M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, sur l’article.

M. Patrice Joly. Cet article met à jour un certain nombre de méthodes d’évaluation de la valeur locative des établissements industriels et modifie le coefficient de revalorisation de la valeur locative de ces établissements. Voilà qui me donne l’occasion d’intervenir sur la stratégie fiscale du Gouvernement !

Pour 2021, l’allègement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, s’élève à 1,7 milliard d’euros et celui de la cotisation foncière des entreprises, la CFE, à 1,4 milliard d’euros.

Le groupe socialiste du Sénat tient à vous alerter, monsieur le ministre : la compensation pour les collectivités ne sera pas intégrale. Elle intègre, certes, la dynamique des bases, y compris en cas d’installation de nouvelles entreprises, mais elle sera calculée sur les taux de 2020, qui, cette année, sont gelés, comme les taux de la taxe d’habitation l’avaient été en 2017.

De plus, cet article pose, de manière plus générale, une question relative à la répartition de la charge fiscale en France entre les entreprises et les particuliers. Le Gouvernement continue de centrer l’imposition sur les ménages, sauf – nous l’avons déjà souligné en discussion générale – pour les plus aisés d’entre eux.

Entre l’article 3 et l’article 4 de ce PLF pour 2021, la baisse des impôts sur la production s’élève à 10 milliards d’euros. Cette baisse très importante, aux résultats incertains, n’est pas sans conséquence pour les collectivités locales, pour l’emploi et pour l’environnement, car, ici non plus, vous n’avez pas intégré de conditionnalité.

En diminuant les impôts de production de l’ordre de 10 milliards d’euros, monsieur le ministre, vous faites le choix d’une relance par l’offre, dans un contexte d’augmentation du chômage. Vous privilégiez, une nouvelle fois, cette politique, à l’efficacité contestable quand elle est conduite seule.

Le plan de relance est déséquilibré, cet article en est la preuve. Le Gouvernement s’entête donc malheureusement dans une logique libérale, voire néo-libérale, même si vous récusez cette qualification. Or elle ne porte pas ses fruits.

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, sur l’article.

M. Didier Rambaud. L’article 4 prévoit la révision de l’évaluation de la valeur locative des établissements industriels et la modification du coefficient de revalorisation de la valeur locative de ces établissements, deux paramètres – les élus locaux le savent bien – qui n’ont pas été actualisés depuis leur détermination, en 1973, et qui ne sont plus adaptés à la réalité économique actuelle.

Cette mesure pérenne permettra une réduction de moitié de la valeur locative de ces établissements, se traduisant également par une réduction de moitié des cotisations d’impôts fonciers pour environ 32 000 entreprises exploitant 86 000 établissements, et par un allègement des contributions dues par les entreprises au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, et de la cotisation foncière des entreprises, la CFE.

Cette mesure est particulièrement importante, car elle cible exclusivement l’industrie. Relocaliser les emplois industriels : tel est le but de la baisse de ces impôts. Par cette mesure, nous mettons en œuvre les conditions fiscales, d’un point de vue foncier, qui permettront une relocalisation des entreprises et, de fait, amélioreront leur compétitivité.

J’entends également les critiques qui peuvent être formulées sur l’atteinte portée aux ressources des collectivités locales, mais l’article prévoit la neutralisation des effets de cette modernisation, notamment par la création d’un prélèvement sur recettes, destiné à compenser aux communes, aux EPCI dotés d’une fiscalité propre et à la métropole de Lyon la perte de recettes.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. Je vais me permettre de poser une question très courte à M. le ministre.

Nous en sommes arrivés à la transition entre les articles 3 et 4, comme l’a dit Patrice Joly, c’est-à-dire entre la fiscalité des ménages et celle des entreprises.

Monsieur le ministre, vous n’êtes pas obligé de me répondre maintenant, mais ma question sera claire, et un peu solennelle. La France va acheter des millions de doses de vaccins, ce qui est louable. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir que cet achat sera réalisé auprès d’une entreprise qui ne va pas utiliser des holdings dans les paradis fiscaux pour s’exonérer des impôts sur sa plus-value ? C’est un point extrêmement important !

