M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que le prix Goncourt 2021 ait été attribué au Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr.

Cela met en valeur la langue française en démontrant qu’elle rayonne au-delà de nos frontières. La majorité de ses locuteurs vivent en effet en dehors du territoire national. Quelque 220 millions de personnes parlent notre langue et l’enrichissent de toute une variété d’accents et d’expressions. C’est évidemment un atout dans le cadre de nos échanges avec de nombreux pays aux quatre coins du monde.

D’ailleurs, monsieur le ministre, parmi tous les auteurs que vous avez cités en préambule, vous avez oublié certains écrivains étrangers qui figurent parmi les grands noms de notre littérature, voire, pour certains, siègent parmi les immortels au sein de l’Académie française.

Notre réseau d’enseignement à l’étranger est un atout que nous devons préserver et renforcer. Il permet à nos concitoyens expatriés de bénéficier d’un enseignement dans leur langue maternelle, imprégné de leur culture. Cet enseignement contribue à transmettre le français et à partager la culture française avec les étrangers qui le souhaitent. Aussi, nous devons assurer une évaluation permanente de l’efficacité de nos dispositifs.

Voilà trente-deux ans, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger était créée, et 160 000 élèves en bénéficiaient. En 2021, cet enseignement s’appuyait sur 543 établissements répartis dans 138 pays, recevant 375 000 élèves ; c’est important.

Le Président de la République souhaite doubler ces effectifs. Une telle évolution nécessite évidemment des adaptations. Je salue à ce titre le travail de notre collègue Samantha Cazebonne, qui nous propose d’en adopter certaines.

Afin d’assurer une meilleure représentation des fédérations de parents d’élèves, la proposition de loi leur offre deux sièges supplémentaires. Cette mesure pleine de bon sens a été complétée par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées par l’attribution d’un siège à l’Anefe, sans voix délibérative cependant. Il aurait en effet été fort dommage de se priver de la compétence et de l’expérience de cet organisme, qui est présidé par notre excellent collègue Olivier Cadic.

L’AEFE aura une gouvernance plus équilibrée – cela a été souligné –, ce qui devrait lui permettre de mieux assurer ses missions actuelles tout en en assumant de nouvelles.

Il est impératif de renforcer l’enseignement français à l’étranger, afin d’accroître et, parfois, de restaurer l’influence française dans le monde, d’où l’importance de cette délibération pour soutenir les filières d’enseignement.

Les défis sont en effet immenses.

Force est de constater que la francophonie est aujourd’hui menacée. En Afrique, des campagnes de propagande et de désinformation contre la France sont orchestrées par des puissances étrangères.

En Amérique du Nord, le wokisme pousse des instituts d’enseignement français à organiser des campagnes d’épuration littéraire, comme cela s’est produit à Ontario, au Canada, avec la destruction de près de 5 000 livres en français à destination de la jeunesse, dont nos fameux Tintin et Astérix.

Et au Moyen-Orient, région stratégique pour la France, plusieurs instituts d’enseignement français sont menacés de fermeture du fait de conflits armés et de situations instables. C’est le cas en Iran, en Syrie et, malheureusement, au Liban.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, éclairée par le travail de notre excellent rapporteur, a eu l’occasion de rappeler sa vigilance quant aux moyens financiers alloués à l’enseignement français à l’étranger.

En effet, alors que l’objectif fixé pour 2030 est très clair, l’évolution des financements l’est beaucoup moins. Un doublement des effectifs devrait nécessairement s’accompagner d’une augmentation significative des budgets de personnels.

En conclusion, nous nous réjouissons des ambitions nourries par la France. Pour que notre réseau d’enseignement à l’étranger continue de rayonner toujours plus, nous devons veiller à fortifier les piliers de notre action à l’étranger. La proposition de loi que nous examinons prépare sa montée en puissance.

Le groupe Les Indépendants la votera donc avec enthousiasme. (Mme Samantha Cazebonne applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Ronan Le Gleut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui s’inscrit, d’une part, dans la logique du contrat d’objectif et de moyens de l’AEFE pour la période 2021-2023 et, d’autre part, dans le cadre des orientations fixées par le Président de la République d’un doublement du nombre d’élèves accueillis dans les établissements d’enseignement français à l’étranger d’ici à 2030.

En effet, la création de 16 IRF ayant un statut d’établissement en gestion directe est une conséquence logique de l’augmentation des homologations d’établissements. Ainsi, davantage d’enseignants pourront être formés.

