compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Marie Mercier,

M. Jean-Claude Tissot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

situation en iran (i)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Ils avaient 23 ans. Ils sont morts pendus, l’un d’eux en public, condamnés par le régime des mollahs iraniens pour crime de guerre contre Dieu. Ils avaient un nom : Mohsen Shekari, Majid Reza Rahnavard. En leur mémoire, j’aimerais que le Sénat respecte quelques instants de silence.

Nous pouvons craindre qu’ils ne soient que les premiers d’une longue liste. En effet, le régime iranien a annoncé avoir condamné, via une justice expéditive, neuf autres personnes à la peine capitale dans le cadre des manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini.

La répression s’abat, aveugle, violente, sanglante. Depuis le début de la contestation, plusieurs milliers de personnes ont été arrêtées ; plusieurs centaines sont mortes ; 400 viennent d’être condamnées à des peines pouvant aller jusqu’à dix ans de prison. Les séides du régime veulent écraser un mouvement populaire dans lequel les femmes sont en première ligne et qui a l’émancipation pour but.

« Femme, Vie, Liberté ! » : ce slogan est porteur des espoirs d’un peuple. Nous devons être à la hauteur de cet espoir.

Le 9 novembre dernier, ma collègue Marie-Arlette Carlotti vous interpelait pour demander que la France exige l’exclusion de l’Iran de la commission de la condition de la femme des Nations unies. Malgré le retard, je suis heureux que votre gouvernement ait fini par écouter cette juste revendication. Cette exclusion est actuellement en débat à New York.

Certes, des sanctions ont été prises par l’Union européenne. Certes, les condamnations internationales existent. Mais sont-elles suffisantes devant l’ampleur de la répression ? Mes chers collègues, un baril de pétrole vaut-il plus que le sang d’un manifestant ?

Aussi, ma question est simple : alors que le peuple iranien se bat pour les droits humains, comment la France peut-elle l’aider ? Comment la France peut-elle agir, au sein de l’Union européenne, pour que la répression cesse et que la jeunesse iranienne, éprise de liberté, remporte son combat de lumière contre l’obscurantisme ? (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Patrick Kanner, « Femme, Vie, Liberté ! » : ce slogan est né en Iran, mais il en a très vite dépassé les frontières. Ces trois mots sont un symbole puissant et un appel à la liberté.

En Iran, le régime dénie leurs droits aux femmes. Il les cible pour ce qu’elles sont. L’oppression que subissent les femmes ne date pas de la mort tragique de Mahsa Amini. Elle s’incarne dans les lois du pays : port du voile obligatoire, mariage précoce dès la puberté, interdiction de l’avortement, crimes d’honneur, etc. En Iran, devant les tribunaux, la parole d’une femme vaut la moitié de celle d’un homme.

Face à la négation de ces droits humains, un mouvement de protestation est né. Celui-ci ne faiblit pas : il s’est étendu à toute une partie de la jeunesse et se poursuit depuis maintenant deux mois, malgré la répression violente, qui a fait plus de 500 morts, dont des dizaines d’enfants. Au moins 15 000 personnes ont été arrêtées. Deux Iraniens ont déjà été condamnés à mort et exécutés à la suite de leur participation aux manifestations. Ce mouvement se poursuit malgré l’emprisonnement de toujours plus de journalistes.

Le Président de la République a eu l’occasion de dire notre admiration, notre respect et notre soutien à celles et ceux qui défendent les droits fondamentaux en Iran. Qu’il me soit permis, au nom du Gouvernement, de leur rendre hommage, de leur dire que nous sommes avec eux.

Face à la gravité de la situation, la France n’est pas impassible. Nous agissons, monsieur le président Kanner, de manière forte, ferme et résolue. Avec nos partenaires européens, nous avons envoyé lundi dernier, pour la quatrième fois, un signal puissant d’unité et de fermeté aux autorités iraniennes.

Nous avons encore élargi la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives en y ajoutant vingt membres du régime, ainsi que la radiotélévision iranienne Irib.

Nous prenons des sanctions significatives : gel des avoirs, interdiction de pénétrer sur le territoire de l’Union et interdiction de mettre des fonds ou des ressources économiques à la disposition des personnes et entités concernées.

Notre ligne est claire : nous mettrons tout en œuvre pour que le régime iranien sorte de sa logique de répression.

Nous avons ainsi adopté, voilà deux jours, de nouvelles conclusions du Conseil de l’Union européenne sur l’Iran, qui établissent un cadre d’action européen d’une grande fermeté.

