M. Stéphane Sautarel. Je commencerai en rappelant quelques éléments.

D’abord, les collectivités territoriales ne sont pas un problème pour les comptes de la Nation. Chacun connaît – inutile de développer ce point une nouvelle fois – l’obligation qui est la leur de voter des budgets à l’équilibre ; cette véritable règle d’or garantit la bonne gestion locale.

Ensuite, les dotations ne sont pas des subventions de l’État. Elles sont non pas un don, mais un dû ! C’est la contrepartie, à l’euro constant près, soit de la nationalisation d’une fiscalité jusqu’alors locale, soit d’un transfert de charges de l’État vers les collectivités.

Notre principe constitutionnel de libre administration des collectivités ne doit plus être bafoué. Ne pas garantir en euros constants les recettes censées appartenir aux collectivités, via le produit du résidu de fiscalité locale et, surtout, des dotations qui s’y sont substituées, remet en cause pour chacune d’entre elles – mes collègues l’ont déjà souligné – un équilibre déjà précaire.

De plus, dans la période de difficultés que connaît notre pays, leur vertu contracyclique de soutien à l’activité aura un effet récessionniste, car elles pèsent 70 % de l’investissement public.

Le vrai sujet de préoccupation des communes n’est pas la DGF; c’est, plus globalement, l’autofinancement. Il est possible d’agir sur les dépenses ; le bouclier tarifaire va y contribuer. Mais il faut également agir sur les recettes. La DGF est la principale ressource de nombre de communes, notamment les rurales et les plus petites.

La DGF, qui n’a pas été revalorisée en 2022 malgré l’inflation subie, ne peut pas ne pas l’être significativement en 2023. L’amendement que je présente vise donc à l’indexer sur l’inflation.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour présenter l’amendement n° I-524 rectifié.

Mme Jocelyne Guidez. Mon amendement a été très bien défendu par mon collègue Stéphane Sautarel.

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° I-552.

M. Thierry Cozic. Ainsi que nous le savons dans cette assemblée, la DGF est une dotation vitale pour le bloc communal, car elle représente un pilier de l’autonomie financière locale. L’amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à répondre aux préoccupations légitimes des maires et des présidents d’intercommunalités, pour qui le coût des dépenses contraintes a augmenté de manière exponentielle.

En effet, à l’instar de la population, les communes subissent de plein fouet l’inflation : énergie, denrées alimentaires en restauration scolaire, construction, etc. Elles subissent également les décisions de l’État : empilement des normes, hausse du point d’indice de la fonction publique.

Donner par le biais de la DGF des marges de manœuvre budgétaires légitimes au bloc communal, dont les dépenses contraintes connaissent une hausse exponentielle, me paraît une nécessité aujourd’hui.

Plus généralement, monsieur le ministre, si nous en sommes à lutter bec et ongles lors des débats budgétaires pour obtenir plus de moyens, c’est parce que vous avez placé nos collectivités dans une situation de dépendance envers l’État…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Parce que Hollande a donné son coup de rabot !

M. Thierry Cozic. … en rognant depuis six ans leur autonomie financière. Vous avez supprimé la majeure partie des impôts dont elles percevaient les recettes et dont elles pouvaient moduler les taux. Par vos réformes, vous siphonnez de manière systémique leurs recettes, plaçant ainsi les communes sous perfusion de dotations, que vous pouvez moduler de façon discrétionnaire.

Je crois qu’il est important aujourd’hui d’être à la hauteur des besoins, ce qui suppose d’émettre un avis favorable sur notre amendement.

M. le président. L’amendement n° I-918 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour présenter l’amendement n° I-1009 rectifié ter.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Cet amendement est défendu.

M. le président. L’amendement n° I-1072 rectifié ter n’est pas soutenu.

La parole est à M. Christian Bilhac, pour présenter l’amendement n° I-1397 rectifié.

M. Christian Bilhac. Je propose également de revaloriser la DGF à hauteur de l’indice des prix à la consommation, ce qui représente une hausse de 4,2 %.

Je rappelle l’importance du soutien que les collectivités locales apportent à nos administrés frappés par la crise, avec la hausse des prix du carburant et de l’énergie, ainsi que leur rôle dans l’investissement public, pour ne pas dire dans l’économie du pays.

