M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre point départ est évidemment l’état d’urgence sanitaire dans lequel se trouve notre pays et que nous sommes dans l’obligation de partager avec l’ensemble des pays européens, voire tous les continents. Nous discutons cet après-midi d’un plan qui doit nous permettre de répondre à une crise financière et économique. Nous convenons qu’il y en aura d’autres. Mon groupe part de ce point de vue : nous devons examiner les propositions qui nous seront faites en termes économiques et financiers au regard de l’état d’urgence sanitaire et donc sécuriser les populations, qu’elles soient en activité ou hors du champ de l’activité.

La question des chocs de l’offre a été évoquée. Bien entendu, il y a des chocs de l’offre, financier et économique, car la situation en Europe s’est dégradée. C’est bien le fond sur lequel la crise sanitaire est intervenue.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, si l’Union européenne est tellement pointée du doigt pour les conséquences humaines et sanitaires qu’emporte ce virus, cela remonte à la crise de 2008. Souvenons-nous : aujourd’hui, on va relever 6,5 milliards d’euros de moindres recettes de l’État quant à l’impôt sur les sociétés, mais en 2008 et en 2009, on a perdu 55 milliards d’euros de recettes et des plans d’austérité ont suivi. Il ne faut donc pas s’étonner de la situation dans laquelle notre société se trouve.

Ensuite, il y a également eu la question des taux et du surendettement du secteur privé. N’avons-nous plus de mémoire ? Il n’y a plus de rachat d’actions, plus de fusions-acquisitions, plus d’opérations spéculatives ?

Il faut qu’on parle franco aux Françaises et aux Français, qu’on leur dise la vérité : il y a un passé, un passif, qui joue un rôle actif dans la situation actuelle et dans la manière dont le Gouvernement doit la résoudre.

En outre, il y a certes un choc d’offre, mais il y a eu des arrêts de production. Sur ce point, sans être polémique ou jeter la pierre, des filières de production ont été abandonnées. Donc, quand la chaîne de production se désarticule, des produits de première nécessité ne sont pas au rendez-vous des besoins des Français.

Vient par conséquent le choc de la demande suivant, à notre sens : sur fond d’état d’urgence sanitaire, que nous soutenons tous, de confinement indispensable, nous sommes confrontés à un problème en matière de consommation des Français. Nous vivons un choc de la demande en raison de leur sécurisation. C’est pour cela que l’on parle de l’aide aux soignants, aux pompiers, aux policiers, à tous ceux qui contribuent à sécuriser les Français, quelles que soient leurs conditions.

Or on sait bien que plus ceux-ci sont victimes d’inégalités et d’injustices, plus il faut les protéger. C’est cela, le sens de la Nation.

S’agissant du chômage partiel, nous devons y veiller comme à la prunelle de nos yeux. Mon groupe et d’autres ont tenté de le faire encore hier soir très tard, parce que cette mesure emportera des conséquences sur les problèmes de pouvoir d’achat et sur les questions de production.

Nous connaissons, avec ce virus, une crise sanitaire d’une ampleur inégalée et nous savons tous que nous allons subir, économiquement et financièrement, une récession dont nous ne connaissons pas les termes. Les décisions sont donc importantes. Il faut limiter les dégâts.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, parfois, des controverses nous opposent, mais 300 milliards d’euros de garanties d’emprunts de l’État, c’est ce qu’il fallait faire. Bravo ! Le Parlement doit être à vos côtés pour que les banques répondent et que les emprunts soient levés, en particulier pour les petites entreprises. Tel est le rôle de tous les hommes et de toutes les femmes politiques de ce pays.

Nous sommes également d’accord sur la prise en charge du chômage partiel, mais il faut aller plus loin, jusqu’au bout : sait-on vivre avec le SMIC, dans cet hémicycle ? Non, et tant mieux ! Il faut donc indemniser au-dessus du SMIC ceux qui recevront une rémunération composée à 100 % de chômage partiel, car ils ne percevront notamment pas les primes, ce qui aura des conséquences.

En ce qui concerne les nationalisations, donnons-nous carte blanche, débattons au Parlement et décidons quelle entreprise il faut nationaliser pour éviter la dispersion.

Cela étant, nous avons déposé une vingtaine d’amendements. Nous prendrons notre décision en fonction de la discussion qu’ils susciteront.

Oui, nous allons demander un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Il y a une crise sanitaire, il nous faut un plan d’urgence pour la sécurité sociale.

Nous allons demander où sont les dépenses additionnelles de santé. À quoi correspondent-elles ? S’agit-il de gels de crédits ? Il faut répondre à ces questions.

