(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er bis

(Non modifié)

Le Gouvernement remet annuellement au Parlement un bilan de l’accès des étudiants à une offre de restauration à tarif modéré.

Mme le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Gontard, Fernique, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

comportant une évaluation de l’évolution de la précarité alimentaire des étudiants en France

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Après son examen à l’Assemblée nationale, l’article 1er bis de la proposition de loi a pour objet la remise d’un bilan gouvernemental annuel de l’accès à l’offre de restauration à tarif modéré. Je propose d’étendre ce suivi à l’évolution de la précarité alimentaire en France pour les étudiants. Je connais la position du Sénat face à la multiplication des demandes de rapport, mais, dans ce cas précis, un bilan est réellement justifié.

Plus particulièrement, cet amendement vise à annualiser le suivi de la crise alimentaire étudiante. Alors que cette dernière a atteint son paroxysme en 2022, la dernière étude de l’Observatoire de la vie étudiante date de 2021. Il a fallu attendre la forte mobilisation des étudiants contre la réforme des retraites pour qu’une nouvelle analyse soit lancée au mois de mars dernier. En l’absence de données objectives, les syndicats étudiants et les universités établissent leurs propres données qui ne sont pas toujours prises au sérieux par le Gouvernement. C’est un problème, car il faut être en mesure d’évaluer une situation pour y répondre.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Hingray, rapporteur. Madame de Marco, l’avis sera, comme nous vous l’avons indiqué en commission, défavorable, parce que le but du conventionnement dont nous proposons la généralisation est justement la lutte contre la précarité étudiante. Ne l’ayant pas dit dans mon propos introductif, je me permets de préciser que l’ensemble des syndicats étudiants que j’ai reçus avec Pierre-Antoine Levi ont émis un avis positif sur notre texte ; il est important de le souligner. L’avis est donc défavorable, avec toujours autant de bienveillance. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Je me joins à l’avis du rapporteur. Madame la sénatrice, pour votre information, je vous rejoins globalement quant à la nécessité de réaliser des bilans. Nous en attendons un sur les 10 millions d’euros d’aides aux associations et aux banques alimentaires dont nous parlions tout à l’heure. L’objectif est de mieux identifier les besoins des étudiants précaires.

De plus, nous serons particulièrement attentifs à l’enquête de l’Observatoire de la vie étudiante, qui paraît en général en fin d’année, pour la réalisation de notre rapport. Nous disposons donc des outils pour mener les évaluations, ce dont je souhaitais vous faire part.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er bis.

(Larticle 1er bis est adopté.)

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Article 3

(Suppression maintenue)

Mme le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l’ensemble

Mme le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 259 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 267
Pour l’adoption 267

Le Sénat a adopté définitivement la proposition de loi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI, INDEP et CRCE.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-deux.)

Mme le président. La séance est reprise.

8

Parité dans la haute fonction publique

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique, présentée par Mmes Billon, Filleul, Vérien et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 123, texte de la commission n° 462, rapport n° 461).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Annick Billon, auteure de la proposition de loi. (Mme Dominique Vérien applaudit.)

Mme Annick Billon, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je me réjouis que nous examinions aujourd’hui une proposition de loi que j’ai rédigée avec mes homologues de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Dominique Vérien et Martine Filleul.

Cette proposition de loi est issue des travaux de notre délégation consacrés à la parité dans la haute fonction publique et au bilan d’application des dix ans de la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite loi Sauvadet. Elle fait suite au rapport d’information que mes collègues ont publié en juin 2022, intitulé Parité dans la haute fonction publique : changer de braquet dix ans après la loi Sauvadet.

La loi Sauvadet impose aux employeurs publics de respecter une proportion minimale de chaque sexe pour les primo-nominations dans près de 6 000 emplois d’encadrement supérieur et de direction. Depuis 2017, ce quota est de 40 %, assorti de pénalités financières s’élevant à 90 000 euros par unité manquante.

