M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les maires, bien sûr, mais aussi les conseils de développement et toute personne intéressée par le développement de son territoire devront être associés.

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et que le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Jean-Paul Prince.

M. Jean-Paul Prince. Nous ne pouvons que louer la démarche présidant à la création des CRTE. Elle est efficace puisque nous connaissons déjà le périmètre des 833 CRTE qui mailleront la totalité du territoire national. Elle est aussi respectueuse de la spécificité des territoires, car ces périmètres ont été déterminés en concertation avec les élus et sont différenciés en fonction des coopérations préexistantes. C’est déjà une démarche « 4D ».

De même, nous ne pouvons que saluer l’effort de simplification que concrétisent ces CRTE : parce qu’il rassemble en un contrat unique tous les dispositifs de l’État avec le territoire, le CRTE est conçu comme le complément naturel et indispensable de la création, il y a deux ans, de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

Localement, des questions concrètes se posent sur la mise en œuvre du CRTE : pour mettre en place les projets éligibles au plan de relance, les communes et leurs groupements auront besoin d’importants moyens d’ingénierie.

Vue de Paris, l’ANCT était une excellente idée, mais sur les territoires, elle est souvent encore inconnue au bataillon. Les CRTE devraient aider à lui donner la visibilité qui lui manquait. Mais ses moyens ne sont pas augmentés…

Par ailleurs, je tiens à mentionner le rôle du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), l’établissement public assistant les collectivités grâce à son expertise des politiques publiques. Cet organisme a connu une diminution de ses subventions depuis la loi de finances de 2018. J’appelle votre attention, madame la ministre, sur l’importance de cet organisme pour les collectivités, en particulier pour la mise en œuvre des CRTE.

Dans ces conditions, l’ANCT sera-t-elle en mesure d’accompagner les collectivités qui en auront besoin et d’identifier les projets d’investissement vertueux permettant de recourir rapidement aux fonds de la relance ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Oui, l’État accompagnera en ingénierie les territoires pour mettre en œuvre les CRTE. Cet accompagnement sera réalisé par l’ANCT – c’est bien pour cela qu’elle a été créée.

L’Agence pourra ainsi cofinancer à hauteur de 20 000 euros le recours à des prestations d’ingénierie choisies localement pour l’élaboration de 300 CRTE. Par ailleurs, elle a lancé un marché d’ingénierie, qui pourra être mobilisé à hauteur de 10 millions d’euros disponibles. En outre, elle anime une plateforme internet dédiée au CRTE, sur laquelle figurent des ressources utiles pour les collectivités et les préfectures.

Nous avons ouvert la possibilité pour les collectivités de recruter un volontaire territorial en administration (VTA) afin de travailler à l’élaboration des CRTE. Une aide d’un montant de 15 000 euros est octroyée par VTA.

Bien entendu, des territoires disposent déjà d’ingénierie, mais un effort particulier est fait en faveur des territoires qui n’en ont pas.

Le Cerema, que je connais bien – il y en a un à Blois – a une très grande capacité d’expertise en matière d’infrastructures, de mobilité et d’aménagement du territoire. À cet égard, je tiens à saluer l’action de son directeur général, Pascal Berteaud, qui a fait approuver voilà quelques semaines le projet stratégique de l’établissement, lequel prévoit de consacrer une part plus importante de son activité aux collectivités. Je proposerai d’ailleurs, lors de l’examen du projet de loi 4D, un article prévoyant de faciliter l’action du Cerema en direction des collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon.

M. Rémi Cardon. Aujourd’hui, nous débattons d’un nouveau contrat, lié au plan de relance, qui regroupe un ensemble de dispositifs, dont l’ancien contrat de transition écologique.

Au premier abord, le CRTE donne l’impression d’être le résultat d’un simple changement de nom destiné à valoriser le plan de relance gouvernemental. Je m’interroge toutefois sur les effets recherchés, mais aussi sur les effets pervers de ce contrat.