Enfin, nous soutenons les aspirations démocratiques du peuple iranien. La ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, a remis samedi, avec son homologue allemande, le prix franco-allemand des droits de l’homme à Mahsa Amini et aux femmes iraniennes.

Nous poursuivrons ces efforts sans nous laisser intimider. Le régime cible nos ressortissants ; certains d’entre eux sont détenus dans des conditions inacceptables. Nous continuons d’exiger leur libération. Ceux qui se trouvent en Iran, ou qui envisagent de s’y rendre, s’exposent à des risques de détention arbitraire. Je veux donc ici renouveler mon appel à la plus grande vigilance.

Monsieur le président Kanner, je le redis, la France est et restera aux côtés de toutes celles et de tous ceux qui combattent pour la liberté, pour les droits humains. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER et UC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Le Sénat a soutenu l’Arménie ; le Sénat a soutenu l’Ukraine : nous voulons aussi soutenir le peuple iranien dans son combat pour la liberté. J’aimerais qu’un jour celui-ci puisse faire siennes les paroles du beau poème de Paul Éluard, Liberté, écrit en 1942, et dire enfin : « Liberté, j’écris ton nom. » (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et UC. – Mme Marie-Pierre Richer applaudit également.)

problèmes de déploiement de la fibre et abandon du réseau cuivre

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)

M. Éric Gold. Monsieur le ministre, malgré des efforts notables pour le déploiement de la fibre, pas une semaine ne passe sans que les élus locaux soient sollicités pour des dysfonctionnements : chantiers techniques abandonnés, coupures fréquentes liées au réseau aérien, travail bâclé sur les raccordements, refus d’installer le cuivre dans une construction neuve qui ne bénéficie pas encore de la fibre, abonnement prélevé sans que l’habitation soit raccordée, déception par rapport au débit, etc. Les motifs de ce mécontentement général sont innombrables.

L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) vient d’ailleurs de publier les résultats d’une analyse de terrain, qui confirme la situation. Elle relève notamment des défauts dans l’état des câblages et la présence de raccordements en « plats de nouilles ».

Ces constats sont partagés par l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca), présidée par notre collègue Patrick Chaize, qui dénonce des opérateurs faisant trop souvent appel aux sous-traitants, sans vérifier la qualité ni la pérennité des installations. Entre 15 % et 20 % des abonnés seraient ainsi touchés par un dysfonctionnement.

Monsieur le ministre, nous sommes encore loin de l’objectif annoncé d’une couverture 100 % fibre sur l’ensemble du territoire en 2022. Les chiffres du déploiement cachent d’importantes disparités territoriales entraînant, pour certains, une double peine.

En effet, en parallèle de ce déploiement souvent insatisfaisant, le réseau cuivre est progressivement abandonné, et donc mal entretenu, y compris dans les territoires qui n’ont toujours pas la fibre et où les délais de dépannage peuvent être de plusieurs mois.

Cette situation, qui pénalise des territoires déjà fragiles, emporte des conséquences potentiellement critiques. Je pense, par exemple, à la téléassistance, qui ne peut fonctionner qu’avec un réseau efficient.

Monsieur le ministre, comment l’État entend-il agir vis-à-vis des opérateurs qui n’ont pas tenu leurs engagements ? Est-il prévu de mieux informer les élus, commune par commune, et de remettre à niveau le service après-vente du réseau cuivre, qui continue de jouer un rôle essentiel dans certains territoires ? (Applaudissements sur les travées du RDSE – MM. Alain Richard, Alain Cazabonne et Stéphane Demilly applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Gold, je partage évidemment votre constat concernant les défauts de qualité dans le déploiement de la fibre, ce qui place parfois nos concitoyens dans des situations intenables.

Ces difficultés sont le fruit de plusieurs facteurs.

Je pense d’abord à la rapidité de ce déploiement : en dix ans, la France est devenue le pays le plus avancé en matière de fibre avec 77 % des locaux raccordables.

C’est ensuite lié au fait que les réseaux de fibre ont été historiquement mal dimensionnés, notamment les premiers d’entre eux, déployés voilà dix ans.

C’est enfin dû à un nombre trop important, comme vous l’avez souligné, de niveaux de sous-traitance, même si cette pratique s’est fortement réduite.

