compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Pierre Cuypers,

Mme Victoire Jasmin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Souhaits de bienvenue à une nouvelle sénatrice

M. le président. Je salue la présence de notre nouvelle collègue, Mme Véronique Del Fabro, sénatrice de la Meurthe-et-Moselle, qui remplace M. Philippe Nachbar.

Je lui souhaite la bienvenue au nom du Sénat. (Applaudissements.)

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi d’adresser à chacun d’entre vous mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année.

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Je vous appelle à veiller au cours de nos échanges au respect des uns et des autres, ainsi qu’à celui du temps de parole.

réforme des retraites (i)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

M. Jean-Claude Requier. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.

« Avec la réforme des retraites, il y a de quoi faire sauter plusieurs gouvernements », affirmait Michel Rocard, ancien Premier ministre de François Mitterrand. C’est donc avec courage, madame la Première ministre, que vous vous attaquez à cette réforme.

Au cours des dernières semaines, vous avez beaucoup consulté les partis, les groupes politiques et, bien entendu, les syndicats.

En tant que président du groupe du RDSE, vous m’avez reçu à l’hôtel de Matignon, avec mon collègue Henri Cabanel, en présence des ministres Olivier Dussopt et Franck Riester.

Nous vous avons fait part de nos préoccupations et de nos interrogations, et, au cours d’une discussion franche et ouverte, vous nous avez donné des précisions sur la pénibilité, sur l’usure professionnelle, sur les carrières longues, sur l’emploi des seniors, sur l’avenir des régimes spéciaux, ainsi que sur l’augmentation des pensions minimales.

Vous avez dévoilé hier votre projet, qui vise à fixer l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans en 2030, au lieu de 65 ans comme cela avait été envisagé initialement.

Sur ce point, qui cristallise de nombreux mécontentements, pourquoi ne pas maintenir l’âge légal à 62 ans et tenir compte uniquement des trimestres cotisés, qui détermineraient le montant des pensions ? Une modulation de la durée de cotisation selon les situations n’offrirait-elle pas le système le plus équitable, et, par là même, un compromis dans la tradition radicale – mais sans radicalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Requier, je voudrais tout d’abord présenter mes meilleurs vœux à toutes les sénatrices et à tous les sénateurs, ainsi qu’à leurs équipes et aux services du Sénat.

Monsieur le président Requier, le système de retraite par répartition est au cœur de notre modèle social. Les Français y sont profondément attachés, nous l’avons dit à plusieurs reprises. Je sais que vous-même et votre groupe l’êtes aussi. Je partage cet attachement et, avec mon gouvernement, je suis résolu à agir pour le préserver.

Aujourd’hui, pourtant, chacun le sait, le nombre de personnes qui travaillent par rapport au nombre de retraités diminue, menaçant notre modèle.

Mme Cathy Apourceau-Poly. N’importe quoi !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Aussi, après des mois de concertation, j’ai présenté hier notre projet pour garantir l’avenir de nos retraites.

Il s’agit tout d’abord d’un projet d’équilibre. Nous refusons d’augmenter les impôts ou de baisser les pensions : le seul chemin possible est donc de travailler progressivement plus longtemps.

Comme vous l’avez souligné, nous porterons l’âge légal de départ à 64 ans en 2030 et nous allons également accélérer la mise en place de la réforme Touraine, pour atteindre 43 années de cotisations en 2027. Comme vous le voyez, cela rejoint les grandes lignes du dispositif voté par le Sénat depuis plusieurs années.

Quant à l’âge d’annulation de la décote, il est fixé à 67 ans et il le restera ; c’est important pour les nombreuses femmes qui doivent travailler jusqu’à cet âge pour ne pas subir de décote sur leur pension.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Qu’en est-il de l’égalité des salaires ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Grâce à cela, notre système sera à l’équilibre en 2030.

Je suis bien consciente de ce que cela signifie pour nombre de nos compatriotes. C’est pourquoi nous avons construit un projet de justice. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.) Celles et ceux qui ont commencé à travailler plus tôt pourront partir plus tôt ; les carrières des femmes, souvent incomplètes ou hachées, seront mieux prises en compte ; la pénibilité des métiers sera mieux reconnue ; enfin, nous continuerons à tenir compte des plus fragiles : un départ à 62 ans sera toujours possible pour les personnes en invalidité, en incapacité ou en inaptitude.