En effet, ce nouveau dispositif pose d’emblée la question du lien entre les différents dispositifs regroupés – les programmes Petites villes de demain ou en faveur des villes moyennes et des villes en déclin – et les autres dispositifs de financement dédiés aux communes ordinaires, tels que la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la DSIL. Ces allocations directes pour les communes ne risquent-elles pas d’être freinées par l’ajout d’un niveau de décision complémentaire ?

L’obligation de passer par des contrats territoriaux pour synchroniser une démarche peut être une bonne idée sur le principe, mais risque d’alourdir la procédure.

L’ANCT parle de « territorialisation » de la relance. Nous risquons, de nouveau, un affaiblissement de la maille communale, avec un pilotage recentralisé et regroupé à l’échelon des communautés de communes.

Dans le département de la Somme, huit CRTE sont mis en œuvre ; ils sont de dimensions différentes et font l’objet d’un accompagnement très, voire trop différencié.

Selon les données que je me suis procurées, trois à cinq CRTE seront soutenus directement par l’ANCT dans chaque département. Mais de quel accompagnement bénéficieront les autres secteurs non financés directement, de quelle ingénierie territoriale ? Les acteurs locaux auront-ils un accès direct à un interlocuteur visible ?

Madame la ministre, la mise en œuvre de ces contrats ne sera-t-elle pas paradoxalement un frein à l’investissement de nos communes en bridant leur agilité ? Ne risque-t-elle pas d’aggraver encore les différences d’accompagnement entre collectivités ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous êtes bien jeune ; peut-être n’étiez-vous pas né lorsqu’a été votée la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, laquelle, je vous le rappelle, a consacré les intercommunalités et a même prévu de les développer.

Je ne serai pas celle qui opposera les communes et les intercommunalités. J’ai toujours défendu le contraire et je continuerai à le faire, même si, comme l’a souligné Ronan Dantec, les intercommunalités fonctionnent de manière inégale – je suis absolument prête à le reconnaître.

Vous avez dit que les CRTE étaient liés au plan de relance : pas uniquement. Oui, ils sont liés au plan de relance les deux premières années – il serait bête d’empêcher le bloc communal de profiter de la relance. Les contrats de relance sont destinés à porter des projets des intercommunalités, mais aussi des communes, toutes pouvant être maîtres d’ouvrage. Par ailleurs, ce sont des contrats intégrateurs. Les programmes Petites villes de demain ou Action cœur de ville ont bien vocation à intégrer les CRTE, la transition écologique devant être le fil vert de toutes les politiques.

Enfin, il est hors de question de ne pas continuer à soutenir les projets des communes de façon classique, grâce à la DETR. Nous ne bouleversons pas là les relations entre l’État et les collectivités territoriales, nous simplifions simplement les choses, via des contrats intégrateurs, pour plus de lisibilité.

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.

M. Rémi Cardon. En 2015, madame la ministre, j’avais 20 ans ! (Sourires.)

Compte tenu de votre âge (Exclamations.), j’espère que vous aurez la sagesse de rendre les CRTE plus agiles, plus justes et surtout beaucoup plus simples qu’ils ne le sont aujourd’hui pour nos élus locaux.

M. le président. La parole est à M. Serge Babary.

M. Serge Babary. Pour accélérer la relance et accompagner les transitions écologique, démographique, numérique et économique sur les territoires, le Gouvernement propose aux collectivités territoriales un nouveau type de contrat : le CRTE. Signé pour six ans, il doit regrouper l’ensemble des contrats signés entre l’État et les collectivités.

Il s’agit, selon vos déclarations, madame la ministre, « de traduire concrètement l’objectif de différenciation qui doit désormais guider l’action territoriale de l’État ».

Nous ne pouvons que souscrire à cette volonté politique de différenciation territoriale. Il importe de reconnaître enfin le rôle des acteurs locaux et la nécessité de personnaliser et d’adapter les projets aux territoires.

Il ne faudrait pas toutefois que cette contractualisation, réalisée dans l’urgence, se résume à une compilation des contrats existants, le véritable objectif étant de faciliter l’action des services de l’État.

