M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Bien que notre groupe n’ait déposé aucun amendement sur cet article, je m’interroge.

Vous l’avez évidemment constaté, madame la ministre, l’article 12 prévoit de vous confier des pouvoirs exceptionnels durant toute la durée du quinquennat. Évidemment, un tel dispositif pourrait être utile à notre pays, ce que les collègues qui viennent de s’exprimer n’ont pas contredit.

Personne ne voit donc d’inconvénient à ce que le Gouvernement puisse prendre des mesures fortes. Cela étant, cinq ans, c’est tout de même long…

Tout à l’heure, Franck Montaugé vous proposait de débattre avec la CRE : vous y étiez défavorable. Désormais, nos collègues des groupes socialiste et écologiste vous proposent de revenir devant le Parlement à l’issue d’une période d’un ou de deux ans. Cette dernière proposition que fait notre collègue Franck Montaugé me paraît acceptable. Il ne me paraît en effet pas anormal de faire un point sur la situation d’ici deux ans.

Je vous avoue, monsieur le rapporteur pour avis, que j’ai un peu de mal à comprendre que l’on puisse confier de tels pouvoirs au Gouvernement pour cinq ans. Certes, vous nous expliquez qu’il sera possible de revenir dessus par décret, mais j’estime que nous devrions au minimum avoir un débat à mi-mandat, c’est-à-dire au bout de deux ans. Si la situation continue à exiger que l’on vous confie des pouvoirs exceptionnels, madame la ministre, nous pourrons alors les prolonger ; si, en revanche, la situation est différente, peut-être pourrons-nous revenir dessus.

Une fois encore, il ne me semble pas anormal que le Parlement se donne la possibilité, d’ici au minimum deux ans, ce qui me semble déjà assez long, d’avoir de nouveau ce débat.

C’est pourquoi nous voterons l’amendement n° 217 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je rejoins complètement les propos que vient de tenir Fabien Gay, et je ne comprends pas très bien pourquoi la majorité sénatoriale ne soutient pas ces amendements. Que le délai retenu soit d’un an ou de deux ans, on a besoin de remettre le Parlement au cœur du dispositif, et ce d’autant plus qu’il s’agit de mesures d’urgence, de mesures exceptionnelles.

Nous avons d’ailleurs eu ce débat pendant toute la période de la pandémie ; dans ce cadre-là, il me semble que le Sénat s’est montré très sage, en essayant à chaque fois de limiter les mesures d’urgence et de remettre le Parlement au cœur des décisions. En toute logique, on devrait retrouver ici des dispositions similaires.

M. Fabien Gay. C’est une position de compromis !

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous avions proposé de fixer la durée maximale de ces mesures à un an, mais un délai de deux ans nous irait très bien également.

C’est pourquoi je retire mon amendement au profit de celui de M. Montaugé ; il me semble que, dans cette chambre, toujours scrupuleuse quant aux droits du Parlement et au contrôle du Gouvernement, un tel amendement devrait recueillir l’assentiment de toutes les travées.

M. le président. L’amendement n° 209 est retiré.

La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. Il me semble important de prévoir une sorte de clause de revoyure permettant de réajuster le dispositif en cas de besoin. On ne sait pas ce qui se passera au cours des cinq prochaines années ; réévaluer ces mesures dans deux ans, examiner les différents dispositifs, déterminer s’ils fonctionnent bien ou mal, cela me semble être dans l’intérêt de nos concitoyens.

Ce n’est pas une question politique ; il s’agit surtout de mettre en place les moyens de réajuster les choses pour éviter le pire, puisqu’on peut être confronté à tout moment à des situations irréversibles. Voilà ce que vous ne comprenez pas, madame la ministre !

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Madame la ministre, vous n’étiez pas présente au banc du Gouvernement hier soir lors de l’examen de l’article 15 ; vous n’avez donc pas pu entendre les propos que j’ai alors tenus.

Que disent nos collègues, même ceux qui ne siègent pas sur les mêmes travées que moi ? Nous disons que nous en avons marre que le Parlement, sur un sujet aussi capital que la stratégie énergétique, soit mis de côté. Ça ne peut pas coller !

