Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le présent amendement vise donc à améliorer les dispositifs de bouclier tarifaire et d’amortisseur en modifiant à la marge les dispositions présentées à l’Assemblée nationale.

Il prévoit tout d’abord une simplification du dispositif « amortisseur électricité » afin que la réduction de prix dont bénéficie chaque client soit calculée sur la base du prix de l’électricité figurant dans son contrat. On épargne ainsi au client de savoir quelle est sa part d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), de la décomposer et de procéder à un calcul de l’amortisseur sur la part restante. Le fait de retenir le prix du contrat facilitera la vie des fournisseurs d’énergie et la lisibilité du dispositif pour les entreprises.

Cet amendement prévoit également des ajustements du calendrier de versement des compensations aux fournisseurs, l’un des enjeux étant leur trésorerie, car des montants importants vont peser sur leurs besoins en fonds de roulement.

Enfin, l’amendement prévoit quelques ajustements rédactionnels.

Un texte réglementaire servira en effet de support à l’application de ces mesures, mais, je vous rassure, les précisions que je viens d’apporter et celles qui figurent dans la foire aux questions seront reprises dans ce texte, qui tiendra bien évidemment compte des différents points de communication que nous avons faits pour essayer de donner un maximum de visibilité aux entreprises sur ce sujet complexe.

Je rappelle enfin que le guichet de l’Arenh a été fermé hier : 148 térawattheures ont été demandés, et la CRE va désormais procéder à la répartition. Vous le voyez, dans la construction du prix pour les entreprises, nous sommes en flux continu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. Vous l’aurez compris, notre possibilité d’expertise est assez limitée, en raison d’une réelle dissymétrie d’informations entre le Gouvernement et le Parlement.

Certaines précisions qui viennent de nous être communiquées auraient pu l’être bien avant, notamment dans les commentaires d’articles. L’ensemble de la représentation nationale aurait ainsi eu le même niveau d’information et nous aurions pu avoir ce soir un vrai débat sur l’efficacité des dispositifs. (Marques dapprobation sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

En outre, madame la ministre, vous n’avez toujours pas répondu à certaines de mes questions.

Des niveaux de plafond ont été communiqués dans la presse, et les acteurs économiques commencent légitimement à anticiper sur la façon dont ils seront couverts par les différents dispositifs.

Doivent-ils aujourd’hui considérer que le plafond bas est fixé à 180 euros le mégawattheure et le plafond haut à 500 euros, et que ces plafonds s’appliquent à l’ensemble des entités éligibles au dispositif d’amortisseur ? En effet, le texte que vous nous demandez de voter prévoit que les plafonds seront déterminés par décret et qu’ils pourront être modulés selon la nature du bénéficiaire…

Je vous ai aussi interrogée, en vous montrant un graphique, sur un sujet qui sera traité par voie d’arrêté dans le cadre du bouclier. Comment allez-vous gérer les différences d’augmentation de tarifs constatées sur l’année 2022 ? Vous aviez annoncé une hausse limitée à 4 %, mais, dans les faits, un certain nombre de foyers ont connu une hausse pouvant aller jusqu’à 11 %. Demain, le taux de 4 % va devenir 15 %. Pouvez-vous nous assurer que, pour certains foyers, la hausse ne sera pas de 20 % ou de 30 % ?

M. le président. Je suppose que vous réservez votre avis, madame le rapporteur spécial, dans l’attente des observations complémentaires de Mme la ministre…

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. Nous pourrions discuter toute la nuit et nous aurions toujours plus de questions à poser.

Nous ne voulons pas bloquer un processus qui vise à protéger l’ensemble des Français et notre économie, mais souligner notre niveau d’information vraiment très insuffisant.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Lacunaire !