De même, la meilleure prise en compte de la voix des parents d’élèves, des parents gestionnaires, des associations FLAM, de l’Anefe et des 600 000 anciens élèves au sein du conseil d’administration de l’AEFE en est une conséquence, elle aussi, à la fois logique et bienvenue.

Pour ces raisons, il n’y a pas d’objection à adopter cette proposition de loi, même si, lors de nos débats, certains amendements seront présentés afin de l’améliorer. Je pense notamment à un amendement visant à ouvrir à un conseiller des Français de l’étranger non membre de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) un siège au conseil d’administration de l’AEFE.

Néanmoins, permettez-moi d’interroger la stratégie globale au regard des moyens alloués à cet objectif ambitieux et souhaitable de doublement du nombre d’élèves, qui, au rythme actuel, n’interviendrait pas avant les années 2050.

En effet, un abîme existe entre les annonces et la réalité, entre les paroles et les actes. Et cet abîme porte un nom : le « en même temps », source d’impuissance politique et de contradictions insurmontables.

Vous dites que vous voulez doubler le nombre d’élèves et, « en même temps », vous supprimez 512 postes d’enseignants résidents ou expatriés. Et à peine arrivé au pouvoir en 2017, vous amputez le budget de l’AEFE de 33 millions d’euros. (M. le ministre délégué proteste.) Le rattrapage des années suivantes n’a rien changé à la réalité à laquelle les parents sont confrontés : cette déstabilisation financière a malheureusement entraîné des hausses de frais d’écolage.

Vous dites que vous voulez aider les parents à inscrire leurs enfants dans les écoles françaises à l’étranger et, « en même temps », vous supprimez 10 millions d’euros pour les bourses scolaires, passant de 104 millions d’euros à 94 millions d’euros dans le programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires », de la loi de finances pour 2022.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. C’est faux !

Mme Hélène Conway-Mouret. Les chiffres sont têtus !

M. Ronan Le Gleut. Vous dites que vous voulez accompagner les établissements scolaires et, « en même temps », vous augmentez temporairement la participation financière complémentaire (PFC), ce qui a entraîné des déconventionnements d’établissements scolaires.

Vous dites que vous êtes auprès des écoles et, « en même temps », vous créez une concurrence inéquitable entre établissements de nature différente, avec des homologations qui ne tiennent aucun compte de ce qu’il faudrait faire, c’est-à-dire une carte scolaire.

Vous dites que les établissements doivent se développer et, « en même temps », vous empêchez les EGD de recourir à l’emprunt, et vous proposez une garantie de l’État pour les établissements conventionnés et les établissements partenaires moins favorable que celle qu’ils pouvaient solliciter auprès de l’Anefe.

Je pourrais continuer ainsi, mais je crois que le message est suffisamment clair : votre politique est à la fois brouillonne et sans vision ! Et cela nous désole.

Je suis l’un des deux sénateurs désignés par notre Haute Assemblée pour siéger au conseil d’administration de l’AEFE – le mandat est évidemment bénévole – et je suis corapporteur pour avis du programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence ». Mais je suis aussi un Français de l’étranger profondément attaché à notre magnifique réseau d’établissements scolaires partout dans le monde. Ce réseau est un atout majeur de la France, or ces dernières années, il a été est mis à mal.

Monsieur le ministre, je vous le dis solennellement : mettez enfin en conformité vos paroles et vos actes ! Sinon, vous ne créerez que frustration et incompréhension, et ce sera encore un échec ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de l’enseignement français à l’étranger est peu débattue, comme la plupart des sujets qui concernent les Françaises et les Français établis hors de France.

L’examen de la présente proposition de loi nous donne donc l’occasion d’aborder la question dans cet hémicycle. C’est, je le crois, un élément positif en soi.

L’enseignement français à l’étranger est face à un défi majeur : une tension très forte entre des objectifs chiffrés extrêmement substantiels annoncés par le Président de la République, doubler le nombre d’élèves à l’horizon 2030, et un abaissement des moyens fournis par l’État. C’est étrange quand on le dit comme cela, mais c’est ainsi : la volonté politique de doubler le nombre d’élèves n’est pas du tout corrélée à des mesures visant à doubler les moyens mis en œuvre par l’État.

