Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le constat sur la situation des directeurs et directrices d’école est unanime : c’est celui d’un accroissement de leurs missions et de leurs responsabilités, sans que leur statut et leurs conditions de travail s’adaptent à ces charges.

Notre collègue Max Brisson et Françoise Laborde, ancienne sénatrice du groupe RDSE, l’ont très bien exposé dans leur rapport. « Le pair parmi ses pairs » est sur tous les fronts : éducatif, administratif, extrascolaire et même sécuritaire. La crise sanitaire a d’ailleurs illustré la capacité des directeurs à assumer de nombreuses missions, dont certaines se situent en dehors du contrat initial.

J’ajoute qu’ils doivent également faire face, ainsi que les enseignants, à une évolution défavorable de leurs relations avec les parents d’élèves, ces derniers donnant parfois plus de crédit à la parole de leur enfant qu’à celle du professeur.

Les chiffres sont éloquents : près de 50 % des directeurs d’école déclarent avoir été insultés au cours de l’année 2017-2018, plus des trois quarts de ces actes ayant été commis par des parents.

Malgré tout cela, dans nos écoles, le dévouement est toujours au rendez-vous. Ce dévouement, je l’ai dit, est bien souvent exceptionnel. Combien de directeurs dépassent leur temps de travail ? Près de 90 % d’entre eux estiment travailler plus de 45 heures par semaine. C’est cette situation difficile qui nous commande d’agir vite, avant que les vocations ne se fassent de plus en plus rares.

Sans méconnaître les efforts que le Gouvernement a consentis en faveur des directeurs d’école et qu’il a rappelés, nous devons franchir une étape supplémentaire. La proposition de loi que nous examinons va dans ce sens. Elle répond en effet à plusieurs nécessités : renforcer le pouvoir d’initiative des directeurs d’école, reconnaître la spécificité de la fonction, ou encore leur apporter une aide administrative et matérielle.

En première lecture, mon groupe a soutenu le texte amélioré par le Sénat, qu’il s’agisse de l’attribution d’une autorité fonctionnelle, de l’accent mis sur la formation à la fonction de directeur ou de l’inscription dans la loi du principe de la décharge d’enseignement.

Nous abordons cette seconde lecture dans le même état d’esprit, même si, notre collègue rapporteur l’a souligné, le Sénat et l’Assemblée nationale divergent sur plusieurs dispositifs, en particulier aux articles 2 et 2 bis.

Il est en effet dommage de revenir sur les garanties apportées par notre assemblée en matière de formation et de décharge. Ce dernier point est essentiel à l’amélioration des conditions de travail des directeurs ; c’est un objectif central du texte.

S’agissant de l’article 2 bis sur la garantie d’une aide matérielle et financière, nous souhaitons sortir de toute ambiguïté : si les communes ou leurs groupements peuvent apporter une aide matérielle, comme c’est déjà bien souvent le cas, l’aide administrative au directeur doit exclusivement relever de l’État.

Nous attendons une rédaction conforme, en commission mixte paritaire (CMP), qui rappelle les responsabilités que l’État doit assumer et le soutien aux écoles qu’apportent les collectivités.

Mes chers collègues, malgré ces quelques points d’achoppement, nous nous dirigeons vers un texte dont les mesures sont attendues par tous ceux qui font vivre nos écoles.

Sans prétendre tout résoudre, la proposition de loi apportera une plus juste reconnaissance du travail accompli quotidiennement par les directeurs et directrices, et tout cela au bénéfice des élèves, car l’essentiel est bien là.

Pour conclure, je me permettrai de décliner ces propos de Jules Ferry : « L’enseignement est un devoir de justice envers les citoyens. » Aussi, il me semble que garantir les meilleures conditions de cet enseignement est notre devoir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre Monier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est l’occasion ou jamais de le dire clairement : non, l’école de la République n’est pas une entreprise !

