Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances fixe à 24,5 milliards d’euros la contribution de la France au budget de l’Union européenne pour 2023, un montant en baisse par rapport à l’année dernière.

Comme chaque année, certains contesteront le coût prétendument exorbitant que représente la contribution nette de la France au budget de l’Union. C’est oublier un peu vite que la mutualisation permet des bénéfices bien supérieurs à la somme des contributions de chaque État membre, à commencer par l’accès au marché unique, dont les bénéfices annuels sont estimés à 124 milliards d’euros.

Il n’en demeure pas moins que nous devons rester attentifs à la façon dont cette contribution importante est dépensée à Bruxelles.

L’Europe traverse une série de crises – sanitaire, climatique, énergétique, migratoire, inflationniste… – sans précédent dans son histoire qui exigent des réponses fortes.

Certes, les événements récents nous ont une nouvelle fois montré que c’était dans les crises que le projet européen avançait le plus vite.

Face au Brexit, l’Europe a fait preuve d’une unité sans faille et obtenu gain de cause pour presque toutes ses attentes.

Face au covid-19, après quelques débuts hésitants, elle s’est dotée d’instruments permettant d’affronter de futures grandes épidémies, d’un plan de relance massif et d’un emprunt commun d’une ampleur inédite.

Face à la guerre en Ukraine, elle a pour la première fois montré ses muscles et fait avancer l’Europe de la défense bien plus vite en cinq jours qu’en cinquante ans d’existence.

Mais les réjouissances s’arrêtent là ! Car si l’Europe s’est bel et bien réveillée, elle reste encore au milieu du gué, semblant éprouver toujours autant de difficultés à transformer ses intentions ambitieuses en actes décisifs.

En matière énergétique, les réponses se font toujours attendre pour, d’une part, casser la spirale inflationniste qui ne cesse de s’emballer et, d’autre part, assurer notre indépendance stratégique à long terme. N’oublions pas que la Commission européenne a attendu la dernière minute pour introduire le nucléaire dans sa liste des activités durables, alors que le gaz, beaucoup plus polluant, y figurait déjà depuis longtemps.

Le même constat peut être fait pour ce qui concerne notre souveraineté alimentaire. Malgré les nombreuses alertes du Sénat, la Commission n’a eu de cesse de remettre en cause la politique agricole commune, diminuant les revenus de nos agriculteurs, leur imposant de ne plus produire sur une partie de leurs terres et menaçant de faire baisser leurs rendements dans le cadre de la stratégie « de la ferme à la table », alors même que, pour la première fois cette année, l’agriculture française ne peut plus nourrir l’ensemble de la population de notre pays.

J’ai également du mal à comprendre les décisions budgétaires du Conseil, qui, par rapport à la proposition initiale, tendaient à diminuer de 50 millions d’euros le budget alloué aux migrations et à la gestion des frontières, et de 12 millions d’euros celui qui est dédié à la sécurité et à la défense, alors même que nous connaissons de graves troubles géopolitiques.

L’accord interinstitutionnel survenu cette semaine, qui rend d’ailleurs déjà obsolète l’évaluation de la contribution française, comme l’amendement du Gouvernement en est l’illustration, a certes rebattu les cartes, mais au regard du contexte actuel, qui ne cesse de se dégrader, cette position des États membres nous interpelle et nous inquiète.

Je pourrais ainsi multiplier les exemples à l’envi. Quid de la nécessaire réindustrialisation de notre continent ? De la dette galopante que nos enfants auront à rembourser et du pacte de stabilité et de croissance, que la Commission propose d’assouplir ? De la politique commerciale, qui n’évolue que par petites touches, alors que la géographie et la grammaire du commerce international sont de plus en plus bouleversées ? Des difficultés à mettre en place la taxe carbone aux frontières de l’Europe, ce qui permettrait pourtant de mettre fin aux distorsions de concurrence pesant sur nos entreprises et nos agriculteurs ?

L’Europe ne peut plus se contenter de faire des constats et de déclamer des ambitions. Elle doit passer à l’offensive, s’affirmer comme puissance pour peser dans les affaires du monde et ne pas laisser aux autres le soin de choisir son destin.