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. En vous posant ces questions, madame la ministre, nous relayons les demandes que nous recevons et nous essayons de faire notre travail de contrôle de l’action du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. S’agissant des niveaux de plafond, nous travaillons en effet sur l’hypothèse d’une borne basse à 180 euros et d’une borne haute à 500 euros.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. Cela reste une hypothèse…

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il n’y aura pas de modulation en fonction des bénéficiaires, donc pas de différence entre une PME ou une collectivité, par exemple. Le filet de sécurité complétera le dispositif pour les collectivités.

Quant à l’augmentation du bouclier de 4 % cette année et de 15 % l’année prochaine, nous appliquons les formules de la CRE. Vous avez raison de le souligner, le taux de 4 % est global ; il recouvre des formules de calcul qui varient en fonction des bases et de pics. Ces formules de calcul ne sont pas à la main du Gouvernement, elles se fondent sur des hypothèses de régulation du marché en lien avec les travaux de la CRE. Il en ressort en effet des profils pouvant varier en fonction des types de consommation.

Nous sommes notamment vigilants sur un point : lorsque vous êtes en tarif tempo, et que vous faites l’effort de décaler votre consommation pour permettre une part d’effacement, vous devriez pouvoir bénéficier d’une incitation plus forte que celle que nous avons constatée jusqu’à présent.

Enfin, le délestage a beaucoup animé les discussions ces derniers jours, à la suite de la communication d’une circulaire aux préfets. Je veux redire ici qu’il ne s’agirait que de l’ultime décision d’un processus comprenant un certain nombre d’étapes.

Le signal EcoWatt orange ou rouge n’est pas une alerte au délestage, c’est une incitation à passer à l’action, à utiliser des mesures hors marché pour baisser la consommation et précisément éviter les délestages.

Luc Rémont l’a confirmé tout à l’heure à la Première ministre et à moi-même : si les acteurs économiques, les collectivités locales et l’État se mobilisent sur les portefeuilles de consommation d’énergie qu’ils maîtrisent, notamment le chauffage et l’eau chaude sanitaire de leurs bâtiments, nous serons en mesure de drastiquement baisser notre consommation ou de la décaler pour éviter les délestages.

Le plan de sobriété est une démarche de long terme qui s’inscrit dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. C’est l’un des leviers de diminution de notre consommation d’énergie finale. Les scénarios de RTE prévoient en effet une baisse de 40 % de notre consommation finale pour tenir les trajectoires de neutralité carbone à l’horizon 2050, ce qui n’est pas exactement l’épaisseur du trait.

Mais pour passer l’hiver, nous tablons aussi sur cette mobilisation autour des signaux EcoWatt vert, orange et rouge. Plus cette « météo » de l’énergie se dégradera, plus ce sera une incitation à passer à l’action, sachant que certaines entreprises ont déjà contractualisé des engagements avec RTE pour effacer de leur propre chef un certain nombre de consommations – par exemple en arrêtant certaines machines – en cas de dégradation des signaux.

Ces engagements doivent nous permettre de limiter considérablement notre consommation, de même que les baisses de tension ou les contrats d’effacement et d’interruptibilité qui ont été négociés. Toutes ces mesures seront activées avant de passer à la mesure de protection ultime pour éviter le black-out.

Dans une situation d’EcoWatt rouge et de risques de délestage, il y aura effectivement une incitation à ne pas surconsommer l’électricité. Je vous rassure, ces tranches de deux ou quatre heures ne feront pas flamber la facture annuelle, mais ce sera une vraie incitation à passer à l’acte. Vous avez pu noter que, dans son protocole, le ministère de l’éducation nationale préviendra les écoles la veille d’éventuelles mesures de délestage. De cette façon, les écoles ne surconsommeront pas lors d’un délestage.

M. le président. Quel est finalement l’avis de la commission, madame le rapporteur spécial ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. Sagesse !

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.

M. Hervé Gillé. Après ces explications très fournies, mais quelque peu indigestes – en dépit de toutes vos qualités, madame la ministre –, il est difficile de séparer le bon grain de l’ivraie.

Certaines propositions du Gouvernement sont déjà sur la place publique avant même d’avoir été discutées de manière approfondie par le Parlement, en particulier par le Sénat.