Au total, quatre Français sur dix, souvent les plus fragiles, les plus modestes, celles et ceux qui ont des métiers difficiles, pourront partir avant 64 ans.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. J’ajoute que la justice, c’est aussi fermer la plupart des régimes spéciaux, car le même métier doit donner la même retraite.

Ce n’est pas tout : notre projet sera porteur de progrès social. (Rires ironiques sur les travées du groupe CRCE.)

M. Fabien Gay. On aura tout entendu !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Conformément à l’engagement du Président de la République, nous allons augmenter la retraite minimale pour une carrière complète au niveau du Smic à 85 % de ce dernier, soit une hausse de 100 euros par mois, et cela dès cette année.

Nous avons aussi entendu l’appel de plusieurs groupes politiques et d’organisations syndicales et patronales, et je vous confirme que l’augmentation de la retraite minimale concernera bien les retraités actuels. Au total, près de deux millions de Français verront leur pension revalorisée dès cette année. Cela concerne d’abord des femmes, des commerçants et des artisans qui ont travaillé toute leur vie : il s’agit d’un progrès social majeur.

Enfin, nous voulons rendre aux salariés proches de la retraite toute leur place dans l’entreprise, avec davantage de transparence sur les politiques des employeurs, avec l’assouplissement de la retraite progressive et avec un cumul emploi-retraite plus avantageux.

Monsieur le président Requier, aujourd’hui, mon ambition, partagée par mon gouvernement et tous ceux qui veulent préserver notre système de retraite par répartition, est de convaincre autour de ce projet et de chercher à l’améliorer avec le Parlement – je sais que le Sénat y prendra toute sa part –, afin de construire, ensemble, un système juste, équilibré et porteur de progrès social. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.

M. Jean-Claude Requier. Au Sénat, il n’y aura pas de 49.3 et certainement pas de question préalable. Le débat ira à son terme, et notre groupe y prendra toute sa part.

Permettez-moi un bref rappel historique. Au début du règne de Louis XVI, Turgot a été appelé comme contrôleur général des finances en raison de l’importance du déficit. Il a proposé des mesures audacieuses et ambitieuses, parmi lesquelles la suppression de certains privilèges. Pour les justifier, il a eu cette formule : « La réforme plutôt que la révolution ». Sa réforme n’a pas été mise en œuvre ; quelques années plus tard, la Révolution commençait.

Je forme le vœu que cette réforme des retraites ne débouche pas sur une révolution ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

réforme des retraites (ii)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

Monsieur le ministre, vous avez présenté hier une réforme qui allonge de nouveau de deux ans l’âge de départ à la retraite. Vous avez balayé nos solutions alternatives pour combler un déficit que vous dramatisez sciemment et qui n’aurait jamais dû être un problème si le Fonds de réserve des retraites (FRR) avait été non pas siphonné, mais alimenté, comme cela était prévu.

Vous vous gardez de présenter le bilan de la contre-réforme de 2010, que vous vous apprêtez à copier : une baisse tendancielle du montant des pensions comme de la durée de vie à la retraite.

Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), la réforme de 2010 a déjà fait perdre presque un an de durée de retraite à la cohorte 1980. En cumulant toutes les réformes accomplies depuis 2010, plusieurs générations perdront jusqu’à vingt mois de durée de retraite.

Ces réformes ont affecté une grande partie des gains d’espérance de vie au travail, et la vôtre va empiéter sur les années de vie à la retraite en bonne santé. Il n’y a rien de plus inégalitaire, alors que, selon l’Institut national d’études démographiques (Ined), l’écart de vie en bonne santé est de dix ans entre catégories socioprofessionnelles.

Votre réforme s’en prend au droit au repos de tous les travailleurs, mais cogne plus dur sur les classes populaires, sur les ouvriers et sur les employés. Elle va allonger le sas de précarité de ceux qui ne sont ni en emploi ni en retraite, mais, pour partie, au chômage ou au revenu de solidarité active (RSA), et dont vous réduisez en même temps les droits.

L’attaque contre le monde du travail et la protection sociale est frontale et systémique. Elle dévoile ce que recouvre le credo du « travailler plus », pour perdre sa vie à la gagner, jusqu’à détruire l’habitabilité de notre planète.

Monsieur le ministre, considérez-vous vraiment que, après une crise sanitaire qui a questionné la place et le sens du travail, à l’heure des urgences, il est responsable d’imposer une réplique de la contre-réforme inégalitaire de 2010, et cela contre l’avis d’une très large majorité des Français et des représentants syndicaux ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Madame la sénatrice, finalement, votre question est : « Faut-il faire une réforme des retraites ? » La réponse est oui ! Et cela pour trois raisons, que vous retrouverez dans le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR).

