M. Rachid Temal. On peut aussi trouver des recettes supplémentaires !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Non, monsieur le sénateur Temal. Je vous rappelle qu’hier cette assemblée a voté l’article 3, qui fixe les moyens de la politique de défense, donc les recettes jusqu’à 2030.

M. Rachid Temal. On peut toujours en décider de nouvelles !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ah oui, au moyen d’une taxe supplémentaire !

M. Rachid Temal. Après tout, c’est ce que vous faites régulièrement !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Soyons sérieux un instant : il est clair que l’on ne peut plus dire – interview dans Le Figaro ou pas – que les crédits budgétaires programmés s’élèvent à 413 milliards d’euros.

Cela ne fait aucun doute. Par exemple, un maire, qui ajoute des commandes et fait des achats supplémentaires, sait très bien que sa commune va dépenser plus.

Et je ne parle même pas du maintien en condition opérationnelle (MCO), qui n’est pas pris en compte dans l’amendement.

En bref, il y a deux options : soit l’enveloppe est supérieure à 413 milliards d’euros, auquel cas il faut cesser d’affirmer que vous voulez en rester à ce plafond ; soit il y a éviction, ce qui signifie qu’il faut compenser les dépenses nouvelles en supprimant certains éléments du tableau capacitaire. Dans ce second cas, il faudra expliquer et démontrer – après tout, une telle démarche peut tout à fait relever d’un choix politique – pourquoi il faudrait par exemple moins de Rafale et davantage d’Airbus A400M.

S’il s’agit d’un choix politique du Sénat, je m’opposerai certes à vos arguments d’un point de vue militaire, mais au moins je comprendrai. J’essaie, comme vous le savez, de faire preuve de la plus grande des disponibilités sur ces questions budgétaires, mais j’y insiste, et c’est factuel, votre amendement tend à alourdir la facture.

Je vous demande donc, monsieur le rapporteur, de bien vouloir le retirer ou alors de présenter un autre amendement, qui aurait pour objet de supprimer des équipements du tableau capacitaire, ce qui contribuerait à nous redonner des marges de manœuvre et à gager la hausse des besoins que vous prévoyez ici.

L’amendement, je le redis, tend à rehausser la trajectoire de la LPM au-delà de 413 milliards d’euros. S’il est adopté, je devrai peut-être demander une seconde délibération sur les articles relatifs aux recettes que nous avons votés hier.

Avec un tel amendement, il est impossible de boucler la programmation ; la LPM, telle qu’elle ressortirait des débats du Sénat, ne serait plus sincère en raison d’un tableau capacitaire dont le coût excéderait la trajectoire de recettes que vous avez vous-même fait voter hier.

Même s’il est vingt-trois heures cinquante-huit, ce point mérite que l’on s’y intéresse quelques instants.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cambon, rapporteur. Monsieur le ministre, alors que nous ne faisons aujourd’hui que de discuter du rapport annexé, nous n’allons pas refaire le débat d’hier !

Les propositions que nous faisons sont soumises à débat. Nous respectons cette enveloppe de 413 milliards d’euros – je le redis et je le répéterai autant de fois que vous direz le contraire –, en gageant nos demandes sur les fameux 7 milliards d’euros de ressources extrabudgétaires.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Mais non !

M. Christian Cambon, rapporteur. Au fond, c’est bien le sujet : ces 7 milliards n’existent pas, monsieur le ministre ! Vous ne les avez pas !

Résumons-nous : le Gouvernement avait prévu 400 milliards d’euros de crédits, auxquels on peut ajouter 5 milliards d’euros de ressources que nous avons à peu près identifiés, ainsi que les marges frictionnelles et les reports de charges. Si vous aviez en plus ces 7 milliards d’euros, nous pourrions largement couvrir ces dépenses supplémentaires, qui reflètent tout bonnement les besoins exprimés par nos forces armées.

En conséquence, nous maintenons l’enveloppe de 413 milliards d’euros et restons ouverts au débat. Il est inutile de nous invectiver à ce sujet, car nous continuerons à défendre cette position, laquelle a été confirmée hier par Bruno Retailleau.

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.

M. Cédric Perrin. Monsieur le ministre, vous parlez de gage, mais il y a plutôt une gageure dans ce projet de loi : expliquer comment une augmentation significative du budget – 40 % – peut finalement aboutir à une réduction de 28 % de la cible capacitaire ! Réduire de 28 % le programme Scorpion, ce sont donc des véhicules Griffon, Serval et Jaguar, des frégates de défense et d’intervention (FDI) en moins, une réduction de 50 à 35 avions A400M…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je l’ai déjà expliqué de nombreuses fois !