Au début du mois de septembre dernier, le Président de la République s’est rendu à Marseille et nous a informés qu’il avait eu une idée, et pas n’importe laquelle : une idée qui allait résoudre les difficultés des écoles marseillaises ! Pour y parvenir, on allait lancer une expérimentation afin d’autoriser les directeurs et les directrices d’école à recruter eux-mêmes leur équipe pédagogique…

Emmanuel Macron a ainsi laissé libre cours à sa vision libérale de l’école, celle qu’il partage avec vous, monsieur le ministre, et qui, sous couvert d’offrir plus de libertés et de prérogatives aux directeurs et directrices, les transforme en recruteurs et chefs d’entreprise, loin de notre conception de l’école républicaine. Aux termes de celle-ci, je le rappelle, s’appuyer sur la fonction publique pour enseigner à nos enfants est indispensable, car c’est un gage de qualité et la seule manière de garantir l’égalité de traitement à laquelle ils et elles ont droit.

Pour l’examen en seconde lecture de ce texte, nous ne traiterons bien sûr pas de ce point précis du recrutement par les directeurs et directrices d’école. Mais, au fond, en nous attaquant à la question de la nature profonde de leur fonction, c’est bien la vision de l’école que nous voulons porter qui est en jeu.

Les directeurs et les directrices d’école sont le cœur de l’école de la République, cette institution qui permet à nos enfants de devenir des femmes et des hommes capables de penser par eux-mêmes, de se construire, quel que soit leur milieu d’origine, et de faire vivre à leur tour nos valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité. Une telle ambition mérite qu’on lui offre, qu’on leur offre, des moyens à la hauteur !

Nos débats, en première comme en seconde lecture, ont bien montré que nous partageons toutes et tous, de bonne foi, un même constat : il faut mieux reconnaître et mieux valoriser les directeurs et directrices d’école dans l’exercice de leur mission. Mais il est évident que nous différons sur les manières d’y parvenir.

Au cœur des préoccupations des directeurs et directrices d’écoles, on retrouve des problématiques très concrètes : manque de temps pour les décharges d’activité, l’aide administrative, la formation. Nous estimons, au sein du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que c’est par de tels leviers que nous pourrons répondre à leurs attentes, et non par l’affirmation d’une position d’autorité, dont ils ne sont pas demandeurs, sur leurs collègues.

L’école du premier degré s’inscrit en effet dans une vision collective, incarnée par le conseil des maîtres dont fait partie le directeur d’école. Son appartenance au corps enseignant est pour ses pairs un atout, car elle constitue un gage de sa bonne compréhension des ressorts de leur métier.

En première lecture, nous nous étions inquiétés de la suppression de la mention explicitant que le directeur d’école « n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école », ainsi que de l’introduction d’une notion trouble d’« autorité fonctionnelle ».

Nous constatons à regret que les députés de la majorité ont fait le choix de persister dans cette voie, à rebours de la rédaction initiale du texte, et nous présenterons, bien entendu, plusieurs amendements pour clarifier ce point.

Nous regrettons aussi que la deuxième lecture à l’Assemblée nationale soit revenue sur plusieurs avancées introduites dans notre hémicycle.

Je pense en particulier à l’obligation d’une formation régulière pour les directeurs et directrices, à la mise en place d’un point annuel d’évaluation de l’utilisation des décharges ou encore à l’affirmation de la responsabilité de l’État en matière d’assistance administrative et matérielle. Nous avons salué la réintroduction de certaines de ces dispositions lors du récent passage en commission et nous espérons qu’elles survivront à la commission mixte paritaire.

Nous porterons une attention toute particulière au point épineux du financement de l’aide matérielle et administrative, qui devra être réglé par une solution permettant de préserver les finances exsangues des collectivités.

D’autres points positifs sont également à souligner dans ce texte, à l’image de la mise en place d’un référent « direction d’école » dans chaque direction des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN), référent qui aura été à la direction d’une école auparavant. Cet interlocuteur privilégié sera un atout, et nous le saluons.

Néanmoins, nous n’aurons de cesse de le répéter : ce que les directeurs et directrices souhaitent avant tout, c’est d’être soulagés concrètement dans leurs tâches administratives et d’obtenir les moyens humains et financiers nécessaires pour mener leurs missions à bien.

Or, sur ces points essentiels, ce texte offre trop peu de réponses concrètes. La question des décharges, renvoyée au champ réglementaire, en est un exemple criant. Pourquoi être revenu sur la rédaction initiale proposée par l’auteure du texte, qui avait au moins le mérite d’arrêter un volume minimal et, surtout, lisible de décharges horaires en fonction du nombre de classes ?