Ces nouveaux contrats, pour leur mise en œuvre, doivent être pilotés par les établissements publics intercommunaux ou leurs groupements. Au 26 avril dernier, on dénombrait 837 périmètres.

Les rôles des départements en matière de transition écologique, énergétique et numérique et des régions en matière économique sont essentiels. Comment comptez-vous les associer à cette nouvelle contractualisation ?

N’y a-t-il pas un risque que certains EPCI aient plus de mal à atteindre les objectifs fixés, notamment en zone rurale, où les intercommunalités ne disposent pas forcément de compétences, de moyens et de services adaptés ?

Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que les besoins en ingénierie seront satisfaits et que cette nouvelle contractualisation ne sera pas mise en œuvre au détriment des petites intercommunalités ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Je vous confirme, monsieur Babary, que le principe de différenciation sera respecté. Il n’existe pas de maquette préconçue : nous partons des projets des territoires. Notre préoccupation permanente est d’accompagner la transition écologique, économique et démographique – il s’agit là d’être à l’écoute de la société. Quoi qu’il en soit, nous respecterons la volonté des territoires.

Vous avez parlé d’une « contractualisation réalisée dans l’urgence », monsieur le sénateur. Or j’ai indiqué précédemment qu’aucune date couperet n’était fixée.

Il serait dommageable que le bloc communal ne profite pas au maximum du plan de relance, qui couvre la période 2021-2022. Vous avez été élu local, monsieur le sénateur, vous savez comment les choses se passent (Sourires.) : il s’agit d’engager les financements avant la fin de l’année 2022.

C’est la raison pour laquelle nous avons demandé, lorsque les élus ne sont pas prêts à signer un CRTE complet, à ce que soit au minimum conclu un contrat d’engagement. Naturellement, tous les territoires ne sont pas dans la même situation. Dans certains d’entre eux, les élus sortants ont été réélus, dans d’autres, il n’y a que des nouveaux élus, lesquels veulent prendre le temps de réfléchir.

En outre, l’association des acteurs économiques est absolument fondamentale. C’est pourquoi nous attachons une place importante à la gouvernance, afin que les maires soient particulièrement bien associés aux décisions au sein de l’intercommunalité.

Je rappelle que la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique rend obligatoire la création d’une conférence des maires, laquelle devra naturellement être mobilisée pour les CRTE. Pour autant, les relations habituelles des élus avec les chambres de métiers et de l’artisanat, les chambres de commerce et de l’industrie et les chambres d’agriculture, avec lesquelles les maires travaillent régulièrement, ne sont pas remises en cause.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Le CRTE a plusieurs mérites : il regroupe et intègre plusieurs contrats, il est pluriannuel et couvre la quasi-totalité du territoire. Nous y sommes favorables.

Face à l’enjeu actuel de la transition écologique, domaine dans lequel la France est l’une des meilleures élèves de l’Europe, les territoires, notamment les territoires ruraux, sont la solution. Nous n’irons jamais assez vite, à condition que les CRTE s’accompagnent d’un véritable financement.

En Corrèze, sept contrats, six EPCI et un pôle d’équilibre territorial et rural avec trois communautés de communes seront mis en œuvre. Les discussions sur le contenu se poursuivent. De nombreux territoires comme le mien ont déjà réfléchi au cours de multiples réunions.

Dans la communauté de communes où je suis élu, un travail est fait sur les ateliers relais. Alors qu’ils sont financés par les communautés de communes, des subventions, via le CRTE, seraient cruciales.

Un autre projet porte sur la rénovation des centres-bourgs, en particulier des maisons en mauvais état, véritables passoires énergétiques. Dans le cadre de la relance, des aides doivent être octroyées aux communes pour le rachat des maisons et leur rénovation énergétique afin de valoriser nos centres-bourgs et d’améliorer leur attractivité.

Le CRTE doit aussi permettre de soutenir les collectivités impliquées dans le tourisme rural, lequel requiert non seulement une montée en gamme des hébergements, mais aussi un travail avec les professionnels afin de promouvoir les activités et les produits locaux et de développer l’e-tourisme.