M. Cédric Perrin. Monsieur le ministre, nous n’allons pas refaire le débat d’hier. Depuis le départ, votre péché est d’avoir communiqué sur ces 413 milliards d’euros, alors qu’en vérité, il s’agit de 400 milliards.

J’ai bien conscience que vous avez obtenu ces 13 milliards d’euros supplémentaires – et nous vous en sommes très reconnaissants –, mais ils ne sont pas identifiés,…

M. Christian Cambon, rapporteur. Sauf 5,9 milliards !

M. Cédric Perrin. … à l’exception en effet de 5,9 milliards d’euros.

Aujourd’hui, nous avons besoin d’un certain nombre d’éléments. Nous vous demandons a minima d’essayer de respecter la cible de la trajectoire définie en 2018, qui devait être atteinte en 2025 et qui ne le sera qu’en 2035.

Nous aurons l’occasion d’en discuter dans le cadre de la commission mixte paritaire – manifestement, elle sera longue… En tout cas, c’est notre position et il me semble que nous devons la conserver. Je le redis, il est compliqué de comprendre qu’une augmentation budgétaire de 40 % entraîne une diminution des cibles capacitaires de près de 30 %.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est parce que vous ne voulez pas comprendre ! Je vous ai expliqué quel était notre débat, avec les chefs d’état-major, sur la cohérence et la masse, mais vous ne voulez pas l’entendre !

Si vous préférez cette solution, revenons à l’affichage d’un capacitaire sans les pièces détachées, sans le MCO, sans l’approche brigade-division, comme je vous l’ai déjà exposé à de nombreuses reprises.

Ne me dites pas qu’il est impossible de comprendre comment on peut avoir un recul capacitaire, tout en disposant de plus d’argent ! Ce recul est lié à l’arrivée de plein de choses nouvelles et à une approche différente. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

J’ai déjà expliqué cela trois fois devant la commission, mais je peux le faire une quatrième et prendre toute la nuit s’il le faut. C’est très important, car c’est le cœur même de la transformation de nos armées.

Plutôt que d’adopter une approche de cohérence organique, nous avons choisi, avec le chef d’état-major des armées, la cohérence opérationnelle. Nous nous sommes donc interrogés sur la nature de nos besoins en cas de déploiement de deux brigades, d’une division, d’un corps d’armée, et c’est à partir des réponses à ces questions que nous avons défini les commandes à passer.

C’est la réponse à votre première interpellation portant sur les raisons de ces décalages en dépit de ressources supplémentaires.

Je précise quand même que ces décalages sont de l’ordre d’une ou deux années, ce qui nous permettra par ailleurs de disposer des infrastructures nécessaires. Vous connaissez bien l’armée de terre, monsieur Perrin : acheter des Griffon, c’est bien, mais construire les parkings et les hangars pour les stocker dans de bonnes conditions et disposer des instruments numériques qui doivent y être installés, c’est mieux. C’est aussi cela la cohérence !

Les chefs d’état-major ont passé de nombreuses heures en audition et il me semble que la copie est tout à fait claire.

Ensuite, il n’est pas question avec cet amendement du montant de l’enveloppe – 400 milliards, 413 milliards, etc. –, des ressources extrabudgétaires ou même des marges frictionnelles.

Les tableaux capacitaires – le nombre d’avions, de Rafale, de bateaux, le MCO, etc. – du rapport annexé tel qu’il vous a été présenté représentent une enveloppe de 413 milliards d’euros. Il me semble que c’est simple à comprendre, mais s’il faut redonner tous les détails, nous le ferons.

Dès lors qu’un amendement vise à ajouter des véhicules dans le programme Scorpion, des A400M et des patrouilleurs, il est inévitable que cela augmente la facture.

Il ne s’agit pas de savoir si l’on dispose des 7 milliards d’euros dont vous parlez. Si nous comptons à ma manière, en tenant compte des marges frictionnelles, vous êtes à 423 milliards d’euros. (M. le rapporteur proteste.) Sans intégrer les marges frictionnelles, vous êtes à 416 milliards d’euros, ce qui n’est toujours pas 413 milliards.

