M. le président. Il faut conclure !

M. Guy Benarroche. Nous le constatons : le vrai pouvoir du maire, celui d’administrer librement sa commune a été considérablement amoindri par des décisions venues d’en haut, et du Président ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa, MM. Patrice Joly et Jean-Jacques Michau applaudissent également.)

lutte contre le harcèlement scolaire

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, ce jeudi 18 novembre a lieu la journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école. Entre 700 000 et 1 million d’élèves en sont victimes chaque année.

Derrière ces chiffres, une multitude d’enfants et d’adolescents font face à des insultes, des menaces, des coups, à un stress permanent, qui, parfois, mène au pire. Derrière ces chiffres, ce sont d’autres enfants qui se permettent, en dépit de toutes les règles du savoir-être, en dépit de la loi, de commettre des actes intolérables.

La récente mission d’information sénatoriale, dont j’étais la rapporteure, propose des mesures concrètes pour endiguer la violence à l’école. L’une d’entre elles vise à faire du harcèlement scolaire une grande cause nationale pour 2022. La protection de la jeunesse à l’égard de toute violence mérite cette mobilisation générale.

Quelle est, monsieur le ministre, la position du Gouvernement sur cette proposition ?

Nous devons ériger des remparts plus efficaces contre la violence à l’école, développer une culture de la bienveillance, du courage et de la protection dans chaque établissement scolaire. C’est le sens de l’expérimentation du programme pHARe de lutte contre le harcèlement à l’école, dont j’aimerais connaître, monsieur le ministre, le bilan.

J’aimerais également savoir combien d’établissements sont engagés dans le dispositif depuis sa généralisation en septembre dernier.

Frances Haugen alertait le Sénat la semaine dernière sur la brûlante nécessité de renforcer le Digital Services Act. Nous devons mutualiser nos moyens pour obliger les plateformes à protéger leurs utilisateurs en investissant dans la sécurité et la modération des contenus, afin de rendre compatibles technologie et démocratie.

Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, est-il envisagé d’inscrire ce sujet parmi les priorités portées par la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Michelle Meunier et M. Hussein Bourgi applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Colette Mélot, je vous remercie de votre question, qui permet de rappeler que la journée nationale contre le harcèlement à l’école se tient effectivement demain. Chaque année, nous nous mobilisons sur ce sujet.

Beaucoup a été fait dans ce domaine. Vous le savez et le soulignez d’ailleurs dans votre rapport. Je pense notamment aux mesures prises dans le cadre de ce que nous appelons l’opération « Non au harcèlement ». Cependant, il faut faire davantage. C’est aussi ce que vous préconisez.

Je vais répondre directement aux différentes questions que vous avez abordées.

Tout d’abord, je suis favorable à l’idée de faire du harcèlement scolaire une grande cause nationale, même si ce sujet doit, de toute façon, être une grande cause nationale, qu’il en revête ou non le statut.

Cette grande cause nationale doit recouvrir non seulement une lutte « contre », mais aussi une lutte « pour ». Ce doit être une lutte pour la fraternité dans nos établissements. C’est possible ! Nous y sommes déjà arrivés dans le cadre des programmes que nous avons menés. Il existe des établissements où ne sévit aucun harcèlement scolaire, où la fraternité règne, où l’on observe un engagement civique. C’est sur ce modèle que nous voulons avancer.

C’est le sens du programme pHARe, que vous avez mentionné, expérimenté effectivement l’année dernière et qui a entraîné de grands succès puisque nous avons fait reculer le harcèlement dans les établissements concernés. C’est pourquoi il a été décidé de le généraliser.

Vous m’avez demandé des chiffres précis, je vous les donne. Près de 40 % des collèges sont déjà concernés par le programme au moment où je vous parle, soit 2 066 établissements publics. On recense également 6 561 écoles engagées. Toutefois, l’objectif est que 100 % des établissements y soient inclus progressivement, tout au long de l’année, d’ici à la rentrée prochaine. La journée de demain contribuera évidemment à cet élan.

Au total, on dénombre 20 660 ambassadeurs collégiens, contre 10 000 ambassadeurs l’an dernier. Nous sommes donc concrètement en train de former des élèves à lutter contre le harcèlement, au quotidien, avec ces ambassadeurs.

En outre, 237 formateurs académiques ont déjà formé 10 330 adultes. Ce chiffre évoluera de jour en jour, en vertu de la généralisation du programme dont je vous parlais.

Cet après-midi, je rencontre les responsables des plateformes pour aller plus loin dans la lutte contre le cyberharcèlement – dans le sens que vous préconisez dans votre rapport.

