M. Jérôme Bascher. Absolument !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous engageons également près de 500 millions d’euros pour financer un vaste plan de digitalisation de l’offre de formation continue.

À ce stade de mon intervention, je voudrais répondre aux interrogations concernant l’équilibre des finances de France compétences.

D’abord, j’indique aux sénatrices Apourceau-Poly et Féret que, si nous avons des difficultés budgétaires au niveau de France compétences, c’est parce que notre politique de formation continue fonctionne bien. Ainsi, le nombre de contrats d’apprentissage a considérablement augmenté : la hausse a été de 16 % en 2019. Plus de 400 000 contrats d’apprentissage devraient ainsi être signés en 2020. C’est aussi parce que les Français sont en train de se saisir du compte personnel de formation et que la demande augmente.

Par ailleurs, nous ne renonçons évidemment pas à former les demandeurs d’emploi davantage que ce que nous faisions jusqu’ici.

Les tensions sur le budget de France compétences sont d’abord le signe que notre politique de formation professionnelle fonctionne bien. Évidemment, nous allons devoir apporter des réponses pour maîtriser la situation financière de France compétences et nous aurons l’occasion d’en débattre avec les partenaires sociaux qui sont, avec les régions, associés au conseil d’administration de l’agence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de cette mission pour 2021 présente de solides garanties d’efficacité.

Tout d’abord, les services déconcentrés du ministère du travail sont pleinement mobilisés pour faire connaître les outils de la relance aux entreprises. Désormais, la nouvelle plateforme « un jeune, une solution » permet de renforcer l’appropriation des aides par tous. Les entreprises peuvent y valoriser leurs engagements en faveur de l’emploi des jeunes ; quant aux jeunes, ils peuvent identifier et localiser les offres d’emploi disponibles près de chez eux.

Ensuite, les conditions d’exécution de ce budget seront souples.

Certes, le ministère contribue à l’effort de maîtrise des finances publiques, mais compte tenu de la hausse de la charge de travail liée à la crise, j’ai veillé à ce que des recrutements soient possibles en contrat à durée déterminée dans les services déconcentrés du ministère et à Pôle emploi.

Les conditions d’exécution seront également ajustées à la maille des territoires. Un comité régional de pilotage et de suivi du plan de relance est institué dans chacune des régions, sous la coprésidence du préfet de région et du président du conseil régional. Il comprend notamment des représentants des collectivités locales.

Les travaux de ces comités permettront d’apprécier les éventuels redéploiements à effectuer, au fur et à mesure de la réalisation des projets locaux, pour obtenir l’utilisation la plus efficace des crédits. À cette fin, les préfets de départements seront également consultés dans le cadre d’un comité départemental du plan de relance, comprenant notamment les présidents des établissements publics de coopération intercommunale. Évidemment, les parlementaires doivent être associés à ces instances de pilotage.

Comme vous le voyez, tous les niveaux de collectivités sont associés à l’exécution du plan de relance.

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de multiplier les rencontres avec les présidents de région et l’association Régions de France. Ainsi, j’ai installé le comité emploi-formation État-régions le mois dernier aux côtés de Renaud Muselier, président de Régions de France : c’était une réunion très riche en propositions, notamment sur les modalités de mise en œuvre du plan « un jeune, une solution ».

Très prochainement, nous nous appuierons également sur les nombreuses initiatives portées par le bloc communal, afin d’illustrer de manière concrète les dispositifs du plan « un jeune, une solution » grâce à des territoires pilotes. Je suis à la disposition de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales pour venir présenter, dans quelques mois, les résultats concrets de ce plan et les synergies trouvées avec les collectivités.

Déjà, des signaux positifs de mobilisation nous remontent du terrain. Sur les trois mois de fonctionnement de l’aide à l’embauche des jeunes, les recrutements sont stables : on comptabilise près d’un million de jeunes embauchés en CDD de plus de trois mois ou en CDI.

Les primes à l’embauche des jeunes montent également en charge, avec plus de 150 000 demandes. Il est important de signaler que près de 70 % d’entre elles concernent des CDI.

Les perspectives en matière d’apprentissage sont très positives, puisque 172 000 demandes de primes avaient été enregistrées le 20 novembre dernier. Je le redis, nous allons dépasser en 2020 le nombre, historiquement élevé, de contrats signés en 2019. Je voudrais rassurer Mme le rapporteur pour avis à ce sujet : l’apprentissage ne sera en aucun cas la variable d’ajustement du budget de France compétences. Le Gouvernement est déterminé à mettre les moyens nécessaires sur la table.

