M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et RDSE.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’ont rappelé les deux collègues qui m’ont précédé, le texte que nous examinons aujourd’hui est placé sous le signe d’un déjà-vu ; pour être exact, il faudrait parler de trois déjà-vu.

Le premier concerne bien évidemment l’objet de ce texte, à savoir les catastrophes naturelles. Nous le savons tous, ces phénomènes climatiques exceptionnels sont amenés à augmenter dans les prochaines décennies, tant en termes de fréquence que d’intensité.

Ces catastrophes constituent des preuves matérielles, tangibles, montrant que le dérèglement climatique est déjà à l’œuvre. Les épisodes de sécheresse ou d’inondation se répètent, s’enchaînent, et chaque fois nous renvoient à la même sidération initiale.

Sur certains territoires, ils sont devenus la norme. Sur d’autres, que l’on croyait épargnés, ils sont une nouveauté qui fait naître un sentiment de vulnérabilité.

Le deuxième déjà-vu se rapporte aux débats que nous avons déjà eus, auxquels il faut ajouter ceux que nous allons avoir, les solutions que nous proposerons et les ajustements dont nous discuterons. Et pour cause : la multiplication des catastrophes naturelles, parce qu’elle concerne de plus en plus les collectivités locales, concerne de plus en plus la chambre des territoires.

Les maires se trouvent en première ligne dans le régime des catastrophes naturelles : ils jouent un rôle central dans la reconnaissance de cet état, font les demandes auprès des préfectures et assurent ensuite le « service après-vente », si l’on peut dire, auprès des sinistrés. L’organisation actuelle de ce régime les met donc sous pression ; nous relayons ici leurs revendications.

Le troisième déjà-vu résulte assez logiquement des deux premiers. Puisque les catastrophes naturelles se répètent et s’aggravent, la représentation nationale s’empare du sujet et les parlementaires font des propositions.

Comme mes collègues l’ont rappelé, le Sénat avait déjà adopté, en janvier 2020, une proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles. Elle s’inspirait des travaux d’une mission d’information menée au préalable par notre assemblée.

L’exposition de ces trois impressions de déjà-vu vaut explication de vote. Le groupe Les Indépendants – République et territoires, qui avait soutenu le travail collectif déjà mené en 2020, soutiendra aussi cette proposition de loi, dont la lettre et l’esprit rejoignent assez largement l’initiative sénatoriale.

C’est dans cette même attitude constructive que nous vous soumettrons plusieurs amendements, qui visent à renforcer deux objectifs du texte auxquels nous souscrivons pleinement.

Le premier, c’est l’accompagnement des élus locaux. Comme je l’ai souligné à l’instant, les élus locaux, et singulièrement les maires, se trouvent en première ligne pour la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Ils se trouvent souvent dans une situation délicate, pour ne pas dire très inconfortable, lorsqu’ils doivent expliquer à leurs administrés sinistrés les conséquences d’une décision qu’ils n’ont pas prise et que, parfois, ils ne comprennent pas, faute d’avoir reçu des explications claires. Il est de notre responsabilité de leur simplifier la tâche.

C’est la raison pour laquelle la création d’un référent au sein des préfectures est une bonne mesure. Nous vous proposerons de préciser le texte, afin de nous assurer que la création de ce nouveau poste au sein des services de l’État n’ajoute pas de la confusion à une organisation déjà complexe.

Le second objectif, c’est le renforcement du poids des élus dans la gouvernance du régime. Aujourd’hui, la détermination des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et leur application aux cas particuliers sont à la main de l’administration. Or il n’y a rien de plus inconfortable, pour les élus locaux comme pour les parlementaires, que de subir des décisions sur lesquelles ils n’ont pas de prise. Plus les élus seront associés au régime, plus ils s’approprieront les décisions et mieux ils les expliqueront.

Le texte que nous examinons comporte déjà plusieurs mesures dans ce sens, lesquelles devraient améliorer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Nous vous proposerons d’aller encore plus avant, en associant mieux élus locaux et parlementaires.

J’espère que cette proposition de loi contribuera à rendre ce régime plus efficace, plus lisible et plus réactif. C’est la meilleure façon de préparer l’avenir, dont nous savons malheureusement qu’il sera marqué par le dérèglement climatique. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

Mme Anne Ventalon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les catastrophes naturelles tendent à devenir plus fréquentes, favorisées par le dérèglement climatique et son cortège de drames humains, comme l’ont récemment éprouvé les habitants des Alpes-Maritimes.