Très sincèrement, nous sommes mis au pied du mur et nous ne sommes pas véritablement en mesure d’apprécier la qualité de vos propositions.

Pour notre part, nous nous abstiendrons sur cet amendement.

Compte tenu de la précipitation et des délais qui nous sont imposés, il y a une forme de déni du débat parlementaire (M. le rapporteur général de la commission des finances approuve.), et si nous voulions vraiment clarifier notre position politique, nous devrions objectivement voter contre.

Nous allons néanmoins nous abstenir, en essayant d’analyser posément les choses, mais ce n’est pas digne de la qualité du débat que nous devrions avoir compte tenu des enjeux pour le monde économique et la société dans son ensemble.

Au vu des arguments que vous avez avancés, madame la ministre, comment voulez-vous que l’on arrive à juger de la pertinence de votre positionnement politique ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. Le sujet est complexe, il est tard et je ne suis pas certain de tout comprendre. Je fais confiance à la sagesse de la commission.

J’en profite néanmoins pour vous interroger de façon un peu plus large sur cette question, madame la ministre.

Nous savons que les réponses budgétaires seront à un moment limitées. Vous avez parlé de compétitivité, notamment pour les entreprises à l’international. Mais en Allemagne, on parle d’enveloppes de 100 milliards d’euros, contre 10 milliards d’euros en France. Les proportions ne sont pas exactement les mêmes.

Madame la ministre, je voulais vous interroger sur le modèle ibérique. Peut-on espérer agir un jour selon ce modèle, c’est-à-dire sur la révision des tarifs à l’échelle européenne ? Vous étiez la semaine dernière au Conseil des ministres de l’énergie, un Conseil européen se tiendra le 13 décembre, et le ministre de l’économie a souvent fait preuve d’un grand optimisme sur cette possible évolution qui nous éviterait de consommer autant de crédits pour diminuer la facture énergétique des particuliers, des entreprises et collectivités.

Sans entrer dans le détail, si je comprends la complexité de l’amendement et la difficulté d’en maîtriser tous les effets à cette heure, comprenez aussi les inquiétudes qui nous remontent du terrain et notre incapacité parfois à y répondre.

Bien évidemment, les particuliers et les collectivités nous sollicitent, mais le vrai drame serait de voir des entreprises fermer faute de pouvoir faire face à cette hausse du prix de l’énergie.

Une autre piste, qui ne figure pas dans l’amendement, ne doit pas non plus être négligée : ne pourrait-on pas différer le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) pour préserver la trésorerie des entreprises ?

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Beaucoup de choses ont été dites, des questions pertinentes ont été posées, notamment par notre rapporteur spécial Christine Lavarde et par le rapporteur général.

Ce sujet sensible, coûteux – on parle de 50 milliards d’euros – et complexe préoccupe beaucoup de personnes. En dépit du bouclier tarifaire et des autres dispositifs mis en place, les incertitudes restent nombreuses et les implications très importantes pour le monde économique. On peut faire le parallèle avec les conséquences de la crise sanitaire.

Pour les collectivités territoriales et l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille, les représentants de l’État dans les départements, en métropole comme en outre-mer, seront en première ligne pour essayer de rassurer face au coût de l’énergie et des factures.

Je me rangerai à l’avis de sagesse de la commission.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Pour y voir un peu plus clair dans ce brouillard, madame la ministre, je voudrais vous poser quelques questions.

J’attire tout d’abord votre attention sur le cas de petites communes qui auraient dû bénéficier du bouclier tarifaire, mais qui ont été très vertueuses il y a quelques années en troquant leur chauffage au fioul contre des pompes à chaleur. En conséquence, elles ont un compteur électrique d’une puissance supérieure à 36 kilovoltampères (kVA) et sont exclues du bouclier tarifaire. Si elles étaient restées au fioul, l’évolution de leurs dépenses énergétiques aurait été nettement moindre. Je pense en particulier à une petite commune qui compte seulement 400 habitants et 3 ETP… Il y a peut-être quelque chose à inventer pour ces collectivités.