Quant à la question des formations, il est certes positif que ce texte rende obligatoire de proposer des formations dédiées aux directeurs et directrices d’école tous les cinq ans. Je regrette cependant que notre amendement visant à préciser qu’il s’agissait d’un seuil minimum et qu’il était donc possible de proposer des formations à intervalle plus régulier ait été retoqué en vertu de l’article 40 de la Constitution.

Dans sa lettre d’adieu, la directrice Christine Renon, qui a mis fin à ses jours au sein même de son école, nous adressait un cri d’alarme : « Le travail des directeurs est épuisant… Les directeurs sont seuls. »

Avons-nous su, depuis lors, nous montrer à la hauteur en répondant à ce drame, comme nous avions le devoir de le faire ? Ce texte permettra-t-il de résoudre les difficultés des directeurs et directrices et d’école ? Rendra-t-il réellement leurs missions plus lisibles, comme ils et elles le demandent ?

Je ne le crois pas, et je vous donne rendez-vous lors de l’examen du prochain projet de loi de finances pour, enfin, voter les crédits qui financeront les créations de postes, les heures de décharges, les outils matériels et les formations dont ils et elles ont vraiment besoin. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous abordons en séance publique la seconde lecture de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école, j’aimerais commencer par saluer les nombreuses convergences entre nos deux assemblées.

En effet, six des neuf articles du texte ont été votés ou supprimés conformes par nos deux chambres. Je veux croire que ce chiffre témoigne d’une volonté commune de chercher des compromis, afin de faire adopter un texte que les principaux concernés attendent urgemment.

Par ailleurs, la proposition de loi s’est considérablement enrichie au gré de son parcours parlementaire. Notre groupe se réjouit que de nombreux apports du Sénat, introduits en première lecture, aient été conservés par l’Assemblée nationale. Je pense naturellement à la reconnaissance de l’autorité fonctionnelle, qui permettra demain aux directrices et directeurs d’assurer le bon fonctionnement de leurs écoles.

Je pense aussi à la suppression des mesures de contingentement pouvant être opposées à l’avancée de grade des directrices et directeurs d’école, puisque ce contingentement pénalisait les enseignants qui n’exercent pas la fonction de directeur d’école.

Je pense, enfin, au maintien partiel du principe selon lequel le temps de décharge accordé au directeur d’école doit être suffisant pour lui permettre de remplir de manière effective ses missions.

Ces apports successifs à l’occasion de la navette parlementaire, ce sont les directrices et les directeurs d’école qui en seront les principaux bénéficiaires, et il faut à ce titre s’en réjouir.

Néanmoins, nous le savons tous ici, de profonds désaccords persistent entre nos deux assemblées : sur les formations certifiantes, sur la formation continue, mais aussi sur l’assouplissement des conditions de nomination des directeurs d’école en cas de postes vacants.

Par ailleurs, et c’est le désaccord le plus profond, il y a le financement de l’aide administrative et financière des directrices et directeurs d’école, à l’article 2 bis. La rédaction issue de la commission de la culture du Sénat contraint l’État à apporter une telle aide et ne mentionne plus les communes et les groupements de communes.

Or certaines communes financent déjà une aide administrative pour les directrices et directeurs d’école. Notre groupe s’interroge donc sur cette rédaction qui exclut les communes et leurs groupements de ce dispositif, d’autant plus que l’école est historiquement une compétence des communes.

Nous courrons peut-être le risque, d’une certaine manière, d’opposer les communes et leurs groupements à l’État et de rigidifier leur rapport, alors qu’il faudrait au contraire encourager les conventions et fluidifier les liens entre ces deux parties.

Le régime de décharge qui prévaut aujourd’hui à Paris pour les directeurs des écoles publiques de plus de cinq classes est un exemple bien connu de ces conventions qui existent déjà entre les communes et l’État.

Vous le savez, depuis 1982, la Ville de Paris verse une participation financière à l’État, qui correspond au coût des enseignants remplaçant les directeurs d’école déchargés de classe. D’autres communes mettent aussi des aides de gardiennage et de conciergerie à disposition des directrices et directeurs d’écoles, et souhaitent continuer à le faire.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s’abstiendra sur ce texte, tout en espérant qu’un accord sera trouvé en commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne », car « l’ignorance est la nuit qui commence l’abîme ». Ces vers visionnaires de Victor Hugo évoquent le rôle central de l’école dans le modèle de société que nous défendons.