Face à l’accroissement des difficultés, qui remontent de toutes parts, et en particulier des élus locaux, le Gouvernement et l’Arcep ont saisi la filière télécom, qui a formulé fin septembre des engagements articulés autour de trois axes : le renforcement de la qualité des interventions avec une certification des compétences minimales requises pour les raccordements finaux ; la transmission, par les opérateurs commerciaux, de leurs plannings d’intervention et le partage des comptes rendus d’intervention, de manière à répondre plus rapidement aux pannes éventuelles ; enfin, la reprise des infrastructures dégradées, qu’il s’agisse des points de mutualisation ou des réseaux vieillissants ou mal dimensionnés.

Plusieurs opérateurs ont déjà notifié leur plan de reprise de 1 000 points de mutualisation, soit 450 000 locaux. Le Gouvernement veille à la mise en œuvre de ce plan, sous le contrôle de l’Arcep. Des points de suivi réguliers ont lieu en présence des associations d’élus.

Pour autant, le déploiement de la fibre et le projet d’arrêt de commercialisation du cuivre ne doivent pas se traduire par une baisse de qualité de service ou une exclusion de certains de nos concitoyens. La qualité du réseau cuivre doit être maintenue en attendant sa fermeture technique. L’État ne transigera pas sur ce point. Notre message est clair : pas de dépose du cuivre tant qu’une solution fibre n’est pas proposée aux usagers.

Sachez, monsieur le sénateur, que je veille personnellement à ce que cette transition s’accompagne par ailleurs des garanties nécessaires de disponibilité, de qualité et d’« abordabilité » pour tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

pollution du fleuve tavignanu par un stockage de déchets en corse

M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Paul Toussaint Parigi. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et porte sur un écocide annoncé que l’État ne peut ignorer au regard de l’ampleur de la menace qu’il fait peser sur notre région.

Je parle du projet du centre d’enfouissement de Giuncaggio, aux abords immédiats du deuxième plus grand fleuve de Corse : le Tavignanu, classé zone Natura 2000 et zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique.

Ce projet fou, c’est le stockage et l’enfouissement de 120 000 tonnes de terres amiantifères et de 70 000 tonnes de déchets ménagers par an sur trente années, un affouillement des sols abyssal dans une zone géologique instable, les pieds dans l’eau, où d’importants glissements de terrain ont déjà été observés !

Experts, géologues, hydrobiologistes confirment et signent : le risque majeur de destruction de cet écosystème aurait des conséquences dramatiques pour la santé humaine et les générations à venir.

Le Tavignanu irrigue toute la plaine orientale, dont l’agriculture diversifiée, de qualité, labellisée et connue mondialement pour sa production d’agrumes, constitue un inestimable réservoir de biodiversité au cœur duquel l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) abritent un précieux conservatoire génétique des agrumes d’Europe et d’ailleurs.

Mettre en péril l’alimentation en eau potable de toute une région, détruire le cœur agricole de la Corse, hypothéquer la santé humaine des générations futures : voilà les enjeux dont il est question, monsieur le ministre. Il s’agit d’un acte criminel en devenir qui se joue aujourd’hui sous nos yeux.

Depuis six ans, nous demandons l’interdiction totale de ce projet. Malgré un arrêté initial de refus du préfet Alain Thirion, en 2016, et les prescriptions du préfet François Ravier en 2019 pour minimiser les risques du projet, le combat juridique continue.

Ma question est simple : saurez-vous, au nom du devoir supérieur de l’État, protéger la vie et les écosystèmes, être à nos côtés pour interdire les logiques mercantiles qui hypothèquent notre territoire et sacrifient la terre que, demain, nous léguerons à nos enfants ? (Applaudissements sur les travées du GEST – Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Parigi, je vous remercie de votre question. Vous braquez les projecteurs sur la situation très complexe, depuis 2015, de la gestion des déchets en Corse.

Un tiers des déchets produits sur l’île sont triés et orientés vers le continent. Les deux tiers restants, soit 160 000 tonnes, doivent être traités localement. Or les deux installations de stockage existantes ne peuvent accueillir que 100 000 tonnes de déchets par an.

Dans cette situation, la société Oriente Environnement a demandé, en 2016, l’autorisation de stocker des déchets le long du fleuve Tavignanu, sur un site qui présente des risques potentiels d’affaissement. Le préfet a refusé d’accorder cette autorisation, mais le tribunal administratif a annulé cette décision. En 2020, le préfet a décidé d’autoriser, après avis de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), un stockage partiel. En novembre 2022, le tribunal administratif a exigé que nous accordions une autorisation complète de stockage.

