Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Martine Filleul,

M. Jacques Grosperrin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire malgache

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation du Sénat de la République de Madagascar. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)

La délégation, conduite par son président, M. Herimanana Razafimahefa, est composée de trois sénateurs, dont le doyen et le questeur de cette assemblée. Elle est accompagnée par notre collègue Nassimah Dindar, présidente du groupe d’amitié France-Madagascar et pays de l’océan Indien.

La délégation, que j’ai reçue ce matin avec Roger Karoutchi et Hugues Saury, notamment, se trouve en France jusqu’au 10 avril.

Sa visite d’étude s’inscrit dans le cadre des relations privilégiées, que nous souhaitons renforcer, entre nos deux pays. En fin de journée, elle rencontrera les membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, présidée par notre collègue Françoise Gatel, ainsi que nos collègues composant le groupe d’amitié France-Madagascar et pays de l’océan Indien.

Le Sénat français entretient d’excellents rapports de confiance et d’amitié avec le Sénat de Madagascar, et il souhaite les renforcer. Nous sommes particulièrement attentifs à l’affermissement de la coopération décentralisée entre les collectivités territoriales françaises et malgaches, dans la perspective des assises de la décentralisation qui se tiendront sans doute l’an prochain à Madagascar, et, bien sûr, avec nos territoires ultramarins – je pense à La Réunion et à Mayotte.

Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, à notre homologue président du Sénat malgache et à nos collègues sénateurs la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour dans notre pays. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, applaudissent longuement.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles de notre assemblée : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

plan de gestion de l’eau (i)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Ah ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mathieu Darnaud. La semaine dernière, dans les Hautes-Alpes, le Président de la République a dévoilé le tant attendu plan Eau. Si nous souscrivons à certaines orientations de ce plan – celles que nous avions mises en avant à l’occasion de la remise du rapport de la délégation sénatoriale à la prospective sur l’avenir de l’eau –, certains points en revanche nous inquiètent, notamment en matière de financement.

Dans un rapport d’information plus ancien, notre collègue Rémy Pointereau le dénonçait déjà : l’eau ne paie plus l’eau ; elle paie l’État. Malheureusement, nous constatons que, après avoir prélevé sur le budget des agences de l’eau près de 400 millions d’euros par an pour financer l’Office français de la biodiversité, vous avez restitué 475 millions d’euros à ces mêmes agences. Habile tour de passe-passe !

C’est ingénieux et créatif, mais la ficelle nous semble un peu grosse, et cela ne résoudra pas les problèmes de gestion de l’eau qui se posent de façon impérieuse à notre pays.

Toutefois, nous avons noté la volonté du Président de la République de tenir compte de la proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée des compétences eau et assainissement, votée au Sénat, s’agissant du transfert de ces compétences aux intercommunalités et de la possibilité de le rendre facultatif.

Par conséquent, ma question est simple et directe : s’agit-il d’un écran de fumée ou d’une véritable volonté d’agir ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et INDEP.)

M. Jean-François Husson. Éteignez l’incendie ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Darnaud, tout d’abord, je veux vous remercier de vous être rendu hommage à vous-même. (Sourires.)

Je l’avais fait, de manière anticipée, en répondant à Guillaume Chevrollier juste avant la présentation du plan Eau, en indiquant que vous y retrouveriez une partie de vos petits, si j’ose dire, puisque nous nous sommes appuyés sur le récent rapport de la Cour des comptes et sur celui de la mission d’inspection réalisée après l’été 2022, mais également sur des rapports parlementaires, en particulier celui de la délégation sénatoriale à la prospective sur l’avenir de l’eau.

Mme Cécile Cukierman. Cela n’a rien à voir !

M. Christophe Béchu, ministre. Il est donc logique et légitime que vous saluiez des propositions qui, pour un grand nombre d’entre elles, ont été reprises.

La question des moyens est cruciale et centrale. Nous nous sommes appuyés sur la concertation menée avec les comités de bassin et les agences de l’eau, qui sont les premiers concernés et qui avaient deux attentes en matière de moyens.

Vous avez peut-être été un peu vite sur l’une des deux, mais l’annonce, dans le cadre du plan Eau, de la suppression des plafonds mordants, qui constituaient une contrainte sur le niveau des dépenses et des subventions pouvant accompagner les collectivités territoriales, satisfait une demande unanime des territoires.

M. Jean-François Husson. Et du Sénat, depuis longtemps !

M. Christophe Béchu, ministre. Ensuite vient la question des moyens.

Les quelque 500 millions d’euros de crédits supplémentaires accordés aux agences de l’eau que vous évoquez correspondaient à la fois au chiffrage exprimé par le Comité national de l’eau et par les comités de bassin répartis sur l’ensemble du territoire.

