Mme Françoise Gatel, corapporteur. Elle n’a pas été votée en ces termes !

M. Rémy Pointereau. Les enquêtes publiques sur l’environnement, par exemple, sont à la charge des collectivités territoriales : voilà une surtransposition européenne ; l’Europe ne le demande pas !

Quant à la lutte contre le terrorisme, il n’y a pas de directive en la matière. La France peut très bien, sur ce sujet, faire ce qu’elle veut. Cet argument ne me convainc donc pas.

Toutefois, madame le corapporteur, pour essayer de trouver une solution, je veux bien accepter votre proposition de rectification de mon amendement, afin que nous puissions malgré tout inscrire dans le texte la disposition que vous avez formulée.

M. le président. Pour le moment, rien ne m’a été transmis. En attendant que le texte de l’amendement n° 21 rectifié ter me parvienne, nous allons poursuivre nos débats.

Le vote sur cet amendement est donc réservé.

Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 21 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales
Articles additionnels après l'article 5

Article 6

I. – Au troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution, après les mots : « régies par », sont insérés les mots : « le I de ».

II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 72 de la Constitution, après les mots : « régies par », sont insérés les mots : « le I de ».

III. – Après le mot : « régis », la fin du deuxième alinéa de l’article 72-3 de la Constitution est ainsi rédigée : « par les articles 73 et 74 de la Constitution. »

IV. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 72-4 de la Constitution, les références : « par les articles 73 et 74 » sont remplacées par les références : « par les I et II de l’article 74 ».

V. – Les articles 73 et 74 de la Constitution sont ainsi rédigés :

« Art. 73. – Dans l’ensemble des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 72-3, et sous réserve des compétences déjà exercées par ces collectivités, l’État est compétent en matière de nationalité, de droits civiques, de garanties des libertés publiques, d’état et de capacité des personnes, d’organisation de la justice, de droit pénal, de procédure pénale, de politique étrangère, de défense, de sécurité et d’ordre publics, de monnaie, de crédit et des changes, ainsi que de droit électoral. Cette énumération peut être précisée et complétée par une loi organique.

« Art. 74. – I. – Chaque collectivité mentionnée au deuxième alinéa de l’article 72-3 peut disposer d’un statut qui tient compte de ses intérêts propres au sein de la République.

« Le statut de la collectivité est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, qui fixe :

« – les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ;

« – les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l’État ne peut porter sur les matières mentionnées à l’article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ;

« – les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ;

« – les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi ainsi que sur les projets d’ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, de même que sur la ratification ou l’approbation d’engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence.

« La loi organique peut également déterminer, lorsque la collectivité est dotée de l’autonomie, les conditions dans lesquelles :

« – le Conseil d’État exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu’elle exerce dans le domaine de la loi ;

« – l’assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ;

« – des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ;

« – la collectivité peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qu’il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques.

« Les autres modalités de l’organisation particulière de la collectivité sont définies et modifiées par la loi après consultation de son assemblée délibérante.

« II. – Lorsqu’une collectivité n’est pas régie par le I du présent article, les lois et règlements sont applicables de plein droit sur son territoire. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de cette collectivité.

« Ces adaptations peuvent être décidées par la collectivité dans les matières où s’exercent ses compétences et si elle y a été habilitée, selon le cas, par la loi ou par le règlement.

« Par dérogation au premier alinéa du présent II et pour tenir compte de ses spécificités, la collectivité régie par le présent II peut être habilitée, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elle-même les règles applicables sur son territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement. Ces règles ne peuvent porter sur les matières mentionnées à l’article 73, le cas échéant précisées et complétées par la loi organique.

« La disposition prévue au troisième alinéa du présent II n’est pas applicable au département et à la région de La Réunion.

« Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas du présent II sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti.

« La création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et à une région d’outre-mer ou l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l’article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. »

VI. – Au premier alinéa de l’article 74-1, les mots : « visées à l’article 74 » sont remplacés par les mots : « régies par le I de l’article 74 ».

M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, sur l’article.