Nous avons débattu sur la fiscalité des ménages. Nous discutons maintenant de celle des entreprises, puis nous en viendrons à celle des collectivités territoriales. L’allègement des impôts de production induit une perte de 20 milliards d’euros pour les collectivités territoriales. Ma question est donc une question d’éthique, qui est susceptible d’éclaire le débat politique pour l’ensemble de l’hémicycle.

M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.

L’amendement n° I-23 rectifié est présenté par MM. Bouloux, Burgoa et D. Laurent, Mme Primas, M. Courtial, Mme Chauvin, M. Babary, Mme Deroche, MM. Lefèvre, J.-M. Boyer, Vogel, Calvet, Reichardt, Brisson et Sido, Mme Raimond-Pavero, M. E. Blanc, Mme Lassarade, MM. Charon et Genet, Mmes Thomas et Dumont, MM. Bonnus, Bacci et Savary, Mmes V. Boyer, Ventalon, Deromedi et Imbert, MM. Somon, Cambon, Perrin et Rietmann, Mme Garriaud-Maylam, MM. Mouiller, Bascher, Chatillon et B. Fournier, Mme Dumas, MM. Gremillet, Bouchet, Favreau, Mandelli et Houpert, Mme Bellurot, MM. Pemezec et Savin et Mmes Canayer, Jacques et L. Darcos.

L’amendement n° I-230 est présenté par MM. Féraud, Kerrouche et Marie, Mme Préville, MM. Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Antiste, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat, Bonnefoy et Conconne, MM. Durain, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lubin, MM. Montaugé, Mérillou et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Sueur, Tissot, Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° I-517 est présenté par Mme Gatel.

L’amendement n° I-655 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° I-891 est présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Parigi et Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

L’amendement n° I-954 rectifié est présenté par MM. Bilhac, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guérini, Guiol et Requier, Mme Pantel et M. Roux.

Ces six amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour présenter l’amendement n° I-23 rectifié.

M. Antoine Lefèvre. Après la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, l’article 4 du PLF pour 2021 propose de supprimer 3,4 milliards d’euros d’impôts économiques pour le bloc communal, par une division par deux de la valeur locative des établissements industriels, remettant ainsi en cause 1,75 milliard d’euros de taxe foncière et 1,56 milliard d’euros de CFE.

Si nous ne pouvons critiquer l’objectif de relance de la compétitivité des entreprises industrielles, alors que leur activité a été lourdement affectée par la crise sanitaire et que les impôts de production sont sept fois plus élevés en France qu’en Allemagne – et en moyenne deux fois plus que dans les pays de la zone euro –, cette baisse des impôts de production ne s’accompagne d’aucune baisse de la fiscalité nationale, en particulier de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, pourtant jugée comme la plus nocive pour la compétitivité des entreprises par le Conseil d’analyse économique, le CAE.

Cette baisse, qui s’inscrit dans une politique nationale de relance de l’industrie, doit être intégralement assumée par l’État, et non par les collectivités.

Les pertes de recettes pour les communes et les EPCI seront compensées par un prélèvement sur recettes de l’État. La perte à compenser chaque année sera calculée sur la base des taux de CFE et de TFPB figés à leur valeur de 2020.

En outre, le PLF pour 2021 prévoit de modifier les modalités de revalorisation des valeurs locatives des locaux industriels basée sur l’évolution de l’indice des prix à la consommation harmonisé, l’IPCH, en les rapprochant des valeurs relatives aux locaux professionnels.

Ainsi, contrairement aux annonces du Gouvernement, la compensation des pertes de ressources sur la base des taux figés et des bases quasi gelées remet en cause fortement le dynamisme des taxes foncières à la charge des établissements industriels.

Par ailleurs, en continuant à remettre en cause la CFE et la taxe foncière après la suppression de la taxe d’habitation, l’État va aggraver l’affaiblissement financier et fiscal du bloc communal.

Cette réduction des moyens financiers des communes et des intercommunalités fait peser un risque sur la reprise économique, en limitant la participation du bloc communal au plan de relance, alors que les communes et leurs EPCI représentent plus de 65 % de l’investissement public local.

En outre, l’idée selon laquelle la crise de l’industrie résulterait du niveau des impôts locaux est fausse : l’écart de compétitivité de l’ensemble des entreprises avec les autres pays européens provient surtout du poids des charges sociales, à près de 16 points de PIB.

Le présent amendement vise donc à annuler la remise en cause de la CFE et de la taxe foncière perçues par le bloc communal à hauteur de 3,4 milliards d’euros.

