Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage évidemment l’objectif d’assurer à l’ensemble de la population l’accès à des services bancaires de qualité et à des tarifs appropriés. Cependant, nous pensons que les mesures envisagées dans la présente proposition de loi ne permettent pas de l’atteindre.

Fondamentalement, la proposition de loi prévoit deux grands types de mesures : un renforcement de l’accessibilité bancaire territoriale, en confiant une mission additionnelle à La Banque postale et en créant un fonds de garantie de la présence bancaire territoriale ; une évolution des plafonnements de frais bancaires appliqués aux personnes bénéficiaires de la procédure de droit au compte et à celles en situation de fragilité financière ayant souscrit l’offre spécifique, ainsi qu’une évolution du contenu de cette offre.

Si vous le permettez, je répondrai point par point aux dispositions envisagées dans le texte, ce qui me permettra d’exposer les raisons conduisant le Gouvernement à y être défavorable.

Sur l’accessibilité bancaire territoriale, tout d’abord.

Nos concitoyens, quels qu’ils soient, sont particulièrement attachés aux services de proximité et à la vitalité du territoire dans lequel ils vivent. Nous partageons collectivement la nécessité de lutter contre l’enclavement et de préserver l’attractivité de l’ensemble de nos villages et de nos économies locales, qui sont le visage de notre pays, notamment à l’heure où l’inflation touche l’ensemble du territoire et où nous assistons à la désertification des services de proximité accessibles à nos concitoyens.

Cette attractivité passe notamment par la garantie d’avoir accès à notre monnaie commune, l’euro, sous forme d’espèces, moyen de paiement inclusif par excellence permettant les achats de la vie quotidienne en toute liberté. C’est le sel de nos marchés, de l’économie de proximité, sociale et solidaire comme de notre lien collectif avec les plus démunis.

Aussi, le Gouvernement et la Banque de France sont très attentifs à préserver l’accès de chacun de nos concitoyens aux espèces. Force est d’ailleurs de constater que le maillage du territoire pour l’accès aux billets est très bon et globalement inchangé d’une année sur l’autre.

C’est surtout dans les territoires très urbains, sur lequel il y a un équipement massif, que se concentre la légère diminution du nombre de distributeurs : l’optimisation des installations existantes dans les zones les mieux équipées se fait au bénéfice du maintien de distributeurs automatiques de billets dans les zones les plus isolées, ce qui est positif.

La robustesse de la filière fiduciaire est en permanence garantie : en temps de crise, comme récemment durant les périodes de confinement, l’émission et la distribution des espèces ont été maintenues pour répondre au plus près aux besoins de nos compatriotes.

Ce maillage, garanti par l’action volontariste des établissements bancaires de proximité, permet à plus de 99 % de la population métropolitaine âgée de 15 ans et plus de se situer à moins de quinze minutes en voiture d’un distributeur automatique de billets ; M. le rapporteur l’a rappelé.

Cette dynamique permet de placer la France comme le second pays de l’Union européenne en termes de densité des réseaux d’agences bancaires, bien au-delà, environ le double, de la moyenne européenne : 549 agences par million d’habitants en France contre 255 agences en moyenne en Europe.

En complément, nos commerçants de proximité viennent renforcer, de manière opportune, ce maillage : le nombre de points de distribution dans les commerces est en augmentation et permet de maintenir un accès de proximité, notamment dans des territoires isolés, avec bientôt 30 000 points de retrait privatifs.

La possibilité de retirer des espèces lors d’un achat chez un commerçant est simple, sans complexité administrative, et permet en sus de renforcer l’attractivité des services de commerce locaux. Le retrait d’espèces effectué sans achat associé est en plein développement et s’installe durablement dans le paysage de nos territoires, en permettant notamment un lien social et rapproché entre consommateurs et commerçants.

Par ailleurs, La Poste, chargée par la loi du 2 juillet 1990 d’une mission d’accès aux espèces, maintient déjà, au-delà de ses besoins commerciaux, un réseau de 17 000 points de contact, notamment dans les zones rurales et de montagne, les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les départements d’outre-mer.

Aussi, alors que les transporteurs de fonds viennent maintenir par le rachat de certains DAB le maillage existant et que les commerçants complètent le dispositif d’accessibilité, l’objectif de garantir l’accès aux espèces à tous nos concitoyens, y compris dans les territoires enclavés ou isolés, nous semble être préservé pour les années à venir.

