M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame la Première ministre, mes chers collègues, déjà, en septembre 2021, quelque 12 millions de Français ne pouvaient pas se chauffer comme ils le souhaitaient. Un an plus tard, à l’approche de l’hiver, l’Europe traverse une crise économique et géopolitique qui met en lumière les lacunes systémiques de nos sociétés en matière d’approvisionnement énergétique. Cette crise questionne en profondeur notre modèle de consommation et valide, ne vous en déplaise, le projet que les écologistes portent depuis des années.

M. Bruno Retailleau. Non, c’est tout le contraire !

M. Daniel Salmon. Les stratégies à mettre en place pour sortir des énergies fossiles, atteindre la neutralité carbone en 2050 et, ainsi, respecter les objectifs de l’accord de Paris sont plus que jamais attendues et urgentes ; elles doivent être à la hauteur des enjeux historiques.

L’abondance énergétique a une fin, nous le savons depuis des décennies. Notre développement assis sur l’extractivisme se heurte à la finitude de la planète et à la saturation de son atmosphère en polluants.

Aujourd’hui, en matière de politique énergétique, pour respecter nos engagements climatiques, différentes options sont sur la table.

Au préalable, je voudrais réaffirmer qu’il n’y a pas de production d’énergie parfaitement propre, exceptée celle qu’on ne consomme pas ; j’y reviendrai.

Concernant la production, la seule option qui permette une transition soutenable et durable est un mix énergétique que nous appelons de nos vœux, et qui n’a pas changé : nous défendons le déploiement massif des différentes énergies renouvelables, pour atteindre les 100 % en 2050 et, en parallèle, la sortie programmée du nucléaire. Nous reviendrons sur ce sujet en fin d’année.

Oui, une France « 100 % renouvelables » en 2050 est techniquement possible, sans mettre en péril la sécurité d’approvisionnement, comme le souligne l’un des scénarios de RTE, scénario totalement crédible, comme l’a rappelé son président. Nous devons faire ce choix, parce que c’est l’énergie la plus propre, la plus sûre, la plus résiliente et la moins chère. Vous l’avez rappelé, madame la Première ministre, cette énergie est aujourd’hui extrêmement compétitive et rentable.

Nous aurons l’occasion de défendre ce déploiement massif et indispensable dans de futurs véhicules législatifs. Mais en attendant, les retards pris pour engager la France sur les rails de la transition énergétique et l’absence d’anticipation des gouvernements successifs sont particulièrement graves. Ils sont la cause de notre dépendance aux énergies fossiles, ainsi que de la crise sociale profonde qui en découle.

Que de temps perdu ! Les énergies renouvelables, ce sont les énergies des territoires, les grands projets comme les plus petits. Comme l’illustrent des centaines d’initiatives partout en France, les habitants et les élus locaux veulent prendre leurs responsabilités face aux crises. Ils souhaitent aussi créer des circuits courts de l’énergie et de nouvelles solidarités locales.

C’est pourquoi les politiques publiques doivent renforcer la concertation, l’implication et l’investissement des habitants et des collectivités locales dans les projets. La dynamique de l’énergie citoyenne est un rouage essentiel de l’essor des renouvelables, à condition de changer de braquet dans les modes de soutien qui lui sont consacrés.

Donner également davantage de moyens aux collectivités locales dans la mise en œuvre de la transition écologique est indispensable et doit aller bien au-delà du fonds climat, que vous dotez de 2 milliards d’euros.

Rappelons que les collectivités territoriales compétentes, les EPCI et les régions, se sont vues transférer de nouvelles compétences sans aucun transfert de moyens. Par conséquent, les plans et schémas en faveur de la transition énergétique ne pourront être mis en œuvre et risquent de rester en grande partie à l’état d’intention.

Au-delà du financement, l’action des collectivités implique également de développer des moyens d’ingénierie dans les territoires et d’accompagner le secteur privé.

Avançons pour structurer réellement une mise en mouvement généralisée des territoires en faveur de la transition énergétique. C’est tout le sens du service public des énergies renouvelables que je défends depuis longtemps, avec le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, et qui permettrait de planifier les politiques publiques en la matière.