Progressivement, ces obligations paritaires ont été atteintes dans les trois fonctions publiques. Ainsi, le taux de primo-nominations féminines dans les emplois d’encadrement supérieur et de direction a progressé de dix points entre 2013 et 2020. En 2020, le quota a même été atteint pour la première fois simultanément dans les trois versants de la fonction publique.

Nous avons toutefois identifié trois principaux points de vigilance.

Premièrement, déclinés par fonction publique et par ministère, les résultats sont instables d’une année sur l’autre, avec une progression en dents de scie.

Deuxièmement, les quotas Sauvadet, qui sont des quotas de flux, n’ont pas conduit à une augmentation notable du stock, c’est-à-dire de la proportion de femmes dans les emplois de direction et d’encadrement. Les femmes n’occupent encore qu’un tiers des emplois d’encadrement supérieur et de direction de la fonction publique. Pourtant, l’objectif final des quotas Sauvadet est précisément d’agir sur le stock au-delà du flux.

Troisièmement, la proportion de femmes reste plus faible dans les ministères historiquement masculins et dans les emplois considérés comme plus prestigieux ou plus techniques.

Au sein de la fonction publique de l’État, la proportion de femmes occupant un emploi supérieur était de 33 % en 2020 au niveau global, avec des variations notables entre ministères : environ 46 % pour le ministère des affaires sociales, 32 % pour le ministère de l’intérieur, 31 % pour celui de la culture et 27 % pour celui de l’économie et des finances. Cependant, dans la fonction publique de l’État, la proportion de femmes augmente au sein de tous les postes, y compris aux plus hauts niveaux de responsabilité.

Au sein de la fonction publique territoriale, la proportion de femmes nommées à des postes à responsabilité a nettement augmenté, mais les nominations ont concerné essentiellement des postes de directeur général adjoint des services (DGA), occupés à 41 % par des femmes en 2020, tandis que seuls 20 % des postes de directeur général des services (DGS) et 15 % des postes de directeur général des services techniques (DGST) sont occupés par des femmes.

Au sein de la fonction publique hospitalière, une féminisation historiquement élevée cache une situation contrastée. En 2020, quelque 42 % des emplois d’encadrement supérieur et dirigeant y sont occupés par des femmes ; pour autant, ces dernières sont davantage à la tête d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, à 53 %, et de directions des soins, à 74 %. Dans les hôpitaux et centres hospitaliers universitaires (CHU), postes considérés comme plus prestigieux, la proportion de femmes à la tête d’établissements est respectivement de 27 % et 39 %. Par effet de miroir, les disparités dans les postes se retrouvent également au niveau des salaires.

Forte de ces constats, notre délégation avait formulé douze recommandations visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la haute fonction publique. Elle recommandait notamment d’« élargir les obligations paritaires » et de « renforcer la mobilisation [des employeurs publics] autour d’une politique d’égalité professionnelle et salariale ambitieuse ». Ces recommandations ont abouti à la rédaction de cette proposition de loi.

Je tiens à remercier la rapporteure, Françoise Dumont, qui a été à l’écoute des préoccupations de notre délégation ; nous avons pu collaborer afin d’améliorer ce texte. Je remercie également le ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, qui s’est montré très attentif et s’est engagé à faire avancer certaines de nos recommandations d’ordre réglementaire. Je pense notamment à des sujets techniques, mais essentiels, tels que la transparence des données ; ces dernières sont actuellement publiées avec un décalage de deux ans, ce qui n’est pas satisfaisant. C’est un véritable travail de coconstruction législative auquel nous nous sommes attelés.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui présente trois grandes avancées par rapport à la législation actuelle.

D’abord, elle renforce l’exigence des quotas de flux en les rehaussant de 40 % à 45 %.

Ensuite, elle introduit un quota de stock : à compter de 2029, un taux minimal de 40 % de personnes de chaque sexe s’appliquera dans les emplois supérieurs et de direction de la fonction publique.

Enfin, elle instaure la publication d’indicateurs relatifs aux écarts de rémunération et de représentation dans les emplois supérieurs et de direction entre femmes et hommes. L’index de l’égalité professionnelle a prouvé son intérêt dans le secteur privé et je me félicite que les employeurs publics puissent être également astreints à la publication de telles statistiques genrées.