M. Christian Cambon, rapporteur. Il faut savoir !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous sommes tous des élus locaux, à tout le moins élus par de grands électeurs. Personne ne peut penser un seul instant que des achats d’équipements supplémentaires peuvent être effectués dans le cadre d’une enveloppe fermée. Le président Bruno Retailleau a déclaré vouloir conserver l’enveloppe de 413 milliards d’euros proposée par l’exécutif.

M. Christian Cambon, rapporteur. Je vous le confirme !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Par conséquent, il est impossible d’ajouter des commandes ou alors il faut supprimer des équipements dans le tableau capacitaire.

Ce n’est pas une entourloupe au sujet de 400 ou de 413 milliards d’euros ; au contraire, c’est simple comme bonjour ! Vous ajoutez des dépenses au tableau capacitaire, mais sans indiquer où réaliser des économies par ailleurs. Cela signifie que l’enveloppe globale est augmentée.

Il s’agit d’un point dur de nos débats. Je comprends qu’on discute du rythme des marches, mais c’est différent quand on ajoute des équipements : on ne peut pas dire que ce n’est pas grave !

Le rapport annexé et ses tableaux sont au cœur de ce projet de loi de programmation. Si nous ne les respectons pas, vous serez les premiers à reprocher à l’exécutif – comme vous le faites souvent à juste titre, monsieur le sénateur Perrin – de ne pas honorer, par exemple, l’objectif de Rafale et les contrats opérationnels associés.

C’est pourquoi je ne peux pas dire qu’il n’est pas grave de « bourrer » le tableau capacitaire, parce qu’il s’agit d’un rapport annexé qui n’est jamais qu’indicatif, et que nous verrons plus tard.

Autant supprimer le rapport annexé et, d’ailleurs, autant ne plus faire de lois de programmation militaire ; ne programmons plus rien, cela ira plus vite.

Ajouter des avions et des bateaux coûte forcément plus cher ; cela relève du simple principe de réalité !

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

M. Rachid Temal. Même s’il est minuit cinq, le ministre en appelle à la cohérence et il a raison de le faire.

Tout d’abord, comme je l’indiquais hier, commencer par communiquer sur ces 413 milliards d’euros nous a fait prendre les choses à l’envers.

Le débat que nous appelions de nos vœux sur la stratégie – on peut l’appeler Livre blanc ou de toute autre manière – n’a pas eu lieu. Vous avez commencé par l’enveloppe budgétaire, le « livrable » ne venant qu’après. C’est pour cette raison que nous nous retrouvons dans cette situation et que nous sommes tous pris dans une seringue.

Vous appelez à la cohérence. Or, je le répète, mon groupe politique a fait preuve de cohérence en soulignant hier ce problème de définition de la stratégie et les conséquences de votre choix sur la programmation.

Vous pouvez contester la proposition que nous vous avons faite – vous l’avez d’ailleurs balayée d’un mot, en disant que c’était une nouvelle taxe –, mais nous sommes honnêtes, en pointant l’existence d’un besoin de financement pour la programmation militaire, et nous sommes cohérents, en proposant une solution pérenne. Vous pouvez la regretter et vous y opposer, mais elle a au moins le mérite d’exister.

Acceptez le fait que des groupes politiques font preuve de cohérence ! Nous disons très clairement qu’il manque de l’argent et nous proposons une solution, qui prend la forme d’une taxe sur le haut du panier de l’assurance vie – je pourrais vous rappeler tous les prélèvements que vous avez créés.

Ensuite, nous rouvrons ce débat à l’occasion de l’examen du rapport annexé. Or nous savons tous pertinemment que ce qui importe est ce qui figure « dans le dur » où nous avons inscrit 413 milliards d’euros.

Nous débattrons évidemment de ce sujet dans le cadre de la commission mixte paritaire, mais nous appelons, nous aussi, à un peu de cohérence. Gardez bien à l’esprit, lorsque vous intervenez dans l’hémicycle, monsieur le ministre, que certains groupes font preuve de cohérence !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cambon, rapporteur. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur un point, qui n’a du reste pas été évoqué, sauf hier de manière partielle.

Vous avez pris en compte, dans votre projet de budget de 413 milliards d’euros, une inflation représentant entre 30 et 60 milliards d’euros.

M. Sébastien Lecornu, ministre. 30 milliards !

M. Christian Cambon, rapporteur. En effet, mais un certain nombre d’experts prévoient bien plus.

Pouvez-vous accepter le fait que les parlementaires déposent un amendement qui représente moins de 0,8 % du budget global ? Parce qu’au fond, c’est aussi cela : 0,8 % de 413 milliards d’euros !

