M. Pierre Laurent. Comment le savez-vous ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ils nous l’ont dit et ce sont des États souverains. Vous ne pouvez pas présenter des amendements visant à dénoncer l’héritage de la colonisation pour ensuite ne pas respecter la souveraineté des États, alors même qu’ils disposent d’un parlement, d’un chef d’État et d’un gouvernement.

Pour l’instant, les gouvernements de nos différents partenaires souhaitent le maintien d’une présence militaire française. Je ne vois pas au nom de quoi nous les abandonnerions, surtout au moment où dans certains pays, comme la Côte d’Ivoire, le risque et la pression terroristes sont malheureusement en train de renaître.

M. le président. Madame Carlotti, l’amendement n° 102 est-il maintenu ?

Mme Marie-Arlette Carlotti. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 102 est retiré.

La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote sur l’amendement n° 138.

M. Cédric Perrin. En tant que président du groupe interparlementaire d’amitié France-Pays de la Corne de l’Afrique, je tiens à rappeler que les bases militaires et les forces prépositionnées sur le continent africain sont essentielles à la coopération sécuritaire que nous menons avec les États hôtes.

Elles le sont aussi pour la préservation des intérêts de la France et pour la protection de nos ressortissants. Ainsi, l’opération Sagittaire, qui a été menée de main de maître par nos militaires, n’aurait peut-être pas pu avoir lieu, si nous n’avions pas disposé d’une base à Djibouti. Sans cette base, la situation aurait sans doute été bien plus compliquée.

Je veux d’ailleurs rendre hommage aux militaires qui, au cours de cette opération, ont réussi à exfiltrer des ressortissants français comme étrangers.

En outre, d’autres grands pays n’ont pas votre pudeur : ils savent que les bases sont des outils de présence et d’influence, qui fonctionnent même en dehors de toute opération. Je pense notamment à la Chine, qui a bien compris l’intérêt d’une présence à Djibouti – ceux qui y sont allés le savent –, car c’est une zone stratégique. J’ajoute que la Chine cherche désormais à s’implanter dans le golfe de Guinée.

Si nous devions partir de Djibouti, il est certain que nos compétiteurs ne mettraient pas très longtemps à nous remplacer et à se montrer encore plus influents qu’ils ne le sont aujourd’hui dans cette zone éminemment stratégique.

Bien évidemment, il appartient aux États hôtes et à eux seuls de décider d’accepter ou pas la présence de nos bases. Quelques accords sont d’ailleurs en cours de renégociation, par exemple à la demande de l’État djiboutien.

Il n’est pas incongru de considérer qu’il est nécessaire de maintenir des effectifs sur place. J’aurais même tendance à penser que nous aurions dû déposer un amendement visant à ce qu’il y en ait davantage encore, car nous en avons perdu beaucoup trop. Or, si nous voulons maintenir la position de la France dans le monde, il faut que nous disposions sur nos bases prépositionnées du matériel, des équipements et du personnel suffisants pour garantir une influence la plus efficace possible.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Nous avons eu un débat, récemment, sur la politique africaine de la France et il n’est pas nécessaire que je m’attarde davantage sur le sujet.

Toutefois, quand j’entends dire qu’il faudrait encore davantage d’effectifs sur nos bases, il me semble vraiment que l’on se trompe d’époque. Il serait bon d’ouvrir les yeux sur l’évolution de la situation sur le continent africain.

En outre, plutôt que de parler pour eux, nous devrions écouter davantage les Africains et ce que disent les jeunesses de ces pays. Il ne faut pas voir la main de Moscou partout ! Certaines populations africaines pensent différemment leur avenir, en envisageant notamment ce que certains appellent une deuxième indépendance.

Ces questions sont sur la table. Certes, on peut les ignorer et continuer pendant longtemps de croire que l’on peut organiser la compétition des puissances hors du consentement des populations.

D’ailleurs, monsieur Perrin, vos arguments sur Djibouti sont très révélateurs. D’un côté, vous rappelez que le régime djiboutien, dont chacun sait que c’est un grand modèle de démocratie, souhaite notre présence ; de l’autre, vous nous dites que, si nous partions, nous serions immédiatement remplacés par quelqu’un d’autre. C’est donc bien la compétition entre les puissances qui fixe la géographie des bases et pas le souhait des pays hôtes.