Nous ne pouvons convaincre de la nécessité de faire progresser la parité que si nous disposons de statistiques objectivant les inégalités qui persistent entre femmes et hommes. Comme nous le répétons souvent au sein de la délégation, il faut compter les femmes pour que les femmes comptent !

Si les quotas font souvent débat lors de leur instauration, ils font toujours preuve de leur efficacité. Nous en sommes convaincus au sein de la délégation, tout comme nous sommes persuadés de la nécessaire exemplarité des employeurs publics en matière de parité.

Les employeurs publics emploient près de 6 millions d’agents, soit 20 % de l’emploi en France ; 62 % de ces agents sont des femmes, toutes catégories confondues. Ces employeurs peuvent donc et doivent jouer un rôle moteur dans la progression de l’égalité et de la parité dans notre pays.

L’égalité ne progresse que sous la contrainte, hélas ! Depuis la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes, différentes lois se sont succédé pour favoriser l’accès des femmes aux responsabilités politiques, professionnelles et sociales. Ce texte envoie un signal fort d’exemplarité à l’ensemble de notre société. Il est une nouvelle étape vers plus de mixité dans la haute fonction publique, une étape qui en appellera d’autres sur la longue route escarpée vers l’égalité. Une société plus égalitaire est dans l’intérêt de tous, hommes comme femmes. (Applaudissements.)

Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Dominique Vérien applaudit également.)

Mme Françoise Dumont, rapporteure de la commission des lois. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi déposée par Mmes Annick Billon, Martine Filleul et Dominique Vérien visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. Comme l’a rappelé Annick Billon, cette proposition de loi découle des travaux menés par la délégation aux droits des femmes en 2022 sur le bilan des dix ans de l’application de la loi Sauvadet.

Dans sa version initiale, la proposition de loi visait à traduire quatre des douze recommandations formulées alors, dans le but d’accélérer la féminisation des postes à responsabilité dans la fonction publique.

D’abord, était prévu le relèvement à 50 % du taux de personnes de chaque sexe dans les primo-nominations aux emplois supérieurs et dirigeants.

Ensuite, le champ d’application de la loi Sauvadet était élargi.

De plus, les pénalités financières étaient systématisées à l’encontre des employeurs publics ne respectant pas l’obligation de nominations équilibrées.

Enfin, un index de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes était instauré.

La commission souscrit à l’objectif général des auteurs de la proposition de loi. Dix ans après l’entrée en vigueur de la loi Sauvadet, la présence de femmes aux postes à responsabilité est encore minoritaire. Il convient donc d’y remédier.

La commission a toutefois considéré que cet objectif louable devait être concilié avec les impératifs d’efficacité, d’opérationnalité et de proportionnalité.

S’agissant des articles 1er, 2 et 3 de la proposition de loi, elle a ainsi estimé que le texte déposé ne respectait pas tout à fait ces exigences. Elle a donc apporté un certain nombre de modifications, afin de rendre les dispositions applicables par les employeurs publics et bénéfiques pour l’ensemble des agents publics.

S’agissant de l’article 4, elle a au contraire considéré que la disposition initiale visant à instaurer des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération et de représentation entre les hommes et les femmes devait être consolidée afin d’en renforcer la portée.

Examinons le texte dans le détail.

Premièrement, la commission a considéré que l’augmentation à 50 % du taux de personnes de chaque sexe dans les nominations, qui était visée par l’article 2 du texte initial, se heurterait à des difficultés d’application, voire aurait des effets contre-productifs pour les hommes comme pour les femmes.

En effet, une telle disposition reviendrait à nommer rigoureusement 50 % de femmes et 50 % d’hommes, si bien qu’elle serait inapplicable en cas de nominations en nombre impair. De manière générale, elle ne laisserait aucune marge de manœuvre aux employeurs publics. Il y a d’ailleurs fort à parier qu’une telle obligation ne serait, en pratique, jamais respectée et que l’ensemble des administrations se trouveraient contraintes de payer la pénalité financière prévue pour non-respect de l’obligation de nominations équilibrées.