Cette hausse de 4,2 % représenterait 1,1 milliard d’euros. Sachant que le montant de DGF pour l’instant prévu dans PLF est de 26,9 milliards d’euros, cela ferait un total de 28 milliards d’euros. Pour mémoire, voilà dix ans, en 2013, la DGF s’élevait à 40 milliards d’euros.

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° I-1487 rectifié bis.

M. Franck Menonville. Dans le contexte actuel, il est primordial que les collectivités locales, en particulier le bloc communal et les départements, soient en capacité d’agir pour amortir les répercussions de la crise en assurant la continuité de leurs missions de service public. C’est le sens de notre amendement.

M. le président. L’amendement n° I-64 rectifié ter, présenté par MM. Delcros et Canévet, Mme Vermeillet, MM. Levi, Longeot, Laugier et Prince, Mme N. Goulet, M. Kern, Mmes Ract-Madoux, Perrot, Saint-Pé et Billon, MM. Le Nay et Cigolotti, Mmes Gacquerre, Morin-Desailly et Doineau, MM. Maurey et Duffourg et Mme Dindar, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Augmenter le montant de :

177 000 000

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Bernard Delcros.

M. Bernard Delcros. Cet amendement est défendu.

M. le président. L’amendement n° I-519 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Sans surprise, l’avis de la commission sera défavorable sur tous ces amendements. Nous avons déjà eu ce débat.

J’entends des critiques assez sévères sur la situation actuelle. Pourtant, il fut un temps où l’on entendait moins de contestations sur la partie gauche de l’hémicycle alors qu’il y avait des coupes radicales ; on avait appelé cela le « rabot », et c’était relativement violent. (MDidier Rambaud acquiesce. – Protestations sur des travées du groupe SER.) Je dis posément les choses, mes chers collègues. De toute manière, c’est derrière nous, et nous devons faire avec.

Comme il n’y a pas abondance de biens – j’ai entendu plusieurs demandes de baisse des collectivités territoriales –, tâchons de faire preuve de cohérence.

Dans cette assemblée, nous serons attentifs aux finances des collectivités locales. Il arrive que certains se laissent un peu aller, en prétendant que les collectivités locales seraient en bonne santé et que leurs finances sont saines.

Il est vrai que leurs finances sont bien gérées, mieux que celles de l’État. (Marques dapprobation sur plusieurs travées.)

M. Éric Bocquet. Tout à fait !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’État est en déficit, et sa dette est colossale. Ce n’est pas le cas des collectivités locales, qui mobilisent l’effort.

Mais la crise des énergies, même si l’impact sur les coûts n’est pas encore trop fort à ce stade, s’annonce. Il va y avoir un dispositif d’amortisseur et un deuxième acte du filet de sécurité. Nous allons imprimer la marque du Sénat, au bénéfice des collectivités locales. Il nous apparaît que, compte tenu des enjeux, de tels dispositifs doivent être prioritaires, afin de mettre nos concitoyens à l’abri. Le Gouvernement a fait une partie du chemin. Nous allons nous attacher à améliorer fortement les choses.

Nous veillerons également à ce que les collectivités locales – je le redis, elles sont bien gérées – ne soient pas les victimes par défaut. Elles sont le chaînon majeur de la proximité entre les pouvoirs locaux et les citoyens. Nous les soutiendrons pour qu’elles puissent continuer à mener des politiques d’investissement et à maintenir de bons niveaux de services de proximité.

On ne peut pas tout avoir ; il faut être raisonnable. Je ne suis pas pour le gaspillage. Le « quoi qu’il en coûte », qui s’est évaporé, a, je le crois, retourné les esprits de nos concitoyens, voire pire.

Nous devons réintroduire de la raison et nous mettre en condition d’affronter ensemble des temps plus difficiles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Depuis le début de l’examen du projet de loi de finances, comme lors de l’examen de textes précédents, vous m’avez souvent entendu dire que je refusais d’opposer l’État et les collectivités locales. C’est peut-être lié au fait que je fais partie des quelques membres du Gouvernement exerçant un mandat local ; je suis élu dans ma commune depuis près de dix ans.