Nous examinons une quinzaine d’articles sur la politique énergétique au détour d’un texte consacré au pouvoir d’achat. La semaine prochaine, on abordera l’avenir d’EDF au détour du projet de loi de finances rectificative. On nous annonce pour la rentrée, ou pour l’automne, un texte de simplification des procédures pour les énergies renouvelables et peut-être un autre texte sur l’hydroélectricité. Ça ne va pas !

M. Bruno Retailleau. Pour notre part, nous pensons que le Gouvernement, tout comme celui dont vous faisiez déjà partie il y a cinq ans, a une responsabilité éminente dans la catastrophe énergétique actuelle. La guerre en Ukraine est accessoire par rapport à tous vos tête-à-queue, à tous vos va-et-vient, notamment sur le nucléaire !

Nous exigeons qu’à la rentrée se tienne un vrai débat sur l’ensemble de la stratégie énergétique de la France, avec un vote. Je l’ai demandé à la Première ministre.

Ce que demandent nos collègues au travers de cet amendement, ce n’est pas la lune. Ce que nous vous demandons, c’est que la Nation puisse être mise au courant des décisions prises dans un domaine aussi important que la politique énergétique et que, à tout le moins, les représentants de la Nation le soient aussi. Voilà leur demande, voilà notre demande, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, GEST, SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Permettez-moi de répondre à ces différentes interpellations.

Je veux d’abord rappeler que j’ai passé deux heures et demie devant votre commission des affaires économiques, pas plus tard qu’avant-hier ; j’ai répondu à toutes les questions… (Protestations à gauche, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est votre boulot !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Permettez-moi d’aller jusqu’au bout de mon propos ! J’ai répondu à toutes les questions, au cours d’une audition qui a été jugée plus longue que d’ordinaire. (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Franck Montaugé. C’est la moindre des choses !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je ne m’élève pas au-dessus de ma condition : je dis simplement que le Gouvernement rend des comptes. Il les rend longuement, il les rend précisément, en répondant à toutes les questions de la commission des affaires économiques. Je me suis également rendue disponible, me semble-t-il, pour l’ensemble des présidents de groupe ; je veux le préciser à nouveau pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté.

Ensuite, rappelons que le texte que vous examinez ici est un projet de loi d’urgence – je crois que vous l’avez compris – dans lequel on prend des mesures particulières. Si on les prend pour cinq ans, c’est bien parce que – tout le monde l’aura également compris – cette crise énergétique ne va pas se résoudre la semaine prochaine, non pour des raisons liées au nucléaire, mais du fait de la crise gazière.

Il ne vous aura pas échappé que l’année 2023 sera plus difficile que l’année 2022 concernant l’approvisionnement en gaz : en 2022, nous disposons encore du gaz russe, mais si le robinet se tarit à un moment donné en 2023,…

M. Bruno Retailleau. Vous avez fermé Fessenheim !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … la quantité de gaz à trouver sera plus importante.

Je veux maintenant, pour répondre très directement à votre question, monsieur Retailleau, vous redire que le ministre chargé des relations avec le Parlement, que j’ai croisé fugacement lors du dernier conseil des ministres, puisque j’ai été appelée au banc du Gouvernement en plein milieu dudit conseil, me disait encore à cette occasion que cette demande de débat lui était parvenue, et qu’il l’examinerait avec bienveillance. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je crois savoir en outre que ce sujet doit être abordé lors de la prochaine conférence des présidents, où il me semble qu’une très grande ouverture régnera.

Alors, ne prenons pas en otage le présent débat sur le pouvoir d’achat et les mesures d’urgence, n’utilisons pas à d’autres fins ce texte sur lequel nous sommes en train de travailler.

Enfin, je voudrais éclairer l’enchaînement des textes législatifs. Cela aussi a déjà été exposé, y compris, me semble-t-il, par la Première ministre.

Le projet de loi pour la protection du pouvoir d’achat comporte des mesures d’urgence sur l’énergie parce que, si nous ne les prenions pas dès maintenant, de manière anticipée, cela aurait un impact négatif encore plus fort sur le pouvoir d’achat ; tout le monde l’a compris.