Notre comportement est positif : nous allons demander que le secteur assurantiel privé soit contraint, parce qu’il faut aller au bout des décisions, afin que le risque sanitaire soit pris en compte dans le risque « catastrophe » par l’assurance privée. L’État se bat, mais le secteur privé doit aussi participer à ce combat en faisant cette démarche.

Par ailleurs, on parle peu de la Banque centrale européenne, mais il s’agit tout de même du mécanisme de stabilité européen. La BCE débloque, certes, 750 milliards d’euros, mais je souhaite poser une question ouverte, sans polémique, qui concerne tous les peuples européens : quel est le rôle de la BCE ? Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, vous le savez : depuis 2005, elle a injecté, 2 000 milliards d’euros en Europe. On prend donc la mesure de ce que représentent seulement, au regard de la crise sanitaire et humanitaire dans laquelle nous nous trouvons, ces 750 milliards d’euros.

Quand on dirige le pays, il faut accélérer l’effort pour repenser les modes de production, les modes de consommation et toute notre société !

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Pascal Savoldelli. Tel est l’état d’esprit de mon groupe, au plus près des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, face à la crise sanitaire sans précédent que vit notre pays, avec pour corollaire un impact potentiellement très grave sur nos entreprises et notre pouvoir d’achat, les mesures d’urgence décidées par le Gouvernement, visant à sauvegarder notre économie, nécessitent de voter ce collectif budgétaire, pour en garantir le financement, à travers, notamment, l’ouverture des crédits nécessaires.

Autant le dire tout de suite, le groupe Les Républicains votera bien évidemment ce texte.

Nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas fait ces trois dernières années les efforts nécessaires pour dégager des marges de manœuvre budgétaires, contrairement à la plupart de nos voisins européens, mais mon collègue Philippe Dominati reviendra sur ce point au cours de son intervention.

Nous estimons pourtant que, à ce stade, le Gouvernement est globalement à la hauteur dans les réponses qu’il apporte à la crise. Par expérience de la crise de 2008, nous savons qu’il faut répondre vite et fort.

Toutefois, ce collectif budgétaire tend seulement à sauvegarder, dans l’urgence, notre économie. Monsieur le ministre, confirmez-vous qu’il sera suivi d’un prochain collectif d’ici à l’été, visant cette fois-ci à relancer l’économie ? Les nouvelles prévisions contenues dans le texte que nous examinons aujourd’hui, que nous jugeons plutôt optimistes, seront alors très certainement de nouveau révisées, en fonction de l’évolution de la situation.

Pour le moment, les prévisions pour 2019 et le déficit structurel pour 2020 restent inchangés par rapport à la loi de finances pour 2020. Le déficit provisoire de l’année 2019 sera publié par l’Insee à la fin du mois de mars.

En revanche, le très fort ralentissement économique lié au double choc de l’offre et de la demande, consécutif aux mesures de lutte contre l’épidémie du coronavirus, constitue un effet de ciseaux inédit et redoutable, qui va entraîner une chute du PIB, dont l’évolution est reprogrammée de +1,3 % dans la loi de finances pour 2020 à -1 %, soit une perte de 2,3 points !

Lors de la dernière crise économique et financière, le PIB avait chuté de 2,6 points : de +0,3 % en 2008 à –2,9 % en 2009.

Ce ralentissement de l’économie va entraîner une chute des recettes fiscales en 2020, de 10,7 milliards d’euros : une baisse, notamment, de 6,6 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés, de 1,4 milliard d’euros de l’impôt sur le revenu et de 2,2 milliards d’euros de la TVA.

Je rappelle que, dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, qui entrera en vigueur en 2021, mon groupe avait alerté le Gouvernement sur le risque de faire reposer l’essentiel des recettes fiscales des départements sur la TVA, très sensible à la conjoncture, et alors même que les conseils départementaux sont en première ligne en matière de dépenses sociales, en cas de retournement conjoncturel. Nous en avons l’illustration aujourd’hui, hélas !

Le déficit public va, en conséquence, s’envoler, de 2,2 % prévus par la loi de finances pour 2020 à 3,9 %. Cette prévision est d’ailleurs provisoire et sera probablement révisée à la hausse, car elle repose sur une hypothèse optimiste de sortie de crise et ne tient pas compte des futures mesures de relance.

D’ores et déjà, les mesures d’urgence et de sauvegarde vont entraîner une explosion de la dépense publique, qui sera financée par la dette publique, laquelle va dépasser très largement le cap des 100 % du PIB en 2020.