Premièrement, ce rapport indique que le système est déficitaire.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n’est pas vrai !

M. Olivier Dussopt, ministre. Il l’est dès 2023, avec une perte de 1,8 milliard d’euros. Il le sera en 2027, de 12,5 milliards d’euros, en 2030, de presque 15 milliards d’euros, en 2035, de 20 milliards d’euros par an et, en 2040, de 25 milliards d’euros par an.

L’enjeu de cette réforme est donc de préserver le système de répartition. C’est d’autant plus nécessaire que les chiffres du COR que j’avance correspondent à l’hypothèse du plein emploi. Nous le souhaitons, nous nous engageons en ce sens, mais cela reste une hypothèse optimiste.

Si le plein emploi n’était pas au rendez-vous, ces chiffres seraient encore plus élevés et le système serait encore plus en danger.

Le premier acte de solidarité est de permettre aux générations qui viennent de conserver un système de répartition sans être étouffées par la dette et assommées par les impôts.

Deuxièmement, il faut faire cette réforme, parce que, si nous ne la faisions pas maintenant, le niveau de vie des retraités baisserait, comme le rapport du COR l’indique. Je ne suis pas certain, madame la sénatrice, que vous souhaitiez retrouver la situation des années 1970, quand les retraités étaient les pauvres du pays, alors que notre système par répartition leur a justement permis de bénéficier d’un niveau de vie identique à celui de l’ensemble des Français.

Troisièmement, il faut prendre en compte la démographie, comme l’a rappelé Mme la Première ministre : à la fin des années 1970, nous comptions 3 actifs cotisants pour 1 retraité. Aujourd’hui, il y a un tout petit peu plus de 1,5 actif pour 1 retraité. C’est la démonstration que le système ne tient pas. Il faut donc le réparer, avec des mesures d’accompagnement concernant la pénibilité ou les carrières longues pour protéger les plus fragiles.

Il faut également le réparer dans le débat. Je le dis ici parce que la secrétaire nationale de votre parti, Europe Écologie Les Verts, a appelé de ses vœux la transformation de l’Assemblée nationale en ZAD (zone à défendre). (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) Cela ne correspond pas à notre conception de la démocratie, et je souhaite que, au moins au Sénat, nous puissions mener un débat apaisé. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, la réponse des Français vous sera apportée le 19 janvier par leur mobilisation aux côtés des organisations syndicales, des partis de la gauche et des écologistes ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

accompagnement des artisans face à la crise énergétique

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Franck Menonville. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Monsieur le ministre, en raison des hausses exorbitantes des coûts de l’énergie, sept boulangers ont déjà cessé leur activité dans mon département de la Meuse. Pour faire face à l’augmentation des prix des matières premières, certains boulangers ont dû réévaluer leur prix de vente. Une nouvelle augmentation tarifaire serait inenvisageable. Pour un grand nombre d’entre eux, la situation est aujourd’hui intenable.

Différentes mesures ont été annoncées le 4 janvier dernier à leur bénéfice. Je ne reviendrai pas sur les conditions d’éligibilité, mais 80 % des boulangeries ne peuvent aujourd’hui prétendre au bouclier tarifaire, car elles dépassent le seuil de 36 kilovoltampères avec l’utilisation des fours, des chambres froides, des pétrins et des vitrines.

Certes, l’amortisseur électricité devrait pouvoir être activé, mais nos boulangers nous alertent régulièrement sur le prix de 280 euros le mégawattheure, qui reste trop pénalisant et insuffisamment protecteur à leurs yeux.

Les conditions d’éligibilité de ces dispositifs ne sont pas suffisamment adaptées aux difficultés rencontrées par la profession, et les démarches nécessaires sont perçues comme trop complexes.

Pour que ces mesures soient accessibles et rapidement applicables, il convient de s’appuyer sur le réseau local, notamment pour faciliter leur compréhension. Les accompagnements annoncés vont, certes, dans le bon sens, mais force est de constater qu’ils sont insuffisants au regard de l’intensité des difficultés rencontrées par la profession.

Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il proposer un dispositif plus protecteur pour les très petites entreprises (TPE) les plus touchées ? Il me semble important et urgent d’envisager un déplafonnement de la puissance de 36 kilovoltampères pour étendre le bénéfice du bouclier tarifaire. Cette mesure simple serait facilement comprise. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur, il existe aujourd’hui à peu près 2,1 millions de très petites entreprises de moins de dix salariés et de moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Vous l’avez rappelé, 1,5 million d’entre elles sont protégées par des tarifs régulés, parce que la puissance électrique qu’elles utilisent est inférieure à 36 kilovoltampères. Elles sont donc totalement couvertes par le bouclier tarifaire et ne subiront pas d’augmentation de leur facture d’électricité de plus de 15 %. Je rappelle qu’aucun autre pays européen ne propose cela à ses très petites entreprises.

Il reste 600 000 entreprises. Nous aurions pu, effectivement, étendre à leur profit le bénéfice des tarifs réglementés de vente (TRV).

M. Fabien Gay. Cela aurait été préférable !

M. Bruno Le Maire, ministre. Cela aurait coûté 3 milliards d’euros et certainement bénéficié à quelques milliers de boulangers, mais aussi à des centaines de milliers d’autres entreprises qui n’en ont pas nécessairement besoin.

Or il faut également protéger les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) industrielles qui sont exposées à la concurrence internationale.

Pour cette raison, la Première ministre et moi-même avons fait un choix différent, mais très protecteur. Nous avons obtenu des fournisseurs que la facture moyenne ne puisse dépasser les 280 euros le mégawattheure en moyenne au cours de l’année 2023.

Nombre de boulangers sont pris en tenaille entre l’augmentation du prix de la farine et des matières premières et les coûts de l’électricité qui pouvaient atteindre 700 euros, 800 euros, voire 1 000 euros le mégawattheure. Avec ce dispositif, ils ont la garantie que leur facture sera plafonnée à 280 euros le mégawattheure en moyenne. Il s’agit d’une protection majeure et nécessaire pour eux.

Si certains d’entre eux rencontrent encore des difficultés, ils peuvent également bénéficier du report de charges, de l’amortisseur électricité et du guichet unique auquel ils pourront réclamer des subventions, au besoin, pour amortir la facture de 40 %.

Il me semble très sincèrement que nous avons pris, Élisabeth Borne et moi-même, toutes les dispositions nécessaires pour protéger une profession à laquelle nous sommes profondément attachés – les boulangers –, ainsi que toutes les très petites entreprises de France.

Pour autant, ma porte et celle d’Olivia Grégoire restent toujours ouvertes pour des discussions supplémentaires. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE.)

hausse des factures d’électricité

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Monsieur le ministre, vous nous jouez l’acte II de vos vœux aux acteurs économiques. J’entends votre brevet d’autosatisfaction, mais, il y a encore quelques instants, j’avais au téléphone un chef d’entreprise qui me faisait part des demandes de nombre de ses pairs.

Cela concerne les boulangers – il en manque, et c’est grave –, mais également l’ensemble des acteurs économiques qui ne comprennent pas l’absence de vision stratégique du Gouvernement pour les soutenir.

Vous évoquez un plafonnement à 280 euros le mégawattheure, mais cela représente jusqu’à 350 % d’augmentation par rapport à des prix pratiqués récemment. Comment les acteurs économiques pourraient-ils résister à cette situation ? Vous le savez, le risque est que nous nous heurtions à un mur de cessations d’activité, voire de faillites. Bpifrance a lancé l’alerte à cet égard.

Monsieur le ministre, considérez-vous aujourd’hui que vous avez pris toutes les mesures nécessaires pour répondre aux besoins de l’ensemble des entreprises qui font vivre la maison France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le rapporteur général de la commission des finances, on n’est jamais certain d’avoir pris toutes les mesures nécessaires.

Pour autant, ce n’est pas la première crise que j’ai à gérer : nous avons affronté la crise du covid-19. Avec votre soutien et votre compréhension, nous avions alors mis en place le « quoi qu’il en coûte », parce que la richesse française s’était effondrée avec la production et qu’il existait un risque de faillites par vagues successives, entraînant une explosion du chômage de masse. On m’avait averti de ce risque, mais il ne s’est pas réalisé.

Nous avons protégé le monde économique, les entrepreneurs et les entreprises et nous avons évité un chômage de masse. Nous avons donc géré avec efficacité la crise du covid-19.

Face à la crise de l’inflation, le « quoi qu’il en coûte » n’est pas la bonne solution,…

M. Jean-François Husson. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Bruno Le Maire, ministre. … car cela reviendrait à jeter de l’essence sur l’incendie et à ne pas se débarrasser de l’inflation.

Vous nous reprochez de ne pas avoir de vision stratégique, mais nous en avons une : diminuer l’inflation dans le courant de l’année 2023 et ne rien faire qui puisse la prolonger dans les années qui viennent.