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour présenter l’amendement n° I-230.

M. Patrice Joly. Dans ma prise de parole sur l’article, j’ai eu l’occasion d’expliquer les motivations qui nous conduisent à proposer, grâce à cet amendement, la suppression de l’article 4.

M. le président. L’amendement n° I-517 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° I-655.

M. Éric Bocquet. Après la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, des régions, le Gouvernement s’attaque ici à la cotisation foncière des entreprises, la CFE, réduite de 1,75 milliard d’euros, et à la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, réduite de 1,54 milliard d’euros.

Nous contestons l’argumentaire soutenant cette réforme. Celle-ci ne servira en rien à aider les petites entreprises, ni le secteur de l’hôtellerie ni celui de la restauration. Les grands gagnants sont les grandes entreprises de l’énergie et de l’industrie, mais aussi les sociétés à forte intensité capitalistique, sans condition.

Il en va comme pour la suppression de la taxe d’habitation : le Gouvernement a voulu nous faire croire qu’elle bénéficierait aux ménages les plus modestes, alors que le bénéfice était beaucoup plus important pour les personnes les plus aisées.

Cet article 4 est tout à fait dommageable. Les pertes pour les communes et les EPCI sont certes compensées par un prélèvement sur recettes de l’État, qui évoluera en fonction des bases, mais non en fonction des taux votés par les élus, qui expriment par leurs décisions leur autonomie fiscale et respectent strictement le concept de libre administration des collectivités locales.

Cette nouvelle réforme de la fiscalité locale rend les dispositifs fiscaux plus complexes, en défaveur des collectivités, qui voient leurs marges de manœuvre fiscales réduites.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour présenter l’amendement n° I-891.

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je note que ces amendements de suppression sont proposés par l’intégralité des groupes présents dans cet hémicycle.

Il faut entendre ce que dit la chambre des territoires au sujet du nécessaire maintien de l’autonomie fiscale et des marges de manœuvre des collectivités.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° I-954 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La réforme des impôts de production est particulièrement utile ; nous en avons déjà parlé. D’autres choix auraient pu être faits, mais ce n’est pas le cas.

Le gain de cette réforme, pour les entreprises, est aujourd’hui évalué à 3,3 milliards d’euros, et cela dès 2021. Les grands bénéficiaires de la réforme sont tout d’abord l’industrie manufacturière, pour 1,7 milliard d’euros, les industries de production et de distribution de fluides et d’énergie, pour 500 millions d’euros, et les entreprises d’entreposage et de transport, pour 300 millions d’euros.

Par ailleurs, un mécanisme de compensation, qui certes porte atteinte, d’une certaine manière, à l’autonomie financière des collectivités, en réduisant le pouvoir fiscal de ces dernières, est prévu pour préserver leurs ressources. Le présent article, en effet, instaure un prélèvement sur recettes de l’État.

Cette modalité de compensation appelle deux observations.

Premièrement, il eût été préférable et souhaitable de pouvoir bénéficier d’un dégrèvement, qui garantirait à l’euro près la compensation. Mais une telle mesure ne pouvait être envisagée, car elle aurait certainement constitué, au regard du droit européen, une aide de l’État.

Deuxièmement, les conditions de calcul et d’évolution du montant des attributions qui sont versées au titre du prélèvement sur recettes préservent dans leur ensemble l’intérêt financier des collectivités locales.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je serais bien incapable de répondre à la question de M. Savoldelli, puisque je ne sais pas quelle sera la première entreprise qui commercialisera un vaccin, quelles seront ses conditions de vente et quelle sera la structure de celle-ci… J’entends cependant sa remarque, et je saurai la transmettre.

J’en viens aux dispositifs prévus à l’article 4. Je ne reviens pas sur le débat que nous avons eu hier sur l’article 3, qui était assez nourri. Ce que j’ai eu l’occasion de vous dire hier sur le bénéfice de la baisse d’impôts pour l’industrie manufacturière et le secteur secondaire, ainsi que pour les ETI et les PME, vaut aussi pour l’article 4, puisque j’évoquais la répartition des bénéfices de 10 milliards d’euros.

Je soulignerai deux points.