Il s’agit donc non pas d’une incantation, mais d’une réponse apportée à ces problèmes. À cela, il faut ajouter le milliard d’euros d’Aqua Prêt rendu possible par la Caisse des dépôts et consignations.

Votre question comportait deux volets, concernant, l’un, les financements, l’autre, la gouvernance. Comme la question suivante, qui sera posée par le sénateur Jean-Michel Arnaud, porte également sur la gouvernance, je commence à vous répondre sur ce sujet dans les quelques secondes qui me restent, avant de finir tout à l’heure.

Il ne s’agit pas d’un écran de fumée ! Le Président de la République, par ces 53 mesures, a répondu de manière directe aux interrogations d’un certain nombre d’élus communaux. Pour ne pas dépasser le temps de parole qui m’est imparti, je préciserai dans quelques instants le cap qui sera le nôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur la vigilance du Sénat qui veillera à ce que vos propos, relayant ceux du Président de la République, se traduisent en actes.

Aujourd’hui, l’impérieuse nécessité est d’accompagner nos territoires et de faire en sorte que le fléchage des financements permette à l’ensemble des communes de faire face au défi de l’eau.

Le sénateur qui vous parle vient d’un département où vingt-six communes se sont vues interdire de délivrer des permis de construire. L’enjeu de l’eau, c’est aussi celui du développement de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Alain Marc applaudit également.)

plan de gestion de l’eau (ii)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, comme mon collègue Mathieu Darnaud l’a rappelé à l’instant, le Président de la République a présenté le plan Eau la semaine dernière dans le département dont je suis l’élu. Les mesures contenues dans ce plan ont le mérite de fixer un cap, alors que la politique de l’eau tanguait depuis des années.

Le Président de la République a notamment appelé à une « tarification progressive et responsable de l’eau », souhaitant qu’elle soit généralisée en France « en concertation avec les élus ». Cela signifie que les premiers mètres cubes seront facturés à un prix modeste, proche du prix coûtant. Ensuite, au-delà d’un certain niveau, plus on consommera, plus le prix sera élevé. Sur le papier, cela paraît simple ; en pratique, cela le sera beaucoup moins.

La mesure suppose que les consommateurs soient informés de leur consommation d’eau en temps réel. Pour cela, ils devront être dotés de compteurs intelligents. Or seuls 40 % des foyers en possèdent un. Comment avez-vous prévu de généraliser ces compteurs ?

Par ailleurs, se posera également le problème de la tarification. Celle-ci devra tenir compte à la fois du volume d’eau consommée, mais aussi des usages qui seront faits de cette eau. Allez-vous mettre en place une hiérarchie des usages ? Dans ce cas, comment s’articulera-t-elle avec la tarification progressive ?

Enfin, puisque vous m’y invitez, monsieur le ministre, je vous invite à apporter des précisions sur la gouvernance locale de l’eau. Je n’avais pas envisagé de poser cette question, qui est manifestement sur toutes les lèvres et, éventuellement, dans votre conscience, mais j’écouterai avec beaucoup d’attention votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Jean-Michel Arnaud, vous étiez aux premières loges à Savines-le-Lac, lors de la présentation de ces mesures.

Le Sénat s’est fait l’écho, y compris au travers d’un vote, de l’inquiétude qu’inspire l’établissement d’une règle unique en France, tout en s’interrogeant sur les raisons justifiant le refus de maintenir des systèmes de gestion communaux. Quels seraient les indicateurs expliquant une évolution à marche forcée vers une gestion intercommunale ?

Ces indicateurs existent. Ils expliquent que le Président de la République ait rappelé que préserver un système de gestion de l’eau avec des communes isolées n’était pas une option. L’année dernière, 80 % des communes privées d’eau potable géraient seules l’eau, tout comme 116 des 170 communes dont le taux de fuite dépasse les 50 %.

Toutefois, le président a indiqué, et je le répète aujourd’hui au Sénat, que l’enjeu était de sortir d’une gestion assurée par des communes isolées, sans pour autant se diriger nécessairement vers l’intercommunalité,… (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)

M. Loïc Hervé. Ça y est, on y arrive !

M. Christophe Béchu, ministre. … car d’autres formes de mutualisation, tenant compte de la topographie, de la géographie et de la réalité des territoires, peuvent prendre le relais. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Françoise Gatel et Vanina Paoli-Gagin, ainsi que M. Martin Lévrier, applaudissent.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est le point d’équilibre qu’il nous reste à trouver. Une mission parlementaire nous permettrait sans doute de préciser la manière dont les choses pourraient se dérouler. (Mme Cécile Cukierman sexclame.)

