Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 248 rectifié est présenté par Mmes Poumirol, Féret, Le Houerou, Meunier et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme Rossignol, MM. Gillé et Devinaz, Mmes Artigalas et Bonnefoy, MM. J. Bigot, Bouad et Tissot, Mme Harribey, M. Houllegatte, Mme Monier, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, M. Filleul, Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 444 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

L’amendement n° 461 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 248 rectifié.

Mme Émilienne Poumirol. La philosophie de ce projet de loi est complètement contraire aux valeurs de solidarité et d’accompagnement bienveillant des plus précaires et des plus éloignés de l’emploi que défend le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Au lieu d’adopter une logique d’accompagnement, le Gouvernement privilégie la stigmatisation des plus précaires.

Les sanctions, nouvelles et accrues prévues dans l’article 3 vont faire basculer certains allocataires du RSA de la précarité à la très grande précarité, voire à l’extrême pauvreté. Elles ne vont pas remobiliser les allocataires, contrairement à ce que le Gouvernement laisse entendre – bien au contraire ! Elles vont accroître le non-recours, qui s’élevait déjà à 34 % en 2021, ce qui représente 3 milliards d’euros non versés par l’État chaque année.

Nous sommes donc loin de la philosophie, rappelée par Annie Le Houerou, voulue par le président François Mitterrand et mise en place par Michel Rocard pour le RMI en 1988 : accorder un socle minimum aux personnes sans ressources, afin de lutter contre la pauvreté.

La majorité sénatoriale, prétendant défendre la valeur travail, n’a fait que durcir un peu plus les sanctions à l’égard des bénéficiaires du RSA. Elle a ainsi adopté en commission un amendement visant à limiter à trois mois les sommes pouvant être versées rétroactivement au titre du RSA lorsque le bénéficiaire s’est conformé à ses obligations après une suspension.

Je me permets de rappeler à la majorité sénatoriale que le RSA est une allocation de subsistance. On ne vit pas bien avec le RSA ! Priver un bénéficiaire de son droit, c’est le priver d’un minimum pour vivre, se nourrir, se soigner et se loger.

La fragilité des allocataires des minima sociaux impose à la société de garantir une solidarité à l’égard de tous, quelle que soit leur situation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 444.

Mme Raymonde Poncet Monge. En écho aux deux premiers articles de ce projet de loi, celui-ci, que nous proposons de supprimer, confirme l’inscription des conjoints, concubins et partenaires unis par un pacte civil à la liste des demandeurs d’emploi de France Travail et ajoute à de multiples endroits du code de l’action sociale et des familles la notion de suppression de l’allocation, empêchant l’allocataire ayant régularisé sa situation de recouvrer les sommes antérieurement perdues.

Ce durcissement tend à confondre les règles et sanctions qui sont relatives à un revenu de remplacement assurantiel lié à la solidarité interprofessionnelle – un risque couvert par l’Unédic – et celles qui sont relatives à une allocation de revenu minimum liée à la solidarité nationale – un risque qui relève de l’État.

De plus, cet article tend à affaiblir les possibilités pour les allocataires du RSA de se défendre. Selon l’article 3 de ce projet de loi, l’entretien avec l’allocataire ne serait plus un préalable à la suspension de l’allocation.

Le texte prévoit également la possibilité pour France Travail de proposer au président du conseil départemental une sanction, celle-ci s’appliquant si le département ne réagit pas au bout d’un certain temps.

Le texte prévoit ainsi une nouvelle sanction clé en main, dont l’acceptation tacite par le département pourrait vite devenir la norme compte tenu du nombre de dossiers que doit suivre chaque travailleur social. Cela irait encore plus dans le sens d’un durcissement des sanctions, d’autant que s’y ajoute l’automatisation liée à l’informatisation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 461.

Mme Cathy Apourceau-Poly. J’ai cité tout à l’heure les principales raisons pour lesquelles nous voulons supprimer cet article. J’ajouterai simplement quelques éléments.

Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale a formulé 19 recommandations visant à garantir un véritable droit à l’accompagnement.

Il propose de rendre effectif et universel un accompagnement global sur l’ensemble du territoire, ce qui passe notamment par une augmentation des moyens humains dédiés – nous avons évoqué hier à plusieurs reprises la réduction de ces moyens, qui laisse de nombreuses personnes sur le côté.

Il avance aussi la nécessité de mieux articuler les dimensions sociale et professionnelle de l’accompagnement et de valoriser l’utilité sociale des emplois aidés.

