M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Brigitte Devésa. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat qui nous est proposé aujourd’hui sur l’initiative de nos collègues du groupe CRCE, que je remercie, porte non seulement le droit des personnes en situation de handicap, et donc l’accès à leurs droits, mais également le soutien que nous devons à ceux qui, proches aidants, apportent une assistance essentielle aux personnes malades, âgées ou handicapées.

En 2020, la Conférence nationale du handicap a permis la signature d’un accord de méthode sur le pilotage et le fonctionnement des MDPH. Il engage l’État et les départements vers une simplification de l’accès aux droits de façon équitable sur l’ensemble du territoire.

Plus récemment, la feuille de route MDPH 2022 a énoncé des objectifs similaires, à savoir un accès aux droits plus simple, plus efficace et plus équitable sur l’ensemble du territoire.

Madame la secrétaire d’État, nous n’ignorons pas les mesures prises par ordonnances pendant la crise sanitaire pour proroger les droits ou pour les attribuer à vie à celles et ceux dont, malheureusement, la situation n’est pas susceptible de s’améliorer.

Le baromètre n° 3 des MDPH, disponible sur le site de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, montre que les données de près d’un tiers des 101 MDPH sont soit totalement soit partiellement indisponibles ! Les données des deux tiers restants montrent que les délais moyens de 45 % des MDPH sont supérieurs à la durée légale de quatre mois. J’en profite pour saluer les bons résultats de la MDPH des Bouches-du-Rhône, dont la moyenne pour le premier trimestre de 2021 est de 1,4 mois – il est donc possible d’aller plus vite et de traiter efficacement les demandes.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire si la moyenne de ces délais s’améliore ? Si oui, de combien ? Surtout, pouvez-vous, dans votre réponse, distinguer le délai moyen de traitement des premières demandes et des demandes de renouvellement ? Dans un souci d’amélioration du service rendu, tant en termes d’efficacité que d’égalité des territoires, quels leviers pourrait-on actionner afin que les départements puissent améliorer ces délais ?

Hier se déroulait la journée nationale des aidants. Leur reconnaissance est de plus en plus forte. Les politiques publiques tendent à considérer l’aidance comme une politique à part entière.

La prestation de compensation du handicap (PCH), créée en 2005, permet de financer des solutions si le besoin de répit a été identifié lors de l’examen ou du réexamen de la prestation. Si le besoin apparaît en dehors de ces périodes et que le besoin est soudain, la prise en charge devient plus difficile.

En 2015, soit dix ans plus tard, la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement réformait l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et consacrait, à la différence de la PCH, un module en faveur du répit d’environ 500 euros par an, permettant le financement d’une solution de répit.

Cette enveloppe sanctuarisée montre l’évolution de la place de l’aidance dans nos politiques publiques. J’ajoute toutefois que, juridiquement, rien ne s’oppose au financement du répit sur le volet relatif à l’aide humaine du plan APA, lorsque ce volet n’est pas saturé et que le département y consent.

Si je fais ce parallèle, madame la secrétaire d’État, c’est que le champ des personnes handicapées et des personnes âgées relève d’une approche similaire, celle de l’autonomie.

Nous savons que l’accompagnement quotidien des personnes en situation de handicap, que celui-ci soit physique ou mental, peut être éprouvant pour les proches aidants. Nous aimerions donc savoir si vous travaillez à une réforme de la PCH pour y inclure, à l’instar de l’APA, un module dédié au répit facilement accessible et mobilisable. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a permis de réaffirmer le droit à l’éducation des personnes en situation de handicap. Le texte pose les principes de l’école inclusive et prévoit que tout enfant ou adolescent en situation de handicap est de droit inscrit dans l’établissement d’enseignement le plus proche de son domicile.

En 2010, la France ratifiait la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées et réaffirmait ainsi sur la scène internationale son engagement à protéger les personnes en situation de handicap et à leur garantir la mise en œuvre effective de leurs droits, dont le droit à l’éducation, sans discrimination et sur la base de l’égalité des chances.