Ensuite, je ne suis pas sûre d’avoir très bien compris le dispositif de l’amortisseur, extrêmement complexe. Je n’ai pas bien compris non plus ce qui était d’ordre réglementaire et d’ordre législatif. Si l’on s’aperçoit, dans les semaines ou les mois à venir, que ce bouclier est totalement insuffisant, pourra-t-on bouger les curseurs par la voie réglementaire ? J’ai peur en effet que le niveau des aides ne soit pas suffisant.

Enfin, j’ai consulté le site du ministère de l’écologie pour examiner les dispositifs en faveur des entreprises. Je pense qu’aucun artisan, sans préjuger de ses capacités intellectuelles, n’est capable de comprendre ces documents. Je ne les ai pas compris non plus. Je vous invite à les faire lire à des professionnels et éventuellement à les simplifier pour vous assurer de leur bonne compréhension.

Je rejoins aussi les propos de mon collègue Stéphane Sautarel : pour ne pas verser de l’eau dans le sable, il faut redessiner au niveau européen une architecture du prix de l’électricité plus conforme avec les coûts de production.

M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.

M. Fabien Genet. Madame la ministre, qui dois-je croire ?

Il y a quelques jours, Bruno Le Maire est venu dans mon département, à Montceau-les-Mines, à la rencontre des chefs d’entreprise. Il s’est saisi de la facture d’un boulanger et s’est étonné de son explosion. Avant même que la baguette ne fasse son entrée au patrimoine mondial de l’Unesco, il a dit à cet artisan que le Gouvernement ne le laisserait pas tomber et que tout serait fait pour qu’il puisse continuer son activité.

Dois-je croire Bruno Le Maire ou Gabriel Attal ? Ce dernier, poussé dans ses retranchements sur le filet de sécurité, a déclaré voilà quelques jours ici même qu’il y aurait inévitablement de la casse pour les collectivités et pour les entreprises…

Ou dois-je vous croire, madame la ministre, et me satisfaire de la manière dont vous avez, avec votre voix suave, balayé l’ensemble des aspects techniques jusqu’à endormir, voire inquiéter certains d’entre nous ? Tout cela pour, in fine, nous inviter à nous rendre sur la foire aux questions du site du ministère, afin de comprendre ce que nous allions voter aujourd’hui et qui s’appliquera demain !

Je reprends l’exemple du boulanger. Il y va de la gastronomie et du patrimoine dit « vivant », dont on peut craindre qu’il ne devienne un patrimoine disparu dans quelques mois. J’ai compris que ce boulanger aurait droit à l’amortisseur.

Le guichet ouvert à Bercy dont vous avez parlé accordera-t-il des aides supplémentaires ? Si oui, à quelle hauteur ? S’agira-t-il de subventions ou de simples facilités de trésorerie, auquel cas le pauvre boulanger mettra peut-être la clé sous la porte au bout non pas de trois semaines, mais de trois mois ? (MM. Emmanuel Capus et Frédéric Marchand simpatientent.)

M. Emmanuel Capus. Allons-nous dépasser le temps imparti à chaque prise de parole ?

M. Fabien Genet. Est-ce vous qui présidez la séance, cher collègue ?

Les questions très précises que je viens de soulever concernent beaucoup de nos compatriotes, en particulier dans les communes rurales. (Marques dagitation sur plusieurs travées.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous prie d’écouter les intervenants dans le calme, et j’invite chaque orateur à respecter le temps de parole qui lui est imparti.

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. Le dossier est complexe. Moi non plus, je ne suis pas sûr d’avoir tout compris. En fait, je suis même certain de ne pas y avoir compris grand-chose.

En l’occurrence, nous avons plusieurs options : voter l’amendement présenté par Mme la ministre, nous abstenir – c’est ce que suggère M. Gillé – ou le rejeter.