Enfin, s’agissant des jeunes – ils sont totalement absents de ce texte, alors même que le taux de pauvreté de la classe d’âge 18-24 ans est de 23 % –, il est temps de réagir, monsieur le ministre !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales. Les lacunes actuelles de l’orientation et de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA ne sont pas étrangères aux difficultés d’accès à l’emploi de ces derniers.

Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : le taux de retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA est de 3,9 %, soit un chiffre très inférieur à la moyenne des demandeurs d’emploi, qui est de 8,2 %. À la fin de 2020, quelque 59 % des bénéficiaires du RSA percevaient l’allocation depuis deux ans ou plus et 36 % depuis cinq ans ou plus.

C’est pourquoi la commission est favorable à l’adoption de l’article 3, qui vise à inscrire les bénéficiaires du RSA dans la logique du contrat d’engagement, à renforcer leur accompagnement et à améliorer le régime de sanctions applicable en cas de manquement à leurs obligations.

Je suis donc défavorable à ces trois amendements identiques de suppression de l’article.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Nous examinons là l’un des articles clés du projet de loi. Je ne puis donc qu’être défavorable à sa suppression.

Nous souhaitons rénover l’accompagnement et non aggraver ou accentuer les sanctions, comme je l’ai entendu, puisque nous proposons une sanction intermédiaire, d’une portée inférieure à la radiation, qui existe depuis 1988.

Je rappelle que la suspension qui est prévue peut donner lieu, de manière rétroactive, au versement intégral de l’allocation – la commission des affaires sociales du Sénat a limité cette possibilité à trois mois –, dès lors que sont tenus les engagements pris dans le cadre du contrat élaboré entre l’allocataire et les conseillers en charge de son dossier.

Cette mesure nous paraît à la fois équilibrée et utile pour mieux accompagner les allocataires.

Si le RSA est bien une trappe à précarité et à pauvreté, c’est en raison non pas du montant de l’allocation, mais de la faiblesse de l’accompagnement. Il ne faut pas s’étonner dans ces conditions qu’il soit difficile d’en sortir et de retrouver un emploi, donc de l’autonomie.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, je souscris à vos propos, mais il faut y mettre les moyens !

Contrairement à ce qu’affirment les auteurs de ces amendements, nous induisons non de la stigmatisation, mais un meilleur accompagnement. Sortir les allocataires de leurs difficultés, leur proposer une espérance, voilà ce qui est important.

Les présidents des conseils départementaux sont les premiers à regretter la faiblesse de l’accompagnement de ces personnes. Ils sont eux aussi dans une situation difficile, parce qu’ils n’ont pas toujours les moyens d’agir correctement.

Pour que votre projet réussisse, monsieur le ministre, il faudra y mettre les moyens. Vous devrez donc être particulièrement vigilant lors de l’élaboration du projet de loi de finances, pour que les départements aient vraiment les capacités d’accompagner les allocataires du RSA. C’est ainsi que nous réussirons à sortir ces personnes de leurs difficultés, sans les stigmatiser.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je rappelle l’objet de cet article : si, à l’issue d’un délai de six mois après la signature du contrat d’engagement, et qui peut aller jusqu’à douze mois dans certains cas, le bénéficiaire du RSA ayant bénéficié de l’accompagnement à vocation d’insertion sociale n’est pas en mesure de s’engager dans une démarche de recherche d’emploi, sa situation fait l’objet d’un diagnostic posé conjointement par France Travail et par son référent unique. Cela constitue une nouvelle étape dans l’accompagnement.

Le RSA peut être suspendu ; c’est évidemment une décision très grave, mais elle ne peut être prise qu’après avis de l’équipe pluridisciplinaire composée de professionnels de l’insertion.

Ce projet de loi a pour objectif non pas de supprimer ou de suspendre les allocations, mais d’accompagner les gens et de les faire sortir de leurs difficultés, pour qu’ils puissent reprendre un emploi et s’intégrer dans la société.

Je rejoins les propos de René-Paul Savary : cela ne pourra se faire que si un financement adéquat est prévu. Il faut réconcilier progressivement ces personnes avec le monde de l’entreprise. Pour cela, il faut mettre le paquet, monsieur le ministre !

La proposition de loi d’expérimentation visant à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA, déposée par le groupe Les Indépendants, allait dans ce sens et pourrait être utile à la réalisation de nos objectifs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je suis tout de même étonnée de l’absence complète d’analyse sur un point : pourquoi les dispositifs que vous défendez n’ont-ils jamais fonctionné, même à l’époque où les départements consacraient 20 % de leurs moyens à l’insertion, contre 8 % aujourd’hui ? Je pense en particulier aux politiques mises en œuvre depuis plusieurs années maintenant et visant à encourager le retour à l’emploi ou à conditionner le RSA.