Je le répète, je suis en accord complet avec vos préconisations, et nous avancerons encore d’un cran dans ce sens. Il faut une unité nationale pour lutter contre ce fléau. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour la réplique.

Mme Colette Mélot. Je vous remercie, monsieur le ministre. La peur doit changer de camp pour que la jeunesse reste ce champ des possibles dans lequel chacun peut grandir et s’épanouir, dans le respect des valeurs qui fondent notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC.)

M. Emmanuel Capus. Très bien !

situation du logement en france

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse. En écoutant la semaine dernière Mme Emmanuelle Wargon présenter ses choix budgétaires en matière de logement, je me rappelais la phrase de Voltaire disant, en substance : « Tout va pour le mieux, telle est notre illusion. »

Je viens d’écouter notre Premier ministre, qui a dit, à juste titre, que la situation du secteur de la construction neuve était préoccupante.

Elle est plus que préoccupante, monsieur le Premier ministre, puisque – et ce n’est pas M. Denormandie qui me démentira – nous assistons à un choc de la demande là où nous nous attendions à un choc de l’offre, ainsi qu’à un effondrement de l’offre dans plusieurs secteurs.

On nous explique que Mme la ministre déléguée au logement – elle n’est pas là, je n’y peux rien ! – va aider les maires bâtisseurs. Elle a pourtant commencé par les montrer du doigt à plusieurs reprises dans cet hémicycle ; des collègues qui assistent aux séances peuvent en témoigner.

Moi aussi, j’ai été maire pendant vingt-neuf ans, madame Gourault. La situation dans laquelle nous nous trouvions il y a une trentaine d’années, quand nous pouvions construire et mettre en œuvre des programmes de développement, n’avait rien à voir avec la situation actuelle. Aujourd’hui, on ajoute des normes aux normes et des contraintes aux contraintes, on supprime la taxe d’habitation et l’on ne permet pas aux maires d’avoir les moyens de développer leurs projets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)

Monsieur le Premier ministre, vous évoquez la commission Rebsamen ; c’est bien, et ses propositions vont dans le bon sens, mais elles ne sont pas à la hauteur de l’enjeu.

Environ 170 000 logements sociaux seront construits dans les deux ans à venir, quand Mme Wargon nous en annonçait 250 000, parce que s’opère un décalage de deux ans. Nous allons, en outre, faire face à des difficultés considérables en matière d’accession à la propriété, avec une nouvelle usine à gaz, concoctée par Bercy, concernant les dispositifs fiscaux.

Ma question est simple : allez-vous enfin nous proposer un plan de grande ampleur, comme M. Sarkozy l’avait fait en 2010, avec les résultats que l’on sait ? Vous y étiez, monsieur le Premier ministre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur Daubresse, je vous présente tout d’abord les excuses de Mme Emmanuelle Wargon, qui se trouve à l’Assemblée nationale où elle travaille avec la commission sur le projet de loi 3DS.

Évidemment, nous souhaitons que tout le monde puisse avoir accès à un logement abordable et nous entendons aider tous ceux qui le peuvent à construire. M. le Premier ministre vous a déjà donné quelques éléments sur la politique menée pour aider les maires bâtisseurs.

Nous avons déjà pris, en outre, un certain nombre de dispositions. La suppression de la taxe d’habitation, par exemple, était demandée par tous ; il s’agit d’une mesure de justice sociale et de redistribution.

Nous avons également agi pour remédier à la crise sanitaire, qui a imposé un coup de frein à la construction neuve. Celle-ci a aujourd’hui a retrouvé son niveau d’avant la crise et nous devons nous en réjouir.

Certaines mesures concernent l’accès à la propriété, comme le bail réel solidaire, lequel permet l’accès à la propriété sans avoir à acheter le foncier, notamment en appliquant le taux réduit de TVA à 5,5 % ; nous prolongeons aussi, dans le budget pour 2022, le prêt à taux zéro jusqu’en 2023.

Ensuite, nous développons depuis fin septembre, avec Action Logement, une aide à l’accession à hauteur de 10 000 euros, qui profite à 20 000 ménages salariés, dans le cadre de l’avenant « relance » signé avec les partenaires sociaux.

Nous travaillons en parallèle sur l’accès locatif ; nous ne restons pas les bras croisés sur ce sujet. Les propriétaires seront ainsi incités à proposer des loyers plafonnés dans le parc existant, grâce au dispositif « Louer abordable », que nous rendons plus attractif dans le budget pour 2022. Une réduction d’impôt sera créée pour leur garantir qu’ils y gagneront en baissant leurs loyers : une diminution de 30 % leur vaudra ainsi une réduction de 35 %.