L’instauration d’un taux de 50 % serait également contraire à l’intérêt des femmes en ce qu’elle empêcherait des nominations selon un ratio autre que 50-50, y compris dans un sens qui leur serait favorable.

En rigidifiant les recrutements, elle pourrait également se révéler contraire à l’intérêt des fonctionnaires, dont les chances de progression de carrière pourraient être amoindries s’ils ne sont pas du bon sexe, c’est-à-dire celui permettant de satisfaire au taux strict de 50 %. Je pense que le risque de voir les considérations liées au sexe l’emporter sur celles liées à la compétence ne doit pas être sous-estimé.

C’est pourquoi la commission a préféré porter le taux de primo-nominations à 45 % au moins de personnes de chaque sexe.

Par ailleurs, il convient de laisser le temps aux administrations de s’adapter à cette obligation renforcée et il faut en particulier veiller à ne pas produire d’effets sur les cycles de nomination en cours dans le versant territorial. C’est pourquoi la commission a souhaité que le taux de 45 % entre en vigueur au 1er janvier 2025 dans la fonction publique de l’État et la fonction publique hospitalière, et à l’issue du prochain renouvellement général des assemblées délibérantes pour la fonction publique territoriale.

Deuxièmement, la commission a estimé que l’élargissement du champ des emplois soumis à l’obligation de nominations équilibrées, tel qu’il était visé par l’article 3 dans la version initiale de la proposition de loi, n’était pas opportun.

D’une part, il lui a semblé qu’étendre ce champ aux emplois dits d’encadrement supérieur entraînerait un risque d’insécurité juridique, dans la mesure où une telle notion n’est pas définie par la loi.

D’autre part, abaisser à 20 000 habitants le seuil de population pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés par l’obligation de nominations équilibrées n’a pas non plus semblé opportun, dans la mesure où cela risquerait d’accentuer les difficultés de recrutement des collectivités comptant entre 20 000 et 40 000 habitants.

En revanche, la commission a précisé la définition des emplois assujettis à l’obligation de nominations équilibrées s’agissant des établissements publics de l’État et de la fonction publique hospitalière dans un but de clarification et de cohérence.

Troisièmement, la commission a salué l’instauration, par l’article 4 de la proposition de loi, d’indicateurs relatifs aux écarts de rémunération et de représentation. Cette initiative est bienvenue, d’autant qu’un tel index existe dans le secteur privé depuis 2019 pour les entreprises de plus de 250 salariés et depuis 2020 pour les entreprises de plus de 50 salariés.

La commission a souhaité renforcer la portée de cette disposition en reprenant et en adaptant les mesures prévues pour le secteur privé. Elle a ainsi créé une nouvelle section au sein du code général de la fonction publique consacrée, d’une part, à la suppression des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes et, d’autre part, à la mesure des écarts de représentation au sein des emplois supérieurs et de direction.

La commission a veillé à ce que les employeurs publics disposent d’un volume de données permettant des statistiques significatives. C’est pourquoi elle a décidé que seules les administrations publiques disposant d’au moins 50 agents en gestion se verraient appliquer les nouvelles obligations relatives aux indicateurs de rémunération et de représentation. Pour les collectivités territoriales, ce critère serait cumulé avec le seuil de 40 000 habitants.

De plus, afin de garantir le respect de ces obligations, la commission a prévu des sanctions financières en cas de non-publication des écarts de rémunération ou de non-publication des écarts de représentation. Elles pourraient également être prononcées si les écarts de rémunération constatés sont supérieurs à un niveau défini par décret.

Un tel index se fondera sur les données du rapport social unique, élaboré au printemps par les administrations publiques ; en conséquence, lui-même ne pourra pas être disponible avant le printemps de chaque année.

Nous proposons donc une entrée en vigueur des dispositions au 1er juin 2024 dans la fonction publique de l’État, et au 1er juin 2025 dans les versants territorial et hospitalier.