Nous avons ensuite annoncé très clairement un projet de loi d’accélération de la transition énergétique. Ce texte vous sera transmis ; j’ai même déjà pris attache, de manière certes exploratoire et rapide, avec vos commissions de l’aménagement du territoire et du développement durable et des affaires économiques de manière à préparer ce débat. Vous aurez donc le temps de l’examiner : cela signifie que vous aurez le projet suffisamment en avance.

M. Bruno Retailleau. C’est une vision globale, stratégique, que nous voulons !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J’entends bien, monsieur Retailleau ; c’est pourquoi je vous ai répondu sur la question de la stratégie énergétique, qui a d’ailleurs été décrite dans le détail par le Président de la République dans son discours du 10 février dernier.

Cette stratégie se fonde sur le scénario développé par Réseau de transport d’électricité (RTE), scénario public sur lequel 4 000 experts ont travaillé et qui a fait l’objet d’un travail de deux ans. C’est public, c’est étayé, c’est scientifique, c’est transparent, et nous sommes à votre disposition pour rendre des comptes en la matière.

Revenons-en au calendrier. La loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat exige qu’un débat se tienne sur notre programmation pluriannuelle de l’énergie en 2023.

M. Bruno Retailleau. Nous le savons !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce débat parlementaire doit être précédé par un débat public, dont vous savez qu’il démarre en septembre. Nous faisons les choses dans le bon ordre et nous rendrons évidemment des comptes à l’Assemblée nationale.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ici, c’est le Sénat !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Quant à la réquisition de centrales à gaz, dont il est question dans cet article, elle concerne somme toute un nombre limité d’acteurs. Certes, il s’agit de mesures extraordinaires et exceptionnelles, mais tous les Français ne sont pas concernés par la réquisition des centrales à gaz.

Pour protéger les Français face à une crise énergétique sur laquelle nous rendons des comptes tous les mercredis lors des questions d’actualité au Gouvernement, devant les commissions parlementaires et dans le cadre des débats que vous appelez de vos vœux, il me semble que tous les éléments du débat démocratique sont réunis ; je veux le dire ici clairement.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Ce que proposent nos collègues me semble extrêmement modeste ; vous pouvez d’ailleurs constater, madame la ministre, qu’ils sont soutenus sur l’ensemble de nos travées.

M. Antoine Lefèvre. Tout à fait !

Mme Céline Brulin. Des dispositifs d’exception doivent être pris ; nous demandons que nous puissions en faire le bilan ensemble tous les deux ans. Pour une équipe qui ne cesse de dire, depuis quelques jours maintenant, qu’elle veut adopter une nouvelle méthode de gouvernement, refuser cette demande extrêmement modeste m’interroge…

Ensuite, les dispositions que nous adoptons depuis tout à l’heure témoignent tout de même d’une situation extrêmement inquiétante pour notre pays. Si nous en sommes là en matière de politique énergétique, madame la ministre, ce n’est certes pas de votre seul fait. Seulement, il me semble qu’une politique énergétique ne se décide pas à l’aune d’un bilan comptable annuel, pas même à l’aune d’un quinquennat, mais pour cinquante ans.

Or peut-être avons-nous, les uns et les autres, trop souvent envisagé cette question sous un angle politicien, sans avoir la vision nécessaire de l’intérêt national. C’est justement cela qu’il nous faut faire en urgence aujourd’hui.

C’est une raison de plus pour que l’ensemble de la représentation nationale soit associée à cette réflexion. Vous devriez le prendre non pas comme un obstacle, madame la ministre, mais comme un atout : nous allons devoir faire face à des situations extrêmement dangereuses et il n’y aura jamais une tête de trop pour y réfléchir ; tel est en tout cas notre avis. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Je ne comprends pas votre entêtement, madame la ministre. Sur toutes nos travées, nous demandons un débat stratégique qui permette de ne pas traiter par le petit bout de la lorgnette ces questions énergétiques. Personne ne peut nier cette nécessité ; vous-même venez de nous annoncer qu’on en discuterait au cours de la prochaine conférence des présidents et que le ministre chargé des relations avec le Parlement montrerait un intérêt marqué pour cette initiative.

Pourtant, sur un sujet secondaire, vous vous entêtez à refuser de revenir dans deux ans faire un point devant la représentation nationale sur cette situation d’urgence. Franchement, je ne comprends pas ! Par ailleurs, excusez-moi, monsieur le rapporteur pour avis, mais je ne comprends pas non plus que nos représentants ne défendent pas les prérogatives du Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Rémi Cardon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Pour une fois que je vais voter un amendement socialiste, cela mérite que je me lève ! (Sourires.)