Mme Micheline Jacques. Permettez-moi d’appeler votre attention sur une recommandation du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la différenciation territoriale outre-mer, que la rédaction actuelle de l’article 6 ne prend pas en compte.

Les corapporteurs préconisent une refonte de la dénomination par le regroupement des collectivités situées outre-mer au sein de la catégorie « pays d’outre-mer ». Il s’agit de faire correspondre le nouveau cadre constitutionnel avec une nouvelle terminologie exempte de connotations historiques et symboliques, ce que n’est pas forcément la catégorie « collectivité d’outre-mer ».

En outre, cette dénomination tient compte de l’usage de plus en plus répandu du terme « pays » s’agissant des territoires ultramarins. Elle présente aussi l’avantage d’être plus utilisée en droit comparé, ce qui doit être mis en perspective avec la demande d’une meilleure insertion régionale des collectivités.

Enfin, il a été considéré qu’elle pouvait être le vecteur d’une meilleure appropriation par les populations, le terme se retrouvant notamment dans tous les créoles.

L’article 6 répond donc bien au principe fixé par la proposition 44 des 50 propositions du Sénat pour une nouvelle génération de la décentralisation. Reste qu’il pourrait être enrichi ; tel serait le cas si la proposition de terminologie que j’ai évoquée, mais aussi d’autres dispositions étaient adoptées.

Les auditions annexées au rapport précité montrent la grande hétérogénéité des aspirations, qui vont de l’autonomie et de la spécialité législative les plus avancées à l’identité législative la plus renforcée. Elles montrent aussi qu’un cadre rénové pourrait permettre de remédier à de nombreux blocages.

La réunion des articles 73 et 74 de la Constitution avait pour vocation première de mettre fin à l’actuelle approche binaire pour aller vers des statuts sur mesure. Elle devait aussi conférer une dimension plus tangible aux consultations des populations, qui, en l’état, demeurent abstraites et engendrent un réflexe de crainte de l’inconnu statutaire dans certains territoires, alors même que les élus peuvent être favorables à une évolution.

Comme je l’ai indiqué, cet article doit être considéré comme le signe que les auteurs de la présente proposition de loi ne souhaitaient pas écarter les outre-mer de la discussion qui nous occupe. Ce début de travail législatif est une façon de prendre date en adoptant des principes qui, une fois précisés, pourront permettre la refonte des articles 73 et 74 de la Constitution, ce qui reste parfaitement compatible avec la mise en place d’un groupe de travail.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, sur l’article.

M. Georges Patient. L’article 6 de la présente proposition de loi vise à fusionner les articles 73 et 74 de la Constitution afin de créer un régime constitutionnel unique pour les outre-mer. À l’instar de bon nombre de mes collègues ultramarins, je suis très favorable à une réelle fusion des articles 73 et 74 de la Constitution et, donc, à la suppression de la logique binaire qu’ils portent. Comme l’exprime très bien notre ancien collègue Michel Magras dans son rapport d’information, cette fusion permettrait à chaque collectivité d’outre-mer d’adopter un statut à la carte et de dépassionner la question statutaire.

Ainsi en Guyane : réunis en congrès le 27 février dernier, les élus s’y sont prononcés à l’unanimité pour le principe d’un statut sui generis qui emprunterait à la fois aux deux statuts, celui de l’article 73 et celui de l’article 74. Si l’exposé des motifs de l’article 6 tel qu’il nous est proposé entre parfaitement en résonance avec le projet statutaire guyanais – déterminer avec souplesse la part de spécialité législative et la part d’identité législative –, pour autant, sa rédaction ne me semble pas totalement satisfaisante.

D’une part, en l’état, le texte maintient une dualité entre le « statut 73 » et le « statut 74 ». L’article 6 de la proposition de loi constitutionnelle reproduit la distinction actuellement présente dans la Constitution, avec un alinéa très proche de l’actuel article 73 suivi d’un autre très proche de l’actuel article 74. Il ne s’agit donc pas d’une fusion, quoique le texte nous soit ainsi présenté.