Premièrement, en matière de taxe foncière sur les locaux industriels, nous devons bien mesurer les effets de cette mesure : 32 000 entreprises et 86 000 établissements sont concernés. Sur cette fraction de la fiscalité que je qualifierai de « foncière » en matière économique, et qui comprend la CFE et la taxe foncière, l’impact sur l’autonomie financière des collectivités est relativement limité.

Au total, nous parlons de 3,3 milliards d’euros. En matière de CFE, les marges de manœuvre et les barèmes ne sont pas si extensibles pour les collectivités, car tout cela est très encadré. Pour ce qui relève de la taxe foncière, et donc de la véritable capacité à fixer les taux, nous ne parlons que des locaux industriels, donc de 32 000 entreprises et 86 000 établissements.

J’entends l’argument selon lequel 3,3 milliards d’euros de recettes de fiscalité foncière représentent une moindre autonomie. Ils doivent néanmoins être rapprochés des 45 milliards d’euros que représente au total la fiscalité foncière.

Nous avons la conviction que ces mesures favoriseront les relocalisations et l’emploi industriel, d’où notre attachement à ce dispositif. Le Gouvernement émet donc, bien entendu, un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je ne voterai pas les amendements de suppression, alors même que nous allons réduire en partie, pour le bloc communal, le produit de la taxe foncière.

Voilà qui pourrait sembler paradoxal ! Je plaide effectivement depuis longtemps, dans cet hémicycle, pour que les exonérations de taxe foncière sur le logement social et le logement intermédiaire soient véritablement compensées aux collectivités, ce qui n’est pas le cas. Pour le coup, monsieur le ministre, votre dispositif propose une véritable compensation, et préserve la dynamique des bases, même si le pouvoir de taux disparaît.

Je ne puis m’empêcher de faire la comparaison. Je vais voter en faveur de cet article 4. Toutefois, monsieur le ministre, un peu plus tard, quand nous parlerons des exonérations de taxe foncière accordées par l’État sur le logement social et intermédiaire, il vous faudra changer de position !

Vos arguments ne s’entendent plus. Les deux cas de figure sont certes différents et concernent des acteurs différents. Mais, d’un côté, les collectivités locales paient la note, et, de l’autre, vous acceptez de les compenser, ce que je salue et ce qui explique que je ne voterai pas les amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.

M. Emmanuel Capus. Moi non plus, je ne voterai pas ces amendements.

Je comprends l’idée qui motive leurs auteurs, sur toutes les travées. Cependant, ne nous trompons pas de combat. Nous sommes évidemment tous favorables au maintien de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. Nous sommes tous convaincus qu’il faut que les collectivités territoriales préservent leurs ressources. Toutefois, nous ne pouvons jeter le bébé avec l’eau du bain ! Il est urgent de baisser les impôts de production, et nous ne pouvons donc pas supprimer purement et simplement cet article.

Monsieur Savoldelli, mes inquiétudes ne portent pas sur l’entreprise qui vendra le vaccin. En revanche, dans la liste des trente entreprises qui sont en train d’élaborer un vaccin, ne figurent qu’une ou deux entreprises françaises, et elles ne sont pas en tête !

Nos entreprises doivent être compétitives, et nous devons faire en sorte, alors que la France maintient une vraie tradition dans les biotechnologies, que plusieurs entreprises soient à la pointe dans le domaine et ne soient pas écrasées par leur manque de compétitivité.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, je souhaitais signaler que Mme Gatel, qui préside la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, avait également déposé un amendement de suppression.

En effet, cette mesure va complètement à l’encontre des propositions faites par le Sénat au cours de ses travaux et viole le principe selon lequel le décideur est le payeur. Mme Gatel souligne également qu’il était possible d’envisager d’autres réformes, comme la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S.

L’amendement qui vise à annuler la remise en cause de la CFE et de la taxe foncière perçue par le bloc communal à hauteur de 3,4 milliards d’euros est, de son point de vue, parfaitement justifié, précisément parce que ses dispositions vont dans le sens des travaux du Sénat, contrairement à celles de cet article 4.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Il s’agit d’un débat difficile à trancher, et plusieurs d’entre nous ont hésité. En effet, nous sommes d’une certaine façon confrontés au supplice de Tantale, parce que les deux causes qui sont en jeu sont justes : d’une part, les collectivités locales et leur autonomie fiscale ; d’autre part, les emplois dans l’industrie manufacturière.