Quatrièmement, la commission a jugé nécessaire d’aller plus loin que l’obligation de publication des écarts de représentation entre les hommes et les femmes dans les emplois soumis à l’obligation de nominations équilibrées que vise l’article 4. Comme l’a rappelé la présidente de la délégation aux droits des femmes, le taux obligatoire au niveau des primo-nominations n’apporte qu’une réponse partielle à la question de la féminisation des emplois à responsabilité dans la fonction publique.

Pour garantir le maintien des femmes en fonction, la commission a souhaité instaurer un taux minimal de 40 % de personnes de chaque sexe dans les emplois supérieurs et de direction, à l’article 3 bis.

Cette disposition, recommandée l’an dernier par la délégation aux droits des femmes, mais non présente dans le texte initial de la proposition de loi, est d’autant plus justifiée qu’une obligation analogue est prévue dans le secteur privé depuis la loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, dite loi Rixain. Les entreprises qui emploient plus de 1 000 salariés devront, à partir du 1er mars 2029, respecter le taux de 40 % de personnes de chaque sexe au sein des cadres dirigeants et des membres des instances dirigeantes.

Sur le modèle du secteur privé, la commission a décidé de sanctionner le non-respect de cette obligation par une pénalité financière d’un montant maximal de 1 % de la rémunération brute annuelle globale de l’ensemble des personnels.

C’est donc un texte alliant ambition et opérationnalité que la commission des lois vous propose d’adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je le dis sans détour : nous nous apprêtons aujourd’hui, si votre vote le confirme, à franchir une marche importante pour l’égalité professionnelle dans la fonction publique.

Le débat parlementaire que nous entamons en examinant cette proposition de loi est un moment décisif pour la fonction publique et pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Grâce à l’engagement de la délégation aux droits des femmes du Sénat, au travail, que je veux saluer, de sa présidente et des auteurs du texte, ainsi que de la rapporteure de la commission des lois, nous examinons un texte d’utilité publique, qui, j’en suis convaincu, a vocation à rassembler au-delà des clivages partisans et, je l’espère, dans les deux chambres.

Je veux dire l’honneur qui est le mien, en tant que ministre de la fonction publique, de travailler avec la chambre haute à cette noble cause. Il est bon, dans les temps que nous vivons, où la démocratie est parfois bousculée à l’occasion de débats agités, de mener ensemble un travail sérieux dans la sérénité.

La marche que nous franchissons nous permet d’avancer de façon décisive sur un chemin qui a été engagé, toutes majorités confondues, vous le rappeliez, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, depuis de nombreuses années.

C’est par la loi Sauvadet de mars 2012 que nous avons créé le dispositif des nominations équilibrées dans la fonction publique.

C’est par l’accord de novembre 2018 que nous avons rendu obligatoire la nomination de référents pour l’égalité professionnelle dans chaque versant de la fonction publique.

C’est par la loi de transformation de la fonction publique d’août 2019 que nous avons rendu obligatoire, pour les employeurs publics, de négocier et publier des plans d’action sur l’égalité professionnelle.

Ces dispositions ont déjà porté leurs fruits : en dix ans, nous avons réduit de 10 % les écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. En dix ans, nous avons réussi à atteindre 40 % de primo-nominations féminines dans les emplois supérieurs, dans les trois versants de la fonction publique.

Pourtant, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, regardons la réalité en face : le salaire moyen des femmes fonctionnaires reste encore inférieur de 12 % à celui des hommes. Ce n’est pas acceptable !

Ce n’est pas acceptable quand on est le principal employeur du pays, avec 62 % de femmes dans la fonction publique. Nous avons un devoir d’exemplarité.

Toutefois, je veux le dire clairement, c’est aujourd’hui, surtout, un enjeu d’attractivité et, tout simplement, d’efficacité pour la fonction publique.