J’en viens maintenant à la question des frais bancaires et de l’inclusion bancaire.

À titre liminaire, je souhaiterais partager avec vous quelques grands constats relatifs aux frais bancaires.

Premièrement, il est économiquement justifié que les banques facturent leurs prestations de service, ainsi que des frais en cas d’incident. Ces incidents, qui correspondent à un fonctionnement anormal du compte, induisent des coûts de gestion pour les établissements bancaires. Ils entraînent également des coûts pour le bénéficiaire du paiement qui n’est pas payé en cas d’incident ; dans l’écrasante majorité des cas, ce n’est pas une banque.

Deuxièmement, les Français bénéficient en moyenne d’un niveau de facturation des services bancaires satisfaisant. Depuis 2017, les frais bancaires sont globalement orientés à la baisse en raison principalement de la digitalisation et de l’augmentation de la concurrence sur le marché des services bancaires.

Troisièmement, le secteur fait déjà l’objet de diverses réglementations ambitieuses pour limiter les abus. Par exemple, pour l’ensemble de la population, certains services bancaires – le relevé mensuel ou la clôture de compte – sont gratuits et des types de frais sont plafonnés, comme le rejet de chèque – 30 euros ou 50 euros selon le montant –, le rejet de prélèvement – 20 euros – ou bien encore les commissions d’intervention – 8 euros par opération, 80 euros par mois.

La proposition de loi vise en premier lieu à diviser par deux les plafonds par opération actuellement applicables aux principaux frais d’incidents et à introduire un plafond annuel pour chacun de ces frais. Ces plafonds bénéficieraient à l’ensemble de la population et des plafonds spécifiques, plus bas, s’appliqueraient à la clientèle fragile.

Nous pensons que la volonté d’abaisser les plafonds des différents frais d’incidents pour toutes les clientèles n’est pas pertinente. La baisse des plafonds, qui s’appliquerait également aux clientèles les plus aisées, enverrait un signal négatif. Ce qui importe n’est pas de rétablir la police administrative des prix en matière de tarifs bancaires ; c’est de protéger celles et ceux qui en ont besoin.

Nous croyons que le dispositif actuel, qui prévoit un plafonnement global des frais d’incidents concentré sur les populations les plus fragiles, celles qui en ont le plus besoin, demeure la meilleure réponse pour arrêter le plus rapidement possible les effets de suraccumulation des frais. Il est vrai que, dans certains cas, ces frais sont largement subis et peuvent créer une spirale d’endettement aggravant la situation des clients fragiles.

Le Gouvernement a travaillé sans relâche au cours des années passées pour mettre en place ce dispositif, qui a fait ses preuves aujourd’hui. Ce nouveau cadre a été élaboré depuis 2018 selon une méthode inédite, qui a fonctionné, celle d’une approche partenariale avec les établissements bancaires.

À la suite des engagements pris par les établissements bancaires en 2018 devant le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, et le Président de la République, Emmanuel Macron, les personnes fragiles bénéficient désormais d’un plafonnement global de leurs frais d’incidents bancaires : 25 euros par mois pour les clientèles fragiles ; 20 euros par mois et 200 euros par an pour les clients fragiles bénéficiaires de l’offre spécifique.

Ces engagements, dont la mise en œuvre est contrôlée par l’ACPR et l’Observatoire de l’inclusion bancaire, ont porté leurs fruits. Une telle stratégie a été payante. En effet, l’Observatoire, qui est l’instance publique de suivi des politiques d’inclusion bancaire, a dressé un bilan positif des actions engagées par le Gouvernement. Je me permets de donner quelques chiffres relatifs aux résultats obtenus.

À la fin de 2021, 4,1 millions de clients étaient considérés comme fragiles financièrement, et donc bénéficiaires des dispositifs de plafonnement des frais. C’est 21 % de plus qu’en 2018.

Le montant moyen des frais facturés par les banques à leurs clients considérés comme fragiles est en diminution : 221 euros en 2021, soit 10 % de moins par rapport à 2020.