Soyons lucides sur ce sujet et essayons d’anticiper le monde qui s’annonce – ce ne sera pas celui d’hier.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 138.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 103, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal et Kanner, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 38, septième phrase

Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :

La coopération et la coordination entre les militaires et les autres acteurs de l’« approche 3D » (défense, diplomatie et développement) seront à reconsidérer. Le volet développement et le soutien aux associations, qui entretiennent le lien avec la société civile sur le terrain, doivent être décorrélés du volet défense et de l’action militaire.

La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Cet amendement a pour objet de reconsidérer la stratégie dite 3D – défense, diplomatie et développement.

En effet, cette approche peut paraître très satisfaisante, voire rassurante, sur le papier ; mais, dans les faits, en particulier au Sahel, elle n’a pas été une réussite. Le volet développement, notamment dans le champ de l’humanitaire, en est resté le parent pauvre.

Pire encore, le travail des ONG dans des territoires extrêmement dangereux a été entravé, car il est apparu comme trop marqué par l’opération militaire et comme manquant d’indépendance par rapport au pouvoir politique. Les intervenants sur le terrain, en particulier les bénévoles, qui sont souvent des locaux, ont été mis dans une situation où leur sécurité était menacée.

Certes, il n’est pas question de proscrire les relations que les militaires peuvent entretenir avec les ONG et qui fonctionnent parfois très bien. En effet, certains projets que l’Agence française de développement (AFD) a menés avec l’armée ont été une réussite. Toutefois, les ONG sont unanimes – le terme n’est pas trop fort, croyez-moi – à ne plus vouloir porter d’étiquette politico-militaire avant de se rendre dans des zones de conflit extrêmement dangereuses pour y apporter de l’aide alimentaire ou y dispenser des soins de première urgence. Elles seraient trop marquées par l’opération militaire.

Cela ne relève pas de vous, monsieur le ministre, mais les conséquences ont parfois été très lourdes par le passé. Alors que la situation était très tendue dans certains pays africains, le ministre a été obligé de publier un communiqué de presse indiquant qu’il fallait interrompre la coopération. On voit combien le lien entre les ONG et les militaires peut être dangereux.

Je voudrais modérer l’enthousiasme général qui s’exprime en faveur de la stratégie 3D, alors même qu’elle ne fonctionne pas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Les auteurs de cet amendement remettent en cause de manière assez directe la stratégie 3D, puisqu’ils proposent de la « reconsidérer ». Or nous soutenons cette stratégie, même si la commission a pointé à de nombreuses reprises ses difficultés et ses insuffisances.

Bien évidemment, pour pouvoir mettre en œuvre un peu de diplomatie et beaucoup de développement, il faut parfois l’intervention de la défense afin de sécuriser les zones. Il est certain que les opérations ont souvent été mal organisées et déconnectées les unes des autres. Toutefois, nous aurions préféré un amendement visant à réformer cette approche 3D plutôt qu’à y mettre fin.

L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Au-delà du fond, l’objet de cet amendement est trop éloigné de ce qui doit figurer dans le rapport annexé d’un projet de loi de programmation militaire. L’avis est donc également défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 103.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 139, présenté par M. P. Laurent, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 39

Insérer les trois alinéas ainsi rédigés :

1…. Une France indépendante au service de la paix

En Europe, le Gouvernement favorisera avec les États européens et les États voisins la création d’un cadre commun de coopération et de sécurité, lequel sera défini dans le cadre d’une conférence paneuropéenne. Ce cadre révisé devra viser le dépassement de la logique de blocs et remettre en débat le poids de l’Otan en Europe.

La France engagera sans tarder la sortie de notre pays du commandement intégré de l’Otan.

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Il est bien évidemment défavorable, puisque les auteurs de cet amendement demandent la sortie de la France du commandement intégré de l’Otan.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 139.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 224 rectifié, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 46, après la cinquième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le Gouvernement veille à renforcer l’éducation à la paix, la prévention et la résolution non-violente des conflits, de l’école à l’université, dans le monde du travail, y compris pour les militaires.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise à renforcer l’éducation à la paix, la prévention et la résolution non violente des conflits, de l’école à l’université, mais aussi dans le monde du travail, y compris pour les militaires.

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le monde assiste à un regain important de tension militaire. De nombreux pays s’activent et cherchent à augmenter leurs capacités militaires.

Notre groupe souhaite rappeler que la médiation diplomatique pour la paix a toujours été la meilleure solution.

Du fait de la disparition de leurs derniers survivants, la mémoire de la Première Guerre mondiale et de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que des atrocités du XXe siècle s’estompe progressivement. Il est essentiel de transmettre à toute la population, surtout aux plus jeunes, les idéaux de paix qui ont prévalu après la guerre, permettant notamment la création de l’Union européenne.