C’est sur cette conviction partagée, mesdames les sénatrices, que nous avons commencé nos échanges quelques semaines après ma prise de fonctions. Nous avons travaillé ensemble, récemment encore, avec la présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale. C’est ce qui nous permet aujourd’hui d’examiner cette proposition de loi ambitieuse et réaliste.

Les échanges que j’ai eus avec vous, avec les réseaux féminins, avec les associations, avec les employeurs, ont renforcé ma conviction qu’il nous fallait atteindre deux objectifs.

Il convient, tout d’abord, de briser définitivement le plafond de verre. Il faut aussi réduire les inégalités de rémunération dans l’ensemble de la fonction publique.

Tel est le sens des annonces que j’ai faites à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Je me réjouis que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui incarne ces deux priorités.

D’abord, je le disais, il est nécessaire de fracturer, une bonne fois pour toutes, le plafond de verre. Je veux garantir que chaque femme puisse accéder aux plus hauts postes des trois versants de la fonction publique.

Je ne cesserai de le dire, ce sont les compétences et les talents qui fondent les promotions. Toutefois, pour mettre fin aux pesanteurs, y compris culturelles ou sociologiques, nous avons la responsabilité de fixer un cap, y compris par la norme et, quand c’est nécessaire, par la sanction.

C’est pour cette raison que nous voulons rendre plus ambitieux le dispositif des nominations équilibrées, d’une part, en élargissant le champ des employeurs publics concernés, d’autre part, en nous fixant une nouvelle ambition, qui vise à porter à 45 % les primo-nominations au cours de ce quinquennat.

Mais nous ne devons pas nous arrêter là ! Car il convient de ne pas considérer uniquement les flux de nominations. La réalité, c’est que le turn-over concerne plus les femmes que les hommes aux postes d’encadrement supérieur et dirigeant.

C’est la raison pour laquelle j’ai annoncé la volonté du Gouvernement d’intégrer également une ambition en termes de stock d’emplois. Nous avons le film, il nous faut aussi la photographie, c’est une obligation de résultat. Vous avez intégré ce dispositif dans le cadre de l’examen du texte en commission, ce dont je tenais à vous remercier.

Je le disais, briser le plafond de verre ne suffit pas. Être plus ambitieux, c’est porter une vision de l’égalité salariale pour l’ensemble de la fonction publique. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’un index d’égalité professionnelle dans la fonction publique. Il n’existait que pour le privé, vous le savez. J’ai considéré que ce n’était pas normal et que cet outil nous serait tout aussi utile en tant qu’employeur public. Je le dis régulièrement, cet index est fait pour pointer les inégalités et les efforts qu’il nous reste à déployer.

Demain, grâce à cette proposition de loi, les employeurs publics auront l’obligation de publier leurs résultats concernant les indicateurs de l’index.

Nous les définirons précisément, pour les trois versants, par décret. Bien évidemment, nous devrons mener un travail d’adaptation par rapport à l’index Pénicaud, qui existe dans le privé. Je souhaite qu’il nous permette de mesurer les écarts de rémunération, pour les fonctionnaires comme pour les agents contractuels – c’est un point important –, l’égalité en matière de promotion et l’égalité concernant les postes les plus influents et les mieux rémunérés de la fonction publique.

Si ces informations ne sont pas publiées, il y aura des sanctions. Si les résultats ne progressent pas, il y aura également des sanctions.

La publication annuelle de cet index ne remplace naturellement pas les plans d’action que les administrations, les collectivités et les hôpitaux doivent mettre en œuvre. Je souhaite que nous puissions, avec les organisations syndicales, négocier un nouvel accord ambitieux pour l’égalité entre les femmes et les hommes pour les prochaines années.

Vous le voyez, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, ce texte nous rassemble autant qu’il nous engage à l’égard du pays.

Je souhaite que nous puissions le promulguer dès l’été. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a choisi d’engager la procédure accélérée.

Je termine en vous indiquant que je proposerai à votre vote quatre évolutions au travers de cinq amendements du Gouvernement.

La première évolution, c’est la nécessité d’accompagner les administrations, parfois les collectivités, qui partent de plus loin, pour leur permettre d’atteindre réellement les cibles exigées, en introduisant une première obligation de progression par rapport à leur situation de départ.