Enfin, l’offre spécifique se diffuse : on en compte presque 700 000 bénéficiaires à la fin de 2021, soit une progression de 56 % par rapport à 2018.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les Français, ménages comme entreprises, ont la chance de pouvoir compter sur un système bancaire robuste qui finance efficacement l’économie, comme il l’a encore démontré durant cette crise, et qui applique des frais globalement raisonnables.

Ces dernières années, le Gouvernement a agi de manière résolue pour renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires, ainsi que l’encadrement des frais bancaires, avec pour objectif et priorité de mieux protéger ceux pour qui une intervention de l’État est nécessaire, c’est-à-dire les personnes en situation de fragilité financière. C’est chose faite, avec les résultats dont je vous ai fait part. Et cela a été accompli à la faveur d’une approche partenariale avec le secteur bancaire, ce qui, je le crois, est un gage de succès dans la durée.

Le Gouvernement continuera d’être vigilant et exigeant dans son dialogue avec les banques et de conduire certaines réformes lorsque cela sera nécessaire. Mais les réformes conduites jusqu’ici ont d’ores et déjà permis d’atteindre un point d’équilibre.

Voilà pourquoi le Gouvernement a déposé des amendements de suppression sur plusieurs articles et s’opposera à cette proposition de loi.

Mme le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions cet après-midi vise à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires. Actuellement, un peu plus de 4 millions de titulaires de comptes bancaires sont considérés comme fragiles par l’Observatoire de l’inclusion bancaire, selon un rapport publié en 2021.

Cela étant, quels sont les éléments qui permettent d’attester de la fragilité bancaire d’une personne ? Pour que sa situation financière soit considérée comme fragile, il lui faut remplir trois conditions figurant dans le code monétaire et financier : avoir effectué le dépôt d’un dossier de surendettement recevable ; avoir été inscrit pendant trois mois consécutifs au fichier central des chèques ; avoir été identifié par la banque comme étant en situation de fragilité financière au titre des revenus et des incidents constatés sur le compte.

Autant d’éléments qui nous rappellent qu’une part non négligeable de nos compatriotes subissent une insécurité financière qui les angoisse au quotidien, insécurité face à laquelle nous ne pouvons rester impassibles.

Ce rappel étant fait, si le groupe RDPI partage la volonté de renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires, force est de constater que les mesures proposées par notre collègue Rémi Féraud semblent inefficientes et disproportionnées.

D’une part, certains des dispositifs présentés dans le texte ne permettent pas d’apporter des réponses convaincantes et pertinentes aux enjeux d’accessibilité et d’inclusion bancaires.

Par exemple, la mission de couverture territoriale attribuée à La Banque postale créerait une charge supplémentaire non compensée par les dispositifs de financement établis à l’article 2. Outre le fait que cette mesure pourrait entraîner un désengagement des autres banques de l’établissement de nouveaux distributeurs automatiques, nous ne pouvons pas légitimement imposer à La Banque postale cette pression financière injustifiée.

L’article 3, qui impose des obligations d’information en matière de droit au compte et d’offre spécifique, m’apparaît redondant au vu de la législation actuelle et de la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement adoptée par l’Association française des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (AFECEI).

L’article 4, qui impose un plafonnement, proportionnel aux revenus, des commissions perçues par les établissements de crédit pour les irrégularités de fonctionnement du compte bancaire, connaîtrait inexorablement des difficultés d’application. Elles seraient notamment provoquées par la complexité de la collecte des informations nécessaires et par les potentiels problèmes de lisibilité des nouveaux plafonds.

Les dispositions figurant à l’article 4 induiraient définitivement un risque de surendettement pour les plus précaires, du fait de la volonté de ses auteurs d’instaurer une autorisation de découvert sans frais proportionnée aux revenus.

D’autre part, certaines mesures de la proposition de loi sont à mes yeux totalement disproportionnées.

Je pense notamment à l’article 6, contraire à la liberté d’entreprendre en ce qu’il instaure un double plafonnement des frais de services bancaires.

Mais je pense surtout à l’article 7, qui impose à la commission des sanctions de l’ACPR d’adopter une sanction pécuniaire à l’encontre de tout établissement de crédit qui ne respecterait pas ses obligations en matière de droit au compte ou n’appliquerait pas la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement.