Pouvez-vous accepter le fait que notre raisonnement, selon lequel plus nous dépensons vite, moins l’inflation pèsera sur le budget, peut tenir la route ? Un euro d’aujourd’hui vaut plus qu’un euro de 2030. Et savez-vous ce qui peut se passer dans sept ans ? Quel sera le taux de l’inflation en 2027, en 2028 ou en 2029, en particulier avec la crise internationale qui se profile ?

Pour éviter d’avoir 30 milliards d’euros mangés par l’inflation, il faut dépenser plus vite les 3 ou 4 milliards d’euros que vous nous reprochez et qui sont gagés par de moindres effets de l’inflation. N’importe qui peut comprendre cela ! Vous avez vous-même accepté d’indiquer que 30 milliards d’euros partiraient dans l’inflation, c’est-à-dire dans rien du tout, en tout cas dans la dévalorisation de la monnaie, si je puis dire.

Le raisonnement de la commission est le suivant : plus on dépense vite, moins on sera sensible à cette érosion de l’inflation.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est un débat intéressant. Je voudrais ajouter trois éléments.

Tout d’abord, c’est en ce moment que l’inflation est la plus dure. Nous l’avons suffisamment dit.

M. Christian Cambon, rapporteur. C’est vous qui le dites ! Puissiez-vous avoir raison…

M. Rachid Temal. Jusqu’à aujourd’hui !

M. Cédric Perrin. Vous n’êtes pas Mme Soleil !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ensuite, depuis six mois, vous êtes obnubilés – à juste titre – par l’idée que l’inflation mange complètement les marges et pèse sur la programmation militaire.

Or, au moment où vous ajoutez des dépenses dans le projet de loi de programmation, vous soutenez que nous arriverons à dégager des marges de manœuvre grâce à l’inflation. Non, il faut être cohérent.

M. Christian Cambon, rapporteur. En dépensant plus vite !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Mais cela ne fonctionne pas ainsi. Ces 30 milliards d’euros ne sont pas une provision que l’on peut ressortir quand on le souhaite. Ils sont déjà intégrés dans la programmation.

D’ailleurs, avec votre amendement, nous n’en sommes même plus à 30 milliards d’euros, puisqu’en ajoutant du physique, il faut intégrer l’inflation qui pèse sur ces équipements supplémentaires.

Une programmation ne fonctionne pas comme cela et n’a jamais fonctionné ainsi.

Enfin, nous venons de passer le tableau sur les contrats opérationnels et ils n’ont fait l’objet d’aucun amendement ! J’en déduis qu’ils sont satisfaisants pour le Sénat. Nos états-majors ont programmé le capacitaire en fonction des contrats opérationnels ; le nombre d’avions ou de chars, prévu à l’alinéa 52 que vous voulez modifier, correspond au tableau de l’alinéa 43.

Peut-on parler de cohérence, lorsqu’on ajoute du matériel en le déconnectant des contrats opérationnels et de la trajectoire financière ?

Je veux bien accepter beaucoup de choses, mais là, vous êtes en train de travailler à la place des états-majors. C’est votre droit, mais, pour ma part, je me suis contenté de « challenger » le travail des états-majors afin de m’assurer qu’il correspondait aux financements.

Avec cet amendement, vous déstabilisez complètement la copie, ce qui engendre un problème majeur de sincérité budgétaire, puisqu’avec du matériel en plus la trajectoire des ressources n’est évidemment plus adaptée ! Et ce n’est pas une question de 400 ou de 413 milliards d’euros.

Monsieur le sénateur Temal, je ne dis pas que vous n’êtes pas cohérent. Néanmoins, à un moment donné, il faut dire les choses : soit nous en restons à 413 milliards d’euros, soit nous augmentons ce budget.

Vous déclarez être prêt à dépasser ces 413 milliards d’euros ; d’autres groupes se sont prononcés contre cette idée. Au moins, ce débat est plus clair.

Vous proposez de créer un impôt pour dépasser ce montant. Pour ma part, je n’y suis pas favorable pour la simple raison que la véritable question qui se pose – vous l’avez très justement soulevée lors de la discussion générale –, c’est celle du modèle d’armée que nous souhaitons pour remplir telle ou telle mission et répondre à telle ou telle menace. (M. Rachid Temal approuve.)