En ce sens, nous souhaitons que, parallèlement à son effort de défense, la France fasse de nouveau vivre les idéaux de paix, seuls à même d’éviter un conflit mondial généralisé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. La promotion de l’éducation à la paix dans le système scolaire et universitaire et dans le monde du travail est un objectif tout à fait louable, mais le rapport annexé à un projet de loi de programmation militaire n’est pas le support pertinent pour cela. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il me semble que, s’il existe des personnes qui connaissent le prix de la guerre, y compris dans leur chair, ce sont bien les militaires. Ils n’ont pas besoin d’éducation à la résolution des conflits ni d’éducation à la paix, compte tenu des sacrifices qu’ils font – et je ne parle même pas des blessés ou des tués.

Je peux comprendre la philosophie globale de l’amendement, mais seulement jusqu’à un certain point, car c’est précisément l’engagement de nos militaires qui nous permet de vivre en paix. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 224 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 29 rectifié bis, présenté par MM. Folliot, Bonnecarrère, Henno, Le Nay, Longeot et Canévet, Mme Herzog, MM. Patient et Chauvet, Mmes Lopez, Billon et Malet, MM. Détraigne et Kern, Mme Phinera-Horth, M. Mohamed Soilihi, Mme Dindar, M. Lurel et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :

Alinéa 46, après la septième phrase

Insérer trois phrases ainsi rédigées :

À l’instar de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris et des marins-pompiers de Marseille, une réflexion sera conduite sur la mise en place de détachements de protection civile à statut militaire de la Marine nationale et de l’Armée de Terre à Saint-Martin, à Mayotte et à Wallis-et-Futuna. Ces capacités interviendront en appui des moyens locaux et pourront constituer un premier échelon de réaction rapide en cas de crise ou de catastrophe dans les pays de la zone d’implantation. Ces unités ne sont pas appelées à se substituer aux dispositifs existants.

La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Nous souhaitons mettre en avant les militaires qui exercent dans le cadre très particulier de la protection civile. Il s’agit des sapeurs-pompiers de Paris et des marins-pompiers de Marseille, qui forment deux corps d’élite spécifiques, dont l’expertise et le professionnalisme sont reconnus par tous.

L’armée de terre utilise une logique de régiment tournant dans les outre-mer.

Cet amendement vise à mettre en place un dispositif ciblé sur Saint-Martin pour les Antilles, Mayotte pour l’océan Indien et Wallis-et-Futuna pour l’océan Pacifique, de manière que ces deux corps organisent un prépositionnement de leurs unités dans le cadre des actions de protection civile qu’ils doivent mener de temps à autre.

Ce dispositif permettrait d’assurer une complémentarité, notamment en termes de formation, avec les unités de protection civile déjà sur place, qui pourraient ainsi profiter des savoir-faire de ces unités militaires professionnelles.

En outre, il favoriserait le rayonnement de notre pays.

Je rappelle qu’en cas de catastrophe ou d’événement climatique particulier, la protection civile de la métropole est souvent appelée à intervenir dans ces zones. Elle aurait donc la possibilité de se prépositionner en vue de telles interventions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Il existe une forme de parallélisme entre l’amendement n° 25 rectifié bis et celui que notre collègue Folliot vient de défendre.

Toutefois, nous nous interrogeons sur le format de ce dispositif. En outre, pourquoi ne pas l’étendre à la Nouvelle-Calédonie ?

La commission demande l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le modèle de sécurité civile ne figure pas dans les lois de programmation militaire. Il n’y a aucune ligne dans le texte sur les équipements des marins-pompiers de Marseille ou des sapeurs-pompiers de Paris, car cela ne relève pas du budget des armées.

Certes, je suis chargé du statut militaire, que cela concerne l’avancement, la discipline ou les décorations, mais les marins-pompiers de Marseille, les sapeurs-pompiers de Paris ou les formations militaires de la sécurité civile (Formisc) restent toujours hors du champ des lois de programmation militaire.

Bien évidemment, certains régiments comme ceux du génie en outre-mer peuvent être sollicités pour des missions de gestion de catastrophes, mais cela relève des contrats opérationnels – nous venons d’ailleurs de les passer sans qu’aucun amendement ait été déposé.

Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Folliot, l’amendement n° 29 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Philippe Folliot. J’entends vos propos, monsieur le ministre. J’avais proposé ces trois territoires pour prépositionner des unités, en complémentarité avec ceux que je cite dans d’autres amendements. Mais je retire celui-ci.