J’estime, comme le rapporteur, qu’une telle disposition obligatoire est excessive. Permettre à une autorité d’imposer des sanctions pécuniaires sans qu’un juge puisse se prononcer pose nécessairement un problème dans notre État de droit.

Pour toutes ces raisons, notre groupe déterminera sa position sur cette proposition de loi en fonction du sort qui aura été réservé des amendements en discussion.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a présenté mon collègue Rémi Féraud, avec lequel j’ai eu le plaisir de rédiger cette proposition de loi, le présent texte est une réponse cohérente à des inégalités territoriales et sociales qui fracturent de nombreux départements, territoires ruraux et zones urbaines défavorisées.

Le point de départ de notre réflexion sur cette proposition de loi fut un constat partagé : que ce soit à Paris ou dans nombre de nos départements – en particulier celui dont je suis élu, la Loire –, les institutions bancaires sont très éloignées de nos concitoyens.

C’est donc dans une volonté de répondre aux enjeux sociaux et économiques par des mesures concrètes que notre groupe a retenu ce texte pour l’ordre du jour qui lui est réservé aujourd’hui, avec la proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique.

Le premier axe de ce texte-ci me tient particulièrement à cœur : il s’agit de répondre à la question de l’accessibilité bancaire.

Je m’étonne que, sur ce point, la droite sénatoriale, qui se positionne souvent comme la grande défenseure des territoires ruraux, ne soit pas plus intéressée par les propositions que nous formulons.

En effet, il existe bien – je pense qu’on pourra aisément le confirmer sur toutes nos travées – une désertification bancaire, qui se traduit par la fermeture des agences, points de contact essentiels pour les clients, mais aussi par l’abandon progressif de certains distributeurs automatiques.

Une nouvelle fois, cette désertification frappe les publics qui subissent déjà l’absence d’offre de soin de proximité, la fermeture des commerces communaux et le terrible recul des services publics dans les territoires.

En toute logique, le cumul de ces inégalités d’accès crée un profond sentiment de déclassement et d’abandon chez nos concitoyens.

Je pense donc sincèrement qu’en tant que membres de la chambre représentant les territoires, il est de notre devoir d’anticiper et de répondre à cette problématique.

À ce sujet, monsieur le rapporteur, lors de nos échanges, dont je tiens à souligner la courtoisie, vous avez affirmé qu’une grande majorité des Français se trouvent à moins de quinze minutes d’un distributeur automatique de billets.

Nos départements respectifs n’étant pas très éloignés, je pense que vous reconnaîtrez facilement que ces déplacements peuvent facilement varier en fonction des territoires et qu’ils peuvent en outre être rendus difficiles à certaines périodes de l’année.

Je pense aussi qu’il ne faut pas oublier l’ensemble des publics qui n’ont pas les moyens de se déplacer, que ce soit pour des raisons de santé ou du fait de l’absence d’accès à des moyens de transport.

C’est pourquoi nous proposons l’intégration d’une composante territoriale dans les missions du groupe La Poste ; ce dispositif vise à anticiper et à garantir cette présence bancaire sur l’ensemble des territoires.

Parler du maintien des distributeurs automatiques, c’est logiquement aborder la question de l’argent liquide et de sa place dans notre société.

C’est un sujet paradoxal : la demande sociale est forte, mais la réglementation a aussi été renforcée pour empêcher certaines dérives. Toutefois, la réalité de nos territoires doit également guider notre action. Or il est certain que les paiements en espèces sont au cœur de nombreuses interactions à l’échelle locale ; je pense particulièrement à l’ensemble des événements associatifs.

Ainsi, par ce texte, nous avons souhaité réellement poser la question du maintien d’un système de paiement qui, tout en se montrant inclusif, permette, en toute liberté, le règlement en liquide d’achats de la vie quotidienne.

Dans notre travail de réflexion sur ce texte, nous avons logiquement analysé l’ensemble des dispositifs qui permettent l’accès à l’argent liquide.

Les points relais chez des commerçants et le dispositif Allô facteur sont intéressants à ce titre, mais ils sont, de l’aveu même des représentants de La Banque postale, très peu connus et donc très peu utilisés.

Garantir le maintien des DAB dans les territoires, tout en démocratisant ces autres dispositifs d’accès, reste donc pleinement pertinent.