Elle doit aussi sortir des hésitations qui condamnent à l’immobilisme et apporter de vraies solutions aux préoccupations de l’ensemble des Européens. C’est à ce prix qu’elle pourra sortir d’une autre crise qui la ronge depuis longtemps : celle de la confiance de nos concitoyens dans le projet européen.

Le chemin semble encore long. Malgré tout, en responsabilité, puisqu’il s’agit tant de satisfaire à une obligation internationale de la France que de permettre le fonctionnement de l’Union, le groupe Les Républicains votera pour l’article 25 du projet de loi de finances, avec, vous l’aurez compris, quelques doutes et interrogations. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Teva Rohfritsch applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis 2020, chaque fois qu’on parle d’Europe, on parle de crise. L’examen de la participation de la France au budget de l’Union européenne ne déroge pas à la règle.

La pandémie n’est pas totalement derrière nous. Nous n’avons pas encore commencé à rembourser notre emprunt commun, ni même touché la totalité du plan de relance européen. Et pourtant, cette année ne fait pas exception, une nouvelle crise s’installe, celle de l’énergie.

À la solidarité qui a prévalu lors de la crise sanitaire se sont substituées des actions moins coordonnées. Je pense notamment au plan à 200 milliards d’euros de l’Allemagne et aux risques de concurrence déloyale qui en découlent.

L’an dernier, je concluais mes propos par ces mots : « l’Union européenne n’est pas une option, c’est un levier indispensable pour faire face aux défis actuels. » Je le crois toujours. Nous devons rester unis, plus que jamais.

Notre inquiétude monte quant au couple franco-allemand. La visite du chancelier Olaf Scholz en Chine n’a fait que l’accentuer.

Nous avons besoin de garder notre solidarité au sein de l’Union européenne et de parler d’une seule voix, surtout en période de crise, sur la scène internationale.

La contribution française est en baisse, autour de 24,5 milliards d’euros, voire 25 milliards d’euros, si je me réfère à l’amendement déposé par le Gouvernement. Au-delà de ces chiffres, j’aimerais souligner deux sujets qui me semblent majeurs dans les prochaines années non seulement sur le plan financier, mais surtout pour le futur de l’Union elle-même.

Tout d’abord, il s’agit d’utiliser les financements européens du mieux possible et sur l’ensemble de notre territoire. Nous sommes certes l’un des principaux contributeurs au budget de l’Union européenne, mais, ne l’oublions pas, nous recevons également beaucoup d’aides.

Nous devons faire en sorte que le plan REPowerEU soit un accélérateur de transition et remplisse son objectif principal de permettre à l’Union de gagner en indépendance à l’égard des combustibles fossiles russes. Plus largement, notre indépendance énergétique est gage de notre souveraineté.

Mon deuxième sujet concerne les ressources propres de l’Union européenne. L’an dernier, j’avais déjà alerté sur ce point. La PFUE, la présidence française de l’Union européenne, a permis des avancées qu’il faut saluer, notamment sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. En revanche, le rapporteur spécial a souligné le fait que, en l’état, les prévisions sur les ressources propres sont insuffisantes par rapport à nos besoins. Le travail sur l’autonomisation du budget européen est nécessaire et doit se poursuivre.

Malgré certains flous, récurrents quand il s’agit de notre contribution au budget de l’Union européenne, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera avec enthousiasme en faveur de l’article 25 de ce projet de loi de finances.

(Mme Pascale Gruny remplace Mme Nathalie Delattre au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-présidente

Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Teva Rohfritsch applaudit également.)

M. Jacques Fernique. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a bien dans notre hémicycle, derrière moi, deux drapeaux distincts : le drapeau national tricolore et celui de notre Union européenne. Or notre bref débat ce soir sur l’article 25 du projet de loi de finances est l’un des rares moments parlementaires suivis d’un vote où nous pouvons échanger sur les priorités européennes et sur les moyens à y consacrer. C’est court ! L’article 25 est laconique et aride, puisqu’il s’agit simplement d’une somme.