Mon département de l’Ardèche, avant d’être durement touché par le gel, en avril 2021, a été le théâtre d’un séisme aussi inattendu qu’inédit, frappant très durement la commune du Teil.

Ce qui caractérise la catastrophe naturelle, c’est l’urgence. Après l’intervention des secours, la gestion du temps constitue un facteur clé pour le soutien et l’indemnisation de ceux qui ont perdu une récolte, un atelier et, souvent, une habitation représentant des années d’efforts et abritant une vie de souvenirs.

Pour cette raison, je salue les dispositions du texte, enrichi par les travaux des rapporteurs, qui permettent de réduire les délais de prise d’arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et ceux relatifs aux obligations des assureurs.

Le Gouvernement aurait été bien inspiré de s’appliquer à lui-même cette logique de réduction des délais. Hélas, au lieu de se saisir de l’excellente proposition de loi de notre collègue Nicole Bonnefoy, adoptée au Sénat en janvier 2020, le Gouvernement a perdu un an, afin de soutenir un texte issu de sa majorité.

Pour les communes touchées et les éventuels sinistrés, que de temps et d’opportunités envolés ! Je pense, par exemple, au déplafonnement du fonds Barnier pour les catastrophes naturelles, prévu par la proposition de loi sénatoriale, mais qui ne figure pas dans le présent texte.

De plus, malgré le travail salutaire de nos rapporteurs, cette proposition de loi ne viendra pas à bout de toutes les iniquités qui subsistent en matière d’indemnisation.

Il faut tout d’abord obliger les experts, ce qui peut se faire par voie réglementaire, monsieur le ministre, à se rendre sur les lieux du sinistre. C’est la condition nécessaire pour une meilleure expertise, assortie d’un échange contradictoire avec l’assuré.

Dans des circonstances aussi dramatiques, la présence physique et le dialogue, associés à une certaine considération face à la détresse humaine, permettront de dénouer bien des tensions et d’aboutir à un règlement concerté.

Malheureusement, certaines dispositions du texte ne sont pas amendables par les parlementaires, du fait de nos règles de recevabilité financière. Il vous revient donc, monsieur le ministre, de rééquilibrer les relations entre assureurs et sinistrés.

Lorsqu’un bâtiment est fragilisé par une catastrophe, de nouveaux dommages – notamment des fissures – peuvent apparaître longtemps après les événements. Pour cette raison, les indemnisations doivent également couvrir les travaux susceptibles de mettre définitivement fin aux désordres existants, c’est-à-dire les travaux de nature à ôter toute fragilité susceptible d’apparaître dans les mois suivant la catastrophe sous l’effet d’une restabilisation des structures et des variations de température.

De même, le montant maximal de l’indemnité à laquelle peut prétendre l’assuré devrait être indexé sur la valeur vénale du bien, augmentée de l’ensemble des frais de démolition – et ce, bien sûr, dans la limite des frais de réparation du bâtiment.

Or, dans sa rédaction actuelle, l’article 5 crée des conditions inéquitables d’un territoire à l’autre, la valeur vénale dépendant du cours de l’immobilier et donc du lieu d’implantation du bien. Ainsi, un bien situé sur la Côte d’Azur serait reconstruit quand le même, situé en Ardèche, ne le serait pas.

Ces injustices desservent certains des objectifs que ce texte, pourtant bénéfique, s’est fixés. Je vous invite donc, monsieur le ministre, à utiliser vos prérogatives législatives et réglementaires pour y remédier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le changement climatique est donc là, et avec lui l’augmentation des risques liés à des variations météorologiques qui s’exacerbent – tempêtes, inondations, sécheresses…

En France, plus d’une personne sur quatre est concernée et les collectivités territoriales font face à une sinistralité de plus en plus prégnante.

Nous partageons donc pleinement le diagnostic posé par la présente proposition de loi et l’idée selon laquelle il est nécessaire de remettre à plat des dispositifs de solidarité nationale, comme le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, dit régime « CatNat », conçus dans un monde qui ne se réchauffait pas.