Monsieur le ministre, je ne suis pas d’accord avec vous : le RSA est non seulement une trappe à pauvreté – c’est même une trappe à extrême pauvreté ! –, mais aussi une trappe à chômage.

Lisez Esther Duflo, une économiste qui a reçu le prix Nobel et qui est plutôt néo-libérale (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.), comme le Gouvernement… Elle a démontré que, pour trouver un emploi, il faut sortir de la pauvreté, de la survie et de la nécessité de devoir ramer tous les jours. Par conséquent, quand on parle d’insertion ou d’emploi, il faut aussi s’interroger sur les politiques publiques de santé, d’éducation, de mobilité, etc.

Ce que vous appelez des freins ne tombe pas du ciel ! Nombre de difficultés résultent tout simplement du fait que les politiques sociales de ce pays ont été largement mises à mal depuis des années.

Vous n’analysez rien. Vous vous contentez d’un discours selon lequel il fera beau demain ! Or je ne vois pas en quoi les mêmes politiques ont la moindre chance de produire des effets différents.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 248 rectifié, 444 et 461.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 445, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La section 3 du chapitre II du titre VI du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifiée :

I. – L’article L. 262-28 est ainsi rédigé :

« Art. L. 262-28. – L’allocataire du revenu de solidarité active est soutenu, lorsqu’il est sans emploi ou ne tire de l’exercice d’une activité professionnelle que des revenus inférieurs à un seuil fixé par décret, pour rechercher un emploi, entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité professionnelle ou prendre soin de sa santé ou celle de ses proches, à son implication associative.

« Ce soutien ne peut être réduit et conditionné à la recherche d’emploi. » ;

II. – L’article L. 262-29 est ainsi rédigé :

« Art. L. 262-29. – L’allocataire du revenu de solidarité active, soutenu en application de l’article L. 262-28, est orienté par le président du conseil départemental :

« 1° Lorsqu’il est volontaire pour exercer un emploi au sens des articles L. 5411-6 et L. 5411-7 du code du travail ou pour créer sa propre activité vers l’un des organismes mentionnés à l’article L. 5311-4 du même code ou encore vers l’un des réseaux d’appui à la création et au développement des entreprises mentionnés à l’article 200 octies du code général des impôts, en vue d’un accompagnement professionnel et, le cas échéant, social ;

« 2° Lorsqu’il apparaît que l’allocataire a des difficultés tenant notamment à ses conditions de logement, à l’absence de logement ou à son état de santé ;

« 3° Lorsque l’allocataire est âgé de moins de vingt-cinq ans et que sa situation le justifie vers les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes mentionnées à l’article L. 5314-1 du code du travail ;

« 4° Lorsque l’allocataire souhaite contribuer d’une manière ou d’une autre à l’intérêt général de la collectivité, vers les autorités ou organismes compétents ou une association d’intérêt général. »

III. – L’article L. 262-35 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« L’allocataire du revenu de solidarité active a droit à un accompagnement social et professionnel. Il peut conclure avec le département, représenté par le Président du conseil départemental, dans un délai d’un mois après son orientation, un contrat débattu énumérant leurs engagements réciproques.

« Ce contrat précise les actes positifs et répétés que l’allocataire s’engage à accomplir. » ;

2° Au début du troisième alinéa, sont ajoutés les mots : « S’il est question d’une recherche d’emploi, » ;

3° La dernière phrase du troisième alinéa est supprimée ;

4° Le dernier alinéa est supprimé.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. En 2007, le RMI est remplacé par le RSA. L’« activation » des allocataires devient alors le maître-mot, avec deux leviers – la carotte et le bâton ! –, à savoir, d’un côté, l’incitation monétaire, de l’autre, un système de sanctions s’appuyant sur le respect d’un contrat désormais contraignant. C’était il y a quasiment vingt ans !

Il est évident que, au regard de sa situation financière, l’ayant droit n’est capable ni de refuser ni même de consentir librement, tant il y a une asymétrie dans la relation entre le travailleur social et l’allocataire.

Les incitations financières et les présupposés sur lesquelles elles se fondent – en particulier, l’idée que le RSA serait désincitatif – ont aussi justifié et permis le décrochage croissant entre le revenu minimum et le salaire minimum – le RSA n’a pas toujours représenté 40 % du Smic.