Onze années après la ratification par la France de cette convention, le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU dresse un état des lieux qui, je le pense, mérite réflexion.

Le Comité se dit préoccupé par plusieurs éléments, notamment la présence de structures qui, selon lui, perpétuent la stigmatisation et l’exclusion des enfants en situation de handicap, désignant les IME et les ULIS. Cette préoccupation, qui ne doit pas remettre en cause les bénéfices de ces structures, doit en revanche nous inviter à faire preuve de vigilance et à privilégier le milieu scolaire ouvert chaque fois que cela est possible. Le soutien individualisé est insuffisant, alors qu’il est pourtant nécessaire pour permettre, en particulier aux enfants atteints d’autisme et de trisomie, de satisfaire les exigences académiques requises.

Le Comité déplore aussi la faiblesse de la part des personnes en situation de handicap qui accèdent à l’enseignement supérieur. Au cours de l’année universitaire 2020-2021, 40 000 personnes en situation de handicap suivaient une formation d’enseignement supérieur ; c’est certes 14 000 personnes de plus que l’année précédente, mais cela ne représente qu’un étudiant sur cinquante, alors que plus d’un Français sur six est en situation de handicap.

Le Comité constate également une insuffisance de données statistiques sur la scolarisation des enfants en situation de handicap résidant dans les territoires ultramarins. Les données sont également insuffisantes pour certaines populations malheureusement marginalisées : les Roms, les demandeurs d’asile ou encore les réfugiés.

Autre point : le Comité reproche à la France de n’avoir pas pu fournir des équipements satisfaisants aux enfants en situation de handicap lors de la crise sanitaire, en particulier aux enfants malentendants. La pandémie a, on le sait, contribué à aggraver les disparités dans l’éducation et l’absence d’équipements adaptés a constitué un obstacle de plus à l’inclusion.

Enfin, le Comité a jugé insuffisant l’enseignement dispensé en langue des signes, ainsi que celui de la langue des signes elle-même. Il déplore encore l’absence d’usage et d’enseignement du braille.

Dans son rapport de 2020 sur la mise en œuvre de la convention de l’ONU, le Défenseur des droits souligne de son côté le nombre insuffisant d’AESH recrutés. Ceux-ci sont pourtant un maillon essentiel de la scolarisation de ces élèves grâce à leur travail d’accompagnement et de socialisation.

Les accompagnants décrivent des conditions de travail difficiles, accentuées par la mise en place des pôles inclusifs d’accompagnement localisés. Ce nouveau dispositif d’organisation du travail des AESH a pu avoir pour effet de confier à l’accompagnant un groupe d’élèves trop nombreux, ne lui permettant plus d’assurer son travail dans les meilleures conditions.

Hier encore, à Lyon, dans mon département, 2 000 professionnels du secteur médico-social manifestaient devant la préfecture pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail et le manque de personnel qualifié et pour demander l’extension du Ségur de la santé aux établissements médico-sociaux.

Le bilan n’est cependant pas entièrement négatif : des progrès ont été réalisés, notamment, comme je l’ai évoqué, en termes d’accès à l’enseignement supérieur, mais la situation demeure perfectible.

La semaine prochaine, le Sénat examinera en deuxième lecture la question de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés. Je forme le vœu que le Sénat fasse, de nouveau, le choix de l’extension des droits des personnes en situation de handicap. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat inscrit à l’ordre du jour aujourd’hui sur l’initiative du groupe CRCE porte sur les droits des personnes en situation de handicap : ces droits sont-ils effectifs et respectés ?

Le respect des droits passe inévitablement par une bonne prise en charge des personnes et donc par la garantie d’un accompagnement adapté et qualifié. Les professionnels qui ont pour mission de « prendre soin » doivent eux-mêmes se sentir bien dans leur métier.