Madame la ministre, voilà ce que les élus locaux souhaitent pour réindustrialiser et revitaliser la ruralité. Pour cela, ils ont besoin d’une aide véritable. Or, si j’en juge par les informations dont je dispose sur le CRTE impliquant trois communautés de communes de mon département, le CRTE ne serait financé qu’à hauteur de 200 000 euros, contre 250 000 euros pour un contrat de ruralité.

Madame la ministre, pensez-vous pouvoir augmenter les dotations évoquées de façon à être à la hauteur des enjeux ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Très officiellement, je peux vous dire, monsieur le sénateur, qu’il n’existe pas d’enveloppe dédiée par CRTE. C’est clair et net. Les crédits seront mobilisés en fonction des projets inscrits dans les CRTE.

Ces projets peuvent bénéficier de financements extrêmement divers, comme la DSIL pour la transition énergétique, abondée à hauteur d’un milliard d’euros dans le plan de relance. Cette dotation permet, par exemple, de rénover des bâtiments communaux. Les particuliers, quant à eux, peuvent bénéficier de MaPrimeRenov’. Le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) est également mobilisable.

En dehors du champ de compétences de mon ministère – car il est fait appel à d’autres ministères, notamment celui de l’éducation nationale ou celui des solidarités et de la santé –, les investissements du Ségur de la santé, que les directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) sont chargés de répartir dans les territoires d’ici au mois d’octobre prochain, donneront lieu à des conventions d’application santé. Ces dernières seront intégrées dans les 837 CRTE d’ici à la fin de l’année. Ces investissements représentent tout de même 1,5 milliard d’euros !

Il n’y a pas d’enveloppes, mais des réponses en fonction des projets – je vous le dis avec force et conviction.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Je souhaite revenir ici sur la complémentarité et l’articulation des CRTE avec les plans climat-air-énergie territoriaux.

Aujourd’hui, la quasi-totalité des intercommunalités ont engagé un PCAET. Pour rappel, c’est la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui a confié aux intercommunalités une compétence exclusive en matière d’élaboration et de mise en œuvre de ces plans.

Outil structurant des politiques publiques en matière d’énergie et de climat, le PCAET est obligatoire pour les EPCI à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants existants au 1er janvier 2017. Il doit être cohérent, dans ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec les engagements internationaux de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

La déclinaison dans le CRTE, qui est contractualisée sur le même périmètre, des objectifs et actions prévus par le PCAET est donc centrale si nous voulons que ce contrat réponde à l’ambition de transition écologique.

Comment le CRTE va-t-il s’articuler avec le PCAET ?

La circulaire du Premier ministre du 20 novembre dernier prévoit une évaluation du CRTE. Cette évaluation s’appuiera-t-elle sur la mise en œuvre des PCAET et sur leurs résultats ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Permettez-moi tout d’abord de préciser au sénateur Chasseing que, contrairement à ce que j’ai dit, ce sont 14 milliards d’euros qui sont prévus au titre du Ségur de la santé, et non 1,5 milliard d’euros. Cela fait une petite différence… (Sourires.)

Pour vous répondre, monsieur Benarroche, le PCAET constitue la feuille de route du territoire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter aux effets du changement climatique.

Il contient un diagnostic territorial, une stratégie, un plan d’action et un dispositif de suivi. Lorsque les territoires les ont adaptés et quand leur périmètre correspond à celui du CRTE, les PCAET apparaissent comme la base incontournable pour élaborer ces contrats.

La transition écologique est identifiée comme un axe transversal de ces contrats dans la circulaire du Premier ministre du 20 novembre dernier.

Aujourd’hui, 87 % des 757 EPCI obligés de créer un PCAET l’ont fait, ce qui représente plus de 60 millions de personnes, soit 90 % de la population française : cette politique est une réussite !