Face à cette évolution rapide du climat, nous regrettons également le temps perdu dans la procédure législative depuis l’adoption par le Sénat, le 15 janvier 2020, de la proposition de loi visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, laquelle prolongeait les travaux de nos collègues Nicole Bonnefoy et Michel Vaspart dans le cadre de la mission d’information portant sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation.

Nous avons à répondre à des questions redoutables, assurantielles, immédiates, face à la catastrophe – le texte y revient. Plus largement, il nous faut modifier en profondeur nos documents d’urbanisme et intégrer les risques à venir dans les constructions et les terrains à bâtir. Derrière ces décisions, qui demanderont beaucoup de courage politique aux élus locaux, il faudra apporter des réponses financières aux pertes de valeur subies sur le bâti ou les terrains à construire.

À lui seul, le retrait-gonflement des sols argileux sous l’impact de la chaleur concerne des dizaines de milliers d’habitations. Or, et je crois que nous sommes tous d’accord sur ce point, le périmètre de ce texte est particulièrement réduit au regard de cet enjeu. (M. Pascal Martin, rapporteur pour avis, manifeste son approbation.) Les chiffres qu’a cités Pascal Martin sont de nature à gâcher le week-end de la totalité des membres du ministère des finances. (Sourires.)

Cette proposition de loi ne correspond donc pas, nous le savons tous, à une réforme en profondeur du régime d’indemnisation des dommages liés aux catastrophes naturelles – je proposerai d’ailleurs d’en modifier le titre. Il s’agit davantage d’un travail préalable, nécessaire, mais non suffisant.

L’enjeu principal n’est peut-être pas tant la réponse à apporter à la suite d’une catastrophe – même si le texte améliore quelque peu la rapidité de la réponse publique et assurantielle – que l’intégration en amont des pertes de valeur sur l’anticipation du risque.

Le groupe d’études Mer et littoral, présidé par Didier Mandelli, a auditionné récemment l’Association nationale des élus du littoral par le biais de son président, notre collègue Jean-François Rapin. En outre, j’ai participé hier à une table ronde organisée par l’Association nationale des élus des bassins.

Les paroles des élus sont les mêmes : sans accompagnement, ils ne peuvent aller plus loin. L’ancien député André Flajolet, très engagé sur ces questions, disait hier que la moitié des plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) n’était pas encore réalisée, car les élus « ne voulaient pas être battus aux prochaines élections ».

En effet, derrière ces plans de prévention, ce sont des terrains inconstructibles, voire des maisons à abandonner. Le sénateur Jean-François Rapin ne disait pas autre chose concernant l’intégration de la montée des eaux dans les plans locaux d’urbanisme intercommunal (PLUi) littoraux – sujet hautement sensible !

Si l’on veut éviter des drames humains ou matériels graves, il est nécessaire de renforcer les politiques de prévention, qui permettront de réduire les risques et donc aussi les coûts, en aval, pour les finances publiques.

Toutefois, en l’absence d’un cadre clair pour l’accompagnement de tous ceux qui vont perdre, notamment du fait du nécessaire changement des documents d’urbanisme, les élus ne pourront s’engager dans ces réformes.

Comme l’a souligné Christine Lavarde, notre responsabilité – et c’est tout le sens de l’action publique – porte sur la question essentielle de la prévention et de l’anticipation.

Monsieur le ministre, j’ai bien noté votre extrême prudence sur ce que vous avez appelé « un risque d’indemnisation exagéré ». En réalité, la question est inverse : sans régime d’indemnisation robuste, aucune anticipation ni aucune prévention ne seront possibles, ce qui augmentera les coûts induits par les catastrophes.

Il faut donc remettre à plat l’ensemble du système, déterminer quelles parts seront respectivement assumées par le régime assurantiel, par la solidarité nationale et par les collectivités locales – même s’il est évident pour nous tous que la taxe pour le financement de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) ne réglera pas le problème de la montée des eaux dans les communes littorales.

Ce travail devra être mené dans les prochains mois. Mme la ministre Barbara Pompili vient d’annoncer le lancement des groupes de travail consacrés à la préparation de la prochaine grande loi sur le climat et l’énergie, qui nous sera présentée au premier semestre 2023. Elle a été très claire sur le fait que cette nouvelle loi devra comporter, outre la stratégie nationale bas-carbone et la programmation pluriannuelle de l’énergie, un volet « adaptation » important.