M. Bruno Retailleau. N’en prenez pas l’habitude, mon cher collègue !

M. Roger Karoutchi. Madame la ministre, pardonnez-moi de vous le dire ainsi, mais vous en êtes restée au précédent quinquennat, à l’époque où vous aviez une majorité absolue.

M. Roger Karoutchi. Vous avez d’ailleurs utilisé à plusieurs reprises l’expression : « rendre compte ». Mais cela signifie que vous venez nous voir a posteriori ; or ce n’est pas ce que nous vous demandons.

M. Laurent Duplomb. Exactement !

M. Roger Karoutchi. Nous vous demandons plutôt ceci : ne pourrait-on pas anticiper, travailler ensemble ? Vous cherchez des majorités : si vous souhaitez en trouver, il faut associer les gens. Si, en revanche, vous ne venez ici que pour rendre compte et trouver des électeurs, ça ne va pas le faire, ça ne marchera pas ! (Marques dapprobation sur de nombreuses travées.)

C’est extrêmement simple. Franchement, par cet amendement, on vous demande simplement de revenir dans deux ans ; si l’on vous demandait de revenir dans quinze jours, je comprendrais votre opposition, mais là…

En outre, à ma connaissance, nous n’avons pas changé de Constitution : le Gouvernement est à la disposition du Parlement et non l’inverse, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, GEST, SER et CRCE.)

Dès lors, sincèrement, revenir dans deux ans ne semble pas de trop. Je comprends très bien que vous preniez des mesures en urgence, mais on pourrait peut-être faire un point après deux ans : vous nous diriez où l’on en est ; on ferait le bilan.

Je vais même vous dire une chose qui vous étonnera beaucoup : le Parlement dans son ensemble n’est pas forcément plus stupide que le Gouvernement ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires sociales.

M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales. Je veux dire quelques mots pour appuyer l’intervention de Roger Karoutchi. L’idée globale à cet instant du débat, madame la ministre, c’est de vous faire passer un message, de vous faire entendre notre volonté de participer avec vous à la réflexion sur la politique énergétique de la France.

Réfléchir avec vous, comme l’a dit Roger Karoutchi, ce n’est pas être présent seulement au bout de la réflexion, dans une phase de bilan et de compte rendu de ce qui s’est passé : c’est être avec vous dans l’anticipation, dans la réflexion face à une situation extrêmement compliquée.

Aujourd’hui, nous discutons de mesures d’urgence pour la protection du consommateur et la sécurisation de la politique énergétique. Nous abordons le sujet par un bout et on n’évoque EDF que par voie d’amendement. D’ailleurs, on obtient souvent plus d’informations sur EDF dans Les Échos ou d’autres médias que par le ministre chargé des relations avec le Parlement…

Nous étudierons cet automne un texte sur les énergies renouvelables puis, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, d’autres volets de la politique énergétique. Si tout est ainsi sectionné, madame la ministre, c’est soit parce que vous n’avez pas de vision globale, ce qui est extrêmement grave, soit parce que vous ne voulez pas partager cette vision avec le Parlement, ce qui est tout aussi grave.

Vous l’avez compris, nous désirons établir un vrai partenariat avec vous. Nous avons bien vu que tout avait changé, que la majorité de l’Assemblée nationale n’était plus ce qu’elle était, mais nous avons tout de même encore quelques doutes, quelques interrogations, sur votre capacité à travailler avec nous.

Au vu du bilan du dernier quinquennat et de vos changements d’attitude, notamment vis-à-vis du nucléaire, au cours de ces cinq années, on peut avoir de sérieuses inquiétudes quant à votre capacité de vous poser et d’avoir une vision de long terme de ce que doit être la politique énergétique de demain.

Voilà l’offre de services que nous vous faisons, madame la ministre ; si vous pouviez l’entendre, cela me ferait plaisir !