Au sein du Gouvernement, notre conviction est qu’entre l’État et les collectivités locales, chacun a besoin de l’autre. Nous partageons tous un même intérêt et objectif : maintenir l’investissement en France. Il nous faut affronter de grandes transitions : la transition écologique, la transition démographique, la transition numérique. Tout cela nécessite des investissements, et l’État et les collectivités locales sont interdépendants à cet égard. Il faut donc avancer ensemble.

Je reviens sur un certain nombre de propos qui ont été tenus et sur les dernières années. Je peux tout entendre. Mais – excusez-moi –, il n’est pas vrai que nous aurions « tapé dans les caisses des collectivités locales » ! C’est au cours du quinquennat de François Hollande que cela s’est produit : la DGF a été amputée de 11 milliards d’euros !

Mme Jocelyne Guidez et M. Sébastien Meurant. C’est vrai !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Voilà ce que c’est, « taper dans les caisses des collectivités locales » !

Avons-nous baissé la DGF ? Non !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Notre engagement était de sanctuariser l’enveloppe de la DGF : nous l’avons tenu. La DGF a été maintenue à 27 milliards d’euros. Elle n’a donc pas baissé, conformément à notre promesse.

Les concours de l’État aux collectivités territoriales ont-ils baissé ? Non ! En 2017, ils se sont élevés à 47,2 milliards d’euros, et, en 2022, à 52,7 milliards d’euros, soit 5,5 milliards d’euros supplémentaires, une augmentation de 2,2 % par an. À combien s’élevait l’inflation, en moyenne, sur ces cinq dernières années ? À 1,2 %. Par conséquent, l’augmentation est supérieure d’un point à l’inflation.

Une DGF qui ne baisse pas et des concours qui augmentent, je n’appelle pas cela « taper dans les caisses des collectivités locales », surtout si l’on compare avec le quinquennat précédent et ses baisses de la DGF. J’ose le dire !

Mme Laurence Cohen. Dites tout ce que vous voulez…

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Si le fait de ne pas baisser les dotations et d’augmenter les concours suscite in fine les mêmes critiques que si l’on avait amputé la DGF de 11 milliards d’euros, les futurs gouvernements, quelle que soit leur orientation politique, se diront qu’à tout prendre, il y a là un moyen simple de réaliser des économies ! (M. Pascal Savoldelli sexclame.)

Il est tout de même important de dire les choses de manière objective ! Il est possible de considérer qu’il faut faire plus ; je l’entends. Mais il me semble injuste de tenir les mêmes propos sur ces cinq dernières années que sur les cinq années qui précédaient. Encore une fois, je ne crois pas que ce soit rendre service aux collectivités locales pour les prochains quinquennats !

Les collectivités vont-elles plus mal aujourd’hui qu’avant 2017 ? (Oui ! sur les travées des groupes Les Républicains et SER.) Je dirais que la situation est contrastée selon les collectivités. (Railleries sur les mêmes travées, ainsi que sur celles du groupe CRCE.) Nous sommes là pour débattre !

J’essaie d’avancer des chiffres objectifs. Il suffit de comparer la situation des collectivités locales de 2017 par rapport à celle de 2022 : l’épargne brute a connu une augmentation de 21,6 %. On me répliquera que ce chiffre englobe l’ensemble des collectivités locales, mais que le bloc communal est celui qui souffre le plus de la hausse de la dépense et de la baisse des recettes. Depuis 2017, l’épargne brute du bloc communal est en augmentation de 18 % ! Ses recettes réelles de fonctionnement ont gagné en moyenne 2 % par an, et ses dépenses réelles en investissement de 1,6 %. Rappelons que l’inflation de ces dernières années s’est élevée, en moyenne, à 1,2 %.

Je sais que derrière ces chiffres et moyennes se cachent des disparités de situation absolues.

M. Mathieu Darnaud. En effet ! Cela ne veut rien dire !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. J’en suis totalement convaincu ! Mais il n’est pas possible de parler de saccage des finances des collectivités locales au cours de ces dernières années.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ce n’est pas objectif, au regard des chiffres.

Les collectivités sont-elles fragilisées par l’inflation et par la hausse des prix de l’énergie ? Évidemment ! C’est bien pour cette raison que, dès cet été, nous avons fait le choix d’agir pour 2022, avec le filet de sécurité.

Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Pascal Savoldelli. On va en parler !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Oui ! Nous approchons des 4 000 communes qui ont reçu un acompte. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER. – Brouhaha.)

M. Jean-Michel Arnaud. Sur les 22 000 prévues !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le banc du Gouvernement, il ne nous est pas permis de vous interpeller, même si, parfois, ce n’est pas l’envie qui nous en manque. J’apprécierais donc que vous ne m’interrompiez pas non plus.

En quelques semaines, 4 000 communes ont reçu un acompte, sachant que de nombreux maires – certains me l’ont dit – n’en demandent pas. En effet, ils souhaitent clore leur exercice comptable pour être sûrs de pouvoir bénéficier de l’aide. Ils ne voudraient pas recevoir un acompte, et devoir ensuite le rendre.

À ma demande, nous trions chaque semaine – cela représente un important travail – les acomptes validés pour les communes, les classant par département, afin d’adresser la liste à chacun d’entre vous ; vous devriez déjà recevoir la vôtre. En effet, chaque sénateur en reçoit une, quel que soit son groupe politique, pour être informé en toute transparence de ce qu’il se passe dans son département.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est vrai ! Et c’est suffisamment rare pour être souligné.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Dans mon département, c’est 0 pour 900 communes !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ce n’est pas possible.

Le filet de sécurité a été une première réponse cette année. Hier après-midi, j’ai reçu une quinzaine de maires provenant de territoires de toutes tailles. Ils m’ont assuré qu’une telle mesure les avait aidés à boucler leur budget de l’année 2022. Je le répète, je parle de 2022, année où la situation est nettement moins dégradée, du point de vue de l’inflation, qu’elle ne le sera en 2023. Ils m’ont d’ailleurs fait part de leur inquiétude à cet égard.

Quand l’inflation sur les prix de l’énergie a démarré, la demande d’indexation de la DGF a émergé dans le débat politique. Des associations d’élus, des groupes politiques et des parlementaires ont réclamé sa mise en œuvre pour soutenir les collectivités locales, certains suggérant de le faire à titre seulement temporaire pendant la crise.

Je le dis, en tant que ministre du budget, si j’avais choisi de répondre à la crise en indexant la DGF, j’aurais fait le choix d’économies budgétaires ! En effet, l’indexation pour 2023 représenterait une hausse de la DGF de 1,1 milliard d’euros. Entre le filet de sécurité, l’amortisseur sur les prix de l’électricité pour les collectivités locales et la revalorisation de 320 millions d’euros de la DGF, nous mobiliserons l’an prochain 2,8 milliards d’euros. Nous faisons donc quasiment trois fois plus ! Et nous le faisons non pas pour le plaisir de dépenser de l’argent, mais parce que cela nous paraît plus efficace pour accompagner les collectivités.

Indexer la DGF serait une forme de saupoudrage. Nous aiderions peut-être plus des collectivités ayant moins besoin d’être accompagnées et moins celles qui en auraient plus besoin. Notre ambition est de permettre aux collectivités territoriales de tenir et de franchir cette crise pour pouvoir, ensuite, continuer à investir.

C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ces amendements visant à indexer la DGF sur l’inflation, non pas parce que je ne voudrais pas aider les collectivités, mais parce que notre proposition est meilleure ! Il vaut mieux bénéficier d’un amortisseur sur le prix de l’électricité qui va faire concrètement baisser la facture de 20 % ou de 30 %. Il vaut mieux profiter d’un filet de sécurité dont le montant sera triplé par rapport à 2022, puisqu’il s’élèvera à 1,5 milliard d’euros, contre 430 millions d’euros en 2022.

En outre, nous augmentons la DGF de 320 millions d’euros pour neutraliser les effets de la péréquation sur l’enveloppe forfaitaire. Depuis cinq ans, l’enveloppe de la DGF a été sanctuarisée. Je me suis beaucoup déplacé sur le terrain. Des maires m’ont indiqué que, malgré cette sanctuarisation, leur DGF avait baissé. La raison est simple : les dotations de péréquation, allant de la dotation politique de la ville aux zones de revitalisation rurale (ZRR), en gonflant, empiètent sur l’enveloppe forfaitaire. Si nous n’agissions pas l’an prochain sur la DGF, 60 % des communes verraient la leur baisser.