Or l’actualité et les sollicitations dont nous faisons l’objet dans nos départements nous interpellent. Ce mardi 5 octobre, à l’appel d’organisations syndicales et de jeunesse s’est tenue une journée de manifestation interprofessionnelle. Les professionnels du secteur médico-social étaient en première ligne.

Hier, 6 octobre, à l’occasion de la journée nationale des aidants, des mobilisations ont eu lieu dans toute la France autour des métiers du soin et de l’accompagnement des personnes dépendantes. Les professionnels du secteur du handicap, les personnes en situation de handicap et leurs familles étaient nombreux pour dire leur impatience face aux tensions majeures et au risque que la pénurie de main-d’œuvre fait courir aux personnes accompagnées.

Tous tirent la sonnette d’alarme sur le manque de moyens, qui met en péril les métiers du « prendre soin » et en danger le respect des droits des personnes en situation de handicap. Problèmes de recrutement, manque de reconnaissance, épuisement des personnels : dans le secteur médico-social, notamment celui du handicap, les démissions et l’absentéisme sont en augmentation.

Le Ségur a créé une concurrence entre les structures selon leur statut et nous constatons un mouvement de fuite des agents vers celles où ils sont désormais mieux rémunérés.

Le Gouvernement a proposé une hausse de salaire de 183 euros net par mois aux personnels des Ehpad et des hôpitaux publics, mais il a écarté ceux du secteur privé non lucratif du handicap.

L’accord résultant de la mission Laforcade, censé corriger les inégalités, a provoqué de nouvelles désillusions au sein des associations gestionnaires d’établissements médico-sociaux pour personnes handicapées, en créant de nouvelles incohérences, cette fois-ci entre professionnels d’un même établissement.

La question de la juste valorisation salariale pour l’ensemble des professionnels n’est pas le seul point de tension du secteur.

Promotion des métiers, politique de formation, évolution de carrière, qualité de vie au travail : la question de l’attractivité du secteur doit être retravaillée dans son ensemble pour une prise en charge de qualité des personnes en situation de handicap.

Cette pénurie a des effets délétères sur le bien-être des usagers, principalement dans les établissements médicalisés, qui ont dû mettre en place des fonctionnements dégradés. Les professionnels du secteur, les associations et les familles des personnes en situation de handicap nous alertent sur le nombre croissant de défauts de soins observés ces derniers mois.

Le turn-over des aides-soignants dans ces établissements pose aussi un problème en termes de respect de l’intimité. Il nuit également à la création de liens avec les soignants ou les éducateurs, lesquels se tissent au fil du temps et sont nécessaires pour que les personnes accueillies puissent faire leur connaissance et leur accorder leur confiance. C’est là une atteinte à leur dignité. Ces personnes deviennent alors des objets de soins.

Le recours à des intérimaires, à des bénévoles ou à des retraités manquant souvent de formation ne constitue pas une solution. Certaines structures se voient aujourd’hui contraintes de fermer des services et de limiter les accueils de jour.

Nous sommes surpris de constater que l’avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ne prévoie pas les compensations financières liées aux revalorisations salariales des professionnels de l’accompagnement.

Le projet de loi relatif à l’autonomie aurait pu être l’occasion de répondre à ces inquiétudes et de remettre à plat la prise en charge du handicap dans notre pays, mais nous savons désormais qu’il ne verra pas le jour durant ce quinquennat…

Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, le secteur médico-social du handicap requiert des mesures d’urgence pour mieux répondre aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap et assurer le respect de leurs droits élémentaires. Ces personnes doivent être des citoyens à part entière.

Je tiens aussi à vous alerter sur le manque de moyens mobilisés par l’éducation nationale pour accompagner la scolarisation des enfants en IME ou en milieu ordinaire. Les enfants porteurs de handicap sont privés d’un accès à l’école de la République, du fait d’un manque cruel d’auxiliaires de vie scolaire.