Actuellement, le « quoi qu’il en coûte » servirait sans doute immédiatement à certaines entreprises, mais l’ensemble de la population française se verrait exposé au maintien d’un niveau très élevé d’inflation, avec tous les dommages que cela représenterait pour les entreprises comme pour les ménages.

Nous avons choisi une voie plus difficile, mais j’ai toujours considéré que la voie difficile était en général la meilleure. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle consiste à cibler les entreprises qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les très petites entreprises qui n’ont pas les reins suffisamment solides pour réagir.

Ces entreprises bénéficient de tarifs préférentiels. Elles sont protégées. Elles ont accès à un guichet qui a été maintenu au 1er janvier. Elles peuvent reporter les charges ; dans chaque département, le numéro de téléphone portable d’un conseiller qui peut les aider est à leur disposition.

M. Marc-Philippe Daubresse. Un numéro vert ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Elles ont, enfin, la possibilité d’étaler le remboursement des prêts garantis si elles le souhaitent.

Restent les PME, avec lesquelles nous sommes en discussion. Nous voulons protéger notre outil industriel, ainsi que nos PME et nos ETI qui, elles, sont exposées à la concurrence internationale et ne peuvent pas augmenter leurs prix, car elles perdraient alors leurs marchés. Pour elles aussi, nous ferons le nécessaire.

Notre vision stratégique est donc de protéger immédiatement ceux qui en ont besoin, de faire baisser l’inflation à moyen terme pour se débarrasser de cette plaie et de poursuivre, à long terme, une politique de l’offre qui favorise la compétitivité de nos entreprises. Je sais que vous nous rejoindrez sur ce dernier point. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, vous avez indiqué récemment que vous souhaitiez parler aux fournisseurs d’énergie. Justement, il y en a un que vous avez sous la main et que vous contrôlez entièrement : EDF. Mettez-vous donc rapidement au travail pour apporter des solutions.

S’agissant d’EDF, je rappelle que nous payons très cher les choix funestes, réalisés depuis dix ans, tendant à arrêter la production d’électricité nucléaire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Nous avons besoin d’une vision stratégique dans le domaine de l’énergie, pour travailler sur les énergies renouvelables, sur notre autonomie et sur notre souveraineté, notamment en matière de renouvelable et de nucléaire. Tout cela améliorera en outre le solde de notre balance commerciale.

Enfin, TPE, PME, ETI, grandes entreprises, toutes ont besoin d’un soutien adapté. Encore faut-il, pour cela, travailler avec constance avec leurs représentants. Ces derniers comptent sur vous ; les Français ont besoin d’un État fort à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

difficultés des boulangers avec leurs factures de gaz et d’électricité

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s’adresse également à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et porte également sur la situation des boulangers en France.

Il y a quelques semaines était annoncée l’inscription de la baguette française au patrimoine immatériel de l’Unesco, mettant en lumière la filière de la boulangerie, ses traditions et ses savoir-faire. Celle-ci serait-elle pourtant menacée ? Dans nos départements, des maires nous alertent sur les graves difficultés rencontrées par les boulangers, qui doivent faire face à une explosion de leurs factures d’électricité.

Monsieur le ministre, vous avez exposé les mesures annoncées par le Gouvernement : possibilité de recourir à l’amortisseur électricité, report du paiement des impôts et des cotisations sociales et étalement du paiement des factures d’énergie.

Les fournisseurs ont, par ailleurs, accepté que l’ensemble des TPE ayant signé un contrat d’électricité au cours du second semestre de 2022 ne paient pas plus de 280 euros le mégawattheure en moyenne sur l’année 2023. C’est bien, mais ces dispositifs, complexes, ne seront mis en place qu’à la fin du mois.

Or les boulangers nous alertent sur leurs problèmes immédiats. Ils font face dès maintenant à une hausse considérable du coût des matières premières, qui se répercute sur leurs charges à hauteur de plus de 30 %, et ils ne peuvent augmenter perpétuellement leurs prix, sous peine de voir leur clientèle baisser.

L’heure est donc grave, et nombre d’entre eux sont au bord du dépôt de bilan. C’est un drame pour eux, mais également pour nos territoires. La boulangerie est en effet le commerce le plus élémentaire en zone rurale, celui qui maintient la vie dans nos villages.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire à ce sujet ? Agirez-vous en lien avec les grandes régions, lesquelles disposent de la compétence économique et œuvrent aussi à trouver des solutions ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)