D’autre part, la question sensible de la consultation des populations sur le statut à la carte n’est pas traitée clairement. Les populations ne seraient en effet consultées qu’en cas de changement de régime législatif, sur le fondement de l’article 72-4 de la Constitution, sans que l’on sache si la consultation porterait aussi sur le nouveau statut, le I du nouvel article 74 n’y faisant pas référence.

Enfin, il est indispensable que le pouvoir constituant inscrive dans la Constitution des mécanismes plus simples d’extension du droit commun dans les collectivités ultramarines. Le changement du cadre statutaire ne produira tous ses effets que si la production normative, aujourd’hui beaucoup trop lourde et centralisée et victime d’un manque réel de compétences, est radicalement assouplie.

Des propositions en ce sens vous seront soumises, madame la ministre, mes chers collègues, via des amendements qui méritent toute votre attention et qui méritent aussi, si l’on veut suivre le cours de l’histoire, d’être adoptés en lieu et place de cet article 6.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.

M. Victorin Lurel. Je m’associe totalement à ce qu’ont pu dire Mme Micheline Jacques et M. Georges Patient. Je ne suis pas seul dans ce cas ; d’autres collègues, sur toutes les travées, partagent cet avis.

Celui qui vous parle était, en 2003, contre un mauvais texte qui nous avait été présenté ; 75 % des Guadeloupéens avaient voté contre. Depuis lors, la Martinique comme la Guyane ont choisi d’adopter le statut de collectivité unique régie par le droit commun.

Il est certain – Micheline Jacques l’a dit – qu’il y a eu, depuis, une évolution politique et sociologique. Le mot « pays » est connu ; en aucun cas il n’éloigne. J’ai ici avec moi les textes des résolutions de deux congrès des élus départementaux et régionaux de la Guadeloupe, auxquels sont associés les parlementaires et les conseillers municipaux, ce qui signifie une très large représentativité. Ils ont demandé au Gouvernement de réviser la Constitution afin de doter la Guadeloupe d’une loi organique pour tenir compte de sa situation spécifique et singulière, et ils ont mandaté les parlementaires pour relayer cette résolution à l’occasion des séances du Parlement. Nous y sommes.

Dans ces résolutions, nous demandions la fusion des articles 73 et 74 de la Constitution, afin d’éviter cette dichotomie, cette logique binaire, qui est en fait une logique de la peur. Si l’on adopte un statut comme celui des collectivités du Pacifique, dit-on dans les outre-mer, il y aura moins d’argent, moins de dotations et, donc, poursuit-on, mieux vaut ne pas bouger. On se rend pourtant compte en même temps, à la faveur par exemple de la crise du covid-19, qu’il y a un problème de proximité, un problème de normes, un problème de compétences.

Celui qui vous parle est prudent quand il s’agit d’institutions. Mais, manifestement, le texte tel qu’il a été proposé par la délégation aux outre-mer est un excellent texte. J’ai moi-même tenté de rédiger une proposition de fusion ; j’avoue que je ne suis pas arrivé à un texte parfait. Le constitutionnaliste Stéphane Diémert, qui a aidé la délégation, a fait un excellent travail, sous réserve de quelques améliorations. Je suis également d’accord avec la proposition faite par Micheline Jacques.

Nous pourrions cranter cette avancée, cette convergence de pensée, puis créer un groupe de travail transpartisan pour avancer encore davantage. Voilà quel est mon état d’esprit ; je pense qu’il est partagé, au moins sur certaines travées.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, sur l’article.

M. Philippe Bonnecarrère. Mme Lana Tetuanui s’excuse d’être en Polynésie et de ne pas avoir eu la possibilité de se déplacer. Avec moins d’enthousiasme et moins de talent qu’elle, j’assurerai donc, comme elle me l’a demandé, sa représentation.

