M. le président. L’amendement n° 94, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :

Alinéas 38 à 42

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à supprimer les dispositions permettant l’activation à distance d’un appareil électronique à l’insu de son propriétaire.

La mesure prévue par l’article 3 est particulièrement problématique, car elle ne se résume pas uniquement aux téléphones portables et aux ordinateurs. Son périmètre comprend en réalité tous les objets dotés d’un micro, d’une caméra ou de capteurs de localisation, c’est-à-dire les télévisions connectées, les radios de voiture, les assistants vocaux, les montres connectées, etc. Pourtant, les officiers de police judiciaire sont déjà dotés de moyens d’enquête très larges. L’ajout d’une telle disposition semble disproportionné.

L’article autorise l’utilisation d’une telle activation à distance uniquement pour les crimes ou délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement. En somme, le Gouvernement vise davantage les infractions graves, comme le terrorisme, qui peut être puni de dix ans d’emprisonnement, mais le quantum est assez large. Quid des actions militantes qualifiées voilà peu par le ministre de l’intérieur d’« écoterrorisme » ?

Nous entrons dans une ère dangereuse. Ce que ce texte veut permettre aujourd’hui peut compromettre de manière manifeste le secret professionnel et la liberté individuelle. La création d’une telle mesure intrusive pousse à de futures dérives sécuritaires dépassant le cadre strict de l’enquête et de l’instruction.

M. le président. L’amendement n° 230, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 39, première phrase

Remplacer les mots :

puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement l’exigent.

par les mots :

contre les personnes puni d’au moins vingt ans d’emprisonnement l’exigent, les actes de terrorisme ou si cette opération est exigée par les nécessités d’une procédure d’enquête ou d’instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition prévue aux articles 74, 74-1 et 80-4,

II. – Alinéa 63, première phrase

Remplacer les mots :

de procéder aux opérations mentionnées à l’article 706-96

par les mots :

d’une enquête ou d’une instruction relative à des actes de terrorisme

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à notre amendement n° 229

Si l’on autorise l’activation à distance des appareils connectés, comme c’est inscrit dans le texte, il faut au moins pouvoir la limiter aux délits et aux crimes les plus graves. Chaque fois que l’on a recours à cette technique spéciale d’enquête, on empiète un peu plus sur le droit à la vie privée et chaque autorisation porte en elle un risque de dérive.

Sans supprimer totalement la disposition, nous souhaitons faire en sorte de limiter au strict minimum les délits et crimes qui pourraient justifier le recours à une telle technique. Nous proposons donc d’autoriser l’activation à distance dans les cas suivants : la géolocalisation pour les crimes contre les personnes punis d’au moins vingt ans ; la géolocalisation pour la recherche des causes de la mort ou en cas de disparition d’une personne ; la géolocalisation et l’accès au micro et à la caméra de l’appareil pour les seules personnes poursuivies pour acte de terrorisme. Chacun conviendra que le fait de pouvoir activer le micro et la caméra va au-delà de la possibilité de géolocaliser. Il s’agit de restreindre l’usage de cette technique à la lutte contre le terrorisme.

M. le président. L’amendement n° 85 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mmes Bourrat et V. Boyer, MM. Brisson, Buffet, Burgoa, Cadec, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon et Chatillon, Mmes Chauvin et de Cidrac, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deroche, Drexler, Dumas, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Favreau et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet, Gueret, Houpert, Hugonet et Husson, Mme Joseph, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, Longuet, de Legge, de Nicolaÿ et Le Rudulier, Mmes Lopez et Malet, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Panunzi, Pellevat et Piednoir, Mmes Pluchet et Puissat, M. Regnard, Mme Richer, MM. Saury et Savary, Mme Schalck, MM. Sido, Sol et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon et M. J.P. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 39, première phrase

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

dix

La parole est à Mme Nadine Bellurot.

Mme Nadine Bellurot. L’article 3 permet au JLD d’autoriser l’activation à distance d’un appareil électronique, à l’insu ou sans le consentement de son détenteur.

Cette mesure est susceptible de porter gravement atteinte au respect de la vie privée.

Dès lors, il apparaît indispensable de limiter cette possibilité aux infractions punies d’au moins dix ans d’emprisonnement, le quantum de cinq ans prévu par le projet de loi nous paraissant bien trop large.