Permettez-moi enfin d’axer mon propos sur un autre sujet majeur de notre indispensable transition, à savoir la planification de la sobriété. C’est le seul moyen de réguler notre consommation, afin de respecter les limites planétaires tout en réduisant les inégalités.

Soyons clairs : la sobriété, ce n’est pas juste un slogan temporaire pour passer l’hiver. C’est le principe d’organisation économique et sociale nécessaire pour respecter l’accord de Paris et, accessoirement, sauvegarder l’espèce humaine !

Parce que la sobriété sans égalité, c’est l’austérité pour les plus pauvres, nous défendons une sobriété juste.

Près de deux ans après avoir raillé le « modèle amish », le Gouvernement a finalement dû se résoudre à l’évidence en s’engageant dans un plan de sobriété, mais sans réelles contraintes pour le secteur privé, y compris sur les plus gros pollueurs. Sans mesures pérennes ni structurantes, ce plan n’est clairement pas à la hauteur des enjeux. Il s’agit d’une série de petites mesures de bon sens, mais au bon vouloir de chacun, comme d’habitude…

Madame la Première ministre, vous n’avez même pas gardé la première des mesures contraignantes qui figurait dans le programme du président-candidat, puis dans votre déclaration de politique générale : rendre obligatoire l’indexation de la rémunération des dirigeants des grandes entreprises sur le respect de leurs objectifs environnementaux. Nous sommes encore bien loin de la planification écologique promise pendant la campagne présidentielle !

J’ajouterai qu’il n’y a pas de solution à la crise énergétique que nous connaissons sans lutte contre les injustices et sans remise en cause des privilèges de certains, alors que tant d’entre nous subissent déjà au quotidien une « sobriété contrainte ».

Que les comportements et les pratiques de consommation des plus riches ne soient pas régulés et cadrés est injuste et inefficace.

Rappelons-le, aujourd’hui, les disparités en matière d’émissions de carbone sont colossales. Quand M. Bernard Arnaud prend son jet privé et émet 176 tonnes de CO2 en un mois, soit l’équivalent de 17 ans d’empreinte carbone d’un Français moyen, oui, le déni de justice est vertigineux.

Sans recherche d’une répartition juste des efforts à accomplir, toute politique ou recommandation de sobriété énergétique sera vécue par les plus pauvres et les précaires comme une forme d’austérité contraignante et injuste. Ce plan manque donc sa cible.

Alors que l’on compte plus de 5 millions de passoires thermiques, impossibles à chauffer l’hiver et à rafraîchir l’été, ce plan ne prévoit que 100 millions d’euros de plus pour financer MaPrimeRénov’, soit à peine 4 % d’augmentation, soit moins que l’inflation des coûts de l’isolation, alors même que ce dispositif dysfonctionne, n’est pas assez doté, ni suffisamment efficace. Ce rapport fait donc l’impasse sur l’essentiel : arrêter les productions superflues ; réduire les inégalités ; financer les services publics et l’isolation des logements.

Il ne reprend en rien la force subversive et politique du concept de sobriété et reste aveugle à la nécessité d’un changement de paradigme concernant nos modes de consommation.

Pourtant, la sobriété est compatible avec le bien-être, et même susceptible de l’accroître. Plutôt qu’une perte de confort, la transition vers une sobriété juste assurera les besoins fondamentaux : se loger, se nourrir et se déplacer, dans une meilleure équité sociale, le respect que nous devons aux générations futures et l’indispensable prise en compte du vivant sur la terre.

En conclusion, la politique énergétique que nous défendons, c’est le droit à l’énergie, non au gaspillage. Que chacune et chacun ait accès à une énergie abordable, aujourd’hui et demain, à une énergie qui ne nuise ni aux écosystèmes ni à la santé. Les mesures à prendre d’urgence pour passer l’hiver sont en réalité les mêmes que celles qui doivent nous permettre de préserver une planète vivable et de faire durablement baisser les prix de l’énergie.

Réduire et partager, produire l’indispensable, voilà la philosophie des écologistes. Discutons, planifions et repolitisons ce qui doit être avant tout un choix de société.