En réalité, en 2017, le Gouvernement a même effectué une coupe de 33 millions d’euros. Entre 2016 et 2021, les personnels expatriés ont baissé de 21 %, tandis que le nombre de personnels résidents a baissé que de 7 %. Le personnel de droit local croît, de 9 %, et les détachements aussi. Mais cela ne fait en tout qu’un dixième du nécessaire.

Comme la magie n’existe pas, comment cet objectif de doublement du nombre d’élèves peut-il être rempli avec moins de moyens ?

Est-ce impossible ? Non, c’est possible. Mais cela a un coût très fort en matière de solidarité, d’égalité, de culture du service public et de traitement des enseignants.

Cela suppose de s’orienter davantage vers un système guidé par des logiques privées, où le poids des frais de scolarité pèse de plus en plus sur les parents, puisque la part d’engagement de l’État diminue. Plus précisément, c’est sur les parents qui en ont les moyens que cela pèse, la précarisation du statut des enseignants, qui permet de faire des économies, s’accentuant dans le même temps. C’est mécanique.

À notre avis, la logique de l’enseignement français à l’étranger doit au contraire être celle d’un service public, afin d’assurer un enseignement inclusif, de bonne qualité, accessible, assurant le principe républicain d’égalité des chances.

En conséquence, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, plusieurs grandes réformes auraient pu être menées.

S’agissant du réseau en lui-même, la clé est à nos yeux de renforcer la participation financière de l’État afin de juguler l’envolée des frais de scolarité. Cela signifie par exemple favoriser le recrutement d’enseignants titulaires, travailler à l’harmonisation des rémunérations et des avantages sociaux entre salariés de droit français et contrats locaux ou encore mettre en place des conventions collectives internationales et une charte sociale de respect des droits des travailleurs et des travailleuses pour obtenir le label AEFE.

Il conviendrait par ailleurs d’agir au niveau des bourses qui, cela a été dit, ont été amputées de 10 milliards d’euros. Selon nous, une augmentation substantielle du budget des bourses est au contraire nécessaire pour ne pas exclure une part de plus en plus grande de familles.

Pour réduire les inégalités, il faut par exemple modifier les barèmes d’attribution fixés en fonction de la situation économique et sociale de chaque pays. Il faut également une réforme du barème et des modes d’attribution des bourses pour les foyers monoparentaux et les couples séparés.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi se donne deux objectifs principaux. D’une part, elle assure une plus grande représentation des familles et des anciens élèves au sein du conseil d’administration de l’AEFE. D’autre part, elle confie à cette dernière le soin de gérer les IRF, qui ont déjà été créés, le premier ayant d’ailleurs été inauguré au mois de janvier.

Nous aurons l’occasion de discuter du contenu précis des dispositions proposées lors de la discussion des articles. Mais, vous l’aurez compris, pour nous, les écologistes, la priorité aurait été de réorienter structurellement notre modèle vers une logique de service public, c’est-à-dire une logique où priment l’égalité des chances, la qualité de l’enseignement, la mixité sociale de ces centaines de milliers d’élèves que nous avons vocation à accueillir.

Nous attendons donc avec enthousiasme les débats et les votes sur les différents amendements, afin de déterminer si nous pouvons soutenir ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi nous permet, ce qui est trop rarement le cas, de débattre du réseau de l’enseignement du français à l’étranger. Dans le fond, elle tente de répondre à deux enjeux majeurs.

Le premier est celui de la gouvernance. Le réseau connaît une externalisation croissante. Ainsi, sur le quinquennat, si on dénombre 53 établissements supplémentaires, le nombre d’établissements en gestion directe diminue.

Le second sujet d’inquiétude, lié par ailleurs à l’importance prise par les établissements partenaires, est l’augmentation des frais imposés aux familles. On parle, en cumulé, de 1,5 milliard d’euros de frais de scolarité, contre une subvention de 417 millions d’euros au réseau, avec des taux de prise en charge par les familles supérieurs dans les établissements en gestion indirecte.

Comment, dans une telle optique, et malgré les aides à la scolarisation, espérer démocratiser l’accès à l’enseignement français à l’étranger ? D’ailleurs, si l’on peut se réjouir que les établissements accueillent une plus grande part d’élèves étrangers, certains parents craignent que l’AEFE ne devienne de plus en plus une « machine à exclure » les élèves français, qui ne représentent aujourd’hui que 37 % des effectifs.

Au vu du contexte, la proposition de doubler la présence des représentants des familles au sein du conseil d’administration de l’AEFE est bienvenue, avec toutefois une réserve : elle risque de restreindre la représentation des personnels, alors même que leur situation mériterait d’être examinée de près et améliorée.