M. le président. L’amendement n° 55, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 40

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Elle ne peut également s’appliquer aux appareils électroniques situés dans les lieux mentionnés aux articles 56-1 à 56-5, ou le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7. Les dispositions du présent alinéa sont prescrites à peine de nullité.

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Nous proposons de compléter les dispositions relatives à la géolocalisation par activation d’appareil électronique à distance.

Ces précisions permettent d’exclure la mise en œuvre du dispositif dans les lieux suivants : le cabinet d’un avocat ou son domicile, les locaux d’une entreprise de presse, le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier, les lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale, les juridictions, ainsi que le domicile d’un magistrat. De même, cela ne peut *pas concerner le véhicule, le bureau ou le domicile d’un député, d’un sénateur, d’un avocat ou d’un magistrat.

M. le président. L’amendement n° 231, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 40

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

S’il apparaît que des données collectées au moyen de cette activation proviennent d’un appareil se trouvant dans l’un des lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5, il est mis immédiatement fin à l’activation à distance de l’appareil. Le juge des libertés et de la détention est immédiatement informé.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Il s’agit encore d’un amendement de repli. Il s’agit d’éviter que certaines personnes ne puissent être géolocalisées, en particulier celles qui sont en contact ou travaillent régulièrement avec des parlementaires, des magistrats ou des journalistes.

D’après la rédaction de l’article, si mon collaborateur, qui n’est pas parlementaire, mais qui est souvent à mes côtés, y compris dans mon bureau, fait l’objet, pour je ne sais quelle raison, d’une géolocalisation ou d’une mise sur écoute, je peux moi aussi être concernée. Il en va de même pour les personnes travaillant dans des organes de presse sans être journalistes, par exemple les agents d’entretien, qui sont susceptibles, si elles sont visées par une telle mesure d’enquête, de permettre la captation de conversations de journalistes, qui sont protégés par un autre droit.

Cet amendement vise donc à exclure du champ d’application de cette disposition certaines personnes. J’y insiste, nous devons tout faire pour assurer la garantie des droits et des libertés fondamentales nécessaires au bon fonctionnement de notre démocratie.

M. le président. L’amendement n° 95, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :

Alinéa 65

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 65.

En effet, l’article 3 n’intègre pas les journalistes dans le régime d’exception prévu à l’article 100-7 du code de procédure pénale, qui dispose notamment : « Aucune interception ne peut avoir lieu sur la ligne d’un député ou d’un sénateur sans que le président de l’assemblée à laquelle il appartient en soit informé par le juge d’instruction. Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d’instruction ».

Les journalistes ne figurent pas dans le champ de cette prohibition de principe, alors qu’ils bénéficient du secret des sources, qui, comme le secret professionnel de l’avocat, est le cœur de la démocratie et de l’État de droit.

Autoriser l’activation à distance des appareils électroniques des journalistes, c’est nuire gravement à la liberté de la presse et à la protection des sources.

M. le président. L’amendement n° 58, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 65

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L’activation à distance d’un appareil électronique mentionnée au présent article est interdite lorsqu’elle concerne les appareils électroniques utilisés par les personnes mentionnées à l’article 100-7 ainsi que les appareils utilisés par les personnes se trouvant dans l’un des lieux mentionnés aux articles 56-1 à 56-5. » ;

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Cet amendement s’inscrit dans la même veine que les précédents. Il vise à exclure de l’activation à distance d’un appareil électronique certaines personnes pour préserver le secret des sources, le secret professionnel, le secret du délibéré ou le secret médical. Pour nous, il est nécessaire de clarifier la rédaction de l’article 3 en ce sens.

M. le président. L’amendement n° 232, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 65

1° Première phrase

Remplacer les mots :

les appareils électroniques utilisés par les personnes mentionnées à l’article 100-7

par les mots :

les personnes résidant ou exerçant habituellement leur activité professionnelle dans l’un des lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5

2° Deuxième phrase

a) Remplacer les mots :

se trouvant

par le mot :

utilisé

b) Remplacer les mots :

celles-ci ne peuvent être retranscrites

par les mots :

la retranscription est immédiatement suspendue et toute trace est détruite

3° Après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le juge des libertés et de la détention est immédiatement informé.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. C’est encore un amendement de repli, qui a pour objet, d’une part, d’exclure de la possibilité de géolocalisation les portables utilisés par les parlementaires, avocats et magistrats et, d’autre part, d’éviter que les personnes résidant ou exerçant habituellement leur activité professionnelle dans les cabinets d’avocat, les locaux de presse, les juridictions, les cabinets médicaux ou les offices notariaux ne puissent être mises sur écoute.