Merci en tout cas de bien vouloir apporter une réponse à nos interventions, qui ont à mon avis une très grande importance. L’enjeu pour nous est de délivrer ce message au Gouvernement : nous voulons un débat global d’anticipation et non des réactions après coup.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

M. Philippe Folliot. Madame la ministre, écoutez le Sénat et ce que les sénateurs vous disent, dans leur diversité !

Ce qui a été exprimé par nombre de nos collègues, voire par l’ensemble des sénateurs, ce n’est pas une volonté de s’inscrire en faux par rapport à une quelconque stratégie gouvernementale : c’est la volonté d’avoir des schémas d’anticipation et de discussion sur une politique énergétique qui ne peut être, dans un pays organisé, qu’une politique de long terme.

Retrouvons collectivement une forme d’inspiration gaullienne, si vous me permettez l’expression. Quand le général de Gaulle a lancé la politique énergétique de notre pays, notamment dans sa dimension nucléaire, il ne songeait pas à la prochaine mandature ou à la prochaine élection, mais à la prochaine génération ! Son objectif, sa volonté était d’avoir une stratégie énergétique à long terme.

Ce que nous souhaitons tous, dans la diversité de nos opinions, c’est de travailler tous ensemble avec vous sur ces enjeux, pour que nous ne soyons pas dans des schémas de réaction mais, je le répète, dans des schémas d’anticipation. Le vote de cet amendement constituerait simplement un signal pour aller dans ce sens et tendre vers une nouvelle méthode.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vous en demande pardon, mais je vais devoir me répéter. Il ne m’appartient pas de définir les dates des débats parlementaires en lieu et place de la conférence des présidents. Je vous le redis : pour que le débat que vous demandez se tienne, ce point devra être abordé et tranché lors de la conférence des présidents. Je ne peux pas vous en dire plus ! (Exclamations sur diverses travées.)

Il y aura bien un débat, et c’est vous qui définirez les modalités de celui-ci en conférence des présidents, avec le représentant du Gouvernement.

Je suis en train de vous dire qu’il y a un débat et vous me répondez qu’il n’y en a pas : c’est un peu curieux ! Oui, il y aura un débat sur la question énergétique, mais ce n’est pas l’objet du présent texte, qui contient des mesures d’urgence.

Alors, pourquoi est-ce que j’insiste pour que ces mesures puissent durer plus de deux ans ? J’entends le message d’appel de cet amendement, mais il est satisfait, puisqu’il y aura bel et bien un débat.

M. Roger Karoutchi. Mais non, ce n’est pas un débat que nous voulons !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Mais si, vous voulez un débat sur la politique énergétique globale de la France.

M. Franck Montaugé. Nous voulons faire le point sur ce dispositif précis avec vous au bout de deux ans !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Là, vous parlez de deux choses différentes. Le point central de votre demande est qu’il faudrait commencer par avoir un débat sur la politique énergétique et qu’il en découlera un certain nombre de textes. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Voilà peu ou prou ce que j’ai entendu.

M. Bruno Retailleau. Le débat que nous demandons, sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, seul le Gouvernement peut nous l’octroyer.

M. le président. Mes chers collègues, seule Mme la ministre a la parole !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le ministre chargé des relations avec le Parlement a vocation à donner droit à cette demande, qui sera évoquée à la prochaine conférence des présidents. Nous sommes plutôt dans la mise en œuvre que dans l’atermoiement. C’est bien ce que je vous dis, même si je me suis peut-être mal exprimée.

S’agissant du présent amendement – il ne s’agit tout de même pas là de la politique énergétique de la France, vous me l’accorderez –, cette disposition vise…

M. Bruno Retailleau. Le respect du Parlement !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Non, monsieur Retailleau, je ne crois pas que respecter le Parlement, ce soit lui demander de revenir tous les ans, ou tous les deux ans, se prononcer sur des mesures techniques, qui protègent les Français. Vous êtes tombés d’accord sur ces mesures et vous avez la main pour les modifier : on est capable d’avancer et de les changer. Dès lors, a-t-on vraiment besoin de se donner une clause de rendez-vous (Oui ! sur des travées des groupes CRCE et SER.) qui va rogner sur le temps législatif au détriment d’autres textes ? C’est de cela qu’il s’agit ! La politique énergétique ne se résume pas à la réquisition de centrales à gaz, dont il est question dans cet amendement. (Exclamations à gauche.)