Je sais que Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, est sensible à ces questions et je connais son engagement,…

Mme Nathalie Elimas, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de léducation prioritaire. Je le suis, moi aussi !

Mme Annie Le Houerou. … mais elle n’est pas entendue !

Comment garantir le respect et l’effectivité des droits des personnes en situation de handicap dans les conditions que je viens de décrire ?

Quelles mesures le Gouvernement prévoit-il afin de répondre au mal-être des professionnels qui s’engagent pour garantir les droits des personnes en situation de handicap, éviter la maltraitance institutionnelle et permettre aux personnes en situation de handicap d’occuper pleinement leur place de citoyen dans notre société ? (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe CRCE a souhaité inscrire à l’ordre du jour de nos travaux un débat sur les droits des personnes en situation de handicap. Je tiens à saluer cette initiative et à rappeler la nécessité pour notre assemblée de s’exprimer régulièrement sur cette question.

Nous le devons bien sûr aux 12 millions de Français touchés par un handicap, particulièrement aux 9 millions d’entre eux dont le handicap est invisible.

Un tel débat est nécessaire aussi afin de mesurer le chemin parcouru depuis l’adoption en 2005 de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et depuis l’entrée en vigueur en 2008 de la convention relative aux droits des personnes handicapées.

Ce débat est également l’occasion d’évaluer la politique du Gouvernement en la matière et les efforts consentis pour assurer l’effectivité et le respect des droits des personnes en situation de handicap.

Ces droits, quels sont-ils ?

C’est le droit de vivre, de se former, de travailler, d’avoir une vie intime et personnelle, de se déplacer en sécurité, de s’épanouir. Cela semble une évidence, et pourtant…

C’est aussi le droit de bénéficier d’une compensation financière pour faire face à des situations de vie souvent difficiles. Je pense à la prestation de compensation du handicap et à l’allocation aux adultes handicapés – cette dernière a d’ailleurs été revalorisée à deux reprises depuis le début du quinquennat.

Avec un budget annuel de 51 milliards d’euros, soit 2,2 % du PIB, la France figure à la troisième place des pays européens en termes de financement des politiques consacrées au handicap. Cependant, beaucoup reste à faire. La Défenseure des droits en a fait le constat il y a quelques mois dans un rapport sur la mise en œuvre par la France de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.

Le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies s’en est d’ailleurs ému. S’il a salué l’ambition de la stratégie nationale pour l’autisme ou la feuille de route pour la santé sexuelle des personnes handicapées, il a critiqué une approche jugée trop médicale et souligné l’urgence d’accroître nos efforts pour lutter contre la stigmatisation.

Si beaucoup reste à faire, il est utile, je pense, de rappeler l’ampleur du travail accompli depuis le début du quinquennat : 400 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés à la rentrée 2021, soit près de 20 % de plus qu’en 2017. Nous agissons en faveur de leur droit à l’éducation.

Nous agissons aussi en faveur de leur droit à une inclusion totale dans leur lieu de vie, grâce à la création des communautés 360, ou dans leur vie professionnelle. Le nombre d’apprentis en situation de handicap a ainsi bondi de 3 500 en 2019 à près de 6 000 en 2020.

Depuis janvier 2021, 15 000 recrutements, dont les deux tiers en contrat à durée indéterminée, ont été réalisés dans le cadre du plan de relance, au titre de l’aide à la mobilisation des employeurs pour l’embauche des travailleurs handicapés.

Nous agissons enfin pour leur droit à la protection. Je pense notamment aux projets pilotes en Gironde et en Loire-Atlantique lancés en octobre 2020 pour le soutien et l’accompagnement des femmes en situation de handicap victimes de violences conjugales.

J’évoquerai ici la situation particulière des outre-mer, où les besoins sont plus nombreux qu’ailleurs et où les retards en matière de politique du handicap sont réels.