Assurément, autant pour chacun des États membres avec les parlements nationaux qu’à l’échelle européenne avec le Parlement européen, la démocratie parlementaire ne pèse pas comme elle le devrait dans le pouvoir budgétaire européen. Le mode de financement de notre union, essentiellement par les contributions nationales, renforce le poids dans la négociation du cadre financier pluriannuel des gouvernements des différents États, avec ces arrangements perpétuant les différents rabais qui nous ramènent à ces calculs mesquins aux relents thatchériens, auxquels même le Brexit n’a pas mis fin.

Je dois dire d’ailleurs ma consternation de lire dans le compte rendu de ce même débat à l’Assemblée nationale tant d’applaudissements sur de trop nombreux bancs à une intervention qui se concluait en martelant l’antienne nationaliste du sempiternel « juste retour ». Je citerai ces propos que je ne partage pas du tout : « Il est inenvisageable que la contribution de la France au budget de l’Union européenne soit supérieure à ce que cette dernière lui rapporte. »

Alors ce soir, ici au Sénat, tant mieux si ce débat touche aux enjeux européens communs. Le cadre financier pluriannuel 2021-2027 est clairement obsolète, avec le déferlement d’une succession de crises – covid-19, invasion russe, effondrement du paradigme énergétique, inflation à deux chiffres à l’échelle européenne, des États membres dont les économies basculent dans la récession – et, toujours, la nécessité de réussir le Green Deal, de relever ce défi du climat.

Pour cet article 25, il n’a fallu que quelques semaines pour rehausser de 408 millions d’euros le prélèvement sur recettes, qui est notre contribution estimée, sachant déjà qu’il faudra y revenir dans quelques mois pour l’ajuster mieux aux impacts dévastateurs de l’inflation. On le sait, la contribution française a connu ces dernières années un « ressaut absolument majeur », pour reprendre les termes qu’employait ce matin le secrétaire général aux affaires européennes.

L’enjeu est donc très clair : si nous voulons nous construire un avenir européen, si nous ne voulons pas liquider des politiques essentielles, parce que nous connaissons les limites des contributions nationales, ainsi que les échéances à venir pour payer l’emprunt commun de la relance, il nous faudra déployer de nouvelles ressources propres bien moins maigres que la contribution plastique, que le premier petit mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à venir, que l’extension du marché carbone envisagée, peut-être, pour 2026.

Avec des caisses aussi dégarnies, quelle est notre capacité d’agir et de déployer une stratégie commune face à la prochaine crise ? Soyons particulièrement exigeants avec la Commission européenne : le panier annoncé de nouvelles ressources propres qu’elle nous prépare doit être consistant ; il faut sortir du temps des bricolages à court terme !

Il s’agit de mettre à contribution ceux qui, actuellement, profitent de l’Europe, voire des crises, sans prendre part à l’effort collectif. Je pense aux grandes entreprises du numérique, à la taxation des transactions financières, à une assiette commune de l’impôt sur les sociétés. L’Union européenne compte toujours des paradis fiscaux parmi ses membres, chacun ne contribue pas selon ses moyens, et c’est insupportable.

Il s’agit de trouver l’argent là où il dort, d’autant que le cadre financier pluriannuel réformé qui sera nécessaire ne peut en aucun cas sacrifier le Green Deal, en particulier les exigences de 30 % des dépenses de l’Union européenne affectées à la réalisation de nos objectifs pour le climat et de 12 % des dépenses à la biodiversité. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) estime les investissements nécessaires pour la transition écologique à 6 % du PIB, soit 900 milliards d’euros par an à l’échelle européenne. Voilà ce vers quoi nous devons nous diriger.

J’espère, madame la secrétaire d’État, que les prochains mois permettront d’avancer en ce sens. C’est dans cette attente que mon groupe votera l’article 25 et l’amendement déposé par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

Mme le président. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Duffourg applaudit également.)

M. Pascal Allizard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis plusieurs années, l’Union européenne est confrontée à une succession de crises majeures, qui mettent à mal sa cohésion et ses finances et questionnent sur ses véritables ambitions, devenir une « puissance » ou demeurer un simple « espace ».

Crise migratoire, pandémie, changement climatique, guerre en Ukraine, crise énergétique, sont autant d’événements qui s’enchaînent et se superposent. Ils mobilisent d’importants moyens, tant des États que de l’Union.