Quelles seraient les conséquences d’un rejet ? D’aucuns ne risquent-ils pas de dire que les ajustements n’auront pas pu être mis en place faute de décision de notre part ?

Compte tenu de l’heure tardive – nous pourrions siéger jusqu’au petit matin pour essayer de tout comprendre –, la sagesse voudrait que nous fassions confiance en votant cet amendement (Marques de désaccord sur les travées du groupe Les Républicains.) et que nous procédions au fur et à mesure à des ajustements rédactionnels. Cette dernière possibilité est d’ailleurs prévue dans le texte de l’amendement.

Nous devons avancer, même si nous hésitons pour l’heure sur la direction à prendre. Cet amendement peut être, je l’espère, un filet de sécurité.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je partage globalement l’avis des intervenants précédents.

Malgré la présence en séance de deux présidents de commission, de plusieurs rapporteurs et du rapporteur général du budget, nous sommes un certain nombre à ne pas avoir compris le dispositif.

Demain matin, quand nous retournerons dans nos départements, nous risquons d’éprouver quelques difficultés à expliquer les solutions que nous aurons retenues pour amortir le choc de la crise énergétique après avoir siégé toute la nuit.

Mme la présidente de la commission des affaires économiques a indiqué que le site comportait déjà des informations alors que nous n’avons encore rien voté. Je pense qu’il y a là un petit problème de décalage horaire…

Madame la ministre, je partage la position de M. Longeot, mais je vous en prie : clarifiez les choses ! Faites en sorte que les préfectures disposent d’informations claires, à la fois pour les collectivités, mais aussi pour les professionnels, par strates.

À défaut, la colère s’ajoutera à l’inquiétude, et j’ai de fortes craintes à cet égard. Une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance. Je dirais même qu’en l’occurrence, une grande méfiance est de mise. Mais nous n’avons pas le choix.

Nous voterons donc cet amendement, mais dans les conditions très difficiles qui ont été soulignées. À lui seul, un tel dispositif justifierait que le débat ait lieu à une autre heure, dans un hémicycle plein.

Ce n’est pas le cas, et c’est tout à fait dommageable pour la transparence, la clarté et l’intelligibilité de la loi. Nous voterons tout de même cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En France, nous avons un problème pour que les questions d’énergie soient soumises au débat parlementaire.

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ne passe pas par le Parlement. On se contente de bavardages, alors que ces sujets mobilisent des milliards d’euros et concernent tous les Français, dans leur vie personnelle comme professionnelle.

Je suis dans une colère froide. J’ai donné mon point de vue sur le sens du vote et je n’y reviendrai pas, mais la situation est proprement déconcertante.

Demain, lorsque des chefs d’entreprise, nos concitoyens ou des élus nous demanderont de leur expliquer les différents dispositifs, devrai-je leur conseiller, comme l’a fait la ministre, de consulter la « FAQ » ? Je pense qu’il faudra déjà expliquer à un certain nombre d’entre eux que cela désigne la foire aux questions. Au point où nous en sommes, pourquoi ne pas tout diffuser sur les réseaux sociaux avant le débat au Parlement et nous laisser nous débrouiller ?

Madame la ministre, mes questions sont simples.

Premièrement, pensez-vous que vos dispositifs sont parfaitement adaptés à tous les publics ?

Deuxièmement, comment les acteurs économiques y ont-ils été associés ? Au vu de l’expérience récente, je me méfie un peu.

Troisièmement, les simulateurs en fonction de la consommation qui sont censés être mis en place – je les appelle de mes vœux – seront-ils, comme c’est souhaitable, prêts rapidement ?

Enfin, madame la ministre – voilà longtemps que cela bout chez un certain nombre de Français, en tous les cas sur nos travées –, si vous n’étiez pas allés de renoncements en errements sur le choix du nucléaire, si vous ne lui aviez pas tourné le dos en nous clouant au pilori et en nous faisant passer pour des attardés peu intéressés par le progrès, nous n’en serions pas là ! Il est bien dommage d’avoir fait, finalement, aussi longtemps fausse route. Le changement de direction prendra du temps ! (M. Fabien Genet acquiesce.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit.