La copie que nous vous proposons, en particulier les contrats opérationnels, correspond au traitement des menaces identifiées par nos états-majors. Et, je le répète, vous n’avez pas proposé de modifier les contrats opérationnels ; ils n’ont fait l’objet d’aucun amendement, comme à l’Assemblée nationale d’ailleurs.

D’un côté, on dit qu’on fait confiance à nos armées et que les contrats opérationnels sont remplis – c’est ce que soulignait le sénateur Perrin voilà quelques instants à propos de l’opération Sagittaire. D’un autre côté, on fait le travail des armées, en remettant en cause le tableau capacitaire.

Adopter cet amendement poserait un problème de cohérence, tant du point de vue organique et opérationnel qu’en termes de soutien.

Nous ne serions pas non plus en cohérence avec la trajectoire budgétaire, puisque nous dépasserions les 413 milliards d’euros. Je fais de nouveau une comparaison avec les fonctions d’élu local : la construction d’un gymnase supplémentaire doit bien être payée ; il en va de même pour le ministère des armées.

Je le redis pour conclure, cet amendement crée plusieurs déséquilibres : entre les tableaux capacitaires et les contrats opérationnels ; entre ces tableaux et les ressources budgétaires.

M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour explication de vote.

M. Ludovic Haye. J’entends bien l’argument du président Cambon selon lequel il faut commander plus vite pour échapper à l’inflation.

Avec une loi de programmation militaire, nous lissons les dépenses sur un certain nombre d’années. Avons-nous des industriels de l’armement capables de produire ce que nous demandons ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Bien sûr !

M. Cédric Perrin. N’utilisez pas un tel argument !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cambon, rapporteur. Monsieur le ministre, si on suit votre raisonnement, une question se pose : acceptez-vous que le Parlement ait le droit de modifier vos propositions, qui plus est pour seulement 0,8 % de l’enveloppe totale ?

Nous avons suggéré d’ajouter, dans ce rapport annexé, plus de véhicules pour le programme Scorpion, plus d’A400M, plus de patrouilleurs hauturiers, mais il est possible d’en débattre, puisque nous ne sommes pas à la fin de l’examen de ce projet de loi et qu’une commission mixte paritaire doit encore se réunir.

J’ouvre le dialogue et je vous tends la main. Le Parlement a tout de même le droit de s’exprimer sur ce qui représente moins de 1 % des 413 milliards d’euros ; sans cela, rentrons tous chez nous et les discussions s’arrêtent !

Le travail énorme fourni par les rapporteurs budgétaires de la commission pour identifier correctement les besoins montre qu’au moins deux A400M supplémentaires sont nécessaires pour ne pas arrêter la filière et continuer l’exportation. C’est un fait ! Nous ne l’avons pas inventé ni vu dans une boule de cristal ; cela nous a été dit.

Autorisez quand même le Parlement à faire des propositions portant sur moins de 1 % de cette somme considérable, quitte à ce que nous en discutions ensemble. Nous ne sommes pas à la fin de l’examen de ce projet de loi, le 13 juillet au soir, dans l’attente du discours du Président de la République.

Nous pouvons encore discuter. Il est possible de nous convaincre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir deux A400M supplémentaires ou qu’il faut moins de patrouilleurs hauturiers, parce que nos outre-mer, nos océans et nos mers sont parfaitement contrôlés et surveillés.

Nous ne sommes pas complètement bornés !

Si des redéploiements doivent être effectués dans le cadre des 413 milliards d’euros – je le redis pour que tout le monde l’entende –, nous aurons cette discussion.

Je vous propose d’en débattre, mais acceptez que le Parlement ne suive pas, de temps à autre, la ligne fixée par l’état-major. Nous pouvons avoir un avis différent. Du reste, l’état-major a pu faire part d’appréciations quelque peu dissemblables selon les interlocuteurs… (M. Cédric Perrin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le Parlement a tous les droits, il doit juste assumer ses choix jusqu’au bout.

M. Christian Cambon, rapporteur. Mais nous les assumons !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Dès lors que des ajouts sont faits et que l’on souhaite en même temps rester dans le cadre des 413 milliards d’euros de budget, il est nécessaire de procéder à des suppressions.

Toutefois, il n’est pas question de supprimer des éléments qui sont indispensables à la bonne marche des contrats opérationnels. J’en appelle à la responsabilité de chacun.

Le tableau capacitaire a été construit pour remplir des missions précises, y compris du reste en matière de dissuasion nucléaire.

Il ne s’agit pas de savoir qui a raison ; le Parlement a de toute façon toujours raison et je défendrai sans cesse cette position.