Ces groupes de travail vont se mettre en place. J’espère qu’ils sauront déboucher sur une grande loi d’adaptation.

Le présent texte ne répond pas à cette attente. Toutefois, dans la mesure où il présente des avancées sur un certain nombre de points, le groupe écologiste le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et RDSE. – Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis, applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons une nouvelle fois, au sein de cet hémicycle, la question du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.

Comme les précédents orateurs l’ont souligné, le Sénat avait déjà produit un important travail sur ce sujet, sous l’égide de notre collègue Nicole Bonnefoy. C’est toutefois un autre texte qui nous est présenté. Nous le regrettons, considérant que la proposition de loi adoptée par le Sénat aurait dû poursuivre sa navette.

Nous le regrettons d’autant plus que ce texte traitait non seulement du régime d’indemnisation, mais aussi de la question de son financement, laquelle aurait mérité un plus grand développement dans la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui. (M. Pascal Martin, rapporteur pour avis, opine.)

Pour autant, ce texte comporte des dispositions intéressantes : pour les communes, par l’amélioration de la transparence de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ; et pour les particuliers, du fait de l’allongement du délai de prescription pour le règlement de l’indemnité.

Je formulerai toutefois quelques remarques. Tout d’abord, je souhaiterais rappeler que près d’une commune sur cinq, entre 2018 et 2019, a été reconnue comme relevant du régime de catastrophe naturelle. Il s’agit donc d’un problème systémique, qui risque de s’accentuer, ce qui nécessite non seulement de disposer d’un corpus juridique permettant de réparer les dégâts liés aux dérèglements climatiques, mais également d’anticiper et de traiter à la racine les problèmes auxquels nous sommes confrontés – notamment celui de la transition écologique. Les coûts des sinistres sécheresses, rappelés par plusieurs orateurs, l’illustrent de façon douloureuse.

Ensuite, s’il est vrai que l’État est supposé garantir la sécurité des personnes et des biens, il est aussi vrai que ce sont les collectivités qui l’aident à s’acquitter de cette mission et non l’inverse. Nous partageons donc l’idée d’un nécessaire renforcement de l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de l’état de catastrophe naturelle.

À cet égard, la création d’un référent départemental est bienvenue, mais encore faut-il que nous disposions des moyens et de tous les éclaircissements nécessaires quant aux missions qu’il accomplira.

Enfin, nous sommes satisfaits de la création d’une nouvelle commission chargée de rendre un avis sur la pertinence des critères retenus pour déterminer la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Jusqu’à présent, la définition de ces critères était examinée de manière extrêmement limitative : entre 2012 et 2016, 65 % des demandes communales de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle en matière de sécheresse ont été déboutées.

Quoi qu’il en soit, nous voterons cette proposition de loi et présenterons deux amendements visant à prévoir la publicité du rapport de la nouvelle commission et à permettre aux communes de déposer une nouvelle demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle après un premier refus, moyennant la production d’éléments complémentaires. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE – MM. Jean-Raymond Hugonet et Alain Cadec applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Christine Lavarde, rapporteur, et M. Pascal Martin, rapporteur pour avis, applaudissent également.)

Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, des catastrophes naturelles aux causes multiples, aux conséquences dévastatrices, mais au caractère de moins en moins exceptionnel et aux intensités anormales, tel est le bilan dressé par nos territoires, qui sont de plus en plus sinistrés.

L’été dernier, inondations, incendies et records de température ont engendré des dommages humains, matériels et financiers considérables. De nombreuses personnes ont perdu la vie ; beaucoup d’autres ont été déplacées et se retrouvent aujourd’hui démunies. Les images de nos régions dévastées et de maisons détruites ont été extrêmement choquantes.

L’examen de la proposition de loi visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles est l’occasion de redire le plein soutien de notre Haute Assemblée aux familles de victimes et aux sinistrés.

Dimanche dernier encore, six communes d’Ardèche étaient reconnues en état de catastrophe naturelle à la suite des intempéries de début octobre.

La succession de ces bilans, probable signe des premiers effets du changement climatique, fragilise le régime CatNat et montre, d’une part, le besoin d’assurer sa pérennité et donc, d’autre part, de renforcer, les dispositifs de prévention.

La proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale vise à s’ajouter au régime prévu par la loi du 13 juillet 1982, qui repose sur un système mêlant l’assurance privée et la réassurance publique.

Le présent texte s’articule autour de deux axes : assister les collectivités locales dans la mobilisation des différents instruments juridiques et financiers destinés à indemniser les victimes de catastrophe naturelle et renforcer la protection et les droits des sinistrés.

Cependant, la proposition de loi de Nicole Bonnefoy, adoptée à l’unanimité au Sénat en janvier 2020, nous semblait autrement plus efficace.

En ce qui concerne le premier axe, le présent texte renforce l’accompagnement des élus locaux dans la reconnaissance des états de catastrophe naturelle. Il prévoit d’allonger les délais de procédure et de mettre en place, dans chaque département, un référent à l’indemnisation des catastrophes naturelles chargé d’informer, d’appuyer et de conseiller les collectivités dans leur utilisation des dispositifs d’aide et d’indemnisation après la survenue d’une catastrophe naturelle. Face à l’esseulement des communes, nous ne pouvons que saluer cette initiative.

La présente proposition de loi crée une commission nationale consultative chargée de rendre un avis annuel simple sur la pertinence des critères retenus pour la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle par la commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Le groupe Union Centriste, par la voix du rapporteur pour avis Pascal Martin, dont je salue le travail et la sagacité, a plaidé pour de meilleures garanties dans la composition et les prérogatives de ces nouvelles instances.

En ce qui concerne le second axe, la proposition de loi vise à renforcer la protection des sinistrés : élargissement des délais de déclaration, fin des modulations et plafonnements de franchise, raccourcissement des délais de versement des indemnités par les assureurs. Sur ce dernier point, je porterai un amendement visant à fixer ce dernier délai à quinze jours, afin qu’il ne soit ni trop court, et donc intenable, ni trop long, la réparation ne pouvant attendre. Le délai de quinze jours me paraît un bon compromis.

De la même façon, l’allongement de deux à cinq ans du délai de prescription pour les actions dérivant d’un contrat d’assurance pour les dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols va dans le bon sens.

Nous partageons toutefois le double constat de notre commission des finances sur la faiblesse, d’une part, de la dimension financière du texte et, d’autre part, de ses dispositifs de prévention.

Cette proposition de loi ne nous semble pas suffisamment armée pour faire face à la hauteur des enjeux futurs. Aujourd’hui, le fonds Barnier vise un unique objectif de prévention des dégâts en cas de survenue d’un aléa, à l’exclusion de leur indemnisation. Face à l’augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles, il est plus qu’opportun, monsieur le ministre, d’envisager un nouveau fonds d’indemnisation afin de faire face aux réalités.

Nous partageons également le constat de notre commission des finances sur la faiblesse des dispositifs de prévention, notamment face au phénomène de retrait-gonflement des sols argileux, qui représente la très grande majorité des dossiers instruits.

Les sinistrés attendent notamment la prise en charge des études de sol par les assurances. La seule augmentation des crédits du fonds Barnier, prévue dans le projet de loi de finances pour 2022, afin de reloger des populations dans des zones plus sûres, n’est pas satisfaisante.

À titre personnel, j’accueille avec bienveillance les propositions de nos collègues Nicole Bonnefoy et Isabelle Briquet sur l’indemnisation des phénomènes de sécheresse, souscrivant à la vigilance de l’association de sinistrés Les Oubliés de la canicule.

Le groupe Union Centriste soutiendra ce texte, mais considère toutefois que l’objectif d’amélioration du régime ne peut être atteint sans réaliser celui d’une meilleure prévention à long terme de ces phénomènes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SER – M. Pascal Martin, rapporteur pour avis, applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit aujourd’hui est d’importance, tant pour nos concitoyens que pour les élus locaux qui les représentent, et que nous-mêmes représentons ici.

Pour avoir présidé une communauté d’agglomération touchée par un épisode de sécheresse, je connais le désarroi et l’incompréhension des familles devant le parcours du combattant qu’elles doivent effectuer, depuis la crainte de ne pouvoir bénéficier de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et l’obligation de quitter son logement jusqu’à la difficulté et la complexité du suivi du dossier d’indemnisation.

Nous devons donc nous réjouir de l’inscription de ce texte à notre ordre du jour et nous féliciter du travail conduit par nos commissions, même si, nous, sénateurs, avions de nombreuses raisons de bouder cette proposition de loi.

