enfants et adolescents nouvellement arrivés. Ses auteurs précisent également que plusieurs années peuvent être nécessaires à l’acquisition d’une langue, notamment à un âge clé pour les apprentissages.

Le manque de moyens alloués peut ainsi expliquer le niveau insuffisant atteint par certains élèves en français à l’entrée en sixième. Le retard pris est donc considérable.

Or, en plus de l’enseignement de notre langue, cet accompagnement permet aussi une découverte de la culture citoyenne de notre pays, indispensable à la bonne intégration de ces citoyens de demain.

Monsieur le ministre, compte tenu de l’importance de ces enjeux, le Gouvernement a-t-il l’intention d’augmenter les moyens humains consacrés au suivi des élèves allophones ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Éric Gold, la scolarisation et l’accueil des élèves allophones nouvellement arrivés en France répondent d’abord, bien sûr, aux prescriptions du code de l’éducation, mais ils sont au cœur de l’attention du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Dans un contexte marqué notamment par l’arrivée d’enfants de réfugiés ukrainiens depuis mars 2022, tous les acteurs de l’éducation nationale se mobilisent pour accueillir et scolariser au sein de l’école de la République chaque enfant, quels que soient sa situation, son origine et son mode de vie.

Les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants ne sont pas des classes exclusives. Au contraire, elles accueillent les jeunes élèves allophones venant d’arriver en France, sur temps scolaire.

L’enjeu est bien de leur permettre de maîtriser rapidement et suffisamment le français pour qu’ils puissent suivre, avec une facilité croissante, les cours en classe ordinaire. C’est donc à cette aune et au regard de cette finalité qu’il convient d’examiner la situation.

Ce sont ainsi 1 570 professeurs qui sont mobilisés pour enseigner dans ces structures, lesquelles connaissent, pour certaines d’entre elles, un nombre d’élèves fortement variable.

Vous m’interrogez plus particulièrement sur la situation dans le département du Puy-de-Dôme. Après un échange à ce sujet avec les autorités académiques, il apparaît que ce territoire, en particulier sa partie rurale, est confronté à une véritable difficulté pour répondre à la forte augmentation du nombre d’élèves allophones arrivants, lesquels sont inscrits dans 30 écoles différentes.

Sachez, monsieur le sénateur, que le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse travaille en ce moment avec le rectorat et la direction des services départementaux de l’éducation nationale pour trouver des solutions à ce problème.

Ce matin, à ce banc, je ne puis vous apporter une réponse plus complète, mais je vous assure que le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, à la suite de votre alerte, vous tiendra informé du dispositif qui sera mis en place de façon spécifique dès la rentrée.

protection des élèves de l’enseignement français à l’étranger du harcèlement et des violences sexuelles

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, auteure de la question n° 788, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le ministre, voilà quelques mois, j’ai eu à Barcelone une discussion très difficile avec les parents d’une élève – des parents angoissés et très en colère –, qui me faisaient part des faits d’agression sexuelle et de pédocriminalité dont avait été victime leur petite fille à l’école maternelle française de Barcelone.

Ces faits, ils les avaient confiés au proviseur, l’alertant d’un comportement qu’il avait trouvé inquiétant. Puis, quelques mois plus tard, quand la parole de leur fille s’est libérée et que les faits en question ont été décrits plus précisément, ils ont porté plainte.

Pendant ces mois, il ne s’est rien passé à l’école. Une fois leur plainte déposée, c’est la police catalane qui est intervenue directement au sein de l’établissement pour arrêter l’individu en question.

Rien n’a donc été fait entre le moment où ils ont signalé les premiers faits et le moment où la police a agi. Pendant ces mois, peut-être d’autres crimes ont-ils été commis, faisant d’autres victimes. Puisque cet homme travaillait à l’école française de Barcelone depuis plusieurs années, on peut l’imaginer.

Ces faits ne sont pas isolés : 13 % des collégiens, en France, déclarent avoir été victimes d’agressions sexuelles, et l’enseignement français à l’étranger ne fait sans doute pas exception.

Le droit local catalan, ma foi, par comparaison avec celui d’autres pays, est plutôt performant. Pourtant, des parents se sont mobilisés, ont parlé, sans qu’il y ait de réaction adéquate.

Que fallait-il ? Il fallait des formations, des protocoles, des procédures. Comme c’est trop souvent le cas dans notre réseau, on ne peut pas laisser les familles à la merci d’une réaction adéquate, ou non, du corps enseignant.