À ce titre, j’insisterai sur deux points.

Le premier est l’augmentation massive et continue du nombre de personnels recrutés en contrats locaux, bien moins protecteurs.

Le second est le choix fait par le réseau de refuser le versement de la prime informatique à ces personnels de droit local, alors qu’ils ont été tout aussi sollicités que leurs collègues durant la pandémie.

Pour en terminer avec la gouvernance, je m’interroge sur la pertinence d’intégrer au sein du conseil d’administration un collège d’anciens élèves au seul motif qu’il s’agit d’anciens élèves.

On a vu apparaître depuis plusieurs années des « réseaux des anciens », des alumni et autres associations. Si les dispositifs mis en place par des anciens élèves ou les établissements eux-mêmes ont un intérêt certain, sont-ils pour autant légitimes à participer à la gouvernance des établissements ? Peut-on imaginer que siégeraient dans tous les conseils d’administration des collèges, des lycées et des universités des élus supplémentaires ayant pour seule qualité d’avoir fréquenté l’établissement concerné ?

J’en viens à la question des instituts régionaux de formation. Depuis le 1er janvier, 16 d’entre eux ont été créés dans l’optique de renforcer la formation des personnels des établissements. C’est une mesure utile dans le contexte de l’augmentation espérée du nombre d’élèves, tout comme la proposition qui nous est faite d’en confier la gestion à l’AEFE.

Cela étant, je souhaite me faire une nouvelle fois l’écho des interrogations des familles, en souhaitant que notre collègue autrice de la proposition de loi puisse y répondre et apporter toutes les précisions utiles.

Quel sera le financement de ces instituts régionaux de formation ? Quelles seront les conséquences éventuelles de leur création sur les frais d’écolage, déjà très élevés, et sur le recrutement des personnels ?

Faut-il notamment s’attendre à une mutation des fonctionnaires expatriés pour de nouvelles vagues de recrutements de droit local ? Quels seront les effets quant au déploiement des personnels en place ? Pouvons-nous espérer un remplacement systématique des enseignants partis former ou se former ?

Enfin, quelle sera la place des investisseurs privés dans le processus ? Faut-il voir dans cette évolution une forme de privatisation du réseau, déjà engagée par ailleurs ?

Toutes ces questions méritent d’être posées, sans remettre en cause le bien-fondé de la création des instituts régionaux de formation.

Tout en gardant en tête ces réserves, les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste soutiendront la proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Cadic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par notre collègue Samantha Cazebonne, dont je salue le travail et l’engagement en faveur de l’enseignement français à l’étranger, vise à faire évoluer la gouvernance de l’AEFE et à créer les instituts régionaux de formation.

Cette proposition de loi est destinée à soutenir le nouvel élan que le Gouvernement souhaite donner au réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger afin, entre autres, de développer le réseau actuel et d’accompagner la création de nouveaux établissements, tout en associant mieux les familles à la vie des établissements.

Comme le souligne notre rapporteur, les familles investissent largement dans le réseau. Il est donc juste qu’elles puissent s’investir davantage dans l’administration de celui-ci.

La proposition de loi a justement pour objectif d’assurer un nouvel équilibre au sein du conseil d’administration de l’AEFE, en attribuant quatre sièges au lieu de deux aux représentants des parents d’élèves, tandis que les représentants du personnel en conservent cinq.

L’article 1er prévoit qu’un représentant des associations d’anciens élèves de l’enseignement français à l’étranger et un représentant des associations FLAM participent au conseil d’administration de l’AEFE en qualité d’experts. Cette innovation semble faire consensus, même si je persiste à penser que la mission des associations FLAM, qui proposent aux enfants des activités autour de la pratique du français en tant que langue maternelle, relève davantage de l’Institut français et des alliances françaises que de l’AEFE.

Successeur de notre ancien collègue André Ferrand en qualité de président de l’Anefe, une structure qui a tant fait pour l’enseignement français à l’étranger – je vous remercie de l’avoir rappelé, monsieur le ministre –, je me réjouis de l’amendement voté en commission visant à maintenir la représentation de cette association au sein du conseil d’administration de l’AEFE en qualité d’expert.

À la fin du mandat du président Hollande, la Cour des comptes dénonçait un réseau d’enseignement fragilisé et invitait les autorités publiques à insuffler une nouvelle dynamique.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Eh oui !