Je fais bien la différence entre le débat que vous demandez…

M. Fabien Gay. Ça, c’est une chose ! Et vous y êtes favorable…

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je ne suis pas la seule décisionnaire, monsieur le sénateur : nous sommes plusieurs ministres à être concernés et cette discussion devra avoir lieu en conférence des présidents…

M. Fabien Gay. Vous pouvez avoir un avis personnel !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Revenons-en à l’objet de cet amendement. J’estime – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce dispositif a été retravaillé à l’Assemblée nationale – qu’une durée de cinq ans est davantage de nature à protéger les Français.

Voilà l’avis que j’émets au nom du Gouvernement. J’entends que vous n’êtes pas d’accord, mais ma responsabilité politique est de vous donner mon avis quant à ce qui protège au mieux les Français, vu depuis ma fenêtre, au regard d’une mesure qui n’est pas stratégique en matière de politique énergétique, mais qui constitue une amélioration ; Marie-Noëlle Battistel, qui l’a défendue, a d’ailleurs déclaré en être satisfaite.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Si j’ai bien compris ce que dit Mme la ministre, pour ce qui est de la souveraineté énergétique, nous n’aurons pas de débat, notamment face aux Russes, avant 2027.

M. Roger Karoutchi. Pour la prochaine présidentielle !

M. Victorin Lurel. Nous n’aurons pas de débat sur l’autonomie énergétique des outre-mer, pour lesquels rien n’est prévu, avant 2027 ! C’est bien ce que vous nous proposez avec cette durée de cinq ans, madame la ministre : cela nous amène en 2027.

Certes, en relisant le code de l’énergie, tel qu’il a été modifié par les dernières lois relatives à l’énergie et au climat, on constate qu’un débat général devra avoir lieu avant juillet 2023 ; c’est ce que vous avez vous-même évoqué. Là encore, il faudra attendre pour un vrai débat sur la politique nationale et les priorités d’action du Gouvernement.

Dès lors, en quoi un débat devant le Parlement pourrait-il fragiliser, si j’ose dire, la sécurité des Français ? Ce sera encore pire si l’on attend cinq ans. Vous venez de dire que cette durée plus longue protégerait davantage les Français. Je n’en crois rien ! Enfin, comme tous nos collègues, je pense qu’il convient de respecter le Parlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. J’en reviens à l’article 12 et à l’amendement n° 217 rectifié. M. Montaugé propose que l’on débatte, à une date plus rapprochée, des restrictions ou suspensions d’approvisionnement prévues dans cet article.

On parle de défense des droits du Parlement. Eh bien, je veux justement défendre le travail réalisé par la commission des affaires économiques ! En commission, cet article a été travaillé et retravaillé, sa rédaction a été complétée et enrichie : sur l’initiative de la commission, il est désormais prévu que le Gouvernement sera tenu de communiquer chaque année des informations au Parlement : « Avant le 31 mars de chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation des mesures prises l’année précédente en application du présent article. Ce rapport comporte une synthèse de ces mesures et un bilan de leurs effets. »

Il est donc bien précisé que le Gouvernement est tenu de nous communiquer des informations chaque année : voilà un apport de notre commission des affaires économiques, qui a été totalement accepté par le Gouvernement, puisqu’il n’a pas déposé d’amendement de suppression, et qu’il convient de valoriser. Ce n’est pas un avocat commis d’office qui vous parle, mes chers collègues, mais un membre de la commission des affaires économiques qui se préoccupe que le travail accompli soit respecté !

Les diverses prises de parole sur cet amendement ont également porté sur un autre niveau : celui d’un débat global sur la politique énergétique. Il va manifestement être donné droit à cette demande de débat ; il n’en reste pas moins que celui-ci excède largement la portée de l’article 12 et de l’amendement n° 217 rectifié.

Je veux rendre hommage aux travaux conduits depuis le début de l’examen de ce texte. Honnêtement, il me semble que chacun des ministres présents dans cette enceinte a pu répondre aux interrogations de chacun d’entre nous. C’est la raison pour laquelle le texte issu des travaux de la commission, qui prévoit que nous ayons toutes les informations requises chaque année, me paraît suffisant. Chaque année, c’est mieux que tous les deux ans !