Avec l’abondement de 320 millions d’euros des enveloppes de péréquation, 95 % des communes verront leur DGF augmenter ; pour certaines, ce sera de peu, mais ce sera tout de même une augmentation.

Je ne suis ni naïf ni dans l’autosatisfaction. Je sais que nous ne réglons pas tout et que des inquiétudes demeurent. J’ai passé un long moment hier à échanger avec des maires. J’en ai aussi rencontré beaucoup jusque dans les couloirs du palais du Luxembourg, congrès des maires oblige. Tous m’ont dit que leur avenir reposait sur mes frêles épaules ; j’en ressens une certaine pression… Mais cela montre surtout ce qu’ils attendent de nous et de notre capacité à répondre à leurs difficultés et à leurs inquiétudes.

Or nous y répondrons, je le crois, plus efficacement avec l’amortisseur sur les prix de l’électricité, avec le filet de sécurité triplé à 1,5 milliard d’euros et avec la revalorisation de la DGF de 320 millions, plutôt qu’avec une indexation pour solde de tout compte, qui n’accompagnerait pas les bonnes communes au bon niveau et qui en laisserait encore beaucoup en grande difficulté.

Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, vous avez raison, nous n’avons pas à vous interrompre. Je rappelle simplement que je dispose de deux minutes de temps de parole pour explication de vote tandis que vous venez de parler plus de dix minutes…

Il m’avait semblé venir ce soir dans l’hémicycle du Sénat, et pas dans une cour d’école.

Je n’en suis pas à me demander si c’était mieux ou pire avant ni à me battre pour savoir si les collectivités étaient plus ou moins ponctionnées hier qu’aujourd’hui !

Depuis dix ans, les budgets locaux sont une variable d’ajustement du budget de l’État, ce qui rend la situation actuelle encore plus dure à supporter ! Je suis d’autant plus tranquille pour le dire que, depuis dix ans, chaque mois de novembre, je fais partie de ceux qui dénoncent l’utilisation des budgets des collectivités territoriales comme variable d’ajustement, les privant de leur capacité d’« investir dans le pays », pour reprendre vos propres termes.

Pour investir, il leur faut de la visibilité à court terme et à long terme et une capacité d’autofinancement suffisamment importante.

Nous voterons ces amendements, car il est nécessaire d’acter enfin un principe fort, celui de l’indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation. À défaut, la crise que nous connaissons aura des conséquences terribles pour l’investissement public. Il ne s’agit pas de faire plaisir aux maires ; au bout du compte, ce sont les artisans, les TPE, les PME, la richesse et l’emploi de nos concitoyens qui sont en jeu. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – MM. Jacques Fernique et Stéphane Le Rudulier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Nous ressentons une certaine fatigue à entendre ressasser que les dotations ont baissé sous le quinquennat de François Hollande.

M. Didier Rambaud. C’est pourtant vrai !

M. Éric Kerrouche. Monsieur Attal, sans doute souffrez-vous de stress post-traumatique, car à l’époque – je me permets de vous le rappeler –, vous étiez dans un cabinet ministériel.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Quel est le rapport ?

M. Éric Kerrouche. Certes, quand on a changé de crémerie, il est difficile de l’admettre.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. M. le ministre est en reconversion ! (Sourires.)

M. Éric Kerrouche. Mais celui qui est aujourd’hui dans la logique austéritaire, c’est vous !

Je voudrais aussi dire à nos collègues de la majorité sénatoriale que nous n’avons pas de leçons à recevoir sur la baisse des ressources des collectivités territoriales.

Que chacun balaye devant sa porte ! En 2011, le déficit public, qui n’avait jamais été aussi important, s’élevait à 5,4 % ! Comment s’étonner ensuite qu’il ait fallu prendre des mesures ? (Marques dagacement sur les travées du groupe Les Républicains.) Le jeu de rôle auquel nous assistons est un peu facile…

Monsieur le ministre, ayant changé de crémerie, vous portez déjà la responsabilité d’un quinquennat et vous en commencez un nouveau. Ceux qui sont dans la logique austéritaire vis-à-vis des collectivités, c’est vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.

Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, j’étais presque d’accord avec l’ensemble de vos propos, à l’exception de petits détails qui n’en sont pas.

Vous dites que l’enveloppe de DGF n’a pas bougé ? C’est vrai pour le volume, mais c’est faux dans le détail. Quand vous augmentez la part de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR), vous diminuez la part forfaitaire de la DGF que toutes les communes touchent. Celles qui ne perçoivent que la DGF ont donc vu leur dotation baisser, et ce depuis longtemps. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous évoquez une augmentation de la DGF. Or cette mesure serait particulièrement inique pour les communes qui ont zéro DGF depuis des années : que la dotation soit indexée ou non sur l’inflation, elles toucheront toujours zéro ! (Mme Sophie Primas acquiesce.)

Ces communes, considérées comme riches, paient de la péréquation et ne bénéficient d’aucun des dispositifs de soutien mis en place en 2022, alors qu’elles ont aussi des équipements publics, des écoles, des transports scolaires à financer. Autant dire qu’elles doivent payer tout avec quasiment rien !

MM. Thomas Dossus et Franck Montaugé. Mais elles sont riches !

Mme Christine Lavarde. Elles ne sont pas forcément riches. Beaucoup d’entre elles ont peu d’épargne et ne perçoivent jamais rien !

L’indexation à l’aveugle de la DGF ne ciblerait pas les communes ayant réellement besoin d’aide. C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons de mettre en place un bouclier. Ce sera un dispositif plus équitable, qui mettra toutes les communes sur un pied d’égalité et permettra de les confronter selon l’augmentation réelle de leurs coûts. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour explication de vote.

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, quand j’ai dit qu’il fallait changer de paradigme, je ne ciblais pas votre gouvernement en particulier. Depuis douze ans l’enveloppe n’a cessé de baisser. Entre 2013 et aujourd’hui, elle est passée de 40 milliards d’euros à 27 milliards d’euros, soit 13 milliards d’euros évaporés par rapport à la dotation initiale !

Tout cela n’est pas de votre pleine et entière responsabilité. Mais au bout du compte, c’est bel et bien l’investissement public local qui est remis en question.

Vous parlez d’excédent, mais les disparités sont considérables. J’avais déposé voilà quelques mois un amendement d’appel lors de l’examen du PLFR pour revoir les relations financières entre les communes et l’État et trouver un système différent avec plus de péréquation et de transparence.

Je partage les propos de Christine Lavarde : si la DGF compense un impôt supprimé ou représente la contrepartie d’un service exercé par une commune en lieu et place de l’État, une dotation nulle n’a pas de sens. La philosophie qui s’applique à une dotation est différente de celle d’une subvention.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

M. Stéphane Sautarel. Je ne conteste pas la difficulté de l’exercice, et je comprends qu’il faille chercher des solutions dans tous les angles de ce budget.

Je veux toutefois rappeler que la DGF répond à des transferts de fiscalité ou de compétences. Il ne s’agit aucunement d’une subvention. Dès lors, il n’est pas possible de parler de saupoudrage. La dotation vient équilibrer les choses, compenser des transferts : c’est un dû, fruit de l’histoire, pas un don.

Par ailleurs, comme l’ont souligné plusieurs de mes collègues, la DGF ne règle pas tout. Il faut reconsidérer globalement le périmètre de financement des collectivités. Nous aurons sans doute à en débattre dans les mois ou les années à venir.

Il faut aussi prendre en compte les situations individuelles de chaque commune, dont beaucoup sont en grande difficulté. En 2023, nous assisterons sans doute à l’extinction totale de l’autofinancement dans de nombreuses communes. Je ne sais pas si nous imaginons les conséquences que cela aura non seulement pour les communes concernées, mais aussi pour l’investissement public dans notre pays. (Mmes Cécile Cukierman et Cathy Apourceau-Poly acquiescent.)

Enfin, sur un plan un peu plus technique, il me semble que si l’augmentation du volume de la DGF peut avoir un impact sur la dépense publique, elle n’en aura aucun sur le solde global du périmètre public dans la mesure où il s’agit d’un transfert entre État et collectivités.