Une enquête menée par la Drees et l’Insee en 2019 a révélé que 11 % des personnes âgées de 15 ans ou plus sont en situation de handicap dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), contre 9 % dans l’Hexagone. En Martinique, la part des personnes handicapées atteint 13 %.

L’écart est encore plus frappant si l’on compare les chiffres de la population âgée. Ainsi, 21 % des personnes âgées de 55 ans ou plus sont handicapées en Guadeloupe, en Guyane et à La Réunion ; ils sont 24 % en Martinique et à Mayotte, contre 16 % dans l’Hexagone. À cet écart, qui exige des moyens adaptés, s’ajoute le retard de prise en charge des personnes handicapées.

Dans un rapport de septembre 2019 consacré à l’accès aux droits dans les outre-mer, la Défenseure des droits notait ainsi que « les insuffisances des dispositifs sanitaires et les inégalités d’accès à la santé y favorisent le renoncement aux soins, ainsi que les discriminations envers les personnes en mauvaise santé, âgées ou en situation de handicap ».

Ce constat est particulièrement vrai en ce qui concerne la scolarisation et l’accompagnement des plus jeunes. La détection des situations de handicap, faute de moyens suffisants, y est ainsi plus difficile qu’ailleurs.

Surtout, le manque de place dans les structures d’accueil des élèves en situation de handicap est compliqué pour leurs familles, bien sûr, qui se retrouvent parfois isolées, mais aussi pour eux-mêmes, puisque les réponses apportées, destinées à être temporaires, s’inscrivent parfois dans la durée.

La consultation sur les discriminations, lancée en avril dernier pour recueillir les propositions des citoyens, et la plateforme de signalement et d’accompagnement des victimes ou témoins de discriminations permettront – je l’espère – d’attirer un peu plus le regard sur ces territoires et d’apporter les réponses qui s’imposent. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie Laurence Cohen et l’ensemble de ses collègues du groupe CRCE d’avoir pris l’initiative de ce débat sur l’effectivité et le respect des droits des personnes en situation de handicap. Il s’agit là d’un vaste sujet de société, concernant des personnes qui méritent beaucoup de respect et de reconnaissance.

Laurence Cohen l’a rappelé, les chiffres sont alarmants et il faut les avoir toujours en mémoire : le handicap concerne une personne sur quatre.

Lorsque j’ai intégré le Sénat – c’était le 26 août 2007 –, j’ai rejoint la commission des affaires sociales, alors présidée par Nicolas About. Paul Blanc, rapporteur de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, soutenait alors la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) dans les départements, même si toutes les collectivités, ainsi que l’État, sont concernées par le handicap. Leur création a été l’occasion de débattre de leur rôle, mais aussi des notions d’accessibilité et de proximité.

L’accessibilité des personnes atteintes d’un handicap physique est un vaste sujet : il concerne les transports, les écoles, collèges, lycées et universités, mais aussi le logement et l’emploi. Combien de bâtiments ne sont pas encore complètement accessibles ? À titre d’exemple, j’évoquerai les transports ferroviaires, que j’emprunte presque tous les jours. Certes, le personnel des trains fait le maximum pour aider les personnes atteintes d’un handicap physique, mais hier encore, l’ascenseur de la gare de Champagne-Ardenne TGV était en panne. Les dysfonctionnements de ce genre sont encore malheureusement trop nombreux.

Madame la secrétaire d’État, vous êtes chargée de l’éducation prioritaire. (Mme la secrétaire d’État acquiesce.) À ce titre, il vous reste beaucoup à faire, nous en sommes tous conscients.

Sur l’aspect financier, Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances, rappellent chaque année les limites de l’AAH.

Certes, il y a le volet financier, mais il y a aussi le volet humain, qu’il faut toujours avoir à l’esprit. Le contexte sanitaire a encore mis en évidence le respect que nous devons avoir pour les personnes en situation de handicap et leurs familles, ainsi que pour l’ensemble des personnels qui œuvrent avec cœur, passion et dévouement auprès d’elles.