J’indiquerai donc, en son nom, que l’idée générale du rapprochement entre les collectivités de l’article 73 et celles de l’article 74 avait été mal interprétée en Polynésie française. Elle avait été interprétée comme une forme de minoration des spécificités des collectivités de l’article 74 et de retour en arrière pour la Polynésie française, d’où le dépôt d’un certain nombre d’amendements ; d’où l’évocation de la notion de « pays », qui peut poser, pour d’autres collectivités, des difficultés ; d’où le soutien de notre collègue à la position de sagesse qui va être celle de la commission à travers un amendement dont l’objet est de supprimer l’article 6.

Cette suppression de l’article 6 nous paraît sage, puisqu’un travail de réflexion doit manifestement être encore poursuivi. La création d’un groupe de travail, dont les modalités restent à définir, madame Gatel, monsieur Darnaud, est donc une avancée. Tout cela va dans le sens souhaité par nos collègues polynésiens.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 12 est présenté par M. Lurel, Mmes Conconne et Jasmin, MM. Antiste et Kerrouche, Mme Harribey, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 31 est présenté par Mme Gatel et M. Darnaud, au nom de la commission des lois.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 12.

M. Victorin Lurel. Nous avons déposé, avec le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un amendement de suppression. Pourquoi ? Parce que nous estimions que l’article 6 était mal rédigé. L’intention est certes bonne, mais la lettre du texte tel qu’il nous est soumis n’est pas aboutie. Nous demandions donc, faute de mieux, la suppression de cet article.

Cela étant, puisque nous nous sommes à peu près entendus, de manière transpartisane, sur un certain nombre d’amendements et puisque nous sommes convenus de cranter certaines avancées, je suis prêt à retirer cet amendement. Sachant ce que je sais des avis de la commission – elle va demander le retrait de tous les amendements déposés à l’article 6, à l’exception du présent amendement, sur lequel elle va émettre un avis favorable –, je vais donc le retirer afin que, faute de mieux, nous ayons quelque chose.

Un mot pour finir : j’ai entendu les arguments de M. le corapporteur, plaidant pour la suppression au motif qu’il n’y aurait pas consensus. Mais, dans cette affaire, l’objet n’est pas là. Nous disions, nous, que l’article était mal rédigé, qu’il n’était pas abouti. Quant à un consensus entre les territoires, nous n’en aurons jamais.

Il ne faut pas qu’un ou deux territoires prennent en otage tous les autres. Les propositions qui sont faites par Micheline Jacques, par Georges Patient, par Dominique Théophile, par tous les autres, y compris par les Polynésiens, sont telles que chacun peut choisir et même choisir de ne pas choisir ! Chacun peut rester en l’état, chacun peut évoluer ; ça peut prendre des années. C’est la raison pour laquelle la présente proposition de cohabitation des articles 73 et 74, même rédigée de manière insuffisante, est parfaitement compatible avec les amendements présentés par les uns et par les autres.

Je retire cet amendement de suppression.

M. le président. L’amendement n° 12 est retiré.

La parole est à M. le corapporteur, pour présenter l’amendement n° 31.

M. Mathieu Darnaud, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Permettez-moi de faire la genèse de cette proposition de suppression de l’article.

Je veux bien tout entendre, mais il me faut répondre à notre collègue Victorin Lurel. Il le sait mieux que quiconque sur ces travées, puisque nous avons été lui et moi rapporteurs, dans deux assemblées différentes, du projet de loi Égalité réelle outre-mer ; j’ai rapporté plusieurs autres textes, notamment des textes statutaires, et je crois pouvoir dire que, dès lors qu’il est question de sujets ultramarins, nous avons toujours…

M. Victorin Lurel. … bien travaillé.

M. Mathieu Darnaud, corapporteur. Je ne sais pas ; c’est vous qui le dites.

Je crois pouvoir dire, en tout cas, que nous avons toujours cherché non pas nécessairement un consensus – nous ne serions pas là pour débattre et, in fine, pour procéder à des votes s’il fallait chercher chaque fois le consensus –, mais, à tout le moins, à éclairer l’ensemble de nos collègues présents dans cet hémicycle. Vous avez profondément raison : les textes ultramarins doivent nous concerner collectivement. Il est important que, le moment venu, l’ensemble de la représentation nationale, Sénat et Assemblée nationale, puisse se prononcer de façon éclairée.