Aujourd’hui, d’après ce que je comprends – j’aimerais bien que M. le garde des sceaux me dise que je me trompe –, la rédaction du texte permet que des conversations soient captées, alors qu’elles ne devraient pas l’être. Apparemment, avec ce texte, nous garantissons juste que les échanges indûment écoutés entre un avocat et son client, entre journalistes dans des locaux de presse, entre des médecins ou des juges, ne soient pas transmis à la justice.

Pour nous, il faut aller plus loin : si l’on se rend compte que l’on est en train d’écouter des personnes par erreur, il faut au minimum que l’on arrête et que l’on détruise les enregistrements. J’aimerais avoir des précisions sur le dispositif envisagé, qui représente un risque énorme pour nos libertés publiques.

Si l’on capte par erreur des conversations de journalistes, d’avocats, de médecins, de juges, il ne faut pas se contenter de ne pas transmettre les enregistrements ; il faut les détruire et, surtout, arrêter d’enregistrer !

M. le président. L’amendement n° 279, présenté par Mmes Canayer et Vérien, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 65, première phrase

Remplacer les mots :

mentionnées à l’article 100-7

par les mots :

qui résident ou exercent habituellement leur activité professionnelle dans les lieux visés au dernier alinéa de l’article 706-96-1

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Tout d’abord, je voudrais bien repréciser les choses. Il y a deux sujets différents, qui n’ont en commun que l’activation à distance.

Il y a d’abord la géolocalisation, qui permet de connaître les déplacements des personnes. Elle est, pour l’heure, prévue pour les infractions punies de cinq ans d’emprisonnement, dix ans si nous votons l’amendement n° 85 rectifié bis. À cet égard sont protégés spécifiquement les avocats, les parlementaires et les magistrats.

Beaucoup plus intrusive est la seconde technique spéciale d’enquête, en l’occurrence la captation du son et de l’image, qui permet un accès au contenu des données échangées. Cela n’est possible – je vous le rappelle – que pour le terrorisme et la criminalité organisée, c’est-à-dire avec des personnes extrêmement déterminées et dangereuses ayant commis ou s’apprêtant à commettre des infractions graves. Cette technique de captation de son ou d’image est par ailleurs encadrée, puisqu’elle n’est prévue que pour quinze jours, renouvelables une fois. Nous en reparlerons plus tard.

Des protections sont enfin prévues pour les appareils électroniques utilisés par les parlementaires, dans les cabinets ou domiciles des avocats et des magistrats, ainsi que dans les cabinets médicaux, les entreprises de presse, les entreprises de communication audiovisuelle, les domiciles des journalistes, les études des notaires et des huissiers. Dans tous ces cas, il n’y a pas de retranscription possible.

L’amendement que je présente vise à mettre le texte en conformité avec l’avis du Conseil d’État, selon lequel les garanties proposées par le Gouvernement ne sont pas suffisamment proportionnées. Nous devons aller plus loin en introduisant la protection des personnes qui résident et travaillent dans ces lieux protégés.

M. le président. Le sous-amendement n° 284, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Amendement n° 279, alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette interdiction s’applique également aux organes de presse et aux journalistes tels que définis à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je remercie nos deux rapporteurs d’avoir, à la suite de nos échanges en commission, noté que toutes ces dispositions extraordinairement complexes ne devaient pas s’appliquer aux journalistes. Par parenthèse, monsieur le garde des sceaux, j’espère qu’une heureuse réécriture du code de procédure pénale permettra de clarifier tous ces points.

Cependant, le mécanisme de citation et de renvoi d’article en article fait que l’amendement proposé par la commission n’atteint pas totalement l’objectif. En effet, il est prévu de protéger les interceptions des personnes qui exercent habituellement leur activité professionnelle dans les lieux que vous avez cités. Cela signifie que tous les journalistes, notamment les journalistes freelance, ne sont pas concernés.

Nous proposons donc de compléter la proposition de la commission en indiquant que l’interdiction s’applique également aux journalistes « tels que définis à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 ».

M. le président. L’amendement n° 116, présenté par Mme Devésa, est ainsi libellé :

Alinéa 65, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

L’activation à distance d’un appareil électronique ne peut être effectuée qu’aux fins de géolocalisation ou de captation de sons et d’image de personnes suspectées d’un crime ou d’un délit puni d’au moins dix ans d’emprisonnement.