Le RSA a certes permis de maintenir un socle de revenu pour de nombreuses personnes, mais les faiblesses du dispositif sont importantes : montant insuffisant, forte conditionnalité, taux important de non-recours, etc.

Cet amendement, qui est soutenu par les syndicats, vise à reprendre une proposition du rapport Sans contreparties publié par plusieurs acteurs de la solidarité qui travaillent tous les jours avec ce public.

Il a trois objets : remplacer l’obligation de recherche d’emploi des allocataires du RSA par un soutien aux démarches d’insertion ou de création de sa propre activité professionnelle ; organiser, via un contrat d’engagement réciproque conclu avec le président du conseil départemental, l’accompagnement social et professionnel comme un droit ; intégrer la notion de volontariat à occuper un emploi et reconnaître les contributions d’une manière ou d’une autre à l’intérêt général.

En phase avec les recommandations du rapport que j’ai cité, cet amendement vise également à reprendre certaines dispositions de la proposition de loi, déposée par le groupe écologiste, instaurant un revenu minimum garanti – sans condition !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent une réécriture globale de l’article 3 visant à affirmer que le bénéfice du RSA ne peut être réduit et conditionné à la recherche d’emploi.

Nous avons là un désaccord de fond : le droit à l’accompagnement et à un soutien monétaire est, à mon sens, indissociable du devoir de rechercher un emploi ou d’accomplir des démarches d’insertion.

En outre, cet amendement n’est pas cohérent avec le droit en vigueur, puisqu’il tend à conserver les dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives au contrôle et aux sanctions applicables aux bénéficiaires du RSA.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 445.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de vingt-huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 294 rectifié, présenté par Mmes Poumirol, Le Houerou, Féret, Meunier et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme Rossignol, MM. Gillé, Redon-Sarrazy et Devinaz, Mmes Artigalas et Monier, M. Houllegatte, Mme Harribey, MM. Tissot, Bouad et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, M. Filleul, Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 5 et 28 à 56

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. La fragilité des allocataires des minima sociaux impose à la société de garantir une solidarité à l’égard de tous, quelle que soit leur situation.

La logique de conditionnalité du RSA n’est pas adaptée à une allocation qui est l’unique source de revenus pour des personnes en grande précarité, puisqu’il s’agit de répondre aux besoins de base de millions de personnes qui vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté.

L’accès au RSA est un droit, un droit social, qui ne dépend pas du code du travail et qui ne doit pas être conditionné à la satisfaction d’obligations par le bénéficiaire en contrepartie de cette allocation.

Comme toute allocation de solidarité, le RSA est avant tout un reste à vivre et un revenu d’existence qui ne saurait être conditionné. Il faut donc refuser le principe même des sanctions contre les allocataires du RSA – évidemment, hors cas de fraude avérés.

La sanction n’agit pas sur les véritables causes de la non-reprise d’emploi – cela a été dit à plusieurs reprises. C’est l’accompagnement qui est important pour résoudre les causes du non-retour à l’emploi. Pour cela, monsieur le ministre, comme l’a dit René-Paul Savary, il faut y mettre les moyens !

Je ne vais pas redire combien les conséquences sont dramatiques pour les bénéficiaires ni combien la sanction dite suspension-remobilisation sera inefficace, tout en ne respectant pas la nécessité de préserver le reste à vivre.

Mme la présidente. L’amendement n° 205 rectifié n’est pas soutenu.

L’amendement n° 374 rectifié ter, présenté par MM. Gillé, Antiste, Bourgi et Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Marie, Mme Harribey et MM. Lurel, Redon-Sarrazy et Tissot, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 299 rectifié, présenté par Mmes Poumirol, Féret, Le Houerou, Meunier et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme Rossignol, MM. Gillé, Redon-Sarrazy et Devinaz, Mmes Artigalas et Monier, M. Houllegatte, Mme Harribey, MM. Tissot, Bouad et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, M. Filleul, Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 20 à 24

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Dans les alinéas 20 à 24, il est prévu que si, à l’issue d’un délai de six mois à compter de la signature ou de la révision du contrat d’engagement, le bénéficiaire du revenu de solidarité active qui bénéficie de l’accompagnement à vocation d’insertion sociale n’est pas en mesure de s’engager dans une démarche de recherche d’emploi, sa situation fait l’objet d’un nouveau diagnostic.

Cette mesure est parfaitement inadaptée aux personnes en insertion sociale : elle exerce une pression sur les allocataires du RSA qui est en décalage avec la réalité de la vie de ces derniers, et cela risque de favoriser le non-recours plutôt que d’aider ces personnes.