Mme Frédérique Puissat. C’est une tactique !

M. Christophe Béchu, ministre. En ce qui concerne la tarification sociale, qui est un véritable chantier, il s’agit, selon un principe simple, non pas de pénaliser les familles nombreuses, mais de trouver un dispositif permettant d’objectiver les situations s’agissant des usages de confort.

C’est la raison pour laquelle nous allons, dans un premier temps, adresser au Conseil économique, social et environnemental (Cese) une demande de préconisations, pour ensuite en discuter avec vous et avec les associations d’élus locaux qui ont la responsabilité de la tarification.

Vous serez évidemment associés et entendus, comme vous l’avez été dans le cadre de ce plan lancé par la Première ministre…

M. le président. Il faut conclure !

M. Christophe Béchu, ministre. … et conclu par le Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre, le Président la République a déclaré, dans mon département, vouloir un modèle pluriel et différencié.

Vous nous annoncez aujourd’hui, et je vous en remercie, la possibilité de créer de nouveau des syndicats pour gérer la compétence eau au plus près du territoire.

Vous avez également annoncé la création d’une mission parlementaire, et nous y collaborerons. En effet, il sera nécessaire de préciser les choses, y compris dans des situations particulières, afin de maintenir une compétence communale là où c’est nécessaire, et non partout, car nous cherchons un compromis.

Je souhaite que nous puissions avancer dans les prochaines semaines pour être prêts avant le 1er janvier 2026, date butoir du transfert de la compétence.

En tout cas, je salue votre ouverture, et nous travaillerons ensemble pour trouver des solutions. (Applaudissements sur des travées les groupes Les Républicains et UC.)

réforme des retraites (i)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la Première ministre, votre réunion avec l’intersyndicale s’est terminée par un échec. À vrai dire, c’était prévisible, tant votre gouvernement et le Président de la République s’entêtent à ne pas vouloir entendre les Français, le Parlement et le monde du travail.

Vous vous êtes engagée dans une stratégie jusqu’au-boutiste qui conduit au désordre, comme si vous imaginiez sortir de l’impasse politique et contrer le rejet massif des reculs sociaux par la méthode du rappel à l’ordre et de la peur du chaos.

Toutefois, les Français ne sont pas dupes, et une crise démocratique s’ajoute à la crise sociale. C’est très grave pour notre pays, son avenir et la confiance du peuple en la République.

Aussi, madame la Première ministre, il est temps d’atterrir : quand retirerez-vous la réforme des retraites ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Madame Marie-Noëlle Lienemann, ce matin, nous avons effectivement reçu avec la Première ministre, et à son invitation, l’ensemble de l’intersyndicale.

Il s’agit d’une étape et d’une réunion importantes.

M. Didier Marie. Il ne s’est rien passé !

M. Olivier Dussopt, ministre. Nous avons pu écouter chacun d’entre eux, et les échanges entre le Gouvernement et la Première ministre, d’une part, et les organisations syndicales, d’autre part, ont été respectueux.

Nous avons entendu leur désaccord, qu’ils ont réitéré, au sujet du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite,…

M. Daniel Salmon. Vous ne les aviez pas encore entendus ?

M. Olivier Dussopt, ministre. … et, pour certains d’entre eux, sur la fermeture des régimes spéciaux.

Nous avons aussi évoqué un certain nombre d’autres sujets. Je pense aux carrières longues, à la prévention de l’usure professionnelle, à tout ce qui constitue l’accompagnement des carrières, ainsi qu’à un certain nombre de mesures jalonnant la carrière professionnelle et les retraites.

Le désaccord qui persiste sur la question de l’âge entre les organisations syndicales, d’un côté, le Gouvernement et sa majorité, de l’autre, n’a pas permis d’approfondir davantage les thèmes que je viens d’évoquer.

Comme vous, madame la ministre, nous avons entendu le représentant de l’intersyndicale indiquer, à la sortie de cette réunion, que ces mêmes organisations syndicales souhaitaient pouvoir ultérieurement travailler sur ces sujets. Nous y sommes favorables,… (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.)

M. Fabien Gay. Soyons sérieux !

M. David Assouline. Quel fiasco !

M. Olivier Dussopt, ministre. … et la Première ministre a eu l’occasion de préciser que nous étions prêts à ouvrir l’ensemble de ces chantiers, lorsque les organisations syndicales le souhaiteraient.