Pour la commission des affaires économiques – la présidente Sophie Primas l’a souligné –, les conditions d’examen du texte ont été encore pires que pour la commission des finances. Nous avons rendu un avis sans même disposer des éléments nécessaires ! Or l’énergie est tout de même un dossier qui concerne l’économie de notre pays !

Madame la ministre, je vous ai écoutée attentivement. Je pense que certains points vous ont échappé. Par exemple, cela fait longtemps que nous alertons sur le problème du 36 kVA. Vous avez balayé la question en indiquant que le 36 kVA passait du côté de l’amortisseur. Je ne sais pas si vous vous rendez compte des situations de grande distorsion de concurrence dans lesquelles vous mettrez ainsi un certain nombre d’activités.

Personnellement, en termes de responsabilité, je ne peux pas me satisfaire de me faire expliquer demain par le préfet ce que nous décidons aujourd’hui dans l’hémicycle.

M. Olivier Rietmann. Moi non plus !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Daniel Gremillet. Cela n’est pas possible ! J’ai choisi l’exemple du 36 kVA, car il est parlant pour nous tous.

Quelle que soit leur taille, les collectivités sont confrontées au problème de l’énergie. J’anticipe légèrement sur l’amendement que je défendrai ultérieurement. Nous voulons effectivement nous assurer que l’ensemble des collectivités seront bien prises en compte.

S’abstenir n’a pas de sens à mes yeux. Nous sommes dans une situation qui nous empêche de nous déterminer. Mesurez, chers collègues, le manque de clarté de l’amendement du Gouvernement ! On peut y mettre des tas de choses et son adoption créerait des situations de grave distorsion.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Deux voies se présentent aux entreprises.

La première est d’attendre l’amortisseur sur la facture. Cela se fait sans dossier, sans instruction et de manière automatique. Effectivement, un simulateur sera mis à leur disposition dans les prochains jours. Il permettra, sur la base du coût de votre contrat, d’obtenir le « coût de sortie » du mégawattheure.

La simplification visée par cet amendement permettra d’expliquer plus facilement le dispositif, avec les 180 euros, le plafond de 500 euros, le coût contrat, etc. Nous voyons à peu près comment cela fonctionne.

L’automaticité permet de réduire à zéro le taux de non-recours, ce problème étant commun à tous les dispositifs de politique publique que nous mettons en place. À titre d’exemple, même le chèque énergie, dont le taux de non-recours est le plus faible, affiche un taux légèrement inférieur à 20 %.

La deuxième voie qui s’offre aux entreprises est de s’adresser à la direction générale des finances publiques (DGFiP). C’est elle qui peut répondre aux demandes relatives aux aides ou à l’augmentation du prix du gaz et de l’électricité.

Là encore, le dossier est très simple à remplir, d’autant que les interlocuteurs sont ceux avec lesquels les professionnels sont en lien pour le traitement de leurs impôts ou dans le cadre des dispositifs antérieurs de soutien. Le fonds de solidarité, par exemple, avait été versé par la DGFiP.

M. Fabien Genet. Ce sont des aides ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Oui : il s’agit d’aides budgétaires. Vous les avez déjà votées, puisqu’elles figurent dans le budget pour 2022. Elles sont reconduites dans le budget pour 2023. Seuls les critères d’ouverture ont été relâchés par rapport à ce que vous connaissez depuis le mois de mars dernier, ces aides étant assises sur le cadre dit « Ukraine », qui a été publié pour l’ensemble des pays membres de l’Union européenne.

Ces deux points d’entrée sont donc très simples. En outre, les aides sont payées d’avance, sur la base d’une prévision de consommation. À la différence d’autres aides, elles ne sont pas versées en fin d’exercice sur la base de la réalité du consommé. Il n’y a donc pas d’attente de la part des bénéficiaires.