M. Olivier Cadic. Malgré le demi-milliard d’euros d’argent public qui lui est consacré chaque année, le réseau de l’AEFE plafonnait à 495 établissements scolaires fin 2017, soit moins que les 499 recensés à la création de l’Agence vingt-sept ans plus tôt. Pour mémoire, l’enseignement anglo-saxon compte désormais 9 000 écoles, qui scolarisent 5 millions d’élèves. Elles sont donc près de vingt fois plus nombreuses que les nôtres.

Aussi, en décembre 2017, je me tenais à cette tribune et exposais devant vous, mes chers collègues, l’urgence vitale de doubler le nombre d’établissements au sein desquels l’enseignement français est dispensé.

Pour éviter le déclassement de la France dans ce domaine, le Président de la République Emmanuel Macron déclarait le 20 mars 2018 à l’Institut de France : « Nous allons développer les établissements partenaires avec l’objectif de doubler le nombre d’élèves accueillis au sein du réseau scolaire français d’ici à 2025. Des pôles régionaux de formation seront créés pour former les nouveaux enseignants. » Même si l’objectif a ensuite été reporté à 2030, j’ai toujours appuyé la démarche du Président de la République, qui a impulsé le nouvel élan que j’appelais de mes vœux.

Nous pouvons nous réjouir que, malgré la pandémie, le nombre d’établissements du réseau ait enfin entamé sa croissance. En effet, trois ans après le discours de l’Institut, à la rentrée 2021, nous sommes passés de 495 à 543 établissements scolaires homologués.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Ce n’est qu’un début !

M. Olivier Cadic. N’en déplaise aux esprits chagrins, c’est un premier succès qui marquera l’histoire du réseau, et j’en suis sincèrement reconnaissant à Emmanuel Macron et à tous ceux qui ont contribué à ce résultat.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui permettra d’amplifier l’accroissement du réseau dans les années à venir pour atteindre cet objectif.

Pour y parvenir, il faut recruter des enseignants en nombre. Or nous savons que l’éducation nationale est incapable de nous les fournir à hauteur de nos besoins.

Cette expansion s’appuiera sur les enseignants recrutés en droit local, nous le savons. Il faut donc former ces enseignants afin de maintenir le niveau d’excellence des établissements d’enseignement français. Tel était bien le sens des propos tenus par le Président de la République à l’Institut de France au sujet de la création des pôles régionaux de formation.

Celle-ci se concrétise à l’article 4, qui prévoit que l’AEFE gère également des IRF situés à l’étranger et placés en gestion directe, qui assurent notamment la formation de personnels exerçant ou ayant vocation à exercer dans les établissements d’enseignement français à l’étranger, ainsi que des personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers.

Cette formation indispensable des enseignants est une solution pour assurer l’attractivité des établissements ; elle permettra d’en augmenter le nombre et partant, d’accroître le rayonnement de notre réseau.

Ceux qui freinent le développement du réseau de l’enseignement français à l’étranger sont les meilleurs pourvoyeurs de clients des systèmes éducatifs étrangers.

Lorsque j’ai été élu à Londres en 2006, le manque de places au lycée Charles-de-Gaulle nous amenait à refuser 700 élèves chaque année. Ils étaient redirigés vers l’enseignement britannique. C’est parce que nous avons mené une politique d’expansion ambitieuse, en créant quatre nouvelles écoles secondaires à Londres, que nous avons pu mettre fin à cette situation.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui nous propose de soutenir ce nouvel élan, dont nous avons un besoin impérieux pour reprendre une place, et non la conserver, dans le marché mondial de l’éducation internationale. C’est bien en sortant du conservatisme qu’on pourra répondre à l’ambition du doublement du nombre d’élèves d’ici à 2030 et rêver d’un rayonnement un peu plus éblouissant.

Dans cette perspective stimulante et revigorante d’un enseignement français à l’étranger libre de croître, le groupe Union Centriste votera bien évidemment la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Else Joseph. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à consolider le travail accompli depuis plusieurs décennies pour renforcer notre présence éducative à l’étranger. En trente ans, le nombre d’élèves a plus que doublé. Nos établissements sont reconnus et appréciés.

En conséquence, un travail d’adaptation et de modernisation s’impose.