Pour amplifier ces résultats, je m’assurerai que les secteurs bénéficiaires du plan France Relance s’engagent pour l’emploi, notamment à travers la mise en place de clauses dans les marchés publics en faveur de l’apprentissage et de l’insertion.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la crise a rendu ce budget plus que jamais nécessaire.

Face aux défis qui sont devant nous, nous devons être collectivement au rendez-vous de l’augmentation des moyens consacrés à la formation et à l’inclusion de tous dans l’emploi, qui constituent la priorité absolue du Gouvernement.

Il nous faut tous porter un message d’optimisme et de confiance. Je pense que nous pouvons avoir confiance dans la capacité de rebond de notre économie. Je rappelle que celle-ci a rebondi de plus de 18 % – 18,7 % précisément – au troisième trimestre, au cours duquel nous avons enregistré 340 000 créations nettes d’emplois.

Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous avons tous les outils nécessaires pour défendre nos emplois et accompagner la reconversion des salariés. Vous pouvez compter sur ma mobilisation, celle de mes équipes et de mes services, pour relever avec détermination les défis qui sont devant nous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)

Travail et emploi
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article additionnel après l'article 73 - Amendement n° II-1082 rectifié ter

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Travail et emploi

14 140 439 255

13 380 932 703

Accès et retour à l’emploi

6 647 200 000

6 562 800 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

6 709 856 148

6 100 728 074

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

149 152 815

88 710 549

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

634 230 292

628 694 080

Dont titre 2

558 636 812

558 636 812

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-1354 rectifié, présenté par Mmes Féret et Lubin, MM. Kanner et Jeansannetas, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

621 270 000

621 270 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

621 270 000

621 270 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Dont titre 2

TOTAL

621 270 000

621 270 000

621 270 000

621 270 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à relever à deux ans la durée du bénéfice de la garantie jeunes.

Pour rappel, la garantie jeunes est une spécificité du parcours contractualisé d’accompagnement adapté vers l’emploi et l’autonomie (Pacea), base de l’accompagnement des jeunes par les missions locales. Elle repose sur des objectifs et une évaluation et peut comporter des périodes de formation, des mises en situation en milieu professionnel et un accompagnement social et professionnel.

Elle peut enfin aboutir à un contrat d’engagements. Ce contrat est conclu pour une durée d’un an et peut être prolongé de six mois au maximum.

Pour tenir compte des effets durables de la crise sur le marché du travail et l’emploi des jeunes, notre groupe propose de fixer la durée maximale de ce contrat à deux ans, ce qui permettrait aux jeunes d’être mieux accompagnés dans le retour à l’emploi.

Mme la présidente. L’amendement n° II-1351 rectifié, présenté par Mmes Féret et Lubin, MM. Kanner et Jeansannetas, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

357 500 000

357 500 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

357 500 000

357 500 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Dont titre 2

TOTAL

357 500 000

357 500 000

357 500 000

357 500 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à augmenter de 357,5 millions d’euros les crédits versés à Pôle emploi au titre de la subvention pour charges de service public, afin que le montant de cette subvention en 2021 compense les baisses subies depuis 2018.

Nous demandons un effort et un engagement de la part du Gouvernement, même si nous avons bien conscience qu’une dotation exceptionnelle de 250 millions d’euros sera versée à Pôle emploi au titre du plan de relance en 2021. Cette dotation, comme son nom l’indique, est en effet exceptionnelle et ne sera pas reconduite en 2022.

Mme la présidente. L’amendement n° II-1353, présenté par Mmes Féret et Lubin, MM. Kanner et Jeansannetas, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

86 000 000

86 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Dont titre 2

86 000 000

86 000 000

TOTAL

86 000 000

86 000 000

86 000 000

86 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent. Nous demandons au Gouvernement d’accroître de 86 millions d’euros les crédits versés à Pôle emploi au titre de la subvention pour charges de service public. Ainsi, le montant de cette subvention atteindrait en 2021 le montant versé en 2020.

Mme la présidente. L’amendement n° II-1420, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, MM. Parigi et Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Salmon, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

86 000 000

86 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

86 000 000

86 000 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Dont titre 2

TOTAL

86 000 000

86 000 000

86 000 000

86 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous faisons face à une crise économique et sociale d’ampleur, qui s’inscrira dans la durée. Selon la Banque de France, en effet, 800 000 emplois devraient être détruits cette année et le chômage devrait atteindre 11 % de la population active au premier semestre de l’année prochaine.