Madame la Première ministre, vous vous êtes engagée à « reconstruire une filière photovoltaïque ». Dépêchez-vous, car Photowatt, détenu par EDF, est en train de mourir. Il est grand temps de remettre en place des filières dans l’énergie renouvelable en France. Au vu du fiasco de la filière nucléaire, nous ne pouvons que mieux faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Stéphane Ravier. Voici le meilleur pour la fin, pour vous réveiller, mes chers collègues !

Madame la Première ministre, c’est curieux, vous vous êtes exprimée dans cette assemblée comme si vous étiez encore en mesure de décider de quoi que ce soit.

Or, depuis le traité européiste de Lisbonne, la politique énergétique des États membres est une compétence partagée avec la Commission européenne. Ainsi, notre pays, chef de file historique de la filière nucléaire, aurait dû imposer ses vues à ses partenaires, mais les gouvernements successifs ont fait preuve de naïveté et de faiblesse en succombant à l’assaut de trois forces.

La première est l’Allemagne, qui avait fait le choix de la dépendance au gaz russe et qui gagna le bras de fer pour imposer les énergies renouvelables dans les textes et objectifs européens.

La deuxième est celle de l’écologie, aussi punitive que médiatique, pilotée à distance par les grands lobbys américains. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

La troisième est le dogme de la concurrence libre et non faussée, utilisé pour sabrer notre fleuron, EDF.

Tout cela, madame la Première ministre, vous n’en êtes pas directement responsable, mais vous assumez la filiation avec ceux qui nous ont entraînés dans cette folie.

Ce dont vous êtes responsables, c’est de continuer à nous imposer ces énergies prétendument renouvelables contre la démocratie locale. Par une circulaire de septembre dernier, vous exigez des préfets qu’ils cassent les PLU, les plans locaux d’urbanisme, dans lesquels les communes mentionneraient l’interdiction d’implanter des éoliennes.

De plus, vous préférez limoger le PDG d’EDF après qu’il a pointé vos responsabilités dans la situation actuelle, le limogeage devenant une véritable méthode de gouvernement…

C’est pourtant EDF qui a racheté au printemps dernier les turbines nucléaires d’Alstom vendues en 2014 à l’américain General Electric par un certain Emmanuel Macron.

Ce n’est pas Jean-Bernard Lévy qui a procédé à la fermeture idéologique et injustifiée de la centrale nucléaire de Fessenheim : c’est vous ! Et vous en étiez fière. En France, on n’a pas de gaz, mais on a des idées : la sobriété et le col roulé !

Vous venez de déclarer vouloir sortir des énergies fossiles, mais vous avez rouvert, cet été, la centrale à charbon de Saint-Avold, vieille de 71 ans !

L’abandon de notre souveraineté énergétique nous a rendus tributaires de l’étranger. C’est pourquoi, en voulant sanctionner Vladimir Poutine, votre Europe s’est déshonorée en signant des accords gaziers avec l’Azerbaïdjan, finançant ainsi, par nos impôts, la guerre menée contre l’Arménie.

Il faut le dire et le répéter, le nucléaire est notre force économique et écologique, contrairement à l’éolien, qui saccage nos paysages pour une production énergétique dérisoire, et au solaire. Il s’agit d’énergies intermittentes, nécessairement couplées aux centrales à gaz et à charbon.

Le grand carénage en cours est un grand plan de modernisation de la filière nucléaire. Avec les EPR, pour le moment victimes d’un sous-investissement chronique, le nucléaire représente l’avenir – un avenir d’indépendance énergétique. Il ne faut pas non plus oublier de protéger notre filière hydroélectrique décarbonée, actuellement menacée de libéralisation et de manque d’entretien.

Madame la Première ministre, dans le domaine énergétique, il est question non pas de croyance, mais de pragmatisme et de réalité. Je le rappelle, la France n’est responsable que de 1 % des émissions de gaz à effet de serre à l’origine du réchauffement climatique. Je vous invite donc à vous dépolluer l’esprit des prêches des talibans verdoyants et à tirer les enseignements de vos erreurs, plutôt que d’en faire supporter les conséquences aux Français.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ce débat, qui, dans l’ensemble, a traité de l’essentiel, à savoir l’avenir de nos filières industrielles, de notre production énergétique, de la souveraineté française, mais aussi, n’en déplaise à M. Ravier, de la souveraineté européenne.