Les travaux que nous avons menés, selon une orientation qui a été rappelée lors de la discussion générale, nous ont conduits à présenter cette disposition visant à « rapprocher » – j’entends le reproche d’imperfection dans la bouche de notre collègue Patient – les articles 73 et 74. Et si, alors même que je suis coauteur du texte – j’en ai parlé avec Philippe Bas –, je suis prêt à supprimer cet article, c’est justement en vertu du raisonnement suivant : puisque nous travaillons sur un texte constitutionnel, invitons donc pleinement les territoires ultramarins dans ce débat, tout en essayant d’éclairer la représentation nationale et, en l’espèce, le Sénat, qui représente les territoires.

Je le dis avec un peu de gravité et de solennité : dès lors que vous nous avez indiqué, lors de la réunion de commission, alors qu’il s’agissait de l’une des dispositions importantes de ce texte, qu’elle n’était pas aboutie, qu’elle était imparfaitement rédigée, nous nous sommes promis d’être vraiment à l’écoute. Comme l’a rappelé notre collègue Micheline Jacques, voici ce que nous nous sommes dit : peut-être vaut-il mieux présenter, à défaut d’un texte totalement consensuel, un texte, du moins, justement expertisé. Or, vu les conditions de ce début de session, une telle expertise n’a pu décemment être menée, le texte ayant été déposé préalablement à la remise du rapport d’information de notre ancien collègue Michel Magras, dont je veux souligner le sérieux des propositions. J’ai eu l’occasion de beaucoup travailler aux côtés de Michel Magras ; j’ai toujours tenu à souligner l’excellence du travail qu’il a conduit en tant que président de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

L’idée, donc, était de proposer la suppression de cette disposition tout en prenant un engagement : qu’elle fasse l’objet d’une expertise globale. Cela ne signifie évidemment pas – j’ai entendu cette petite musique – renvoyer son examen sine die. Personne ici ne peut dire que nous n’avons pas le souci permanent de faire en sorte que les évolutions souhaitées, unanimement ou pas, d’ailleurs, par nos collègues ultramarins, soient entendues et traitées avec justesse ; je pense par exemple – il vient d’en être question – à la façon dont nous avons travaillé sur la modification du statut de la Polynésie française.

Pour en venir au présent amendement, et pour dire les choses très clairement, nous n’avons même pas eu l’occasion d’évoquer ces dispositions de l’article 6, encore moins de les expertiser, en commission des lois, alors même que, au-delà de la dénomination, sur laquelle chacun peut avoir un avis, la modification visée apporte des éléments essentiels, notamment pour donner des compétences en matière pénale aux pays d’outre-mer, parmi bien d’autres évolutions qui, selon nous, peuvent être parfaitement fondées, mais qui nécessitent que nous puissions vraiment en débattre.

En proposant le retrait de cette disposition que nous avions initialement souhaité inclure dans le texte, qui est issue de travaux importants, l’engagement que nous avons pris était de créer le groupe de travail dont j’ai parlé, dans la perspective du dépôt prochain d’une autre proposition de loi constitutionnelle.

Notre collègue Guy Benarroche l’a dit : en définitive, les 50 propositions ne se retrouvent pas toutes dans ce texte ; c’est donc bien qu’il y aura lieu, à l’avenir, de discuter plus avant. Mme la ministre pourra peut-être nous éclairer : le Gouvernement, j’imagine, n’a pas totalement enterré l’idée d’une réforme constitutionnelle, qui emporte avec elle beaucoup d’autres décisions. En l’espèce, si j’ai bien compris, la finalité de nos travaux ne doit pas être de présenter un amendement d’appel ou simplement de « cranter » quoi que ce soit ; l’idée est bien d’avancer sur un sujet constitutionnel.