Nous essayons donc de trouver des solutions ; notre objectif est non pas d’imposer de plus en plus de normes, mais, au contraire, de faciliter la vie. Nous voulons soutenir les maires bâtisseurs, mais aussi aider tout le monde à accéder à la propriété.

Nous pérennisons le dispositif issu de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) parce qu’une répartition plus équitable sur les territoires est nécessaire, mais nous ne laissons personne sans solution. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est à vos côtés (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.) pour vous aider, sur vos territoires, selon vos spécificités et pour permettre à chacun de trouver un logement abordable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour la réplique.

M. Marc-Philippe Daubresse. Que l’on considère les mises en chantier, les logements sociaux ou l’accession à la propriété, les niveaux sont inférieurs de 15 % par rapport à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Notre commission des affaires économiques a émis des propositions de manière très consensuelle pour établir un plan de grande ampleur. Je vous le dis encore, monsieur le Premier ministre : la commission Rebsamen, c’est bien, mais ce n’est pas à la hauteur. Il faut aller plus loin, et alors nous pourrons dire avec Voltaire : « Un jour tout sera bien, voilà notre espérance. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

confinement des personnes non vaccinées

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Ma question s’adresse à M. Olivier Véran.

Monsieur le ministre, l’Autriche a décidé de confiner les non-vaccinés et les Länder allemands du Bade-Wurtemberg, de la Saxe et du Brandebourg, envisagent d’adopter la même mesure.

Le concours Lépine des mesures attentatoires aux libertés publiques se poursuit donc inexorablement sur notre continent, étape après étape, sans que l’on se pose jamais la question d’une marche arrière.

Alors que notre pays s’apprête à présider, dans un peu plus d’un mois, le Conseil de l’Union européenne, quelle est la réaction de la France à ces annonces ? Quelle est celle de l’Union européenne, si prompte, habituellement, à faire des commentaires sur l’État de droit et les libertés publiques ?

Dans notre pays, plusieurs responsables politiques, et non des moindres, se sont positionnés en faveur de cette évolution. Vous-même, monsieur le ministre, qu’en pensez-vous ?

L’échec malheureux de la dernière commission mixte paritaire relative au projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire a balayé les quelques progrès adoptés au Sénat. Dans la situation qui en résulte, vous disposez de pouvoirs considérables jusqu’à la fin du mois de juillet 2022, sans jamais avoir à revenir devant le Parlement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire, ici et maintenant, quelle est la position du Gouvernement ? Vous devrez, bien sûr, être en mesure de la défendre durablement dans les jours, les semaines et les mois qui viennent ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Éric Bocquet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, je vous reconnais le mérite de la constance. Vous vous êtes prononcé systématiquement contre l’usage du passe sanitaire, parmi les outils disponibles pour lutter contre la diffusion du virus. Vous avez toujours été contre, vous l’avez dit, c’est votre conviction et vous êtes fondé à l’exprimer.

Permettez au Gouvernement de faire également preuve de constance : celle qui consiste à prendre au bon moment les bonnes mesures pour freiner la diffusion du virus et protéger la population française. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe INDEP.)

Monsieur le sénateur, lorsque je regarde les résultats de l’application du passe sanitaire dans notre pays, grâce aux études intéressantes qui sont publiées, je me dis que vous finirez peut-être par changer d’avis et par nous rejoindre.

Voici une statistique intéressante : depuis la mise en place du passe sanitaire nous n’enregistrons quasiment plus de surcontamination dans les bars et les restaurants. D’un seul coup, au cœur de l’été, les gens ont cessé de développer des clusters dans les bars et les restaurants. Selon vous, est-ce le fruit du hasard ? Je ne le crois pas.

Ce n’est pas non plus par hasard que nous avons évité la fermeture des établissements recevant du public pendant la quatrième vague, pourtant alimentée par un variant très contagieux. Si nous l’avons traversée avec peu de dommages sanitaires et hospitaliers, c’est grâce à la vaccination, bien évidemment, mais aussi grâce aux outils de gestion, aux gestes barrières et au passe sanitaire.

Que se passe-t-il, monsieur le sénateur, dans les pays qui n’ont pas fait le choix de ce dispositif ? Vous en avez cité deux, l’Autriche et l’Allemagne, qui vaccinent, mais moins que nous. La vague épidémique est extrêmement violente outre-Rhin : l’Allemagne bat ses propres records de contamination et le nombre de décès aux Pays-Bas frise les records enregistrés depuis le début de la pandémie.