L’inflation qui sévit et s’accroît dans la zone euro, en entraînant une hausse des taux, complique encore la situation.

Pour faire face au choc économique causé par la pandémie de covid-19, un plan de relance européen a été financé par un emprunt, c’est-à-dire l’émission d’une dette commune. À cela s’ajoutait la volonté d’introduire de nouvelles ressources propres.

Ce que certains ont qualifié d’« accord historique » me semble être un glissement vers un nouveau paradigme financier, dont les Français n’ont pas totalement conscience – je me suis déjà exprimé sur ce sujet.

Je note avec regret le retard pris sur la question des nouvelles ressources propres et, comme le relève notre rapporteur spécial, les recettes escomptées demeureraient inférieures aux besoins de financement, notamment du plan de relance européen et du Fonds social pour le climat.

Tout cela n’est pas sans conséquence, y compris pour la France, qui pourrait, en cas d’échec, être appelée à rembourser la part de subventions pour 2,4 milliards d’euros par an, à compter de 2028, ce qui s’ajouterait aux contributions nationales qui seront appelées par la Commission pour financer le cadre financier pluriannuel.

Pour 2023, le montant du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est évalué à 24,5 milliards d’euros, mais le Gouvernement rehausse cette somme de presque 500 millions, par l’amendement qu’il a déposé.

Il s’agit d’une relative stabilité. Je n’entrerai pas dans le détail des chiffres, dans la mesure où la commission des finances a parfaitement analysé tout cela. J’insiste néanmoins sur le fait que la France continue de contribuer largement au financement du rabais des pays dits « frugaux »: l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, l’Autriche et le Danemark. La France est même le premier contributeur au financement de ce mécanisme.

Ces États ont certes moins laissé filer les déficits que d’autres, mais à quel prix ces économies ont-elles été réalisées ? Pas seulement par une gestion plus rigoureuse, mais aussi grâce à de faibles investissements dans le domaine de la défense et de la sécurité et à une modeste contribution à la lutte contre le terrorisme globalisé.

Nombre de ces pays ont privilégié leur économie et leur commerce extérieur au détriment du reste. Si, dans le contexte de guerre en Ukraine, ils retrouvent un intérêt pour la sécurité, c’est surtout dans le cadre otanien et par l’achat d’équipements militaires structurants américains. Les 100 milliards d’investissements soudainement annoncés par l’Allemagne, et ses atermoiements sur certains programmes en coopération, illustrent malheureusement parfaitement cette réalité.

Alors que nous finançons des rabais, soutenons la coopération et appelons à une véritable autonomie stratégique, cette attitude de quelques pays m’inquiète pour l’avenir de la base industrielle et technologique de défense, la BITD, européenne, dont la France est un acteur majeur aux compétences internationalement reconnues. En outre, seule puissance nucléaire de l’Union européenne, nous savons les efforts, et même les sacrifices, consentis pour maintenir cette ultime garantie de la sécurité collective. Et la défense a été trop souvent la variable d’ajustement des budgets.

Par ailleurs, les choix énergétiques hasardeux de certains de ces pays sont une source de préoccupation, tant au niveau de la souveraineté que de l’environnement : relance des centrales à charbon, dépendance au gaz russe… Par ricochet, la filière nucléaire française a pâti d’une vision trop idéalisée des énergies renouvelables, portée par quelques États pour des motifs industriels et politiques et non pas environnementaux ou stratégiques. Par ailleurs, je nourris certaines inquiétudes à propos des projets de taxonomie européenne.

Ces problématiques énergétiques sont désormais au cœur du projet « REPowerEU » – que d’anglicismes, mes chers collègues, dans ces programmes européens post-Brexit ! Ce projet soulève de nombreuses questions sur son financement et son efficacité réelle à terme. Enfin, n’allons-nous pas remplacer des dépendances par de nouvelles dépendances ?

Vous l’aurez compris, je voterai cette contribution, tout en nourrissant quelques inquiétudes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et RDPI.)

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée de lEurope. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos contributions et réflexions au débat sur le prélèvement sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne.

Vous l’avez tous rappelé, ce débat démocratique est essentiel. Je me réjouis de la tonalité positive de vos interventions.