Ce sujet est bien évidemment problématique : l’autorité de la chose jugée et la situation que vous décrivez en termes de risques, que les autorités préfectorales ont elles-mêmes soulignée, s’affrontent directement. Plus largement, la question se pose de la gestion des déchets en Corse. Voilà quelques jours, j’aurais dû accompagner le ministre Gérald Darmanin lors d’un déplacement en Corse, puisque cette question fait partie des sujets que nous devons aborder avec les élus insulaires. Ce rendez-vous a été reporté aux premières semaines de l’année 2023. Je ne fuirai pas mes responsabilités et j’irai à la rencontre des élus. (M. Paul Toussaint Parigi marque son approbation.)

Je soutiens bien évidemment la position du préfet, tout comme je fais miennes les inquiétudes exprimées par les élus locaux et ai parfaitement conscience des risques qu’ont pointés de nombreux acteurs. Nous devons trouver une solution. Nous allons nous y atteler dans les prochaines semaines. (Applaudissements sur les travées du RDPI – M. Joël Guerriau applaudit également.)

concessions hydroélectriques françaises

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Chasseing. Monsieur le ministre, les entreprises en détresse dans nos territoires nous écrivent que le coût de l’énergie a été multiplié par quatre ou cinq.

Certes, le dispositif de soutien de l’État aux entreprises a évolué, mais cela reste insuffisant pour bon nombre d’entre elles qui comptent plus de dix salariés. Nous craignons des fermetures.

À l’avenir, la solution réside dans l’augmentation de notre production d’énergie et la diversification de nos sources énergétiques. Nous venons d’examiner un projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, réfléchissons au développement d’une filière nucléaire d’avenir et nous apprêtons à nous prononcer sur une nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie.

Le 17 novembre dernier, Mme la Première ministre a évoqué un travail prochain dont l’objectif sera « de relancer rapidement les investissements dans les barrages, sans nécessiter une remise en concurrence ». Qu’en est-il ?

En Corrèze, et il en va de même dans de nombreux territoires, le projet de station de transfert d’énergie par pompage-turbinage (Step) de Redenat, avec un pompage en heures creuses dans la Dordogne, stagne depuis des décennies. Il permettrait de répondre aux pics de consommation en turbinant à la demande, d’éviter de manquer d’électricité et de réduire les coûts.

Mais voilà, EDF n’est pas en position d’investir dans ce projet, en grande partie à cause de l’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques imposée par l’Europe. Pourtant, plus que jamais, monsieur le ministre, l’énergie est une question de souveraineté pour notre pays. Où en sont ces dossiers ? Qu’en est-il des discussions engagées avec Bruxelles ? À quoi pouvons-nous nous attendre concernant les demandes de prorogation des concessions ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Chasseing, vous avez bien posé les termes du débat : l’hydroélectricité est la première source d’énergie renouvelable dans ce pays, avec 26 gigawatts, et nous pouvons nous féliciter des investissements qui ont été réalisés par nos grands anciens dans ce domaine.

Il y a à la fois une volonté gouvernementale rappelée par la Première ministre et une situation complexe, compte tenu des perspectives d’ouverture à la concurrence et, plus encore, du précontentieux engagé par l’Union européenne sur l’absence de mise en concurrence pour le renouvellement des concessions d’hydroélectricité.

La volonté du Gouvernement de faire en sorte de favoriser des énergies renouvelables et de nous appuyer sur celles qui ont fait leurs preuves, comme l’hydroélectricité, est totale.

Je veux saluer le Sénat, qui, en votant l’article 16 quinquies de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, a notamment validé un processus qui devrait nous permettre de contourner cette difficulté. Cet article prévoit en effet que les dispositions sur les investissements pour assurer la pérennité d’un ouvrage hydroélectrique pourront être réalisées sans mise en concurrence. Tel est le chemin que nous souhaitons suivre.

Vous avez également cité l’entreprise dont nous avons besoin, à savoir EDF. La nomination d’un nouveau président-directeur général, la discussion de sa feuille de route, la caractérisation d’une stratégie qui est à la fois celle du Gouvernement et celle de l’entreprise, avec la perspective de la nationalisation, nous permettent d’avoir un alignement d’astres pour pouvoir relancer ce sujet.

La route est semée d’embûches, mais l’enjeu de souveraineté et de maîtrise de notre énergie commande que nous trouvions des solutions.