Les mesures d’urgence s’élèvent au total à 45 milliards d’euros.

Toutefois, près de 35 milliards d’euros prennent la forme d’une avance de trésorerie, puisqu’il s’agit du report pour les entreprises du paiement des charges sociales et des impôts : 12 milliards d’euros pour l’impôt sur les sociétés, 13 milliards d’euros pour les charges sociales dues par les grandes entreprises au 5 avril, 8,5 milliards d’euros pour les charges sociales dues au 15 mars et 1 milliard d’euros pour la taxe sur les salaires. Sur ce point, nous regrettons très fortement que la TVA ne soit pas concernée. Ces 35 milliards ne devraient donc pas, au final, affecter les finances publiques.

Demeurent plus de 10 milliards d’euros de dépenses non remboursables, prévues pour les deux prochains mois, dont, notamment, 5,5 milliards d’euros d’indemnisation du chômage partiel, 2 milliards d’euros pour le fonds de solidarité pour les TPE et les indépendants, avec une première participation des régions de 250 millions d’euros, et 2 milliards d’euros de dépenses de santé, soit le paiement des arrêts maladie, via la hausse de l’Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie), l’achat de masques, le versement des indemnités journalières et les mesures de reconnaissance pour le personnel médical.

Sur ce point, mon groupe regrette que l’Assemblée nationale n’ait pas adopté un amendement visant la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires. Le personnel médical, les forces de l’ordre, les magasiniers, tous les Français qui ne comptent pas leurs heures en ces temps difficiles pour tenter de maintenir le paquebot France à flot et sont parfois épuisés, méritent d’être encouragés.

Notre rapporteur général déposera un amendement similaire et nous espérons que le Sénat, dans son ensemble, le votera.

Les mesures d’urgence que j’ai détaillées constituent des dépenses a minima : elles sont calculées pour les mois de mars et d’avril, mais s’y ajouteront les futures dépenses du plan de relance économique qui devra être mis en œuvre après la crise.

De surcroît, les reports de paiement d’impôts et charges, qui sont aujourd’hui de simples mesures de trésorerie, pourront se transformer en annulations dans certains cas, comme l’a laissé entendre Bruno Le Maire.

Tout cela s’entend sans compter, pour les comptes publics, les dépenses des collectivités territoriales : les communes et les départements pour les aides sociales, ainsi que les régions pour les aides économiques.

Le coût de la crise pour les finances publiques devra aussi tenir compte des baisses importantes de recettes fiscales, qui pourraient être aggravées par une élasticité des recettes supérieure à un, comme c’est souvent le cas en période récessive, alors que le Gouvernement prend comme hypothèse optimiste une élasticité de 1.

Le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis du 17 mars 2020, souligne d’ailleurs que le PLFR repose sur des hypothèses « d’une grande fragilité » : un confinement pendant un mois seulement et une reprise rapide de la demande. Il estime que la dégradation de la situation macroéconomique pourrait être plus importante que ce qui est prévu dans le présent texte.

Pour financer les mesures du Gouvernement, la France va notamment lever 5 milliards d’euros de plus d’obligations à moyen et long terme sur les marchés en 2020, portant le montant total des émissions à un nouveau record de 210 milliards d’euros. C’est du jamais vu !

Par ailleurs, le collectif budgétaire prévoit une mesure de sauvegarde importante, que nous approuvons : une garantie de l’État relative aux prêts consentis par les banques aux entreprises. Assurée du 16 mars 2020 au 31 décembre 2020, elle atteint 300 milliards d’euros. Elle est gérée par Bpifrance, qui garantira donc jusqu’à 90 % des prêts bancaires, alors que le seuil habituel de garantie est de 50 %.

Ce dispositif doit permettre de rassurer les banques, afin que ces dernières continuent d’accorder des prêts aux entreprises pendant la crise, pour faire face, notamment, aux conséquences de celle-ci. En cas de difficulté de l’entreprise, la banque prêteuse ne supportera in fine que 10 % du risque.

Le montant de la garantie est dimensionné par rapport à l’encours total de crédits aux sociétés non financières, à hauteur de 1 063 milliards d’euros en janvier 2020, dont 240 milliards d’euros de crédits de trésorerie.

Notons, en outre, que cette garantie nationale est complétée par 1 000 milliards d’euros de garanties de prêts bancaires dans la zone euro, dont l’Eurogroupe a décidé l’engagement ce 16 mars 2020.