Le personnel des établissements s’est trouvé en première ligne durant la crise, alors que les visites n’étaient pas possibles.

M. Marc Laménie. N’oublions pas le rôle des associations et de tous les bénévoles qui œuvrent pour soutenir les personnes en situation de handicap.

Le volet médico-social, cela a été dit, sera abordé lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, lorsqu’il sera question de la cinquième branche, mais aussi lors de l’examen, dans le projet de loi de finances, des crédits de l’État et des collectivités territoriales, qui sont des partenaires particulièrement importants.

J’ai récemment rencontré une conseillère municipale de Charleville-Mézières non voyante, accompagnée d’un chien guide d’aveugle. Notre entretien, qui devait durer deux heures, s’est longuement prolongé et j’ai beaucoup appris – on en apprend tous les jours – sur les nombreuses préoccupations des personnes en situation de handicap et sur les progrès qu’il reste à faire.

Nous sommes tous conscients de ces difficultés et du combat qu’il nous faut mener afin que les personnes en situation de handicap soient respectées et reconnues. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Alain Duffourg. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, garantir l’accès à l’éducation et à une formation qualifiante, c’est préparer l’avenir de nos enfants, tant socialement que professionnellement.

Le 4 septembre dernier, des milliers d’enfants ont rejoint le chemin de l’école pour la rentrée scolaire. Malheureusement, certains d’entre eux, en situation de handicap, n’ont pas eu cette chance. Aujourd’hui, entre 8 000 et 11 000 enfants en situation de handicap – la majorité présente un handicap cognitif ou intellectuel – restent sans solution. De fait, certains enfants sont exclus de l’école de la République. Cette absence de solution hypothèque leur avenir et met les familles en difficulté.

Le nombre limité d’auxiliaires de vie scolaire, d’assistants d’élèves en situation de handicap et d’unités localisées pour l’inclusion scolaire complique la scolarisation. Les enfants présentant un handicap mental sont particulièrement touchés. Or les conséquences du déficit de scolarisation sont lourdes : retards d’apprentissage, manque de socialisation, difficultés d’intégration et autant de potentiels ignorés.

Cette inégalité suscite des interrogations. Stephen Hawking aurait-il été le physicien et le théoricien que nous connaissons s’il avait été français et atteint d’un handicap dès la naissance ? Quelles auraient été ses chances de devenir le chercheur et l’intellectuel qu’il a été ?

Madame la secrétaire d’État, vous avez lancé, avant la rentrée scolaire 2020, le numéro d’appel de l’école inclusive. Sa mise en œuvre a-t-elle permis une amélioration substantielle des situations et de l’accompagnement ? Pourriez-vous nous informer sur la montée en charge de ce dispositif ? Par ailleurs, ce numéro s’appuie-t-il sur une augmentation significative du nombre d’AESH et d’AVS ? Il nous semble qu’il doit être délicat de proposer des solutions pérennes en l’absence d’encadrement adéquat. À cet égard, quelle est la politique de recrutement du Gouvernement dans ce secteur ?

Nous l’avons dit, une meilleure scolarisation est susceptible de favoriser l’accès à un meilleur diplôme et une plus grande inclusion dans le monde du travail. Les données dont nous disposons confirment ce diagnostic : l’insuffisante scolarisation des personnes handicapées induit un faible niveau de formation, qui nuit à leur intégration sociale.

On constate que le niveau de handicap décroît tendanciellement avec le niveau de diplôme. En d’autres termes, plus le handicap d’un individu est important, plus son niveau de diplôme est bas. D’après les chiffres de 2020 de l’Insee, 80 % des personnes handicapées ont un niveau de qualification inférieur au baccalauréat. Cela explique en partie que leur taux de chômage – il est de 16 % – soit deux fois supérieur à celui de la population générale.