Le ministre Pap Ndiaye s’est engagé à apporter un certain nombre d’améliorations. Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais savoir ce qui sera fait pour que, à l’avenir, de tels faits fassent l’objet d’un traitement différent.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Vogel, vous le savez, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) relaie les priorités éducatives du ministère de l’éducation et de la jeunesse, en veillant notamment à prendre en compte l’ensemble des contextes locaux, notamment juridiques.

À ce titre, la prévention et le traitement des agressions et des violences sexuelles dans les établissements d’enseignement français à l’étranger font l’objet de la même vigilance qu’en France.

C’est pourquoi, bien que le programme pHARe de prévention du harcèlement ne puisse être imposé dans des établissements qui ne s’insèrent pas dans le même contexte administratif et le même contexte juridique que sur le territoire national, l’AEFE n’admet aucune tolérance face à ces situations inacceptables et agit pour renforcer les dispositifs en vigueur.

Tout d’abord, la détection et la prévention des abus sexuels s’intègrent au même titre que le harcèlement ou toute violence ou toute discrimination à l’école dans les parcours citoyens et les parcours éducatifs de santé que les établissements doivent mettre en place dans le cadre de leur projet éducatif.

Ensuite, la prévention des situations de violence ou de harcèlement est pensée dans le cadre de la formation générale de l’élève et peut, du reste, faire l’objet de partenariats structurés avec le monde professionnel ou associatif local, dont l’expertise complète souvent celle des enseignants.

En outre, une attention particulière est accordée à la parole des élèves sur le sujet. À cet égard, de nouvelles exigences seront introduites dans les critères d’homologation dès l’année scolaire 2023-2024.

Enfin, chaque année, les plans régionaux de formation qui sont proposés dans les différentes zones géographiques de l’AEFE intègrent des actions de formation relatives à ces questions, à destination du personnel d’encadrement, des enseignants, des équipes éducatives de santé et des personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service (Atoss).

Afin de renforcer le dispositif à l’échelle du réseau et de mieux accompagner les équipes d’encadrement, l’AEFE a travaillé à un protocole complet et précis à destination de l’ensemble des établissements du réseau à travers le monde pour déclencher une réaction homogène en cas de signalement de fait à caractère sexuel émanant d’élèves ou de leur famille. Ce protocole sera appliqué dès la rentrée prochaine.

compensation aux collectivités locales de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la question n° 649, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, en octobre dernier, j’ai interpellé le ministre Jean-Noël Barrot au sujet des répercussions de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur les collectivités territoriales.

Il m’avait alors indiqué que « la perte de recettes induite pour les collectivités territoriales en raison de cette suppression sera compensée […] par l’affectation d’une fraction de TVA, ce qui leur permettra de bénéficier d’une recette pérenne et dynamique, qui évolue en lien avec l’inflation. »

Néanmoins, le Gouvernement a, depuis lors, choisi de calculer la compensation pour chaque collectivité locale sur la base de la moyenne de ses recettes de CVAE sur les années 2020-2023.

Or le choix de prendre en compte dans le calcul l’année 2021, au cours de laquelle la CVAE a connu une baisse de rendement exceptionnelle en raison de la crise sanitaire, est un arbitrage plutôt défavorable pour les collectivités.

À l’heure où celles-ci n’ont de cesse de se serrer la ceinture, à l’heure où elles se démènent pour faire toujours plus avec toujours moins, à l’heure où le Gouvernement est en difficulté pour boucler son budget, ce nouveau cadeau fiscal aux entreprises de 14 milliards d’euros par an, aux dépens des ménages, est à revoir.

À ce propos, qu’en est-il de la mission flash confiée à l’Inspection générale des finances pour étudier les modalités de répartition des mesures de compensation, de manière à maintenir un lien avec la dynamique locale ?

D’ailleurs, monsieur le ministre, nous sommes confrontés au même problème avec la compensation de la suppression de la taxe d’habitation.

Comptez-vous proposer une modification des règles de calcul pour tenir compte de cette promesse de compensation à l’euro près et, ainsi, honorer la promesse gouvernementale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Cardon, depuis la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui a été décidée entre 2012 et 2017 et qui a conduit à une ponction sans précédent et sans équivalent depuis lors sur les finances des collectivités territoriales, les réformes qui ont concerné la fiscalité – je vous le confirme – se sont faites à l’euro près.