M. le président. L’amendement n° 29 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 59, présenté par M. Allizard, est ainsi libellé :

Alinéa 46

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans les « déserts militaires », des bataillons territoriaux de réserve, dotés des personnels et infrastructures nécessaires, seront créés pour accueillir les jeunes de ces territoires.

La parole est à M. Pascal Allizard.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le sénateur Allizard accepterait-il de remplacer le mot « créés » par celui d’« étudiés » ? Sur le fond, je suis favorable à cet amendement, mais il faut que l’écriture soit rigoureuse.

Pour augmenter les efforts de réserve, il faudra inévitablement rendre plus solides les structures d’accueil des départements que l’on qualifie de « déserts militaires ». Je précise cependant qu’il n’est pas certain que ce soit une bonne chose pour les départements concernés d’inscrire cette expression dans la loi.

M. le président. Monsieur Allizard, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par le Gouvernement ?

M. Pascal Allizard. Je voudrais tout d’abord dire que, selon moi, les « déserts militaires » sont les départements où il y a seulement un délégué militaire départemental (DMD).

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est tout de même péjoratif !

M. Pascal Allizard. L’expression est factuelle et non péjorative, d’autant qu’une telle situation pose des problèmes.

En tout cas, j’accepte la proposition de M. le ministre.

M. le président. Je suis donc saisi de l’amendement n° 59 rectifié, qui est ainsi libellé :

Alinéa 46

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans les « déserts militaires », des bataillons territoriaux de réserve, dotés des personnels et infrastructures nécessaires, seront étudiés pour accueillir les jeunes de ces territoires.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 144, présenté par M. P. Laurent, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 47, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le ministère procédera à une réforme du point d’indice, en procédant notamment à un rattrapage du gel du point d’indice des traitements des personnels civils et des soldes des militaires.

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Le rattrapage du point d’indice est un combat commun à tous les fonctionnaires. La dernière annonce de revalorisation faite par le ministre Guerini s’est avérée largement insuffisante et le contexte inflationniste place les agents de la défense dans une attente forte.

Je tiens d’ailleurs à rappeler que ce contexte inflationniste n’a pas débuté avec la guerre en Ukraine, mais à la fin du premier semestre de 2021.

Remplir le réfrigérateur, accéder aux loisirs et à la culture, partir en vacances, tout cela devient de plus en plus difficile pour bon nombre de travailleurs. Toutes les tranches d’âge sont concernées.

L’enjeu est d’autant plus essentiel que la fidélisation des personnels est un objectif que se sont fixés certains chefs d’état-major et l’administration du ministère des armées.

Nous demandons au Gouvernement d’ouvrir une réflexion de fond sur les salaires. En effet, si le code du travail prévoit une indexation du Smic sur l’inflation, il ne prévoit pas en revanche d’indexer les salaires sur l’augmentation du Smic.

C’est pourquoi, à travers cet amendement, nous demandons une réforme du point d’indice pour procéder notamment à son dégel. Selon le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), les militaires souhaiteraient même un choc indiciaire. Je vous prie, monsieur le ministre, d’entendre leur voix.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. La réforme du point d’indice ne relève pas de la compétence du ministre des armées, mais d’une discussion interministérielle : la commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la sénatrice, vous mélangez les sujets : il y a, d’une part, le point d’indice qui, comme le président Cambon vient de le dire, est un sujet qui concerne l’ensemble des fonctionnaires et, d’autre part, la revalorisation de la grille indiciaire des militaires.

J’ajoute qu’il existe un troisième sujet – c’est l’objet de mon amendement n° 272 que nous examinerons ensuite –, celui de la part indemnitaire dans la solde des militaires.

Pour le coup, il ne faut pas confondre, même si ce n’est pas facile, l’évolution du point d’indice, qui résulte d’une décision gouvernementale globale – le ministre de la fonction publique en a d’ailleurs annoncé la prochaine revalorisation ce matin même en conseil des ministres – et la réforme de la grille indiciaire qui, elle, peut relever d’une loi de programmation militaire.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Madame Gréaume, l’amendement n° 144 est-il maintenu ?

Mme Michelle Gréaume. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 144 est retiré.

L’amendement n° 272, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 47, troisième phrase

Après les mots :

rémunération indiciaire

insérer les mots :

et indemnitaire

Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 272.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 218, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 47, septième phrase

Après le mot :

active

insérer les mots :

et parmi les officiers généraux

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Les armées françaises ne comportent que 16,5 % de femmes dans leurs rangs, dont seulement 10 % d’officiers généraux, et ce alors que l’actuelle LPM avait fixé un objectif de 15 % de femmes officiers.