À l’occasion de cette réunion, nous avons pu aussi – et la Première ministre, plus singulièrement encore – rappeler la conviction du Gouvernement concernant la nécessité de cette réforme, pour faire face à un déficit et pour préserver un système qui, si nous n’agissons pas, va se dégrader et aller dans le mur, si vous me permettez d’employer cette expression.

M. David Assouline. Cela ne prend plus !

M. Olivier Dussopt, ministre. C’est pourquoi nous souhaitons mener cette réforme.

Aujourd’hui, le texte est soumis au Conseil constitutionnel. Nous attendons sa décision pour, ensuite, mettre en œuvre cette réforme. (M. François Patriat applaudit. – Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. Éric Kerrouche. Vous êtes seuls !

M. David Assouline. Vous avez grillé vos cartouches !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour la réplique.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je veux bien que l’on fasse semblant de croire que ce temps était important pour entendre les syndicats. Mais enfin, il fallait être sourd, voire archisourd, pour ne pas entendre leurs arguments auparavant !

Les sujets que vous évoquez – carrières longues, pénibilité – étaient au cœur des débats que nous avons eus ici et qui portaient sur la réforme.

Monsieur le ministre, puisqu’il s’agirait d’une nécessité fondamentale pour la France, si vous ne voulez pas revenir sur le retrait de la réforme, alors organisez un référendum ! N’ayez pas peur du peuple, demandez-lui son avis et son arbitrage ! (M. Marc-Philippe Daubresse proteste.) C’est peut-être la seule façon de sortir de cet entêtement, qui est le vôtre.

Nous exigeons un référendum ou le retrait de la réforme ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

rémunération des intérimaires à l’hôpital

M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Michel Dagbert. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Monsieur le ministre, ce lundi 3 avril est entrée en vigueur la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, notamment son article 33 relatif au contrôle du plafond maximum pour la rémunération des praticiens intérimaires, qui a été fixé à 1 390 euros par vacation de 24 heures.

J’ai eu le 28 mars dernier, à la demande du directeur de l’agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France, un échange téléphonique avec le directeur adjoint en charge du département dont je suis l’élu, afin de faire le point sur les établissements hospitaliers susceptibles de rencontrer des difficultés à l’occasion de la mise en œuvre de cette loi.

La surenchère à laquelle étaient soumis les directeurs d’établissement met en danger l’équilibre budgétaire de ces établissements par ses effets sur les dépenses de personnel, mais elle fragilise aussi la stabilité des équipes médicales en place, en ouvrant, de façon bien légitime, une question éthique.

Ces nouvelles dispositions ont vocation non pas à mettre un terme à l’intérim, dont le coût estimé s’élève à 1,5 milliard d’euros, mais plutôt à appeler tout le monde à la responsabilité, en rappelant avec force les principes déontologiques liés à ces professions.

J’en veux pour preuve l’accueil favorable des grandes fédérations hospitalières, tant publiques que privées, la réactivité de certains établissements proposant d’ores et déjà la possibilité de contrats à durée déterminée.

Si ce sujet a suscité de nombreuses d’inquiétudes, voire des réactions assez hostiles, la majorité de nos concitoyens attachés à notre système de santé accueillent cette disposition avec satisfaction.

Dans ce contexte, pourriez-vous, monsieur le ministre, en adoptant une échelle plus large que celle de mon seul département, éclairer notre assemblée sur les conséquences de cette disposition et nous faire part des éventuelles remontées du terrain qui seraient à votre disposition ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Dagbert, je vous remercie de relever que ce gouvernement fait bien appliquer la loi qui a été votée par ce Parlement. (Exclamations.)

En ce qui concerne l’intérim – je reprends vos propos –, la lutte contre ses dérives est importante. Celles-ci ont, certes, une incidence financière non négligeable sur l’hôpital, mais surtout elles aboutissent à la destruction de notre hôpital public. En effet, quel médecin voudra rester dans l’hôpital public quand, à ses côtés, un collègue venu travailler 24 heures sera payé une fois et demie à deux fois plus que lui en un mois ?

Il s’agit donc d’une œuvre essentielle pour la refonte de notre système hospitalier, qui suppose, parallèlement, la reconnaissance de la pénibilité des carrières des praticiens hospitaliers, qui sont la colonne vertébrale de notre service public hospitalier.

Ces deux démarches doivent être menées de concert. C’est déjà le cas depuis les mesures prises cet été. Je prolonge les discussions avec les syndicats de praticiens hospitaliers, afin d’améliorer leurs conditions de travail et de les faire revenir à l’hôpital.