Nous nous engageons à faire en sorte que les PCAET soient intégrés dans les CRTE. Nous devons bien sûr veiller à ce que les projets qui seront financés par l’État respectent bien les engagements internationaux de la France. Concrètement, cela passera par des actions de diagnostic environnemental – la circulaire en prévoit –, une évaluation de chaque projet par le ministère de la transition écologique et un bilan ex post des investissements réalisés, ainsi qu’une évaluation de leur impact environnemental.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Bien évidemment, il existe une correspondance parfaite entre notre démarche et les PCAET.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.

M. Guy Benarroche. Permettez-moi de profiter du temps de parole qu’il me reste pour indiquer à Mme la ministre, trois mois après lui en avoir parlé lors d’un précédent débat, qu’il n’y a toujours pas d’ANCT dans les Bouches-du-Rhône ! La situation n’a pas évolué.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Pour accélérer la relance et accompagner la transition écologique, démographique, numérique et économique dans les territoires, le Gouvernement a proposé aux collectivités territoriales un nouveau type de contrat : le CRTE. Ce contrat illustre la généralisation d’un nouveau mode de collaboration entre l’État et les collectivités territoriales.

Avec le renfort des crédits du plan de relance, cette nouvelle génération de contrats territoriaux vise à accompagner les collectivités dans leurs projets, avec une triple ambition : la transition écologique, le développement économique et la cohésion territoriale.

Cette nouvelle méthode permet aux acteurs locaux – collectivités, habitants et entreprises – de prendre part, aux côtés de l’État, à un véritable projet de territoire. Les CRTE permettent ainsi aux territoires de faire valoir leurs spécificités, tout en s’inscrivant dans une démarche d’ensemble cohérente.

Sur mon territoire, de nombreux présidents d’intercommunalité voient dans le CRTE une véritable opportunité de développement. Ce sont ainsi pas moins de quinze contrats qui ont été signés dans le Haut-Rhin.

Toutefois, une préoccupation revient régulièrement lors de mes rencontres avec les présidents d’EPCI. Pour mener à bien ces projets dans la durée, l’engagement de l’État est essentiel et doit se traduire par un engagement financier global, qui assure lisibilité et sécurité pour les collectivités signataires. Il semble que cette dimension n’apparaisse pas pour le moment de manière explicite.

Quelle réponse pouvez-vous apporter à mes préoccupations ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Nous ne cessons d’évoquer des problèmes d’argent… (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRCE.)

Dans notre pays, nous avons parfois été habitués à connaître lors de la signature d’un contrat, par exemple d’un contrat de ruralité, le montant à dépenser. Des négociations étaient ensuite engagées au sein des intercommunalités.

Aujourd’hui, nous avons décidé de soutenir les projets des territoires, lesquels peuvent être financés par mon ministère, mais aussi par d’autres. À titre d’exemple, mon ministère financera le programme Action cœur de ville à hauteur de 5 milliards d’euros. Cette somme est bien entendu intégrée dans les CRTE. Pour le programme Petites villes de demain, l’enveloppe s’élève à 3 milliards d’euros. Au total, 8 milliards d’euros sont mobilisables dans les CRTE – sans compter les 14 milliards d’euros du Ségur de la santé.

En outre, le ministère de la transition écologique a ses propres financements.

Actuellement, ce qui fait le moins défaut, ce sont les financements. Ils sont d’abord prévus pour deux ans dans le cadre du plan de relance. Ensuite, durant six ans, l’État continuera, via ses politiques traditionnelles, de financer les CRTE, grâce à la DSIL et aux financements d’autres ministères.

M. le président. La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Les CRTE, déclinaisons territoriales du plan de relance, sont censés répondre à une triple ambition en matière de développement économique, de transition écologique et de cohésion territoriale.

La transition écologique est une nécessité partagée ; elle commande d’évoluer vers des modèles de vie durables et raisonnés dans tous les domaines, y compris celui du numérique.

L’ANCT a lancé de nouveaux travaux pour aider les collectivités territoriales à bâtir des feuilles de route numériques dans le cadre des CRTE. En effet, la transition numérique des territoires est aussi en cours ; l’État l’a engagée avec la numérisation des services publics à marche forcée.