Si on entre dans le détail, les femmes représentent 61,2 % des effectifs du service de santé, 31,6 % des personnels du commissariat des armées, 23 % des effectifs de l’armée de l’air, 15,2 % des effectifs de la marine nationale, et seulement 11 % des effectifs de l’armée de terre.

Le plafond de verre et la discrimination qui subsistent ne sont pas acceptables. Il n’existe en effet aucune raison valable de ne pas reconnaître et de ne pas valoriser les compétences, les talents et les perspectives de carrière des femmes, au même titre que ceux de leurs homologues masculins.

En contribuant à ce que les femmes servent dans tous les corps et accèdent à tous les grades, l’armée tirera parti de leur expertise et de leur contribution.

Par ailleurs, le leadership de certaines femmes au sein de l’armée sert de modèle aux générations futures et encourage les jeunes femmes à envisager des carrières militaires et à exercer des postes à responsabilité. Il démontre également que les femmes peuvent occuper des postes de pouvoir et d’autorité au sein de ces institutions.

Nous n’ignorons pas les efforts réalisés sous le ministère de Florence Parly et matérialisés dans l’actuelle LPM, mais ceux-ci demeurent insuffisants.

Notre amendement vise donc à compléter la mesure adoptée en commission, qui prévoit une part de 20 % de femmes parmi les militaires d’active d’ici à 2030, en précisant que l’armée doit se fixer l’objectif d’atteindre, à la même échéance, une proportion identique de 20 % de femmes parmi les officiers généraux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. L’objectif théorique d’atteindre une part de 20 % de femmes parmi les officiers généraux en 2030 paraissait tout à fait soutenable à la commission, si bien qu’elle a donné un avis favorable sur cet amendement.

Cependant, nous souhaitons connaître l’avis du Gouvernement sur la probabilité d’atteindre réellement un tel objectif. Avant de devenir officier général, il faut en effet avoir été officier : y aura-t-il suffisamment de femmes officiers pour que, en 2030, 20 % des officiers généraux soient des femmes ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je suis parvenu à convaincre Mme Chatelain, présidente du groupe écologiste de l’Assemblée nationale, de retirer un amendement similaire.

Le grade d’officier général présente une particularité : pour devenir général, il faut avoir été colonel et donc, auparavant, lieutenant-colonel et, encore avant, commandant, et ainsi de suite jusqu’au grade de sous-lieutenant…

Voilà qui explique que c’est du vivier initial, que personne ne peut contourner, que dépend le succès de toute l’affaire. Le modèle militaire est le seul qui s’inscrive dans une telle logique. Dans les autres grands corps, il est souvent possible de procéder à des nominations extérieures.

Cela signifie que le niveau des ressources dans lesquelles vous allez puiser le vivier de l’École de guerre, puis celui des sélectionnés de la liste d’aptitude et, enfin, celui qui permet d’accéder au généralat résulte directement du taux de féminisation à la sortie des différentes écoles militaires, qu’il s’agisse de l’École de l’air et de l’espace de Salon-de-Provence, de l’École navale ou de l’Académie militaire de Saint-Cyr-Coëtquidan.

De ce fait, le véritable objectif qu’il faut nous assigner, sans tomber dans le piège – cela va sans dire – du débat sur les quotas, est de trouver le meilleur moyen de parvenir à une réelle féminisation des écoles d’officiers, car, je le redis, c’est le vivier initial de femmes officiers qui, mécaniquement, élargira le champ des possibles.

Permettez-moi d’aborder un second axe de travail, qui est également essentiel. Vous avez salué, à juste titre, l’action de Florence Parly en matière de féminisation des armées.

Or, malheureusement, beaucoup de femmes ayant intégré le corps des officiers généraux ces dernières années demandent à être admises dans la deuxième section avant d’avoir atteint la limite d’âge.

J’ai saisi l’une de ces femmes pour connaître les causes de cette attrition. Son rapport me sera bientôt remis et cette question mérite vraiment notre attention. Vous aurez beau faire tout ce que vous voulez pour renforcer le vivier initial ; si vous ne parvenez pas à fidéliser et à maintenir dans le cadre des officiers généraux les femmes que vous avez nommées, le système ne peut pas fonctionner.

Quoi qu’il en soit, l’objectif à atteindre ne peut pas être fixé au terme du parcours, car il dépend avant tout de notre capacité à créer un vivier initial.

C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.