Au centre de ces sanctuaires de la République se trouvent les directeurs d’école. À eux seuls, ils organisent le bon fonctionnement de l’établissement, animent l’équipe pédagogique et représentent l’indispensable courroie de transmission entre enseignants, parents d’élèves, municipalité et direction académique.

Malgré ce rôle de premier plan, les directeurs d’école manquent de temps, de formation, de soutien et de reconnaissance. C’est pourquoi cette proposition de loi créant la fonction de directeur d’école est très attendue. Son adoption permettra d’apporter des réponses concrètes, au sein d’un cadre juridique renforcé, à celles et ceux dont le dévouement au service de la Nation n’est plus à démontrer.

Je salue le travail de la commission. En effet, elle a rétabli un certain nombre de points importants, adoptés en première lecture par notre assemblée.

À l’article 2 de cette proposition de loi, je suis favorable à l’assouplissement des modalités de nomination en cas de vacance du poste de directeur d’école.

Près d’une école sur quatre dispose d’un enseignant faisant fonction de directeur ; cette situation est particulièrement fréquente en milieu rural. Ainsi, il sera encore possible de nommer des enseignants volontaires non inscrits sur la liste d’aptitude en cas de vacance du poste de directeur d’école.

L’accès à la liste d’aptitude sera par ailleurs facilité pour les professeurs des écoles justifiant d’au moins un an d’expérience dans la fonction de directeur. Afin de les accompagner au mieux dans leurs missions, une formation leur sera proposée tous les cinq ans au moins.

La commission a rétabli l’article 2 bis dans la version adoptée par le Sénat en première lecture. Il s’agit de répondre à la demande de soutien matériel et administratif formulée par de nombreux directeurs d’école, de façon équilibrée sur l’ensemble du territoire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques semaines après la remise du rapport de la mission d’information sur le harcèlement scolaire, je souhaite attirer votre attention sur le rôle central des directeurs d’école en matière de climat scolaire. Ces derniers sont amenés à participer de façon active à la prévention et à la détection des situations de harcèlement, en partenariat avec la direction académique, les forces de l’ordre et les parents d’élèves.

Trop souvent encore, l’équipe pédagogique se sent démunie faute de formation pour gérer ces situations. Les directeurs auront un rôle important dans le déploiement du programme pHARe, ou programme de lutte contre le harcèlement à l’école, à la rentrée prochaine.

La lutte contre le harcèlement scolaire est une démarche globale, mobilisant l’ensemble du personnel scolaire. Les problèmes de violence à l’école commençant dès le plus jeune âge, nous devons intensifier les efforts et l’accompagnement des équipes pour permettre à chaque enfant de bénéficier d’une scolarité sans violence.

Mes chers collègues, je pense avoir été clair dans mes prises de position.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juin 2020, avec ma collègue Françoise Laborde, pour laquelle j’ai une pensée amicale, je remettais un rapport identifiant seize propositions adoptées par notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication, au moment même où la proposition de loi qui nous rassemble ce jour était déposée à l’Assemblée nationale. Simple hasard du calendrier parlementaire ? Peut-être…

Pour ma part, je préfère constater le croisement de nos travaux, démontrant que les parlementaires des deux assemblées sont animés par une même volonté, celle d’améliorer la situation des directrices et des directeurs d’école. Et je veux saluer, monsieur le ministre, les belles paroles que vous avez prononcées à leur endroit lors de votre intervention liminaire.

Dans ce contexte, je souhaite saluer également notre rapporteur, Julien Bargeton, dont les travaux ont permis de trouver un juste équilibre sur un sujet pourtant propice à débat et à passion.

C’est d’ailleurs cette passion qui m’animait, monsieur le ministre, lorsque j’essayais de soulever la question de « l’autorité fonctionnelle » du directeur d’école au cours de nos discussions sur le projet de loi pour une école de la confiance. Ce jour-là, je m’étais heurté à votre refus : vous estimiez que « le sujet important de la direction d’école devait être traité avec sérénité, dans le cadre d’une vision systémique et en donnant toute sa place au dialogue social ».