Pour financer cette nouvelle mission, nous proposons la création d’un fonds dédié, alimenté en partie par une contribution des établissements bancaires versée en cas de fermeture d’un DAB. Ici, le principe politique est clair, comme le message aux banques : vous faites le choix de quitter un territoire défavorisé : très bien, c’est votre choix, mais vous allez devoir participer pour que l’offre de services aux habitants du territoire concerné soit maintenue.

Alors que les nouvelles missions confiées au groupe La Poste sont en permanence sous-compensées, dans une logique purement libérale, nous proposons ici un dispositif cohérent.

Nous avons aussi souhaité, en deuxième axe de cette proposition de loi, proposer des solutions concrètes pour renforcer l’accompagnement et la protection des plus précaires dans leurs relations toujours particulières avec les établissements bancaires.

Sur ces articles, je salue les échanges que nous avons eus avec le rapporteur. Ils permettront, je l’espère, d’obtenir des avancées lors des débats que nous aurons dans quelques instants.

Face à la complexité des démarches administratives, le renforcement de l’inclusion bancaire doit être une priorité, pour ne laisser aucun citoyen en difficulté financière sur le bord de la route.

C’est pourquoi nous avons proposé des mesures très concrètes, en commençant par l’adaptation des offres spécifiques dans un contexte de crise du pouvoir d’achat et d’augmentation des dépenses courantes, pour l’alimentation et l’énergie notamment.

À ce sujet, rappelons que, dans le baromètre mensuel de l’inclusion financière, publié le 13 avril dernier, la Banque de France a relevé une hausse de 20 % des inscriptions au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers depuis le début de l’année 2023.

De plus, alors que près de 17 % de la population souffre d’illectronisme, le canal numérique ne peut pas être la seule voie d’échanges entre une banque et ses clients. Le renforcement de l’information en agence est donc indispensable : c’est ce que nous proposons à l’article 3.

Alors que La Banque postale prend en charge près de 1,6 million de clients jugés fragiles, soit 47 % de ce public, la proposition de loi a également pour objet d’interpeller les autres établissements bancaires et de leur demander de renforcer leurs efforts, que ce soit en matière d’information ou par les offres proposées.

Seules des sanctions pécuniaires pourront contraindre les acteurs économiques du secteur à agir en faveur de ces publics ; c’est l’objet de l’article 7.

Mes chers collègues, vous le voyez, nous vous proposons un texte avec des mesures très concrètes et répondant à de réelles préoccupations des habitants de nos territoires ruraux et urbains.

Je souhaite que l’examen du texte nous permette d’aboutir à une rédaction ambitieuse, dans l’intérêt de nos concitoyens, en commençant par les plus défavorisés.

Je salue une nouvelle fois mon collègue Rémi Féraud pour le travail réalisé en commun sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, accéder à la monnaie fiduciaire, autrement dit aux espèces, est-il un droit que la loi doit consacrer ?

Outre cette première question, les parlementaires que nous sommes doivent déterminer si La Poste devrait garantir cette mission, dont la nature de service public est reconnue, via l’installation et la maintenance de distributeurs automatiques de billets au plus proche de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Permettez-moi de faire remarquer qu’en dépit d’une faible présence de ses membres aujourd’hui, la droite a tout de même érigé un barrage pour mettre en échec la garantie d’un nouveau droit, sa consécration et sa mise en œuvre concrète par la promotion de l’égalité territoriale.

Nous remercions nos collègues socialistes de cette proposition de loi.

La droite sénatoriale entend se livrer, si je puis dire, monsieur le rapporteur, à une petite opération de démantèlement ! Elle se cache derrière une statistique pour motiver son refus : 99,2 % de nos concitoyennes et de nos concitoyens peuvent accéder à un distributeur en moins de quinze minutes. Derrière cette statistique, qui se veut implacable, se cachent des réalités territoriales très variées qui semblent échapper à ceux qui prétendent représenter les territoires. Sans aller jusqu’à rappeler la différence entre une moyenne et une médiane, je veux faire remarquer que 3,6 % de la population habite dans l’une des 12 013 communes très peu denses que compte le territoire national. C’est à eux que s’adresse cette proposition de loi, à ceux qui doivent faire trente minutes de route, voire plus, si leur distributeur est en panne. Près d’un quart d’entre eux, 542 000 personnes, ne jouissent pas du pouvoir de choisir leur moyen de paiement, faute de trouver un distributeur dans leur aire de vie immédiate.