Au-delà du manque de respect pour le travail que nous avions collectivement réalisé autour de la proposition de loi de notre collègue Nicole Bonnefoy, quelle perte de temps alors que nombre de nos concitoyens sont en attente d’avancées législatives significatives pour régler des situations qui empoisonnent leur quotidien.

Mais pouvait-il en être autrement lorsque l’on connaît le sort réservé aux précédentes initiatives sénatoriales, elles aussi restées lettre morte ? Alors, autant saisir cette occasion de faire progresser notre droit, même si ce texte est loin d’épuiser le sujet.

L’enjeu est de taille et le changement climatique nous rappelle à son bon souvenir. Il faut l’affirmer avec force : tant que notre pays ne se sera pas résolument engagé dans la maîtrise de ses émissions de gaz à effet de serre, nous serons condamnés à multiplier les mesures réparatrices, avec des coûts toujours croissants et des situations toujours plus dramatiques.

Gardons à l’esprit qu’un quart de nos communes ont d’ores et déjà été touchées par un aléa naturel et que, d’ici à 2050, l’impact financier des sinistres dus à ces événements climatiques aura probablement doublé.

Oui, il nous faut trouver des solutions pour accompagner au mieux nos concitoyens. Oui, il faut faire en sorte que la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle soit plus transparente et plus lisible. Mais il nous faut avant tout agir sur les causes et nous prémunir de ces aléas climatiques, dont on sait qu’ils seront de plus en plus nombreux et violents.

Les épisodes de sécheresse en sont l’illustration la plus criante. Comme d’autres, je regrette la timidité du texte en la matière.

Certes, la commission des finances – je vous en remercie, madame le rapporteur – a allongé le délai ouvert aux communes pour déposer une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Mais que penser, au regard de l’ampleur du phénomène – 35 % de nos communes sont classées en zone d’aléa fort –, d’une proposition de loi qui se contente de demander la remise d’un rapport, lequel viendra s’ajouter à ceux qui s’accumulent depuis trente ans, sans que les choses aient vraiment changé ?

Comment ne pas comprendre l’exaspération des sinistrés, qui doivent rembourser simultanément emprunt et loyer, la lassitude des collectifs qui les accompagnent, sans oublier le découragement des élus locaux qui se battent à leurs côtés ?

Le phénomène du retrait-gonflement des argiles est aujourd’hui bien connu, tout autant que son ampleur. Nous savons aussi que le réchauffement climatique en intensifiera encore les effets. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a d’ailleurs fait en sorte d’en renforcer la connaissance à l’échelon local, notamment à des fins de prévention et d’anticipation.

Ce phénomène tout à fait particulier aurait mérité, comme l’avait proposé la mission d’information sur la gestion des risques climatiques, que l’on mette en place un corpus de dispositions spécifiques, au premier rang desquelles figure la création d’un dispositif dédié au risque « sécheresse » au sein du fonds Barnier.

Il est de la responsabilité du Gouvernement et de sa majorité parlementaire d’aller plus loin et plus vite. C’est une question de volonté et de courage. On peut entendre les revendications du secteur des assurances, mais quand le lieu d’habitation des victimes est en péril, il faut rechercher un meilleur équilibre entre le sinistré et son assureur.

Nous défendrons tous des amendements visant à enrichir et à améliorer le texte, mais c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot. C’est donc seulement lorsqu’ils examineront le texte que nous pourrons mesurer l’ambition et la détermination de nos collègues députés à faire en sorte que la situation des sinistrés s’améliore véritablement.

Des améliorations ont d’ores et déjà été apportées par nos commissions. Je pense au renforcement du rôle et des missions du référent départemental à l’indemnisation des catastrophes naturelles, à l’allongement à cinq ans du délai de prescription opposable aux sinistrés pour réclamer une indemnisation à leur assureur ou encore au raccourcissement des délais de la procédure d’indemnisation.

Nos débats en séance publique permettront, je n’en doute pas, d’aller encore plus loin, dans l’intérêt des victimes comme dans celui des élus locaux. Notre groupe y apportera bien évidemment sa contribution et votera cette proposition de loi. (Mme Nadia Sollogoub et M. Jean-François Longeot applaudissent.)