En raison du rôle clé de l’Agence dans le maintien de la présence de la France à l’étranger, l’amélioration de la gouvernance de l’AEFE est à cet égard indispensable. Au-delà de l’enseignement, c’est notre place dans le monde qui est en jeu. L’enseignement français contribue à notre rayonnement, et il convient de préserver cet atout.

Je salue bien sûr les réformes envisagées pour l’AEFE et le travail de mon collègue Bruno Sido.

La meilleure prise en compte des parents d’élèves au conseil d’administration de l’AEFE était notamment indispensable. Ils sont les premiers concernés et sont fortement impliqués dans le financement de l’enseignement à l’étranger. Ils doivent donc être mieux entendus, d’autant que leur expérience et leur soutien sont indispensables, et qu’ils contribuent à l’image de nos établissements. Le rôle des familles doit donc être reconnu, comme c’est le cas au sein de toute communauté éducative digne de ce nom.

De même, les missions de l’AEFE ont été élargies, qu’il s’agisse de l’accompagnement des projets d’homologations, de l’instruction des demandes de garantie de l’État, ou surtout, de la formation des personnels qui exerceront dans les établissements d’enseignement français. Il faut former les enseignants, mais aussi l’ensemble du personnel.

À ce titre, je me réjouis de la mise en place d’instituts régionaux de formation, qui permettront de renforcer la qualité de notre enseignement à l’étranger. Cette formation suppose évidemment une remise à plat en France de notre système de formation des enseignants. Il n’y a que des cloisons étanches entre ce que nous faisons en France et ce que nous faisons à l’étranger.

L’AEFE doit donc être un pilier de notre rayonnement éducatif dans le monde, mais il faut aller plus loin en termes de moyens. Certes, beaucoup a été dit, notamment dans un récent rapport d’information, et je salue mes collègues qui ont attiré l’attention sur ces différents problèmes.

La question des moyens soulève en effet des enjeux considérables, car il y va de la place de la France dans le monde, notamment dans certaines parties du globe où se dessinent de nouveaux équilibres.

Notre présence éducative est indispensable à notre présence économique, industrielle et diplomatique. Nous devons adopter une approche globale, car il y va de la souveraineté de la France et de son rayonnement. Nous devons éviter toute politique à courte vue, car c’est bien le long terme qui est en jeu. Les trente prochaines années seront tout aussi décisives que les trente dernières.

Notre enseignement est évidemment un marqueur de la francophonie, un marqueur fort de notre langue, un marqueur de notre culture. Nos établissements sont des ambassadeurs estimés du français, dont ils assurent la défense et le rayonnement.

C’est dire l’importance de l’enjeu si nous voulons préserver la place du français face à d’autres langues concurrentes. Nous savons que la concurrence est féroce, agressive, or ce qui se passe à l’étranger peut inévitablement rejaillir en France.

Il faut ensuite consolider la présence de notre pays par l’enseignement, notamment dans des lieux stratégiques. Comment faire pour que tout soit mis en œuvre, au-delà des seuls effets d’annonce ?

À cet égard, pour maintenir cette dynamique de consolidation, l’AEFE pourrait appuyer des projets de création d’établissements, comme c’est le cas d’un lycée international à Taipei. Les porteurs du projet et les conseillers consulaires ont détaillé leurs demandes, et ils sont prêts à offrir une éducation en français, et pas seulement en anglais et en chinois, notamment aux enfants des Français installés dans la région.

Notre langue est un précieux sésame, et c’est pourquoi il faut également permettre aux autres étrangers sur place d’accéder à cet enseignement. C’est aussi cela, le rayonnement de la France !

On pourrait multiplier les exemples, tant les demandes abondent.

De même, comment consolider notre présence au Proche-Orient ? La culture française y bénéficie encore d’une aura. Elle peut être une médiatrice dans les conflits de cette région, un supplément d’âme parmi des cultures antagonistes, un ciment dans le rapprochement des nations.

D’autres projets pourraient voir le jour à la lumière d’une gouvernance de l’AEFE améliorée.

Le rayonnement du français dépasse les seuls besoins de nos expatriés. Il faut aborder également la problématique des parents qui ne sont pas français, mais qui veulent donner à leurs enfants un enseignement français et en français. Il faudra donc repenser le rôle de notre présence éducative à l’étranger. C’est urgent !

En somme, nous devons réfléchir aux trente prochaines années.

Parce qu’il faut aborder l’enjeu avec l’idée que notre place dans le XXIe siècle se joue aujourd’hui, je voterai ce texte ainsi que les amendements approuvés par le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)