M. Christian Cambon, rapporteur. C’est 0,8 % du budget !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ce n’est donc pas une question de principe, monsieur le rapporteur.

Votre amendement est concret : il vise par exemple à ajouter deux A400M, mais pourquoi deux ? J’ai dit à Airbus qu’il fallait mettre davantage de pression sur l’export et que le maintien des lignes de production de l’A400M passait par la réussite de tels contrats, notamment avec les Émirats arabes unis ou le Royaume-Uni.

Nous serions prêts à enlever du matériel destiné à des contrats opérationnels, qui sont au cœur même du métier de nos armées, en raison d’un potentiel problème industriel qui n’existe pas et qui peut être traité par l’export.

Dans ce cas, je dépose un sous-amendement visant à supprimer ces deux A400M supplémentaires. Je peux tout à fait justifier, comme j’ai pu commencer à le faire à l’occasion de mes trois passages devant votre commission, pourquoi la cible des A400M correspond aux besoins.

Si nous ajoutons deux A400M, je souhaite que nous déterminions tout de suite, en séance, ce que nous enlevons, car cette affaire est très grave.

Enfin, il n’est pas possible de reprocher au Gouvernement pendant quatre mois son manque de sincérité et aboutir à un texte dans lequel de nombreux matériels ne sont plus financés.

Il ne s’agit pas d’une question de rythme de dépenses : prévoir des avions ou des bateaux supplémentaires n’a rien à voir avec la valeur de l’euro aujourd’hui ou en 2030 – c’est simplement un ajout à la copie.

À la rigueur, prenez des cibles définies pour 2030 et inscrivez-les en début de période, mais c’est un autre débat, celui des marches.

M. Christian Cambon, rapporteur. C’est tout à fait différent !

M. Sébastien Lecornu, ministre. En l’occurrence, si nous ajoutons 1 milliard d’euros pour le programme Scorpion, 350 millions pour des A400M et 500 millions pour des patrouilleurs supplémentaires, nous devons donc, par définition, supprimer du matériel quelque part en contrepartie.

Si vous me permettez d’utiliser cette expression : bienvenue dans ma vie ! En effet, c’est ce que nous avons cherché à réaliser depuis le début des travaux de programmation, en partant des contrats opérationnels et des indications fournies par chaque chef d’état-major.

C’est le chef d’état-major de la marine qui connaît le montant dont il a besoin, que ce soit pour la dissuasion nucléaire, la réalisation d’une manœuvre de dilution d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) au large de l’île Longue avec le carénage d’une frégate, d’un sous-marin nucléaire d’attaque et d’un Atlantique, la sortie en mer du Charles de Gaulle pendant x jours, etc.

Tout cela représente un travail titanesque.

Vous avez le droit de changer 100 % de ce que nous vous proposons, monsieur le rapporteur, mais la question n’est pas là. Il s’agit de suivre la méthodologie militaire et de faire fonctionner un modèle d’armée.

Il est bien sûr possible d’ajouter un patrouilleur hauturier, ou même dix, et de supprimer une frégate. Mais sécuriser l’acquisition de matériels adaptés aux missions des forces armées pour une certaine durée, c’est le cœur de la programmation militaire depuis 1960 – elle était alors moins précise, avant de le devenir tout autant qu’aujourd’hui dès les années 1970.

Sinon, nous changeons de méthodologie : nous indiquons uniquement des fourchettes – par exemple, les armées auront entre tant et tant d’A400M ou de Rafale – et nous acceptons l’existence d’aléas. Mais cette méthode s’éloigne de ce que nous demandent chaque année, lors de l’examen du projet de loi de finances, les rapporteurs budgétaires.

Pour être honnête, ce n’est pas un sujet qui relève de la commission mixte paritaire, en dépit du respect que je dois aux parlementaires, parce qu’il faudrait qu’elle revoie aussi l’ensemble des contrats opérationnels, ce qui n’est pas possible.

Pour résumer, l’adoption de cet amendement aurait deux conséquences.

Tout d’abord, il faudrait prévoir plus d’argent, ce qui est un choix politique, mais je pense que ce n’est pas possible pour des raisons de soutenabilité de nos finances publiques. Autre solution : si vous ajoutez des choses, il faut en enlever ailleurs – cet adage est vieux comme les programmations.

Ensuite, j’insiste sur ce point, nous ne serions plus en cohérence avec les contrats opérationnels.

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.