Hier, le Sénat a longuement débattu de l’article 3 de ce projet de loi de finances, et la question de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, a alors été évoquée. Il aurait certainement fallu, monsieur le ministre, ajouter la suppression de la C3S à l’ensemble du dispositif, plutôt que d’en faire une forme de compensation.

De manière plus générale, le mal vient sûrement de plus loin, à savoir de la suppression de la taxe d’habitation que personne n’avait demandée. Au-delà de ce que cette suppression représente en termes de ressources fiscales pour les collectivités, elle vient surtout couper un lien de citoyenneté, mais c’est un autre débat…

En tout cas, je soutiendrai la position du rapporteur général, pour deux raisons.

D’une part, à l’instar de Christine Lavarde et d’autres collègues, il nous proposera dans la suite de nos débats plusieurs amendements, notamment après l’article 22, dont l’adoption permettra de mettre en place des mesures compensatoires sur la CVAE et la CFE, et, par conséquent, de neutraliser l’impact de cette réforme pour les collectivités locales.

D’autre part, la France est, de tous les pays européens, celui qui a connu ces dernières années la plus forte désindustrialisation. En quarante ans, nous avons perdu la moitié de nos emplois industriels, ce qui est terrible en termes de main-d’œuvre, alors même que l’industrie fait la richesse d’une grande nation !

La disparition de ces emplois industriels a un autre effet, qui est moins connu. Comme l’ont montré de jeunes chercheurs de l’école d’économie de Paris, elle entraîne une polarisation du marché du travail : des emplois très qualifiés, payés 50 000 euros, sont remplacés par des emplois moins qualifiés et moins bien rémunérés. C’est cette évolution qui crée dans la société française une tension, un sentiment d’inégalité.

Si nous voulons nous battre pour la réindustrialisation de notre pays, il y a évidemment l’outil des charges sociales, comme le disait Antoine Lefèvre, mais il y a aussi l’outil des impôts de production.

Je n’appuie pas toujours le Gouvernement – il m’arrive même parfois de le critiquer (Sourires.) –, mais je suivrai M. le rapporteur général, qui a une position équilibrée.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. Je ne crois pas que la fuite de nos industries soit majoritairement liée aux impôts locaux ou aux impôts de production.

Je crois plutôt que nous sommes confrontés à un dumping fiscal et social majeur à l’échelle de la planète. Si nous ne sommes pas compétitifs aujourd’hui, ce n’est pas parce que nous sommes trop chers, c’est parce que la nature n’a pas de droits et qu’elle n’est pas associée à un prix. Ainsi, le coût environnemental des produits qui sont fabriqués loin de chez nous sur la planète n’est jamais pris en compte.

Pour surmonter et résoudre cette contradiction apparente qui pèse sur notre capacité à produire du service public et de l’égalité républicaine, nous devons instaurer une véritable concurrence, en prenant en compte à leur juste niveau les externalités négatives d’une production sans norme sociale et environnementale.

Sans cela, même en baissant impôts et cotisations, nous n’y arriverons jamais, sauf à détruire totalement ce qui fait notre contrat social, contrat qui est fondé depuis si longtemps sur l’égalité dans la République.

Nous rejetons l’article 4 de ce projet de loi de finances, parce que nous sommes tout simplement défavorables à la suppression des impôts de production. Le lien d’une entreprise avec le territoire dans lequel elle est implantée doit être absolument préservé. La capacité d’action de nos collectivités doit l’être également ; c’est un élément particulièrement important pour nous dans ce débat.

C’est pour ces deux raisons – l’importance des impôts de production et la place des collectivités – que nous voterons les amendements de suppression de cet article.

M. le président. Monsieur Lefèvre, l’amendement n° I-23 rectifié est-il maintenu ?

M. Antoine Lefèvre. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° I-23 rectifié est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos I-230, I-655, I-891 et I-954 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° I-520 rectifié est présenté par Mmes Noël et Deromedi et MM. Vogel, D. Laurent, Chatillon, Bacci, Sido, E. Blanc, Meurant et Bonhomme.

L’amendement n° I-594 rectifié est présenté par MM. Pellevat et Houpert, Mme Imbert, M. Bouchet, Mmes Berthet, Deromedi et M. Mercier, MM. B. Fournier, Meurant et E. Blanc, Mme Deroche, MM. Brisson et Charon, Mme Canayer, MM. Lefèvre et Genet et Mme Drexler.