Mais la crise sociale ne se réduit pas à cet aspect quantitatif. Pôle emploi va faire face à une situation détériorée de l’emploi, qui allie augmentation des inscriptions en catégorie A et baisse des créations d’emploi, selon un effet ciseaux durable.

Certes, le plan de relance apporte des moyens supplémentaires, mais la logique ne peut pas être uniquement quantitative : l’accompagnement doit être renforcé pour tenir compte aussi de l’altération de la santé et de la dégradation des conditions de vie et de la cohésion sociale, qui vont complexifier le retour à l’emploi.

Le plan de relance prévoit certes d’allouer une dotation exceptionnelle de 250 millions d’euros à Pôle emploi en 2021, mais celle-ci ne sera pas reconduite en 2022. Depuis le début du quinquennat, les moyens accordés à l’établissement public chargé de l’emploi en France ne cessent de baisser : 357 millions d’euros en moins depuis trois ans, si l’on ne compte que la subvention pour charges de service public. C’est cette trajectoire qui ne peut être maintenue, comme si la crise se résumait à un nombre !

La démarche du Gouvernement consiste à soutenir ponctuellement la politique de l’emploi via le plan de relance et – en même temps – à baisser les crédits du ministère chargé du travail. Autrement dit, il s’agit d’un aveu d’abandon de Pôle emploi à l’horizon 2022.

C’est pourquoi nous proposons de relever – très modestement – de 86 millions d’euros les crédits versés à Pôle emploi au titre de la subvention pour charges de service public, afin que le montant de cette subvention en 2021 atteigne celui de 2020.

Mme la présidente. L’amendement n° II-1352 rectifié, présenté par Mmes Féret et Lubin, MM. Kanner et Jeansannetas, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

70 000 000

70 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

70 000 000

70 000 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Dont titre 2

TOTAL

70 000 000

70 000 000

70 000 000

70 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à financer la création de 10 000 emplois de relance « boost », qui seraient une variante des parcours emplois compétences (PEC) : également réservés aux jeunes, ils auraient une dimension sociale et écologique.

Les 60 000 PEC supplémentaires prévus dans le plan de relance et destinés aux jeunes peu ou pas qualifiés sont une bonne mesure. Pour autant, ils ne suffiront pas à répondre au nécessaire développement des activités et des emplois dans les secteurs à forte utilité sociale ou environnementale.

C’est pourquoi nous proposons d’aller plus loin : les emplois « boost » seraient concentrés sur des activités renforçant le lien social. L’État financerait ainsi un fonds d’amorçage dégressif sur trois ans ; les emplois proposés seraient prioritairement ciblés sur les entreprises à but non lucratif ou dont le but lucratif est limité, en échange d’un engagement de leur part en termes de localisation de l’emploi et de développement d’activités ayant un impact social et écologique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. L’amendement n° II-1354 rectifié vise à prolonger la garantie jeunes jusqu’à deux ans pour un coût de 621 millions d’euros.

Je le rappelle, la garantie jeunes est un dispositif du Pacea, qui présente un double intérêt : une indemnité mensuelle et surtout un accompagnement par les missions locales. Ce dispositif fonctionne bien : 150 000 entrées sont prévues cette année pour un coût de plus de 500 millions d’euros.

Vous venez de nous annoncer, madame la ministre, qu’il y en aurait 50 000 supplémentaires, si j’ai bien compris. (Mme la ministre acquiesce.) C’est l’occasion pour moi de vous demander combien coûtera cette mesure et via quel véhicule législatif vous envisagez de l’introduire. À ce stade, notre commission n’a en effet aucune information à ce propos. J’en déduis que cette disposition sera vraisemblablement inscrite dans le texte par voie d’amendement en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. (Mme la ministre acquiesce de nouveau.)

M. Jérôme Bascher. C’est insincère !

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Évidemment, pour nous, cette façon de faire n’est pas très agréable et nous aurions préféré pouvoir en discuter au Sénat.

Toujours est-il que, si l’on ajoute ces 50 000 places aux 150 000 places supplémentaires déjà prévues, on obtient 200 000 garanties jeunes au total.

Il me semble que cet effort est suffisant, d’autant que le coût de la mesure tel que prévu dans l’amendement serait, je le répète, de 621 millions d’euros et que l’on a déjà la possibilité aujourd’hui d’étendre le dispositif d’un an à dix-huit mois : les 621 millions d’euros n’auraient donc d’autre objet que de financer la prolongation de la garantie jeunes de six mois éventuels.

J’ajoute que la garantie jeunes n’est pas un revenu minimum et ne s’inscrit pas dans une logique de minimum social – il ne faut pas confondre.