Cette vision systémique était, elle, au rendez-vous lorsque le chef de l’État annonçait à Marseille, certes, dans un cadre expérimental et pour certaines écoles de la cité phocéenne, que le directeur pourrait désormais choisir les professeurs de l’école qu’il dirige.

Dès lors, dans ces conditions, pourquoi le directeur n’évaluerait-il pas ces mêmes professeurs et n’aurait-il pas finalement cette « autorité hiérarchique », grande absente de cette proposition de loi, comme une sorte de « non-dit » qui en dit finalement long sur un texte pris entre le marteau de la prudence inspirée par les froncements de sourcils de certaines organisations syndicales et l’enclume des annonces présidentielles ?

Toutefois, revenons à l’essentiel. Au cours du premier passage de ce texte dans notre hémicycle, j’avais souligné les demandes les plus fortes des directeurs d’école : davantage de formations, davantage de temps pour exercer leurs missions, davantage d’aides administratives, ainsi qu’une reconnaissance de leurs missions. Les directrices et les directeurs ont bien besoin qu’on leur fasse confiance. C’est d’ailleurs l’objet de cette proposition de loi de notre collègue députée Cécile Rilhac.

Il est vrai que, sur le sujet, l’Assemblée nationale et le Sénat ont utilement travaillé. Cela devrait d’ailleurs nous permettre de trouver, du moins je l’espère, un accord sur une version du texte qui sortira l’éducation nationale d’une ornière dogmatique rendant taboue, jusqu’à aujourd’hui, la reconnaissance de l’autorité des directeurs d’école.

Oui, mes chers collègues, l’autorité fonctionnelle est posée de manière claire. Les mots sont pesés, et ce sont ceux du Sénat ! Mais les moyens pour en améliorer l’exercice restent, quant à eux, à consolider.

Voilà pourquoi, si je me félicite de cette avancée conjointe, j’ai souhaité rétablir en commission un certain nombre de points modifiés par l’Assemblée nationale. Sur ces sujets, nous aurons un débat et un dialogue avec nos collègues députés.

C’est le cas pour la formation initiale : je ne comprends pas la suppression de sa « dimension certifiante », quand on sait que les futurs principaux de collège y consacrent une année, couronnée par l’entrée dans un nouveau corps.

Je ne comprends pas davantage le refus de fixer un seuil minimal pour que les directeurs en fonction retrouvent le chemin de la formation continue ; nous avons envisagé cette dernière tous les cinq ans.

De même, je ne comprends pas que les directrices et les directeurs ne puissent pas être considérés comme participant pleinement à l’encadrement et à la bonne organisation de l’enseignement du premier degré.

J’ai la même incompréhension sur la question des temps de décharge. La majorité à l’Assemblée nationale a certes accepté notre rédaction, reprenant l’idée selon laquelle la décharge doit permettre aux directrices et directeurs de remplir effectivement leurs fonctions. Mais alors, pourquoi reculer sur l’obligation d’une présentation annuelle par le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen), devant le conseil départemental de l’éducation nationale (CDEN), de l’état réel de l’exécution des décharges, qui permettrait d’instaurer une transparence qui n’existe pas aujourd’hui ?

En effet, l’on sait qu’un certain nombre de décharges annoncées ne sont pas réellement effectuées, faute notamment de capacités de remplacement.

Mes chers collègues, la seconde version de la proposition de loi qui nous est revenue de l’Assemblée nationale nous invite à poursuivre le travail, en particulier sur l’article 2 bis, dont parlera Cédric Vial. Il est important pour nous de clarifier les choses, et nous avons besoin de vous entendre, monsieur le ministre, afin de fixer un point de vue.

Vous comprendrez que l’on fasse entendre, dans cette assemblée, le souhait des communes et des groupements de communes d’exercer leurs compétences scolaires pleinement, mais pas au-delà des compétences que leur confère la loi.