Messieurs Rapin, Kern et Gattolin, vous l’avez dit, la guerre en Ukraine et ses conséquences de long terme contribueront à façonner l’Europe et son budget pour de longues années. Elle demande aujourd’hui une réponse unie, à l’échelle du continent européen, et forte.

Monsieur Bocquet, vous dites que la France est lésée. Certes, la France est le deuxième pays contributeur au budget de l’Union européenne, que nous finançons à hauteur de 17,4 %, derrière l’Allemagne. Mais la France est aussi le deuxième pays bénéficiaire des politiques européennes en pourcentage des dépenses de l’Union, derrière la Pologne, puisque 11 % des dépenses de l’Union européenne sont réalisées dans notre pays.

La France est notamment la première bénéficiaire de la PAC, sur vingt-sept États membres, pour quelque 9 milliards d’euros par an. Les politiques de compétitivité et de cohésion amènent également des retombées importantes, à hauteur respectivement de 2,8 milliards d’euros et 2,5 milliards d’euros.

Certes, d’autres États membres obtiennent des rabais, comme l’a souligné M. le sénateur Pascal Allizard, mais l’avantage obtenu par la France sur la PAC soutient l’ensemble de notre modèle agricole. Et comment ne pas mentionner les retombées économiques de l’existence du marché intérieur, lesquelles sont estimées, vous l’avez dit, madame Gruny, à près de 120 milliards d’euros ?

Aussi, même dans une logique strictement comptable, qui n’est pas une logique souhaitable, comme nombre d’entre vous l’ont rappelé, l’Europe nous « rapporte » plus qu’elle ne nous coûte. Je pense notamment aux fonds régionaux, au programme Erasmus, à la solidarité financière en temps de crise ou à la sécurité collective.

Le prélèvement sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne est essentiel au bon fonctionnement de l’Union européenne et à la mise en œuvre des grandes politiques que nous défendons. Les crises que nous traversons, la crise sanitaire d’abord, puis la guerre en Ukraine, viennent plus que jamais renforcer la nécessité d’une Europe souveraine, soudée et unie, comme l’a dit M. Emmanuel Capus, dotée des moyens d’action adéquats.

Les réponses à ces défis ne pourront être que collectives et, pour cela, nous avons besoin d’une Europe dotée de moyens à la hauteur des enjeux actuels et à venir.

C’est aussi pour cette raison que nous travaillons à la mise en place des ressources propres, qui ont été évoquées par nombre d’entre vous.

Comme l’ont dit MM. Jean-François Rapin et Claude Kern, les crises illustrent le caractère indispensable de l’outil budgétaire commun, car il nous permet de faire face à des situations exceptionnelles en apportant une réponse commune, au niveau européen.

Tout cela est très concret : au cours des derniers mois, le budget de l’Union européenne nous a permis d’apporter un soutien décisif à l’Ukraine, de faire face à la crise énergétique et économique, Mme la sénatrice Pascale Gruny y a fait référence, et de préparer l’avenir via le plan de relance.

J’ajoute quelques mots sur ce que l’Union européenne a pu faire, avec ce budget, face à l’agression de l’Ukraine par la Russie : elle a apporté au gouvernement et au peuple ukrainiens un soutien militaire, un soutien humanitaire, un soutien économique et financier, qui sera renforcé par la mise en œuvre d’une aide de 18 milliards d’euros d’ici à l’année prochaine, comme l’a annoncé la présidente de la Commission européenne. Le Conseil Écofin de novembre a permis d’en confirmer les modalités et de garantir son décaissement rapide.

Cette guerre a évidemment eu des conséquences importantes sur les économies européennes, nombre d’entre vous l’ont rappelé, et nécessite une réponse commune ambitieuse, notamment dans le domaine énergétique – M. le sénateur Jacques Fernique en a parlé et nous avons eu l’occasion d’en débattre récemment en commission.

Dans cette perspective, les Vingt-Sept se sont accordés sur le redéploiement de fonds issus du plan de relance en faveur de l’investissement dans notre sécurité énergétique – tel est l’objet du plan RePowerEU.

Le budget de l’Union a aussi permis d’apporter une assistance aux États membres les plus touchés par la crise économique liée à la pandémie de covid-19. Oui, l’Europe protège : ce n’est pas un slogan, mais une réalité.