J’ai tout de même entendu ici ou là quelques critiques…

M. Fabien Gay. Légitimes !

M. Roland Lescure, ministre délégué. … sur le bilan de la politique nucléaire de la France, y compris sur celui du gouvernement précédent et du Président de la République.

M. Max Brisson. Ce n’est pas interdit !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je souhaite donc, puisque nous dressons ensemble le bilan du nucléaire, prendre un peu de recul et revenir à la réalité de l’état des centrales nucléaires en France et de leur histoire.

La réalité – cela a été dit à plusieurs reprises, toutes travées confondues –, c’est que pour faire durer les centrales nucléaires il faut les entretenir. La réalité, c’est aussi que le désinvestissement massif, qui explique sans doute une grande partie de la situation actuelle des centrales nucléaires françaises, a été engagé au début des années 2000.

M. Roland Lescure, ministre délégué. On n’a jamais autant désinvesti dans les centrales nucléaires françaises que sous les quinquennats de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ce n’est pas moi qui le dis : c’est la Cour des comptes, dans un rapport de 2012. Vous le savez probablement, pour avoir lu, comme moi, ce document, le taux de disponibilité des centrales s’est effondré entre 2005 et 2009. (Mme Patricia Schillinger et M. Michel Dagbert applaudissent.)

Dans la foulée, vous le savez aussi, survint le choc que fut l’accident de Fukushima, en 2011, conduisant l’ensemble des États à revoir leur politique nucléaire : le Japon, bien sûr,…

M. Max Brisson. C’est toujours la faute des autres, et même des Japonais !

M. Roland Lescure, ministre délégué. … la Belgique, qui revient aujourd’hui sur sa politique de l’époque, l’Allemagne, qui n’en est pas revenue et qui a fermé la plupart de ses centrales – il n’en reste que 3 sur les 35 que comptait le pays.

Même la France, alors, s’est interrogée : le président Nicolas Sarkozy décide, en 2011, d’abandonner le projet d’EPR de Penly,…

M. Cédric Perrin. Attention, il va se fâcher avec Macron !

M. Roland Lescure, ministre délégué. … et je le comprends, à la suite de l’accident de Fukushima.

M. Bruno Retailleau. Ne dites pas de mal de Nicolas Sarkozy, c’est votre meilleur allié ! (Sourires.)

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’avais compris que certains voulaient tuer le père… Pour ma part, je me contente de faire le bilan de la politique énergétique de la France, monsieur le sénateur.

Plus sérieusement, la France avait 58 réacteurs ; onze ans après l’accident de Fukushima, elle en compte 56. Oui, nous en avons fermé deux. Mais à l’heure actuelle la France est l’un des seuls grands pays industrialisés qui a gardé le cap sur le nucléaire. Cette constance, nous la devons peut-être à l’ensemble des gouvernements successifs (M. Cédric Perrin et Mme Sophie Primas sexclament.), qui ont tenu le choc malgré des sous-investissements et malgré un accident historique.

Mme Sophie Primas. Et les fermetures ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ainsi pouvons-nous aujourd’hui compter sur cette base, qui nous permet d’investir encore davantage.

M. Cédric Perrin. Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roland Lescure, ministre délégué. La réalité, c’est encore que c’est Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, qui a sauvé Framatome.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Et c’est lui qui a sauvé Areva !

M. Max Brisson. C’est grotesque !

Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Cédric Perrin. Il a sauvé General Electric !

M. Roland Lescure, ministre délégué. La réalité, c’est que c’est Emmanuel Macron, ministre de l’économie, qui a recapitalisé EDF, qui avait été trop longtemps sous-capitalisée.

La réalité, c’est que le Président de la République, dès qu’il est entré en fonctions, a revu l’objectif de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 pour le repousser de dix ans, à l’horizon 2035.

Lorsque nous avons protégé les Français en instaurant le bouclier énergétique, nous avons aussi – c’est toujours la réalité – protégé EDF, en assumant sur les deniers publics le poids de cette protection.