Je sais votre attachement à ce sujet, vous l’avez évoqué avec moi tout au début du mois de juillet, lors de notre première rencontre. Je peux vous l’assurer, notre détermination est totale pour dépasser ces obstacles précontentieux et relancer ce dont nous avons besoin, c’est-à-dire une production française d’énergies renouvelables, qui nous permette de tenir le choc et d’offrir à nos entreprises et à nos ménages des tarifs compétitifs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

effets des délestages sur les télécommunications

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Chaize. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la crise énergétique nous amène à revoir nos organisations domestiques comme professionnelles, afin d’adapter nos consommations aux ressources disponibles. Vous nous annoncez cependant, depuis quelques jours, des phases de délestage des réseaux. Ces coupures locales, limitées dans le temps, impacteront l’ensemble des usagers : ménages, entreprises et services publics.

Les réseaux de communications électroniques, qui ont pourtant prouvé leur caractère indispensable durant les phases de confinement, seront également touchés.

Je souhaite donc attirer l’attention du Gouvernement sur le cas spécifique des réseaux de téléphonie mobile, qui acheminent notamment les appels d’urgence. En effet, en cas de coupure même momentanée, les numéros d’urgence, y compris le 112, ne seront pas accessibles sur des pans entiers de nos territoires.

Je pense notamment aux secteurs moins denses, qui ne sont desservis que par un seul pylône. Tout défaut d’alimentation électrique entraînerait alors une impossibilité d’accéder au service, les antennes n’étant pas considérées comme des « équipements prioritaires ».

De surcroît, les éléments les plus structurants du réseau pourraient être aussi concernés. La coupure de certaines antennes aura des répercussions sur le réseau national. Par exemple, les opérateurs pourraient être dans l’incapacité d’assurer des missions de sécurité intérieure.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, ma question est double : quelles garanties pouvez-vous nous donner sur l’acheminement des numéros d’urgence vers les centres de régulation en tout temps et en tout point du territoire ?

M. Patrick Chaize. Envisagez-vous de donner un statut de réseau essentiel aux réseaux de communication ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Chaize, permettez-moi d’abord de saluer l’immense travail des salariés d’EDF, qui mettent notre pays sur la bonne voie, ainsi que l’esprit de responsabilité des Français, puisque Réseau de transport d’électricité (RTE) nous annonce une diminution de presque 10 % de la consommation électrique la semaine dernière par rapport aux années précédentes, dans notre pays.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. La continuité des appels d’urgence que vous évoquez repose sur le 112, qui a l’avantage d’être mutualisé entre tous les opérateurs. Nous œuvrons depuis cet été à limiter au maximum les conséquences d’éventuels délestages sur les réseaux de télécommunications et, donc, sur ces appels d’urgence.

Il s’agit d’un travail inédit et titanesque du fait de la nature et des choix historiques d’organisation des réseaux en France. Il suppose de déterminer l’impact croisé des 60 000 points d’alimentation du réseau électrique avec les 110 000 équipements télécoms, dont 80 000 antennes et 30 000 équipements structurants qui leur permettent de communiquer entre elles.

Je rappelle par ailleurs que, même en l’absence de délestage, le réseau télécom n’est pas infaillible et que chaque antenne, dans notre pays, tombe en panne pour raison technique ou en cas d’intempéries en moyenne une fois par an.

M. François Bonhomme. Contrairement aux bougies…

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. À la demande du Gouvernement, les opérateurs ont ainsi déjà pris des mesures importantes. Ils ont renforcé dès cet automne l’alimentation de plus de mille nœuds et cœurs de réseau, en les équipant de batteries supplémentaires. Je veille à ce que ces batteries soient testées désormais chaque mois.

Ils ont considérablement réduit par ailleurs les délais de transmission de la carte de couverture du 112, afin que le ministère de l’intérieur puisse déployer des moyens de secours additionnels en cas de besoin.

Par ailleurs, en cas de délestage, nous demanderons aux opérateurs de réquisitionner tous les équipements mobiles disponibles, ainsi que les équipes d’astreinte, afin de renforcer la résilience du 112. Nous veillerons également à ce que tous les opérateurs effectuent des simulations pour prioriser les antennes à préserver et renforcer ainsi la résilience du 112 sur la base du travail réalisé cet automne par les préfets et Enedis.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour garantir l’accès aux numéros d’urgence des Français en cas de délestage, mais aussi pour garantir la résilience du réseau télécom ces prochaines années. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)