Opportunément, les auteurs de cette proposition de loi proposent de mettre à contribution les bénéfices des banques, au travers d’une taxe sur les distributeurs qui ferment.

« Encore un impôt ! » a-t-on entendu s’offusquer, de manière feutrée, mais réelle, certains à droite qui semblent avoir d’autres idées que l’impôt pour financer des services publics. Peut-être les découvrirons-nous un jour ! Attention, nous disent-ils ; les banques vont retirer leurs distributeurs avant l’adoption de la loi ; ainsi, on sera privé des recettes potentiellement dévolues à La Poste pour l’installation de distributeurs de billets. Autant d’arguments idéologiques, et faux pour certains d’entre eux, qui créent des problèmes imaginaires à défaut de trouver des solutions à ceux, bien réels, de nos compatriotes.

Si 4 598 distributeurs de billets, soit 8,77 % d’entre eux, ont tout bonnement disparu, il ne faudrait pas y voir un phénomène structurel, témoignant de l’action du système bancaire pour faire disparaître les espèces.

Non sans une certaine ironie, on invite nos concitoyens à se rassurer : il existerait de nombreuses solutions alternatives aux distributeurs de billets que chacune et chacun fréquente.

Peut-être connaissez-vous le dispositif Allô facteur, service de livraison d’espèces à la demande par un postier, signe que l’argent physique serait voué à disparaître, à l’instar du courrier, car les Françaises et les Français s’en seraient détournés. C’est faux ! La numérisation des services publics a conduit à délaisser le courrier, à perdre l’habitude de l’usage de l’écrit pour interagir avec l’administration, tout comme il est devenu impossible de payer autrement qu’en ligne pour effectuer nombre d’achats.

Un autre dispositif encouragé par la droite, le cash-in-shop, permet à des commerçants de délivrer des espèces contre un paiement par carte supérieur au prix d’achat d’un produit. La généralisation de cette pratique à tous les commerçants, au-delà des clients d’un même réseau bancaire, représente une fuite en avant. Par ailleurs, la livraison de colis dans des points relais a-t-elle accru la fréquentation des commerces qui la pratiquent ? Nous avons tous pu le constater : non ! Les gens viennent, récupèrent leur paquet et s’en vont ! Le magasin de vêtement de centre-ville concurrencé par la vente en ligne connaîtra-t-il un élargissement considérable de sa clientèle grâce à ce nouveau service ? Bien sûr que non ! Pire, ces commerçants exposeront leur sécurité en détenant une quantité importante d’espèces, alors que les distributeurs automatiques, à part quelques cas de voiture bélier ou de fraudes à la carte bleue, ne comportent pas de risque majeur pour l’intégrité des personnes physiques.

Sur le volet de ce texte consacré à l’inclusion bancaire, nous avons déposé des amendements qui expriment une triple volonté : empêcher les banques de se rémunérer sur les clients financièrement en difficulté ; sortir certaines opérations d’un objectif de rentabilité ; garantir des offres de justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.

Mme Sylvie Vermeillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe Union Centriste, je salue l’initiative de Rémi Féraud et des membres de son groupe ; avec cette proposition de loi, ils nous permettent un nouveau débat sur l’accessibilité bancaire dans notre pays.

Rémi Féraud a raison de relever quelques points qui ont déjà fait débat dans notre assemblée et ne paraissent toujours pas réglés. Face à la diminution du nombre de distributeurs automatiques de billets et à leur inégale répartition, il propose notamment la création d’un fonds de garantie de la présence bancaire territoriale.

Je me permets de rappeler qu’au mois de novembre 2018, nous avions examiné une proposition de loi de notre collègue Éric Gold sur le sujet. Puisque j’en avais été désignée rapporteure, je pense utile de rappeler quelques conclusions que j’avais alors déjà exprimées.

Je faisais état en 2018 de l’existence de 56 000 distributeurs automatiques de billets. Selon notre rapporteur Stéphane Sautarel, il y en avait 47 853 en 2021. Ce sont donc plus de 8 000 distributeurs qui ont disparu en cinq ans, soit près de 15 % d’entre eux ! Je trouve ce chiffre bien trop élevé, voire inquiétant.