Face à cela, ces pays considèrent qu’il est trop tard pour mettre en place un passe sanitaire et ne souhaitent pas fermer les établissements recevant du public pour tout le monde. Ils choisissent donc d’en interdire l’accès aux personnes qui ne sont pas vaccinées.

Ce n’est pas le choix que nous avons fait. Le passe sanitaire permet en effet à quelqu’un qui n’est pas vacciné de faire un test et d’entrer ensuite dans un établissement recevant du public.

Je terminerai en indiquant que, en l’état, la loi ne permet pas le confinement des non-vaccinés. Selon cette loi, que vous connaissez même si vous ne l’avez pas votée, l’État n’a pas tous les pouvoirs.

Si nous devions déclencher un état d’urgence sanitaire au cours de la cinquième vague, nous serions contraints de nous présenter devant le Parlement dans un délai de moins d’un mois – il ne nous faut, en général, que quelques jours –, pour lui demander sa confiance. Nous le ferions, évidemment, car c’est tout à fait normal. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

M. Loïc Hervé. Monsieur le ministre, vous avez répondu à une question que je ne vous ai pas posée. Après tout, pourquoi pas ? Nous pourrions parler sans cesse du passe sanitaire, mais vous connaissez ma position à ce sujet : vous êtes très satisfait de ses effets ; je le suis beaucoup moins.

Le sujet touche aux libertés publiques, des mots que vous n’avez pas utilisés dans votre réponse, alors qu’ils sont l’essentiel de la réflexion ; ils s’imposent sur notre continent, dans des États qui sont proches de nous, qui sont des démocraties. Vous ne m’avez pas répondu sur l’avis de la France et de l’Union européenne en la matière ; or c’est ce que j’attendais de vous.

Prenez d’autres exemples, monsieur le ministre : la Suède ou l’Espagne sont bien plus intéressantes et savent, elles, préserver les libertés publiques !

M. Olivier Véran, ministre. C’est n’importe quoi ; ces pays ont beaucoup plus de morts que nous !

situation du lanceur d’alerte julian assange

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Éric Bocquet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Un homme est emprisonné depuis bientôt trois ans dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, à Londres. Son nom est Julian Assange.

Ce journaliste australien de 50 ans est poursuivi par la justice américaine. Son crime : avoir publié 700 000 documents diplomatiques et militaires, qui ont dévoilé au monde entier les activités d’espionnage de Washington, mais aussi les crimes de guerre commis par les États-Unis sur des terrains d’opération tels que l’Irak, ou à Guantanamo.

Nous apprenions également par ce biais, en 2015, la mise sur écoute téléphonique de trois présidents de la République française : Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Ces faits sont évidemment d’une gravité extrême.

Monsieur le ministre, ma question est double : quelle est la position du gouvernement français sur cette affaire ? Quelles initiatives diplomatiques êtes-vous prêt à prendre pour soutenir ce lanceur d’alerte ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST. – Mmes Nassimah Dindar et Nathalie Goulet, MM. Alain Houpert et Sébastien Meurant applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Éric Bocquet, je connais bien la situation de M. Assange et je souhaite apporter à votre question quelques éléments de réponse.

Tout d’abord, comme vous le savez, ce sujet n’est pas nouveau et les autorités françaises ont déjà eu l’occasion de se prononcer par le passé ; elles avaient alors jugé qu’il n’y avait pas lieu d’apporter une réponse favorable à son accueil en France, en raison d’éléments liés à la situation juridique et à la situation de fait de l’intéressé.

Par ailleurs, celui-ci est tout à fait libre de déposer une demande d’asile en France, ce qu’il n’a pas fait, à l’heure actuelle. Il existe pour cela des procédures, qui relèvent de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Si M. Assange le désire, il peut le faire ; il reviendrait alors aux juridictions compétentes de prendre une décision.

Enfin, l’intéressé est sous juridiction britannique. Nous considérons aujourd’hui que le Royaume-Uni est un État de droit et nous faisons confiance à sa justice. J’ajoute – vous ne l’avez pas dit – que les autorités judiciaires britanniques ont refusé son extradition vers les États-Unis, contrairement à ce que ceux-ci souhaitaient, en janvier de cette année. C’est donc très récent.