La suppression de la taxe d’habitation, laquelle continue d’être calculée fictivement pour donner droit ensuite à compensation, correspond très exactement à cette perspective. Je vous invite, à cet égard, à examiner de près la réalité des comptes des collectivités territoriales du département dans lequel vous êtes élu !

Pour qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, je vous rappelle que jamais un impôt n’a été compensé en se fondant sur une seule année, en particulier lorsqu’il s’agit d’un impôt par définition instable – c’est le cas de ladite CVAE.

À la différence de la taxe professionnelle, la CVAE peut évoluer en fonction des cycles économiques – c’est même pour cette raison qu’elle a été créée. Elle ne se caractérise donc pas par la rigidité et la constance attachées à d’autres dispositifs d’imposition.

L’inconvénient d’une moyenne, c’est qu’elle prend en compte des années « bonnes » et d’autres qui le sont moins. Mais, compte tenu des très fortes variations pouvant exister sur un même territoire, la moyenne a le mérite de protéger les collectivités.

Je prendrai l’exemple, extrême, des centrales nucléaires. Là où des procédures de révision sous contrainte ont été lancées, la CVAE est tombée à zéro pour les années concernées. Si l’on avait fondé les critères de compensation sur l’année d’arrêt, les effets de bord auraient été considérables.

Les 650 millions d’euros correspondant au delta entre 2022 – la meilleure année – et la moyenne ont été de facto intégralement reversés : 150 millions d’euros ont été fléchés vers les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) et 500 millions d’euros, qui ont abondé le fonds vert, ont été spécifiquement orientés vers les collectivités, en vue de reconstituer leur niveau de CVAE.

Par ailleurs – vous l’avez dit en posant votre question –, il est possible de compenser au-delà de la TVA en tenant compte du dynamisme économique. Je le rappelle, on n’a pas entendu les collectivités auxquelles des recettes de TVA ont été affectées se plaindre du niveau de cette compensation… En effet, cette dernière est de l’ordre d’un point par an si l’on compare les tendances. Elle est donc plus dynamique que la CVAE.

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.

M. Rémi Cardon. Je n’ai pas davantage de lumières sur la mission flash en la matière…

Il semblerait que pour vous, monsieur le ministre, les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Le fait que vous n’ayez pas réellement répondu à ma question le confirme.

Après avoir fait preuve d’un esprit centralisateur en termes d’aménagement du territoire au travers du « zéro artificialisation nette » (ZAN), il serait temps que vous redeveniez l’élu local que vous étiez en refusant l’État centralisateur, y compris sur des sujets tels que la fiscalité locale.

Puisque nous fêtons les « cent jours d’apaisement » voulus par le Président de la République, il serait temps de revoir votre copie en la matière !

cession éventuelle du stade de france

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, auteur de la question n° 775, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, auriez-vous l’idée de vendre la tour Eiffel ou l’opéra Garnier, qui plus est à une puissance étrangère ? « Impensable ! », me diriez-vous. Pourtant, depuis le mois de mars dernier, discrètement, le Gouvernement a mis une hypothèse similaire sur la table pour vendre le Stade de France, le contrat de concession accordé en 1995 au consortium Vinci-Bouygues arrivant à son terme.

Or ce lieu est bien davantage qu’une simple enceinte sportive. Il est une part de notre héritage et de notre histoire commune. Il est l’incarnation du génie français, des ingénieurs et ouvriers qui l’ont construit et lui ont donné vie. Il renferme nos souvenirs, de la première étoile gagnée par les Bleus en 1998 aux matchs de football et de rugby de nos équipes nationales, jusqu’aux concerts pharaoniques gravés dans l’imaginaire collectif. Des victoires, des défaites, des rires et ces larmes qui nous sont communs, gravés dans la pierre.

Les émotions et les souvenirs ne s’achètent pas, même à coups de milliards versés par une pétromonarchie comme le Qatar. Le PSG, le Paris Saint-Germain, a son histoire, qui s’inscrit au Parc des Princes ; le peuple français a son stade, qui porte le nom de France à Saint-Denis !

Vendre, ce serait donc brader notre patrimoine commun et assurément renoncer à une pratique sportive et culturelle à prix abordables pour toutes et tous, et d’abord pour les Séquano-Dyonisiens.

Vendre, ce serait envoyer le signal que le sport et la culture sont une marchandise que l’on peut brader au plus offrant. Il est temps que l’ensemble des élus et parlementaires du département, et au-delà, soient associés à ces discussions.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que le Stade de France ne sera pas vendu à une puissance étrangère, telle que le Qatar, et qu’il restera propriété de la Nation ?