Et puisque Montesquieu s’est invité aujourd’hui tout au long de nos débats, lui qui disait qu’il ne fallait toucher à la Constitution que d’une main tremblante, je vous invite à suivre son conseil – c’est en toute sincérité que je le dis. Le corapporteur qui est devant vous n’a jamais failli lorsqu’il a fallu témoigner de l’ardente volonté de servir tous nos territoires, et particulièrement ceux que vous représentez, mes chers collègues d’outre-mer. Je souhaite simplement faire œuvre utile et contribuer à la fois à faire converger les avis et à formuler une disposition plus expertisée…

M. le président. Il faut penser à conclure, monsieur le corapporteur.

M. Mathieu Darnaud, corapporteur. … dont l’examen se conclura, bien sûr – c’est par définition ce qui nous réunit, et c’est ainsi que fonctionne notre assemblée –, par un vote.

M. le président. Mes chers collègues, si nous voulons ne pas avoir à siéger ce soir, il va nous falloir changer de rythme et accélérer un petit peu.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’histoire institutionnelle sous la Ve République, plus particulièrement depuis la révision constitutionnelle de 2003, a montré qu’il était possible de passer aisément d’une catégorie à l’autre entre les articles 73 et 74 de la Constitution, si telle est la volonté et le souhait des élus et des populations concernées. Elle atteste également qu’au sein de chacune de ces catégories, ce qu’a rappelé M. Lurel, il est tout à fait possible de retenir des modes de gouvernance, des compétences ou des instances locales propres.

On peut ainsi, comme vous le savez, comparer le statut de la Martinique, de la Guadeloupe ou de la Guyane. Il en est de même pour les statuts de la Polynésie française, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, qui se ressemblent, ainsi que de Saint-Pierre-et-Miquelon. Quant à Wallis-et-Futuna, le Gouvernement est dans l’attente depuis de nombreuses années d’une modernisation de son statut, ne serait-ce que pour l’ériger au niveau organique.

Ainsi, il ne paraît nullement nécessaire de procéder à une fusion pure et simple, comme cela est parfois proposé, pour permettre des statuts sur mesure et évolutifs. J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 31.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote. Soyez synthétique si possible, mon cher collègue.

M. Victorin Lurel. Non, madame la ministre, il n’est pas aisé de changer de catégorie. Même dans le cadre du droit commun et sans vouloir modifier les compétences ou le pouvoir normatif, changer simplement l’organisation administrative, passer, comme chez moi, d’une région et d’un département – sur un même petit territoire – à une assemblée unique, c’est la croix et la bannière.

Que demandons-nous depuis toujours ? Il ne s’agit pas de faire nos courses, comme si tout était permis dans le plus grand laxisme. Il s’agit simplement de proposer une catégorie. Des constitutionnalistes, dont Didier Maus et d’autres, ont cherché et ont trouvé un texte qui paraît préserver l’unicité de la République. On ne crée pas pour autant un pays fédéral, même si, avec la Nouvelle-Calédonie, on est déjà quelque part un pays archipélique. On ne tend pas à créer de l’éparpillement, mais on donne la liberté aux collectivités au sein de la République de choisir un territoire.

La rédaction proposée par notre excellent corapporteur est très bien, même si elle n’est pas parfaite. En la supprimant, ce texte sur les libertés locales ne concernera plus les outre-mer. Cela me paraîtrait curieux, pour ne pas dire étrange, de la part d’une assemblée comme la nôtre, garante des libertés locales. C’est pourquoi, faute de mieux, j’ai retiré mon amendement.

Le Président de la République et le Gouvernement reprendront leur entreprise de réforme constitutionnelle. Nous l’attendons, mais le Parlement, singulièrement le Sénat, aurait déjà engrangé un texte qui aurait pu s’avérer utile demain dans le cadre d’un groupe de travail que j’appelle de mes vœux pour aller plus loin sur cette question.

Le texte par ailleurs, au-delà de cette suppression, contre laquelle je voterai, me semble pouvoir améliorer singulièrement le stock d’idées et peut-être la capacité de permettre demain aux outre-mer comme aux autres collectivités d’évoluer.