La transition numérique peut aller à rebours de l’objectif de transition écologique : c’est la problématique de l’empreinte environnementale du numérique. Angle mort des politiques publiques, la transition numérique représente pourtant entre 5 % et 10 % de l’empreinte environnementale de notre pays. Cette part ne cesse d’augmenter, du fait notamment d’une consommation croissante de données 4G, et désormais 5G. En effet, plus des trois quarts de cette empreinte sont dus à l’utilisation des terminaux numériques.

Au vu de ces intérêts contradictoires, comment concilier, au moyen des CRTE, la nécessaire transition numérique des territoires qui a été engagée avec la maîtrise de l’empreinte environnementale du numérique ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner que le Gouvernement a fortement accéléré depuis 2017 la transition numérique de notre pays, dans tous les domaines et dans tous les territoires.

Dans le domaine des infrastructures fixes et mobiles, l’année 2020 marque un record puisque plus de 5,8 millions de lignes numériques ont été déployées, soit 19 % de plus qu’en 2019.

On a également observé le développement de nombreux usages du numérique : télétravail, télémédecine, téléprocédures, etc. Il s’agit là de conséquences de la crise sanitaire.

Nous avons aussi réalisé un travail d’accompagnement pour l’inclusion numérique : 4 000 conseillers numériques sont financés dans le cadre du plan de relance.

La transition numérique est un axe prioritaire des projets de territoire. Pour me déplacer beaucoup sur l’ensemble des territoires français, je peux vous assurer que cette transition est pour eux très importante. Elle est sûrement l’un des éléments qui font que la ruralité se sent de nouveau dans la modernité – cela n’était pas arrivé depuis fort longtemps.

Nous modernisons également les services au public dans les collectivités territoriales, grâce à une enveloppe de 88 millions d’euros. Nous avons élaboré une feuille de route avec les associations nationales concernées, notamment les associations Villes Internet et Les Interconnectés, pour guider les collectivités dans leurs démarches.

La conciliation de la transition numérique et de la maîtrise de l’empreinte environnementale du numérique doit faire l’objet d’une réflexion dans les territoires. Les élus ne doivent pas tout attendre de l’État ; ils doivent, sur leur territoire, prendre leurs responsabilités.

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour la réplique.

M. Éric Gold. Si la relance passe par la mise en œuvre des CRTE, elle doit également prendre en compte l’accompagnement des publics fragiles.

L’inclusion numérique est aussi un objectif primordial : chacun doit pouvoir bénéficier d’un accompagnement dans l’accès au numérique, afin que personne ne soit laissé sur le bord du chemin. Les CRTE peuvent être cet outil d’inclusion.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Négociés à la hâte par des exécutifs locaux nouvellement élus ou venant d’être renouvelés, qui plus est en pleine gestion de crise, les contrats de relance et de transition écologique font l’objet d’une temporalité contradictoire. Les maires n’ont pas vraiment été associés aux négociations. (Mme la ministre manifeste son agacement.) Ces dernières ont en effet été captées le plus souvent par les présidents des EPCI ou des autres échelles retenues. Pour nous, cela pose un véritable problème de démocratie locale.

Comment les citoyens ont-ils été avertis de cet afflux de crédits au moment de voter ? La plupart des élus municipaux n’ont pas été concertés. Je le répète, les délais de signature sont contraignants et risquent de pénaliser les territoires les moins dotés en ingénierie, ce que vous savez, madame la ministre.

Cet empressement s’explique par la confusion entretenue par le Gouvernement sur les investissements relevant du plan de relance, avec le risque suivant : la relance partout, la relance à tout va. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer les étapes d’une planification stratégique et opérationnelle ? Il faut du concret !

Bruno Le Maire a déclaré : « L’exécution sera un point capital. Nous devons dépenser vite et bien pour avoir des effets concrets sur l’activité. » Or la rapidité semble l’avoir emporté sur la qualité des investissements. Le ministre reconnaît lui-même l’impérieuse nécessité de redéployer « des crédits de projets qui n’avancent pas suffisamment vite vers des projets qui avancent plus rapidement ».