L’accès au travail est un droit pour tous, qui ne doit pas être entravé par un handicap. C’est un enjeu sociétal majeur dont nous savons, madame la secrétaire d’État, que vous mesurez pleinement l’ampleur. La France compte aujourd’hui 3,5 millions de personnes en situation de handicap, dont 700 000 en situation de handicap mental. Quelles solutions comptez-vous apporter pour améliorer leur insertion professionnelle ? (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à mon tour, je remercie nos collègues du groupe CRCE d’avoir demandé la tenue de ce débat.

Les personnes handicapées ont le droit à la protection, « à leur domicile comme à l’extérieur, contre toutes formes d’exploitation, de violence et de maltraitance, y compris leurs aspects fondés sur le sexe », conformément à l’article 16 de la convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par les Nations unies en 2006 et signée par la France.

Nous savons pourtant que ce droit à la protection contre les violences sexuelles n’est pas correctement assuré, en particulier dans les institutions accueillant des mineurs en situation de handicap.

Dans le rapport qu’elle a remis en 2019, notre mission commune d’information sur les politiques publiques de prévention, de détection, d’organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles commises sur des mineurs hors du cadre familial a relevé l’exposition particulière de ces enfants. Le ratio varie du simple au triple, comparé aux enfants valides, et du simple au quadruple pour les enfants en situation de handicap mental.

Cette exposition est effrayante, presque systématique, pour les jeunes filles atteintes de troubles autistiques : 90 % d’entre elles subissent des violences sexuelles et 31 % subissent un viol avant l’âge de 9 ans, en raison de leur immense vulnérabilité.

Face à ces fléaux, nous proposions quelques pistes pour améliorer la protection des enfants handicapés : renforcer les contrôles des nombreux intervenants, d’une part, développer les mesures de prévention, d’autre part.

Le premier moyen de protéger les enfants est de contrôler qu’ils ne sont pas exposés à des adultes auteurs d’infractions sexuelles. C’est le but du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais). Nous notions, en 2019, que ce fichier était méconnu des directions d’établissements accueillant des enfants handicapés et que sa consultation n’était pas systématique, faute d’habilitation des services recruteurs.

En février 2020, le Gouvernement a mesuré la marge de progrès pour faire du Fijais le point nodal de la lutte contre le renouvellement des infractions.

Je profite de ce débat pour vous interroger, madame la secrétaire d’État, sur les résultats de l’audit effectué par le ministère de la justice : des procédures de téléconsultation du Fijais et du bulletin n° 2 du casier judiciaire sont-elles mises en place pour les établissements médico-sociaux, à l’instar de ce qui se pratique dans les centres de loisirs ?

Quel contrôle est effectué des prestataires de services et des animateurs extérieurs qui interviennent dans les instituts médico-éducatifs ou les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques ?

Les directions de ces établissements sont-elles sensibilisées à ces contrôles, alors qu’elles sont aujourd’hui fortement confrontées à des difficultés de recrutement ? À cet égard, les appels à bénévolat pour assurer l’encadrement de certaines activités ne sont pas de nature à nous rassurer.

Nous avions été frappés, concernant les mesures de prévention mises en œuvre, par l’absence totale de procédure et même de réflexion sur les pratiques professionnelles des deux grands réseaux associatifs gestionnaires d’établissements auditionnés. Ces préoccupations semblaient totalement hors de leurs radars.

Là encore, le plan du Gouvernement prévoyait « dès 2020 des formations communes pour renforcer la coopération entre professionnels sur les violences intrafamiliales ». En revanche, aucune stratégie n’a été définie pour accroître le repérage et le signalement des violences commises dans les établissements. Il nous semble primordial que ces enjeux soient inclus dans les modules de formation initiale et continue des professionnels.

C’est ainsi que nous avancerons vers un meilleur droit à la protection des personnes en situation de handicap – les enfants comme les adultes – contre les violences sexuelles. (Applaudissements.)