La parole est à Mme Brigitte Devésa.

Mme Brigitte Devésa. Il convient de restreindre à la criminalité et à la délinquance organisées l’activation à distance d’un appareil électronique pour les personnes citées à l’article 100-7 du code de procédure pénale. En effet, une telle technique ne devrait pouvoir être utilisée qu’à des fins de géolocalisation ou de captation de son et d’image de personnes susceptibles de commettre ou d’avoir commis un crime ou un délit puni d’au moins dix ans d’emprisonnement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’amendement n° 186 vise à supprimer les deux techniques, que ce soit la géolocalisation ou l’activation à distance de la captation de son et d’image. Nous considérons que ces deux techniques sont suffisamment encadrées et nécessaires pour lutter contre les délits les plus graves.

La géolocalisation est prévue de manière proportionnée et limitée. La captation, quant à elle, est plus intrusive, mais elle est limitée, d’une part, dans son objet, c’est-à-dire au terrorisme et à la criminalité organisée, et, d’autre part, dans sa durée, à savoir quinze jours renouvelables. Les enquêteurs ont à affaire à des criminels aguerris.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. En effet !

Ces derniers maîtrisent toutes les techniques de dissimulation. Pour lutter contre ces réseaux de violence et de corruption, nous avons besoin de tous les moyens nécessaires. Avis défavorable.

L’amendement n° 229 de Mme Vogel est assez similaire au précédent. Avis défavorable également, de même que sur le sous-amendement n° 283, même si le dispositif proposé est mieux encadré.

L’amendement n° 94 de Mme Benbassa vise à supprimer la géolocalisation. Avis défavorable.

L’amendement n° 230 de Mme Vogel tend à augmenter le quantum des peines à vingt ans pour la mise en œuvre des deux techniques. Nous préférons l’amendement n° 85 rectifié bis, qui est mieux proportionné, puisqu’il vise à porter le quantum à dix ans d’emprisonnement pour utiliser la technique de géolocalisation. Cela nous semble être un juste équilibre pour garantir un recours ciblé à ce procédé. Avis défavorable sur l’amendement n° 230 et avis favorable sur l’amendement n° 85 rectifié bis.

L’amendement n° 55 vise à interdire la géolocalisation dans certains lieux. Je comprends bien l’intention, mais il faut au préalable une géolocalisation pour savoir que l’appareil se trouve dans les lieux visés. La mise en œuvre de cet amendement me paraissant impossible, l’avis est défavorable.

Même avis sur l’amendement n° 231, présenté par Mme Vogel. Ma chère collègue, vous confondez la collecte des données et la géolocalisation.

L’amendement n° 95 vise à supprimer l’alinéa 65, considérant que les journalistes ne sont pas suffisamment protégés. Cette profession est déjà couverte par une interdiction de captation de son et d’image dans certains locaux, notamment ceux des entreprises de presse, ainsi que dans leurs véhicules et domiciles. Il y a non pas une protection personnelle des journalistes, mais une protection des sources des journalistes, prévue par la loi de 2010, contre l’utilisation de techniques spéciales d’enquête. Avis défavorable.

L’amendement n° 58 tend à prévoir l’interdiction d’activation des appareils qui se trouvent dans des lieux protégés par la loi. Nous souhaitons, pour notre part, l’interdiction de la retranscription. Nous avons déjà eu ce débat tout à l’heure. Avis défavorable.

Mme Vogel, par l’amendement n° 232, souhaite une extension des interdictions relatives à la captation par l’intermédiaire d’un appareil électronique activé à distance. Nous sommes sensibles à cette volonté de mieux encadrer ces techniques, mais nous préférons notre amendement n° 279, qui est plus proportionné et protecteur, en reprenant les propositions du Conseil d’État dans son avis, ce qui nous préservera d’une éventuelle déclaration d’inconstitutionnalité.

Par conséquent, nous sommes défavorables à l’amendement n° 232 et nous demandons le retrait du sous-amendement n° 284.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et pour les journalistes ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Je le répète, les journalistes sont protégés non pas intuitu personae, mais dans les lieux dans lesquels ils travaillent, et ce pour préserver leurs sources. Il en va de même pour les personnes qui travaillent avec eux.