À l’heure où je vous parle, aucun territoire n’est laissé sans solution, y compris dans des zones connaissant des situations extrêmement difficiles, comme celles des maternités de Carhaix ou de Landerneau, qui durent depuis des mois, voire des années.

Grâce à la mobilisation des soignants entre les établissements à l’échelle des territoires et – je tiens à le souligner – grâce à l’engagement des ARS, nous avons pu trouver des solutions quasiment partout. Certes, des points de difficulté, qui existaient avant la mise en application de cette loi, par exemple la maternité de Sarlat ou celle de Sedan, persistent, pour lesquels nous ne parvenons pas à obtenir les professionnels nécessaires. Pour autant, nous y avons mis en place des parcours de soins pour les parturientes.

Je suis tout cela de très près – deux fois par jour – avec les ARS, et nous continuerons à lutter inlassablement contre les inégalités territoriales d’accès à la santé. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

réforme des retraites (ii)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre, injuste, injustifiable, imposée, votre réforme des retraites doit être retirée ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Demain, pour la onzième journée de mobilisation, des centaines de milliers de Français défileront partout dans le pays pour exprimer, une fois encore, leur colère et leur opposition à cette réforme.

Après deux mois d’un mouvement social exemplaire et inédit depuis cinquante ans, très largement soutenu par la population, et un parcours parlementaire qui s’est achevé par l’application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, l’absence de réponse de l’exécutif a conduit à une situation de tension extrême dans le pays.

Alors qu’il aurait fallu jouer la carte du dialogue social et de l’apaisement, vous avez opté pour le mépris, laissant sans réponse, pendant un mois, la demande que l’intersyndicale, désireuse d’être reçue en urgence, avait adressée au Président de la République. Ce silence, comme tout ce que vous avez fait pendant des semaines pour empêcher un vrai débat parlementaire, en dit long sur votre conception de la démocratie sociale.

Alors que les Français sont toujours plus nombreux à comprendre que vous avez essayé de les berner, Mme la Première ministre a daigné, enfin, ce matin, recevoir l’intersyndicale. Ce fut, de toute évidence, un échec.

Ne voyez-vous pas que le pays s’enfonce dans une grave crise démocratique ? Quand allez-vous entendre la colère qui s’exprime ? Quand allez-vous retirer cette réforme ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Madame la sénatrice, j’ai déjà répondu à Mme la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann en indiquant combien la rencontre de ce matin était importante à nos yeux, combien nous sommes heureux qu’elle ait pu se tenir dans un état d’esprit respectueux et combien Mme la Première ministre et moi-même sommes prêts à avoir un dialogue social le plus productif possible sur tous les sujets évoqués, au-delà de celui de la réforme des retraites.

M. Hussein Bourgi. C’est un grand succès ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Olivier Dussopt, ministre. Madame la sénatrice, vous dites qu’il faudrait retirer la réforme.

Or retirer la réforme signifierait laisser les déficits s’accumuler. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. David Assouline. Cela ne passe plus !

M. Olivier Dussopt, ministre. Il n’y a que vous qui puissiez imaginer, peut-être une seconde, que lorsqu’une réforme est mise en pause, les déficits le sont également. Il n’y a que vous qui puissiez imaginer que, si nous ne faisons pas cette réforme aujourd’hui, les marches seront plus faciles à gravir dans deux, trois ou quatre ans.

Ne pas faire cette réforme, madame la sénatrice, signifie, en se fondant sur le seul rapport du Conseil d’orientation des retraites, un déficit qui s’accumule et des pensions de retraite qui décrochent par rapport au niveau de vie moyen des Français.

Nous ne souhaitons pas l’appauvrissement des retraités et nous ne souhaitons pas que le système soit englouti sous les déficits.

C’est pourquoi nous agissons, et ce d’autant plus que chacune des solutions de substitution qui nous a été proposée, comme chacune des contre-propositions qui a été formulée, y compris celles que vous avez portées,…

M. David Assouline. Le disque est rayé !

M. Olivier Dussopt, ministre. … se serait traduite par une perte de pouvoir d’achat pour les actifs, par une augmentation des cotisations, par une dégradation de la compétitivité et par une perte d’emplois, ou par le creusement d’un déficit qui aurait porté sur les générations ultérieures. (Protestations sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

J’ai le souvenir, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe socialiste, d’un esprit de responsabilité qui existait en 2013,…

M. David Assouline. Cela n’a rien à voir !

M. Olivier Dussopt, ministre. … lorsque l’allongement de la durée de cotisation a été voté, allongement que vous osez nous reprocher aujourd’hui.