Vous me demandez ensuite si toutes les collectivités locales disposent d’un dispositif. La réponse est oui. Elles sont toutes éligibles soit au bouclier, soit à l’amortisseur.

Je vous confirme qu’une concertation – d’ailleurs, vous avez pu la suivre – a bien eu lieu. Christophe Béchu a échangé avec les élus des collectivités locales, et j’ai consulté, avec Bruno Le Maire, l’ensemble du monde économique.

C’est d’ailleurs le monde économique qui, au terme d’une réunion qui s’est tenue voilà plus d’un mois, a désigné l’amortisseur comme dispositif d’aide automatique sur facture, en complément des aides ciblées avec instruction de dossier.

Ce n’est qu’ensuite que nous avons travaillé à la mise en œuvre concrète de l’aide. En tout état de cause, tout le monde était présent à cette réunion, de l’Union des entreprises de proximité (U2P) en passant par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), les filières industrielles, France Industrie ou encore la Fédération du commerce et de la distribution. Une concertation a donc bien eu lieu.

Les acteurs économiques peuvent, certes, juger l’aide suffisante ou insuffisante. Tout est question de niveau et donc de réglages. En la matière, nous pourrons bien sûr agir – cela relève du domaine réglementaire –, mais toujours dans la limite de l’enveloppe des crédits.

Autant nous pouvons régler les curseurs en début de consommation du dispositif, autant nous devrons vous soumettre des ajustements ultérieurement, en cas de modifications substantielles. Il faudra bien alors abonder les crédits.

Je rappelle que ces aides seront financées à la fois par l’abondement des énergies renouvelables au budget de l’État et par la contribution sur la rente inframarginale.

Au fond, la logique est assez implacable. Il s’agit de récupérer le surplus de bénéfice de ceux qui vendent le gaz et l’électricité à des tarifs très élevés pour le reverser au consommateur. La mécanique est relativement équilibrée et permet d’atteindre des montants de soutien qui sont très importants.

La comparaison avec l’Allemagne est une question importante. N’oublions pas que nos voisins d’outre-Rhin ne disposent pas de l’Arenh. Nous avons évoqué dans cet hémicycle les limites de ce mécanisme. Mais, du point de vue des entreprises, l’Arenh est aussi une chance, car il permet d’accéder à l’énergie nucléaire à un coût compétitif. L’aide représente plusieurs dizaines de milliards d’euros. Il faut bien intégrer cette donnée dans la réflexion lorsque nous nous comparons avec les Allemands.

D’ailleurs, ces derniers mettent souvent en avant l’Arenh dans les discussions, en soulignant qu’ils ne font que nous rattraper. En outre, l’aide qu’avait envisagée l’Allemagne s’apparente quelque peu, dans sa conception, au mécanisme d’Arenh.

Monsieur Husson, la PPE sera évidemment soumise au vote du Sénat. Je le rappelle, la loi Climat et résilience prévoit qu’un projet de loi de programmation de l’énergie et du climat, sur lequel nous devrions travailler à compter du second semestre 2023, sera voté par le Parlement. Cela inclut la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Je transmettrai vos remarques relatives aux documents de présentation aux rédacteurs de la foire aux questions.

Quid du rôle des représentants de l’État ? Les comités départementaux d’examen des problèmes de financement des entreprises (Codefi) viendront en appui des entreprises en difficulté. Là encore, les dispositifs ne sont pas nouveaux. Les exercices 2020 et 2021 ont été marqués par la covid-19. Les équipes de Bercy sont mobilisées pour accompagner les entreprises dans leurs difficultés de trésorerie et faire en sorte qu’elles passent ce cap difficile.

Si nous ne pouvons pas prendre de mesure générale sur les prêts garantis par l’État (PGE), vous savez qu’il est toujours possible, dans le cadre de l’accompagnement d’entreprises en difficulté, de prévoir des plans à dix ans comprenant notamment des échéanciers de remboursement ensuite validés de manière assez simple, pas forcément par le tribunal de commerce. N’oublions pas que ces dispositifs existent.