Enfin, l’amendement n° 116, qui tend à alourdir le quantum des peines pour pouvoir utiliser les techniques déjà citées, serait satisfait par l’adoption de l’amendement n° 85 rectifié bis. J’en demande donc le retrait, faute de quoi l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il me paraît essentiel de remettre l’église au milieu du village en précisant deux ou trois choses.

J’entends des cris d’orfraie à droite et à gauche, mais personne n’a pris soin de rappeler que ces techniques existaient déjà ni qu’elles étaient déjà appliquées.

Je veux rappeler simplement quelles sont ces deux techniques. La première est la technique dite de géolocalisation. Elle permet de localiser en temps réel quelqu’un qui est suspecté d’une infraction. Elle permet de suivre ses déplacements et de voir les lieux que la personne fréquente. Cette possibilité existe aujourd’hui au moyen d’une balise, qui est posée par des OPJ. L’idée est de leur faire prendre le moins de risques possible. Il s’agit de protéger non seulement leur intégrité physique, mais également l’enquête, les voyous aguerris sachant très bien ce qu’est une balise. Certains policiers renoncent quand ils considèrent que c’est « trop chaud », pour reprendre un jargon policier un peu familier, et qu’ils risquent d’être repérés. Sans balise, pas de repérage, et l’on perd des traces.

Pour résumer, cette technique existe déjà, et elle figure à l’article 230-32 du code pénal. Elle permet de localiser, mais en aucun cas d’écouter ou de voir.

La seconde technique, qui existe elle aussi déjà, est la captation du son ou de l’image. Elle permet de voir une personne ou d’entendre des conversations dans une pièce ou dans un véhicule. Elle est autorisée aujourd’hui par l’article 706-96-1 du code de procédure pénale, mais elle suppose, là encore, la pose d’un micro ou d’une caméra sur place par un OPJ, avec tous les risques que cela implique.

Avec ce texte, nous proposons une technique tout à fait équivalente de sonorisation artisanale en passant par le micro et la caméra du téléphone d’une personne suspectée. C’est ce que l’on appelle la captation à distance.

Je pourrais presque m’arrêter là.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Certains semblent presque découvrir la lune et s’émeuvent d’une mesure qui serait « liberticide ». Les grands mots en entraînent d’autres, mais personne ne s’arrête sur la réalité, qui est celle que je viens de vous décrire.

J’en viens aux différents amendements.

Mmes Cukierman, Vogel, de La Gontrie et Benbassa souhaitent la suppression totale ou partielle de ces dispositions. Pourtant, ces dernières constituent une réelle avancée. Elles tendent à moderniser nos capacités d’enquête et à protéger des risques nos policiers et gendarmes, tout en aboutissant aux mêmes résultats que ceux qui sont aujourd’hui permis par les textes.

Je vous rappelle tout de même que l’activation à distance est entourée de garanties importantes. Sa mise en œuvre est subordonnée à l’autorisation du juge, ce qui n’est pas rien.

Par ailleurs, pour activer la géolocalisation, il faut enquêter sur un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Et pour la captation de son et d’image, il faut être dans une affaire de criminalité organisée ou de terrorisme. Je veux rassurer tout le monde, l’écologie terroriste ou le terrorisme écologique n’entrent évidemment pas dans le champ d’application de la mesure ! (M. Guy Benarroche fait une moue dubitative.)

J’aurais tellement aimé convaincre les auteurs de l’amendement n° 85 rectifié bis de le retirer. Cet amendement vise à limiter le recours à la technique d’enquête qui permet l’activation à distance à fin de géolocalisation aux infractions punies d’au moins dix ans d’emprisonnement. Quid du proxénétisme ? Quid des atteintes sexuelles sur mineurs de 15 ans ? De toute façon, on peut déjà le faire aujourd’hui, et on ne s’en prive pas.

Pourquoi s’interdire d’utiliser ces moyens sur de tels faits, qui sont graves, mais qui sont passibles de moins de dix ans d’emprisonnement ? Les motifs tenant à la protection des OPJ et à la qualité de l’enquête se posent dans les mêmes termes pour ce type d’infractions. Nous devons donc autoriser les enquêteurs à utiliser ces techniques, comme c’est, en quelque sorte, déjà le cas.