Il serait plus intéressant encore de connaître l’exacte répartition de ces distributeurs. En 2018, nous n’ignorions pas le coût d’investissement et de fonctionnement des DAB. Aussi, nous avions souhaité connaître la cartographie de l’emplacement de ces appareils. À cet effet, un groupe de travail mandaté par la Banque de France avait été créé, afin de recenser précisément l’offre d’accès aux espèces, tous canaux confondus, et de définir les scenarii d’organisation pour garantir l’accès aux espèces. Cette cartographie devait nous être présentée au mois de janvier 2019.

Le 27 mars 2019, notre commission des finances s’est réunie sur le thème de la dématérialisation des moyens de paiement ; elle a notamment procédé à l’audition de M. Erick Lacourrège, alors directeur général des services à l’économie et du réseau de la Banque de France, qui a tenu les propos suivants : « En ce qui concerne la cartographie, je suis désolé de vous décevoir, mais elle n’est pas terminée. Il ne s’agit pas d’une volonté de rétention d’information. Nous avons recueilli beaucoup de statistiques auprès de l’ensemble des réseaux bancaires. Nous pourrons vous donner un état des lieux extrêmement précis d’ici à la fin du printemps. » M. Lacourrège n’a, il est vrai, pas précisé du printemps de quelle année il entendait parler… Toujours est-il, mes chers collègues, que nous n’avons jamais reçu cette carte !

Je le dis avec force : c’est inadmissible ! Comment débattre valablement aujourd’hui de la présence bancaire et de son évolution sans cet outil indispensable ? C’est un préalable que nous devons exiger, et je souhaite que notre commission des finances en soit enfin destinataire.

Au mois de janvier 2019, M. le gouverneur de la Banque de France déclarait à notre commission des finances : « La Banque de France n’abandonnera jamais les espèces. Nous sommes, au titre de nos missions monétaires, garants de la liberté de choix des Français dans leurs moyens de paiement. Nous n’avons pas à favoriser les espèces plutôt que la carte ou le paiement par mobile, mais nous devons faire en sorte que chacun de ces moyens de paiement soit également accessible, d’égale qualité et d’égale sécurité. »

Aussi, il serait heureux que le Parlement et en particulier la commission des finances du Sénat, qui le demande, disposent des éléments nécessaires à l’appréciation du nombre et de l’emplacement des distributeurs automatiques de billets. Il sera alors plus aisé de remédier aux besoins territoriaux.

C’est pourquoi, en l’absence de documents précis, le groupe Union Centriste partage l’avis de notre rapporteur, qui demande la suppression des articles 1 et 2 de cette proposition de loi. S’il doit, un jour, y avoir un fonds et une péréquation, ce ne peut être qu’à la condition de disposer d’une cartographie en temps réel.

Cependant, nous mettons en garde contre un engrenage qui pourrait se révéler dangereux : celui de rendre un tel fonds pérenne et indispensable. Dès lors, les établissements bancaires conditionneraient l’ouverture d’un distributeur de billets au recours à ce fonds, ce qui créerait d’autres complications : quel montant pour le fonds ? Comment le répartir en respectant la libre concurrence entre les différentes banques ? C’est un sujet que nous n’avons pas abordé et qui mériterait des réponses claires.

Nous soutiendrons les améliorations pertinentes proposées par notre rapporteur aux articles 3 à 6. En effet, en matière d’information, dans un objectif d’efficience, la qualité doit aujourd’hui primer sur la quantité. De même, nous approuvons la proposition du rapporteur de supprimer l’article 7, car nous pensons que l’ACPR doit rester souveraine dans ses décisions. Elle les rend d’ailleurs déjà publiques, ce qui contribue sans doute davantage à leur caractère pénalisant que leur simple montant.

Notre groupe votera donc cette proposition de loi telle qu’amendée par notre assemblée sur l’initiative de notre rapporteur, dont je salue le travail.

J’espère qu’à l’occasion de futures réunions de la commission des finances, nous pourrons enfin disposer de tous les éléments nécessaires à une véritable appréciation de la présence bancaire en France.