Sans l’Europe, nous n’aurions pas eu accès aussi rapidement au vaccin contre la covid-19 que nous ne produisions pas sur notre sol. Un plan de relance inédit, doté de plusieurs centaines de milliards d’euros, a de surcroît été adopté et mis en œuvre dans des délais que je qualifierai également d’inédits. Voilà un grand succès européen et une preuve irréfutable de notre capacité à faire face aux crises.

Permettez-moi de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’à cet égard nous devrions bénéficier, en 2023, d’un abondement de notre plan de relance à hauteur de 12,7 milliards d’euros, sur un total de 40 milliards d’euros jusqu’en 2026.

Messieurs les sénateurs Joly, Bocquet et Kern, il est parfois trop compliqué, c’est vrai, d’obtenir le « déblocage » des financements européens, et les délais sont à la fois trop longs et assez inégaux selon les territoires et selon les fonds. Vous auditionniez ce matin le secrétaire général des affaires européennes ; comme il a dû vous le dire, il met en place une cellule qui aidera à accélérer le versement de ces fonds et en facilitera l’utilisation.

Le plan de relance repose sur le principe d’un endettement commun, ce qui représente une avancée historique de la construction européenne. Historique, ce plan l’est aussi en tant qu’il permet de soutenir les États dans leur effort de relance, de promouvoir une croissance durable et soutenable et d’impulser les transitions numérique et énergétique tout en faisant de l’Europe une région compétitive.

C’est en partie pour ces raisons que le prélèvement opéré sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne s’élèvera en 2023 à 25 milliards d’euros. Cette contribution permettra à l’Europe de disposer des moyens nécessaires à la mise en œuvre du cadre financier pluriannuel, lui-même placé au service de nos priorités communes, au premier rang desquelles figure la double transition, écologique et numérique.

Monsieur le sénateur Jean-Claude Requier, vous avez souligné la croissance des dépenses et suggéré quelques pistes d’économies. Nous y sommes très attentifs ; nous avons, par exemple, limité la hausse des salaires des fonctionnaires européens, qui sera de près de 2 points inférieure à leurs demandes initiales.

Je veux aussi vous assurer que, compte tenu du niveau de notre contribution, nous sommes très vigilants quant à la bonne utilisation de ces fonds. Désormais, et de manière là encore inédite, en vertu du règlement du 16 décembre 2020, entré en vigueur le 1er janvier 2021, le budget de l’Union est protégé contre les violations des principes de l’État de droit, y compris contre le fait de ne pas prévenir de telles violations.

Nous nous donnons de la prévisibilité, monsieur le rapporteur Mizzon, avec le budget 2021-2027, mais des aléas, des chocs exogènes, des crises, pourraient bien sûr bouleverser le cadre financier pluriannuel ; l’Europe sait d’ailleurs montrer de la flexibilité.

Monsieur le sénateur Fernique, monsieur le rapporteur Mizzon, monsieur le président Rapin, vous avez évoqué la révision du CFP. Compte tenu des conséquences sur nos économies de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et de la crise de la covid-19, la Commission a bel et bien inscrit une telle révision à son programme de travail pour 2023, mais nous n’en connaissons pas pour le moment le champ exact. Nous en saurons davantage au début de l’année prochaine et vous pouvez compter sur nous pour nous assurer que l’accord soit conforme à nos priorités politiques.

Cette vigilance s’applique également aux ressources propres, que tous les orateurs, me semble-t-il, ont mentionnées. Comme vous le savez, la France œuvre en faveur de la création de nouvelles ressources propres. La Commission en a présenté trois : la première est fondée sur les recettes issues du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, elle sera en place dès le début de l’année 2023 ; la deuxième s’appuie sur le produit du système communautaire d’échange de quotas d’émission, l’ETS ou Emissions Trading System ; la troisième correspond à la part des bénéfices résiduels des entreprises multinationales qui sera réattribuée aux États membres, ce que certains d’entre vous réclamaient.

Ce n’est peut-être qu’un début, mais vous pouvez compter sur nous pour nous attacher à faire grandir ces ressources propres.

Enfin, vous le savez, l’exercice budgétaire européen…