Madame la sénatrice Vogel, vous proposez, par l’amendement n° 230, de limiter le recours aux techniques spéciales d’enquête (TSE) aux fins de géolocalisation ou de captation aux seules infractions commises contre les personnes punies d’au moins vingt ans d’emprisonnement, ainsi qu’aux actes de terrorisme. Je viens d’expliquer qu’une telle limitation n’était pas possible et qu’elle ne me semblait pas réaliste.

Les amendements nos 55 et n° 231 visent à interdire les TSE dans certains lieux. Là encore, il faut préciser les choses.

Il est proposé d’exclure la possibilité de procéder à l’activation à distance d’un appareil connecté aux fins de procéder à sa géolocalisation lorsque l’appareil en cause est situé dans certains lieux. Or la technique d’enquête dont nous parlons, la géolocalisation, vise à localiser un appareil, et non à capter des images ou des paroles. Il n’y a aucune raison de s’inquiéter !

Je ne comprends pas l’intérêt d’empêcher la géolocalisation d’un appareil sous prétexte que celui-ci se trouverait dans un cabinet d’avocats ou dans un organe de presse. Ce que l’on veut savoir, c’est où se trouve l’appareil. Il ne s’agit en aucun cas d’une captation d’images ou de son.

Par l’amendement n° 58, vous souhaitez, madame la sénatrice de La Gontrie, exclure la possibilité de procéder à l’activation à distance d’un appareil aux fins de capter des images et du son lorsqu’il est situé dans certains lieux. Or le projet de loi prévoit l’interdiction, à peine de nullité, de procéder à la retranscription en procédure des éléments qui proviennent d’un appareil se trouvant dans certains lieux. Les garanties sont donc d’ores et déjà prévues.

Votre amendement vise à interdire non pas une transcription, mais une activation à distance. C’est en réalité impraticable, dès lors qu’il est impossible de savoir a priori si l’appareil se trouvera dans tel ou tel autre lieu ; cela réduirait à néant ces techniques d’enquête.

Avis défavorable sur l’amendement n° 95, dont l’adoption aurait pour effet de supprimer l’interdiction d’activer à distance la ligne d’un avocat.

L’amendement n° 232 et l’amendement n° 279 visent à interdire les TSE aux fins de captation d’images ou de son lorsque l’appareil est utilisé par une personne résidant ou exerçant habituellement son activité professionnelle dans les lieux protégés.

Ces amendements vont bien au-delà des garanties qui sont déjà prévues par le projet de loi : il est proposé d’interdire l’activation à distance d’un appareil aux fins de captation lorsqu’il est utilisé par une personne résidant ou exerçant habituellement son activité professionnelle dans un cabinet médical, une entreprise de presse, une étude notariale ou d’huissier, une juridiction ou un cabinet d’avocats.

La disposition prévue me paraît excessive, puisqu’elle aurait pour conséquence l’interdiction de la captation à distance du téléphone d’une secrétaire, qu’elle travaille dans un cabinet médical ou d’avocats, auprès d’un clerc de notaire ou d’un agent de sécurité d’un tribunal ou en tant que secrétaire juridique. Pourquoi une secrétaire devrait-elle être particulièrement protégée lorsqu’elle se trouve hors du lieu où elle travaille ? C’est la véritable question.

Cette extension considérable du champ des personnes bénéficiant d’un statut protégé en vertu du code de procédure pénale est en contradiction avec le dispositif des TSE. Avis défavorable sur ces deux amendements.

Avis également défavorable sur le sous-amendement n° 284, qui vise à interdire le recours aux TSE aux fins de captation d’images ou de son lorsque l’appareil est utilisé par un organe de presse ou par un journaliste.

Le présent projet de loi préserve la liberté de la presse. Il est ainsi interdit, à peine de nullité, de procéder à la retranscription en procédure des éléments provenant d’un appareil se trouvant dans certains lieux sensibles et protégés, ce qui inclut les locaux d’une entreprise de presse et le domicile d’un journaliste.

Il est également interdit de procéder à la retranscription des correspondances permettant d’identifier les sources d’un journaliste. Nous avons modifié spécialement en ce sens l’article 706-96-1 du code de procédure pénale, relatif aux opérations de captation.

Ce sous-amendement va bien au-delà : il prévoit d’interdire l’activation à distance d’un appareil lorsque celui-ci est possédé par un journaliste. Or il n’y a pas lieu d’interdire ces TSE, y compris en dehors de l’exercice de l’activité professionnelle du journaliste.

Je suis donc défavorable à l’ensemble des amendements et sous-amendements en discussion commune.