Je rappelle que six mois, c’est court, en particulier pour des personnes bénéficiaires du RSA, c’est-à-dire des gens qui n’ont plus d’emploi depuis au moins trois ans.

Mme la présidente. L’amendement n° 607, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéas 21, 27 et 30

Remplacer les mots :

contrat d’engagement

par les mots :

contrat d’engagement réciproque

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à revenir sur la suppression du qualificatif « réciproque » de la dénomination du contrat d’engagement.

Une telle suppression trahit la volonté du Gouvernement non seulement de conditionner davantage encore le droit au RSA – rappelons qu’il s’agit d’un revenu de dernier recours, qui, en tant que tel, ne devrait pouvoir être ni suspendu ni supprimé –, mais aussi de transformer ce contrat en effaçant la responsabilité collective qui incombe à l’ensemble de la société.

Oui, la pauvreté et la précarité sont des faits sociaux. Dès lors, c’est à la société qu’il revient de leur apporter une réponse. En faisant disparaître la réciprocité, on cherche autant à effacer cette responsabilité collective qu’à individualiser la pauvreté, ouvrant ainsi la brèche à la culpabilisation des allocataires, supposés responsables de leur situation.

Or, si l’on est au RSA parce que l’on est pauvre depuis plusieurs générations, c’est tout de même la société qui est en échec !

Si l’on est au RSA parce que l’on vient d’un quartier défavorisé et que l’on subit des discriminations, par exemple raciales,… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Raymonde Poncet Monge. … dans ce cas aussi, c’est la société qu’il faut convoquer.

Si l’on est au RSA parce que l’on est malade, trop vieux, ou en situation de handicap – les statistiques montrent bien que toutes ces populations sont surreprésentées parmi les allocataires –, c’est toujours la société qu’il faut convoquer.

Le contrat engage autant les politiques publiques que l’allocataire. Le déséquilibre qui résulte de la suppression de la réciprocité a donc de quoi inquiéter, car il nourrit une vision antisociale consistant à rendre les allocataires seuls coupables de leur situation, voire à les faire passer pour des profiteurs, mais surtout à diviser les populations – tel est bien le but ! –, entre un groupe ultraprécarisé et tenu pour responsable de sa situation et addict aux prestations, d’une part, et le reste des classes populaires ou moyennes, d’autre part.

C’est pourquoi il faut réaffirmer le caractère réciproque du contrat d’engagement.

Mme la présidente. L’amendement n° 451, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéas 28 à 77

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Au travers de cet amendement, nous exprimons notre opposition à la sanction de suppression de l’allocation du RSA.

Rappelons que, jusqu’à présent, cette sanction était, dans la pratique, réservée aux cas de fraude ; on ne l’actionnait pas envers des allocataires pour des manquements aux engagements du contrat. Ce qui est proposé ici est donc une nouveauté et une aggravation, monsieur le ministre !

Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), les allocataires du RSA et de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) sont les plus exposés à la pauvreté en matière de conditions de vie. Leur situation financière leur fait subir d’importantes restrictions de consommation – six fois plus que la moyenne de la population. Cette situation ne permet pas tout à fait de rechercher un emploi dans de bonnes conditions !

Si cette sanction, dont la durée peut être fixée par le président du département, est susceptible de produire quelques résultats, elle comporte néanmoins bien plus de risques pour la personne qu’elle frappera, qui pourrait s’enfoncer dans l’extrême pauvreté – la véritable trappe à emploi – et in fine, comme le disait un allocataire du RSA, « tomber dans le non-recours ».

En effet, suspendre ne serait-ce qu’une partie du RSA, même temporairement, peut emporter des conséquences graves – renoncement à des soins, à du chauffage, à une nourriture correcte, perte d’un logement – pour des personnes dont le quotidien est déjà fait de nombreuses privations. Le Secours catholique témoigne que les personnes ayant droit au RSA survivent difficilement et ressentent au quotidien de la peur – peur du lendemain, peur d’être sanctionnées –, voire de la honte si elles sont suspectées d’« en profiter ».

Faire peser sur ces personnes le risque d’une suspension, voire d’une suppression, du versement de l’aide ne fait qu’aggraver leur situation et renforcer leur stigmatisation. C’est à la puissance publique de tout faire pour aller vers l’allocataire et pour l’accompagner, le mieux possible, dans son insertion sociale et professionnelle ou dans sa recherche d’emploi.