L’amendement n° I-988 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Gold, Requier, Roux, Bilhac, Cabanel, Fialaire et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol et Mme Pantel.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 5

Après le mot :

égaux

insérer les mots :

, en 2022,

II. – Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La réduction progressive des taux d’intérêt s’étale sur deux années, par palier. Ils sont égaux à 6 % pour les sols et terrains et 9 % pour les constructions et installations pour 2021, avant d’atteindre leur valeur définitive mentionnée aux quatrième et cinquième alinéas pour 2022 ; »

III. – Alinéas 14, 20, 24, 29, 33 et 39

1° Remplacer le mot :

moitié

par les mots :

un quart

2° Compléter ces alinéas par une phrase ainsi rédigée :

Puis, à compter des impositions établies au titre de l’année 2022, le produit réparti en 2020 est pris en charge pour moitié par l’État.

IV. – Alinéas 74 à 77

1° Remplacer les mots :

à la moitié

par les mots :

au quart

2° Compléter ces alinéas par une phrase ainsi rédigée :

À compter de 2022, cette dotation est égale à la moitié du produit réparti en 2020.

La parole est à M. Sébastien Meurant, pour présenter l’amendement n° I-520 rectifié.

M. Sébastien Meurant. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est M. Antoine Lefèvre, pour présenter l’amendement n° I-594 rectifié.

M. Antoine Lefèvre. Cet amendement vise à répartir dans le temps la réduction des taux d’intérêt pour le calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la cotisation foncière des entreprises.

L’enjeu est non pas de remettre en question une mise à jour nécessaire de ces paramètres qui datent de 1973, mais d’éviter une évolution trop brusque qui diminuerait de moitié les recettes fiscales qui y sont liées.

Plutôt que d’imposer une réduction de moitié des taux d’intérêt actuellement en place, il conviendrait d’arriver à ces taux d’intérêt non pas pour 2021, mais pour 2022. Fonctionner par phase, avec une première diminution de 25 %, permettrait aux communes de ne pas ressentir trop brutalement cette réduction drastique.

Certes, l’article prévoit également un prélèvement sur les recettes de l’État destiné à compenser pour les communes, les établissements publics de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propre et la métropole de Lyon la perte de recettes résultant de la révision des taux d’intérêt.

Le sens de cet amendement est double : il permet à la fois une réduction progressive sur deux années des taux d’intérêt pris comme base de calcul pour la taxe foncière sur les propriétés bâties et pour la cotisation foncière des entreprises, tout en maintenant le principe de la réduction des charges fiscales pour les entreprises.

La réduction progressive des taux d’intérêt se ferait en deux étapes.

Pour l’année 2021, ce taux d’intérêt serait de 6 % pour les sols et terrains, contre 8 % actuellement, et de 9 % pour les constructions et installations, contre 12 % actuellement, soit une diminution de l’ordre de 25 %.

Pour l’année 2022, les taux d’intérêt atteindraient la valeur souhaitée par l’administration, à savoir 4 % pour les sols et terrains et 6 % pour les constructions et installations, soit une nouvelle réduction de 25 % par rapport aux taux appliqués que l’on peut retrouver à l’article 310 L de l’annexe 2 du code général des impôts.

La compensation prévue par l’État s’adapterait également, n’étant pas immédiatement de moitié, mais d’abord d’un quart pour 2021, puis de la moitié pour 2022. Il ne faut pas que, à terme, les ressources fiscales des collectivités s’en trouvent diminuées, sans quoi leur capacité d’investissement serait durablement touchée, ce qui est d’autant plus important pour les communes touristiques, telles que les communes supports de station de montagne.

Cette compensation se doit d’être durable dans le temps. Les communes sont plus que jamais confrontées à des tensions financières avec une diminution croissante de leurs recettes, alors que leurs missions sont toujours aussi nombreuses.

Les communes touristiques assument d’ailleurs des charges plus lourdes du fait de l’investissement nécessaire à l’attractivité touristique, faisant de la compensation un levier indispensable.

Le contexte sanitaire a rendu l’économie fragile, mais également les collectivités, qui sont directement affectées. Les communes touristiques le sont d’autant plus qu’elles sont soumises à des dépenses plus importantes.