La deuxième évolution concernera les sanctions sur le « stock ». Je vous proposerai de les harmoniser avec le mécanisme de sanction forfaitaire existant pour les primo-nominations.

La troisième évolution, c’est une exigence accrue pour ce qui concerne les emplois relevant de la décision du Gouvernement ou les emplois dans les cabinets ministériels. Je vous proposerai de viser une proportion de 50 % sur le quinquennat. Je m’y étais engagé le 8 mars dernier devant vous, et je vous propose aujourd’hui d’inscrire cette disposition dans la loi.

Enfin, je défendrai un amendement sur la rédaction de l’index, notamment pour qu’il puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, franchissons ensemble cette nouvelle étape attendue par de nombreux agents et, je le crois, par nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et SER.)

Mme le président. La parole est à Mme Martine Filleul. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Martine Filleul. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue du rapport d’information de la délégation aux droits des femmes sur le bilan d’application de la loi Sauvadet, Annick Billon, Dominique Vérien et moi-même avons souhaité déposer cette proposition de loi, car nous avons l’égalité entre les hommes et les femmes et la fonction publique chevillées au corps.

La fonction publique est l’un des piliers de notre démocratie. Depuis 1945, elle contribue à sceller le pacte républicain : pas moins de 5,5 millions d’agents sont engagés au quotidien au service de la population sur tout le territoire, guidés par le sens du devoir.

Force est cependant de constater qu’elle est en perte de sens et d’attractivité. Manifestement, elle n’attire plus. J’en veux pour preuve le peu de candidats se présentant aux différents concours. La diminution progressive, mais drastique, des moyens alloués aux services publics, ainsi que celle du pouvoir d’achat des agents y est pour beaucoup.

Le choix du recours important aux contractuels a également affaibli le sens de cet outil au service de la République. Le revitaliser, le renforcer, le valoriser, le moderniser, le rendre exemplaire, est un impératif dans une société fracturée.

Exemplaire ! Nous sommes loin du compte en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, et en particulier en matière de salaire. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, les hommes sont rémunérés, en moyenne, 12 % de plus que les femmes ! En matière de parité, alors que plus de 60 % des agents publics sont des femmes, les postes de direction sont encore très majoritairement occupés par des hommes.

Certes, la loi Sauvadet de 2012 a donné l’impulsion d’un réel changement, en imposant aux employeurs publics un quota pour les primo-nominations, qui a atteint l’objectif fixé de 40 % de femmes en 2017.

Mais il faut résolument « changer de braquet », pour reprendre les termes du rapport de la délégation aux droits des femmes, car le compte n’y est toujours pas. La cible des primo-nominations ne permet pas d’augmenter le nombre de femmes réellement en fonction dans les postes de direction.

On observe que les sanctions mises en place sont contournées, en utilisant soit les statistiques, soit différents stratagèmes. Finalement, le nombre de postes soumis à la loi Sauvadet reste réduit ; il n’y a pas eu de « ruissellement ».

Cette proposition de loi progressive parie sur le long terme et repose sur quatre principes directeurs.

Premièrement, il s’agit de faire preuve d’intransigeance, en prévoyant la suppression de toute dispense de pénalités financières, afin qu’aucun employeur public ne puisse se soustraire aux quotas des primo-nominations.

Deuxièmement, il convient de faire preuve d’ambition, en relevant le quota de primo-nominations du sexe sous-représenté, pour atteindre 45 %, avec un élargissement des emplois concernés.

Troisièmement, il est nécessaire de faire preuve de cohérence, pour corriger la cible d’origine, en instaurant un quota de 40 % du sexe sous-représenté dans le stock des emplois concernés.

Quatrièmement, il faut faire preuve de rigueur. Pour que l’exigence soit au moins aussi importante dans la fonction publique que dans le secteur privé, cette proposition de loi prévoit la mise en place d’un index, qui devra être réalisé et rendu public tous les ans.