M. Stéphane Ravier. Et en limogeant son président !

M. Fabien Gay. Vous avez surtout pris 8 milliards d’euros à EDF !

M. Roland Lescure, ministre délégué. La réalité, c’est que le Président de la République, à Belfort, en janvier de cette année, a annoncé la construction de 6 EPR…

M. Max Brisson. Ça suffit ! C’est lamentable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. … et la mise à l’étude, monsieur Gremillet, de 8 EPR supplémentaires. On nous a reproché de ne pas en construire 14 ; mais 6 plus 8, si je ne m’abuse, cela fait 14 !

M. Max Brisson. Grotesque !

M. Cédric Perrin. C’est de l’autopersuasion !

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’en viens à notre projet pour EDF, car nous pouvons maintenant nous projeter vers l’avenir, le bilan étant – je l’espère – en partie soldé. La reprise d’EDF, sa renationalisation, qui a été annoncée, sera mise en œuvre d’ici à la fin de l’année.

La réalité, c’est qu’il ne s’agit en aucun cas d’un démantèlement d’EDF.

M. Fabien Gay. Nous voudrions bien en débattre !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Jamais nous n’avons évoqué cette possibilité. La réalité, c’est qu’il s’agit d’une reprise en main industrielle de notre opérateur national. Mme Primas s’en souvient sans doute : nous avons visité ensemble, en juin 2018, l’EPR de Flamanville. Hervé Maurey était présent, Barbara Pompili également, aux côtés du ministre Sébastien Lecornu. On nous a expliqué alors que l’EPR de Flamanville produirait ses premiers électrons en janvier 2019.

La réalité, c’est que, oui, l’EPR de Flamanville est une énorme déception. Le projet en a été lancé en 2000. Les gouvernements successifs l’ont confirmé, certains du bout des lèvres, d’autres avec davantage d’ambition, mais l’on n’a pas réussi, je le regrette, à livrer la marchandise…

La réalité, c’est qu’une reprise en main des activités industrielles de notre grand opérateur national est nécessaire, via une direction opérationnelle, afin que, ensemble, nous puissions de nouveau en être fiers.

Nous nationalisons EDF pour lever un financement à bas coût, au bénéfice des projets de nouveaux réacteurs nucléaires notamment, et pour mettre en place une quasi-régie qui permettra à l’État de conserver les barrages – je sais que vous y êtes sensibles – et de réinvestir dans ces derniers. Nous voulons qu’EDF continue d’investir durablement et plus massivement dans les EnR.

La réalité, c’est que nous souhaitons développer EDF de manière ambitieuse, en sorte de garantir la souveraineté économique et électrique de la France.

Au-delà du cas d’EDF, j’ai entendu beaucoup de questions et quelques critiques, autour du thème suivant : nous mettrions la charrue avant les bœufs en évoquant Saint-Avold et les terminaux méthaniers au lieu de parler de la PPE. Que ne nous aurait-on dit si nous avions passé l’été, ici et à l’Assemblée nationale, à discuter de la programmation pluriannuelle de l’énergie 2024-2028 quand l’inquiétude que nous partagions tous était de savoir s’il y aurait du gaz à l’hiver ?

La réalité, c’est que, du fait de l’invasion par la Russie d’un pays souverain, nous nous retrouvons avec une crise énergétique à gérer.

M. Stéphane Ravier. Avec l’Azerbaïdjan ? Bravo, c’est réussi !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Pour répondre à cette crise énergétique, il fallait commencer par s’assurer que nous avions suffisamment de gaz et d’énergie en Europe pour parer au risque de rationnement, dont personne ici ne souhaite qu’il se concrétise.

M. Stéphane Ravier. Merci l’Azerbaïdjan !

M. Roland Lescure, ministre délégué. La PPE viendra en son heure ; elle est prévue. Elle sera fondée sur une ambition qui est, vous le savez, de développer à la fois le nucléaire et le renouvelable. Car n’en déplaise à M. le sénateur Salmon, il faut des deux, sauf à retenir un scénario un peu extrême parmi ceux qu’a exposés RTE.