S’agissant des questions relatives à la transparence et aux lanceurs d’alerte, je vous rappelle que la France a mis en place un dispositif parmi les plus avancés du monde pour protéger les lanceurs d’alerte, en particulier par la loi de décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Comme vous le savez, un autre texte de loi est en discussion aujourd’hui même – comme par hasard ! – à l’Assemblée nationale, sur le renforcement de la sécurisation des lanceurs d’alerte. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.

M. Éric Bocquet. Merci, monsieur le ministre. Hier, à l’Assemblée nationale, trente-huit députés de toutes sensibilités ont reçu au Parlement M. John Shipton, qui n’est autre que le père de Julian Assange.

Les actions se multiplient dans le monde pour réclamer la libération de ce lanceur d’alerte.

Notre pays, garant des valeurs universelles de liberté et de démocratie, s’honorerait d’accorder à Julian Assange l’asile politique, afin que celui-ci échappe à toute extradition vers les États-Unis et évite ainsi une peine de 175 années de prison.

La France peut lui proposer l’asile constitutionnel, au titre de l’alinéa 4 du préambule de la Constitution de 1946, qui précise : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République. » (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Marie-Arlette Carlotti et M. Patrice Joly applaudissent également.)

examen du projet de loi 3ds à l’assemblée nationale

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le Premier ministre, il y a quatre ans, ici même, le Président de la République promettait de faire de la politique des territoires une priorité pour ce quinquennat. Quatre ans après, le moins que l’on puisse dire est que la déception domine.

Au Sénat, toutefois, nous faisons toujours preuve de pragmatisme et nous avons, sous l’égide du président Gérard Larcher, proposé collectivement cinquante mesures pour redonner du souffle au texte qui sera bientôt présenté à l’Assemblée nationale, le fameux projet de loi 3DS, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

Au travers de ce texte, nous avons essayé de redonner force à la décentralisation. Nous avons ainsi proposé de confier la coordination de la politique de l’emploi aux régions. Concernant la déconcentration, nous avons souhaité faire – enfin ! – du préfet de département la porte d’entrée de l’État territorial dans nos départements et renforcer le couple maire-préfet.

Nous avons également choisi de consolider les libertés locales et de redonner aux maires – que je salue ! – le sentiment qu’ils ont à nouveau du pouvoir. Ainsi, nous proposons une nouvelle répartition des compétences au sein du bloc communal. Revenir à des compétences facultatives, comme dans le domaine de l’eau, n’a qu’une seule finalité : agir au plus près de nos concitoyens.

Sur l’ensemble des mesures fortes que nous avons proposées, notre philosophie est toujours la même : il s’agit de faire en sorte que les élus, singulièrement les maires, disposent encore de la capacité de décider de l’avenir de nos communes et de répondre aux aspirations de nos concitoyens.

Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : allez-vous répondre à l’audace sénatoriale concernant ce texte 3DS ou celui-ci n’est-il voué qu’à devenir un énième texte d’ajustement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier et M. Alain Cazabonne applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Mathieu Darnaud, j’ai bien sûr écouté votre question. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous nous retrouvons sur beaucoup de points et l’examen en première lecture au Sénat de ce projet de loi initialement appelé 4D (différenciation, décentralisation, déconcentration, décomplexification) l’a prouvé. Nous avons alors fait ensemble un travail extrêmement constructif, qui répondait aux besoins des maires de régler leurs problèmes concrets sans pour autant subir un big-bang territorial.

Le texte est maintenant dans les mains de l’Assemblée nationale, laquelle va encore l’enrichir, comme vous l’avez fait. Les rapporteurs et les commissions travaillent, j’y étais encore hier soir. Nos échanges me poussent à considérer que le texte sortira enrichi de l’Assemblée nationale, sans pour autant que soit dénaturée la rédaction issue du Sénat.

Parmi les équilibres qui doivent être définis se trouve, vous le savez, la question essentielle de l’intercommunalité, au sujet de laquelle nous avons quelques petites divergences – autant le dire. Il me semble toutefois que, d’une manière générale, les compétences attribuées aux collectivités sont équilibrées.

L’Assemblée nationale est évidemment souveraine, tout comme le Sénat, et je ne peux préjuger des positions que retiendront les députés. J’ai cependant le sentiment qu’ils apporteront d’utiles enrichissements au texte dans un esprit de rigueur et de responsabilité identique à celui qui a présidé aux travaux du Sénat.

Je fais donc toute confiance aux deux chambres pour travailler ensemble sur ces sujets essentiels, comme elles l’ont fait jusqu’à présent, au cours de ce quinquennat, sur les questions relatives aux territoires.

Mon cher Mathieu Darnaud, j’ai donc bon espoir que nous parvenions à réaliser un travail très efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)