Pour toutes ces raisons, la commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Les amendements nos II–1351 rectifié et II-1353 visent, quant à eux, à augmenter la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi en 2021, respectivement de 357,5 millions d’euros et de 86 millions – il s’agit donc d’un amendement de repli.

La commission est défavorable à ces amendements, pour la raison très simple qu’ils me semblent satisfaits. En effet, 320 millions d’euros sont déjà alloués à Pôle emploi dans le plan de relance, montant qui couvre presque intégralement les 357,5 millions d’euros prévus dans l’amendement n° II-1351 rectifié et largement les 87 millions d’euros de l’amendement n° II-1353.

J’oppose à l’amendement n° II-1420 le même argumentaire : avis défavorable.

Enfin, la commission des finances est également défavorable à l’amendement n° II-1352 rectifié, qui vise à créer 10 000 emplois « boost », autrement dit 10 000 nouveaux contrats aidés.

Tout d’abord, je rappelle que 2 milliards d’euros sont déjà consacrés aux contrats aidés au titre de la mission « Travail et emploi » et du plan de relance. Ensuite, ces emplois « boost » viseraient exclusivement un secteur, celui des entreprises solidaires. Or il ne nous semble pas que la vocation des contrats aidés soit d’aider un secteur en particulier, mais plutôt des publics ciblés, particulièrement les jeunes et les publics prioritaires ayant perdu leur emploi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces cinq amendements.

S’agissant de l’amendement n° II-1354 rectifié, je comprends la préoccupation de vouloir accompagner au mieux les jeunes, mais comme vient de le dire le rapporteur spécial, je crois que nous mettons déjà les moyens. (M. Jérôme Bascher sexclame.)

En 2021, nous prévoyons l’équivalent de 200 000 garanties jeunes. Je dis « équivalent », parce que nous estimons qu’il faut gérer la durée de l’engagement avec souplesse : certains jeunes ont peut-être besoin de moins d’un an, quand d’autres ont besoin de dix-huit mois, voire davantage.

Il est important d’avoir en tête que l’objectif n’est pas de maintenir les jeunes dans le dispositif : la garantie jeunes doit déboucher sur un emploi, en passant le cas échéant par un parcours de formation ou l’apprentissage.

Si votre assemblée adopte l’amendement n° II–1304 rectifié que nous examinerons tout à l’heure, le jeune pourra aussi bénéficier d’une rémunération, quand il est en prépa apprentissage. Je le répète, l’objectif n’est pas de laisser les jeunes rester deux ans dans le dispositif : ils pourront y rester le temps qu’il faut, le temps dont ils ont besoin, mais il faut les orienter vers des parcours débouchant sur un emploi.

Nous mobilisons largement ce dispositif et je vous confirme, monsieur le rapporteur spécial, que l’amendement visant à créer l’équivalent de 50 000 entrées en garantie jeunes sera déposé en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Nous sommes encore en train de chiffrer précisément les crédits à engager, qui devraient s’élever à environ 280 millions d’euros. Compte tenu de la souplesse que je viens de mentionner, il convient de les évaluer avec le plus de justesse possible.

S’agissant des amendements nos II-1351 rectifié, II-1353 et II-1420, je voudrais vous rassurer : les moyens de Pôle emploi, tels qu’ils sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2021, résultent des échanges que nous avons eus avec les responsables de l’établissement sur les besoins qu’ils estiment nécessaires pour accompagner les demandeurs d’emploi et mettre en œuvre l’accompagnement intensif des jeunes, qui est évidemment un enjeu très important.

C’est la raison pour laquelle nous avons prévu 250 millions d’euros pour financer le recrutement de 1 500 équivalents temps plein dès le mois de septembre, et 69 millions d’euros pour recruter 1 300 équivalents temps plein chargés de l’accompagnement intensif des jeunes.

Nous sommes convenus avec Pôle emploi qu’il y aurait des clauses de revoyure au cours de l’année 2021 en fonction de l’évolution de la situation de l’emploi. On pourra, le cas échéant, compléter les effectifs en gestion, si cela se révélait nécessaire.

En ce qui concerne l’amendement n° II-1352 rectifié, nous avons voulu nous appuyer sur des dispositifs qui ont fait leurs preuves. Nous avons par exemple mis en place les parcours emplois compétences – ce que vous proposez, madame la sénatrice, en est une variante –, et ce de manière significative, puisque 130 000 PEC sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2021. Il faut aussi mentionner le dispositif du service civique.