Nous préférons les scénarios centraux, c’est-à-dire les mix de production reposant à la fois, de manière ambitieuse et équilibrée, sur le nucléaire – exploitation du parc existant et développement du nucléaire de demain – et sur les énergies renouvelables, l’hydraulique – Mme la Première ministre en a fait mention dans son intervention liminaire –, l’agrivoltaïsme – vous avez évoqué aussi ce sujet, madame la Première ministre, en cohérence avec les vœux du Sénat –, et, pourquoi pas, la géothermie.

En bref, nous sommes à l’offensive, le sénateur Rambaud l’a dit, pour engager une politique énergétique ambitieuse, qui permettra à la France de développer son industrie de manière durable – j’y reviendrai en conclusion.

Je termine en abordant deux points.

Tout d’abord, je réponds aux questions qui ont été posées sur le soutien apporté aux ménages, aux entreprises et aux collectivités locales en réponse à la guerre en Ukraine et à la crise énergétique qui en découle. Certains d’entre vous ont demandé la suppression de l’Arenh.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’espère que vous plaisantez ! Le ministre de l’industrie que je suis vous le dit, monsieur le sénateur Gay : supprimer l’Arenh reviendrait à mettre toute l’industrie française à genoux.

M. Fabien Gay. C’est faux !

M. Philippe Mouiller. Elle est déjà à genoux !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Vous êtes nombreux à avoir demandé que nous sortions du marché européen. La réalité, c’est que, grâce à l’Arenh, nous en sommes déjà partiellement sortis. Et les ménages français payent actuellement l’électricité à un prix inférieur au tarif européen de marché – il ne faut peut-être pas le dire trop fort. Si les industriels français ne sont pas tous à l’arrêt, c’est qu’une partie de l’énergie qu’ils consomment est payée, oui, à un tarif préférentiel,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ils sont tous clients d’EDF !

M. Roland Lescure, ministre délégué. … qui reflète l’avantage concurrentiel d’EDF – soyons-en tous fiers !

Réfléchissons plutôt ensemble à inventer le dispositif qui, au-delà de l’Arenh, puisque la fin du dispositif est prévue pour 2025, permettra à l’industrie française de continuer à profiter d’une énergie compétitive, décarbonée et produite par notre opérateur national.

Merci à l’Arenh, vraiment ! Continuons l’Arenh, s’il vous plaît !

M. Fabien Gay. Vous êtes bien le dernier en France à dire cela !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Mais non !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Demandez à tous les industriels, monsieur le sénateur Gay ! Tous les industriels…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ils sont tous chez EDF !

M. Roland Lescure, ministre délégué. … me le disent : heureusement que nous avons l’Arenh, sinon nous serions morts !

Il va falloir modifier la tarification, vous avez raison, monsieur le sénateur Retailleau. Il va falloir mettre en place un découplage du gaz et de l’électricité et appliquer un scénario à l’espagnole.

M. Bruno Retailleau. Nous sommes d’accord !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Si nous l’avions fait au moment où vous le souhaitiez, monsieur Retailleau, vous savez bien que nous aurions subventionné toute l’électricité allemande. La seule manière de faire de la solidarité nationale, Mme la sénatrice Saint-Pé nous l’a dit, c’est de le faire en Européens,…

M. Julien Bargeton. Absolument !

M. Roland Lescure, ministre délégué. … n’en déplaise à M. le sénateur Ravier, et de le faire à l’européenne !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. On peut toujours attendre…

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous gagnerons cette lutte en Européens…

M. Stéphane Ravier. Avec l’Azerbaïdjan ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. … ou nous la perdrons.

En ce qui concerne le soutien aux collectivités locales, monsieur le sénateur Gay, vous avez raison de nous alerter. Mme la Première ministre a déjà évoqué ce point. Nous travaillons à des solutions, dont certaines ont déjà été annoncées : une hausse de la dotation globale de fonctionnement de 110 millions d’euros supplémentaires pour 2023, un filet de sécurité qui permettra d’aider les collectivités locales qui sont le plus en difficulté.

Mme Céline Brulin. Elles sont toutes en difficulté face au coût de l’énergie !