C’est pour cette raison, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, sans aller aussi loin que le Président de la République, nous avons rendu à ce texte la consistance qu’il se doit d’avoir et rétabli une version plus ambitieuse. Nous voulons offrir aux directrices et aux directeurs d’école les moyens de remplir leurs missions de manière effective. Le texte issu de la commission vise le juste équilibre. Le groupe Les Républicains le défendra et le votera.

Pour la suite, nous sommes prêts au dialogue avec l’Assemblée nationale, à condition que l’ambition finale soit au rendez-vous. Alors, et seulement dans ces conditions, un accord sera possible. Notre ambition sera collective, et j’espère que, sur ce texte, elle sera conclusive. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco. (M. Daniel Salmon applaudit.)

Mme Monique de Marco. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, surchargés, survoltés, stressés, les directrices et directeurs d’école nous alertent depuis longtemps sur leur charge de travail, et plus encore avec la crise sanitaire. Je précise que 73 % d’entre eux sont des femmes ; je parlerai donc ici des « directrices », mais sans oublier pour autant les directeurs !

Les directrices manquent de temps. Leurs tâches se multiplient, pas toujours pour des raisons utiles au bon fonctionnement des écoles. Elles ont souvent des temps de décharge insuffisants et souffrent d’un déficit d’aide administrative. Leur demande la plus récurrente porte sur l’amélioration de ces conditions de travail en y mettant les moyens, comme en témoigne la grande enquête menée en 2019, à laquelle elles ont été très nombreuses à répondre.

Il y a un vrai décalage entre leurs demandes et la proposition de loi. Celle-ci apporte peu de réponses sur les véritables enjeux. Au lieu de cela, cette proposition de loi met en place une « autorité fonctionnelle » controversée et crée un statut spécifique.

Néanmoins, qui a demandé ce statut ? Pas les enseignantes, qui sont très attachées au fonctionnement collégial. Pas les syndicats, dont la majorité s’est opposée à cette proposition de loi. Pas les directrices et directeurs eux-mêmes : lors de la consultation de 2019, la création d’un statut à part n’émergeait pas parmi les demandes prioritaires ; près de 90 % des directrices interrogées ne le citaient pas comme une solution.

En quoi ce nouveau statut spécifique et l’autorité fonctionnelle que vous défendez sont-ils l’expression de la « reconnaissance » du travail essentiel des directrices et directeurs d’école ?

La reconnaissance, ce serait de lancer une véritable réflexion sur la simplification administrative, pour faciliter le travail des équipes pédagogiques.

La reconnaissance, ce serait de faire en sorte que l’État soit au rendez-vous, que l’inspection académique réponde dans les temps, que les directrices disposent de décharges suffisantes et d’aides pérennes pour les assister dans leurs tâches quotidiennes. Par exemple, en évitant de supprimer brutalement les emplois aidés, comme le Gouvernement l’a fait en 2017 ; les écoles, mais aussi leurs partenaires dans les collectivités, en ont beaucoup souffert et en souffrent encore.

Face à cela, on ne voit pas bien ce que changera la nouvelle « autorité fonctionnelle » des directrices. L’écrasante majorité d’entre elles estime que ce n’est pas en leur confiant davantage d’autorité et d’indépendance que l’on pourra améliorer la situation.

En leur confiant des missions supplémentaires de coordination et de formation, ce texte risque d’accroître encore leur charge de travail. Pis, l’autorité fonctionnelle crée de la défiance. Vous affirmez que cela ne constitue pas une autorité hiérarchique sur les autres professeurs. Mais quelles garanties en avons-nous ? Le concept est tellement flou dans le texte qu’il peut être facilement dévoyé.

Justement, le Président de la République vient d’annoncer le lancement, dans cinquante écoles de Marseille, d’une expérimentation qui donnerait un pouvoir hiérarchique au directeur en le transformant en chef d’entreprise recruteur. La philosophie derrière cette mesure est que les problèmes de l’école pourraient se régler par l’autorité, dans une vision très verticale du pouvoir chère à M. Macron.

Toutefois, les problèmes de l’école ne peuvent se traiter que par la collégialité. C’est un mode d’organisation auquel les enseignantes sont attachées et qui fonctionne très bien.

Ce qui ne fonctionne pas, c’est quand on leur demande de faire toujours plus, avec des moyens qui ne suivent pas. Nous ne voulons pas de cette vision managériale et court-termiste ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)