Pour le coup, je suis vraiment convaincue que ces emplois aidés doivent être au service de l’insertion des jeunes. Il ne s’agit pas de moyens destinés à soutenir un secteur ou des associations, mais des outils au service de l’insertion des jeunes dans l’emploi.

C’est aussi pourquoi nous ne souhaitons pas augmenter exagérément le nombre d’emplois aidés : nous voulons nous assurer que les jeunes recrutés dans le cadre de ces emplois seront bien accompagnés vers un emploi durable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Je ne peux pas voter ces amendements, parce que, comme je l’ai déjà dit, tout ce débat est fictif.

En revanche, je me suis trompé, madame la ministre, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser (Exclamations amusées sur diverses travées, ainsi quau banc des commissions.) Je vous ai dit que ce budget serait modifié dans un prochain projet de loi de finances rectificative. Excusez-moi ! En fait, ce sera la semaine prochaine lors de l’examen du texte en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale…

C’est pire que tout en termes de méthode ! Vous venez de faire une annonce, en parlant de 280 millions d’euros de crédits supplémentaires. Il aurait fallu déposer un amendement ici et maintenant, madame la ministre, pour qu’on puisse en discuter pendant que nous examinons cette mission.

Si votre budget n’était modifié que de 280 millions d’euros, madame la ministre, cela irait, mais vous le savez comme moi : il le sera de plusieurs milliards ! Toutes les discussions que nous avons pour gager nos amendements et tous nos efforts pour trouver 10, 20 ou 30 millions seront balayés dès la semaine prochaine : c’est se moquer un peu du Parlement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste est favorable aux amendements présentés par nos collègues. Mais il y a un problème fondamental : même s’ils vont dans le bon sens, en fait, ils déshabillent Pierre pour habiller Paul, pour parler familièrement.

En réalité, le véritable problème concerne la première partie du projet de loi de finances : les recettes sont nettement insuffisantes ! Notre groupe n’a pas souhaité jouer à ce « chamboule-tout » et nous allons nous abstenir sur ces amendements.

Nous attirons de nouveau l’attention de Mme la ministre, et du Gouvernement d’une manière générale, sur le fait que ces enveloppes contraintes ne laissent aucune latitude aux parlementaires que nous sommes pour proposer la politique qu’il serait nécessaire de mener, notamment dans cette situation de crise.

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.

Mme Agnès Canayer. Je ne voterai pas ces amendements, mais je voudrais revenir sur la question de la garantie jeunes. Il s’agit d’un bon dispositif, puisqu’il allie une allocation et un accompagnement renforcé par les missions locales, dans une forme de donnant-donnant.

De mon point de vue, l’enjeu n’est pas l’allongement de la durée de ce dispositif, mais la qualité de l’accompagnement. Madame la ministre, vous avez annoncé la création de 50 000 entrées en garanties jeunes, sauf que les missions locales sont aujourd’hui très inquiètes quant au financement d’ensemble.

Dans le cadre du plan de relance, le financement de la garantie jeunes prévoit 940 euros pour chaque jeune accompagné par une mission locale, alors que ce coût s’élève à 1 600 euros par jeune dans le programme 103. C’est la raison pour laquelle le président de la commission des finances Claude Raynal et moi-même avons fait adopter un amendement tendant à augmenter les fonds alloués à ce dispositif dans le plan de relance.

J’espère bien que cette disposition sera votée par l’Assemblée nationale et que les missions locales auront véritablement les moyens d’assurer un accompagnement correct. Il faut éviter que la hausse du nombre d’entrées dans le dispositif se fasse au détriment de la qualité de l’accompagnement.

Vous allez me répondre qu’il s’agit d’un budget global, mais le dispositif implique tout de même que l’on prévoit une enveloppe budgétaire par jeune. Or, l’augmentation du nombre de jeunes ne réduit pas les coûts de l’accompagnement.

Aujourd’hui, le vrai sujet est avant tout celui des critères d’éligibilité à la garantie jeunes, dans la mesure où un certain nombre de jeunes n’y ont pas droit, notamment ceux qui sont rattachés administrativement au foyer fiscal de leurs parents ou ceux qui ont une faible activité et qui ne sont plus considérés comme NEET – Neither in Employment nor in Education or Training –, alors que leur emploi très précaire ne leur permet pas de sortir de cette précarité.

L’autre sujet est celui des sorties positives : aujourd’hui, pour les jeunes, l’accès à certaines formations qualifiantes n’est pas considéré comme une sortie positive selon les critères de la garantie jeunes. Cette décision n’est pas pertinente, si on veut valoriser ces jeunes et les inscrire dans un parcours de longue haleine.