Les prêts visés devront répondre à un cahier des charges et ne pourront pas concerner des entreprises en procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation. La garantie publique n’est pas actionnable sur les procédures collectives. Ces conditions visent à réduire le risque financier pour l’État de voir une partie des 300 milliards d’euros engagée en cas de défaillances d’entreprises dont il aura garanti les prêts bancaires. Les banques pourront alors en effet y faire appel.

Ce panel de mesures constitue indéniablement une première réponse à la crise sans précédent que nous traversons.

Comme je l’ai déjà exprimé, mon groupe les votera sans hésitation. Il y va de la sauvegarde de notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac.

M. Thierry Carcenac. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est des discussions, au sein de notre assemblée, qui revêtent une importance toute particulière. Celle que nous ouvrons ce jour en fait incontestablement partie.

Monsieur le secrétaire d’État, devant la crise sanitaire que notre pays et nos concitoyens traversent avec les conséquences dramatiques qu’elle emporte et qu’elle emportera sur le plan économique et financier, le groupe socialiste et républicain du Sénat veut dire les choses clairement et sans ambages : nous voterons ce projet de loi de finances rectificative dans un esprit de responsabilité.

Je vous demande solennellement, madame la secrétaire d’État, en contrepartie de cette union nationale, de vous engager à présenter, dans les mois qui viennent, d’une part, un nouveau projet de loi de finances rectificative et, d’autre part, un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques, comme vous l’aviez d’ailleurs promis. Cela nous paraît nécessaire, car, pour le dire très directement, nous ne sommes absolument pas convaincus que la crise prendra fin dans un mois, compte tenu de l’expérience que nous avons de la récession de 2008-2009.

Encore une fois, l’urgence à agir fait que nous ne rajouterons pas de la crise à la crise, ce serait irresponsable. Mais je veux utiliser ce temps de discussion générale pour vous alerter sur les réserves qui sont les nôtres.

L’actualisation de vos prévisions macroéconomiques de l’article liminaire sera nécessaire, dont acte. L’avis du Haut Conseil des finances publiques est très explicite, comme l’a rappelé le président Éblé. Il confirme cette inquiétude et l’ampleur des impacts inédits auxquels nous aurons à faire face collectivement.

Je mesure les délais contraints de travail qui ont été les vôtres et ceux de votre administration, monsieur le secrétaire d’État, que je veux d’ailleurs saluer, ainsi que les personnels soignants, les fonctionnaires, les salariés du privé qui, partout sur le territoire national, incarnent la continuité de l’État et sont indispensables au fonctionnement de notre vie quotidienne. Le moment venu, il ne faudra pas l’oublier.

Votre projet de loi de finances rectificative repose sur un plan de 45 milliards d’euros injectés dans l’économie nationale, déployant des avances de trésorerie indispensables pour la survie de notre économie et l’engagement de nouvelles liquidités. Je le dis comme je le pense : cette démarche n’est pas inintéressante et nous ne la contestons pas. En ce qui concerne les plus petites entreprises, en cas de fermeture, il nous semble qu’un abandon des charges serait plus approprié.

De la même manière, il a été annoncé, à plusieurs reprises, le déblocage de 2 milliards d’euros pour l’hôpital. Or nous n’en trouvons pas trace, ce qui est problématique. De même, le ministre de la culture a annoncé des aides pour le monde culturel. Comment sont-elles financées ? Je ne doute pas que ces 2 milliards soient bien quelque part… Je vous invite à faire attention aux effets d’annonce qui ne sont pas pleinement opérationnels ou dont chacun de nos concitoyens ne peut constater in concreto la véracité et les effets.

J’en viens maintenant à deux articles du projet de loi de finances rectificative dans lesquels on constate tout d’abord la création d’une mission budgétaire ad hoc – pourquoi pas ? Je ne suis pas convaincu qu’un tel dispositif soit le plus à même de mobiliser l’ensemble des administrations publiques dans le combat que nous devons conduire, mais il aura le mérite d’unifier les canaux de décision, quoique de manière légèrement artificielle : en bout de course, et c’est logique, il appartiendra à Matignon et à l’Élysée de décider.

La problématique du chômage partiel aurait pu être traitée dans le cadre de la mission « Travail et emploi » et le fonds d’aide aux entreprises dans le cadre de la mission « Économie ». Toutefois, nous soutiendrons bien évidemment ces mesures, car elles sont nécessaires. Mais il y a plus important en la matière : vous réajustez les prévisions fiscales et, par voie de conséquence, les équilibres de la mission « Remboursements et dégrèvements ». C’est fort logique, même si, là encore, il faudra très vraisemblablement reprendre toutes les estimations encore trop incertaines.

Rien sur la mission « Santé », ce qui ne peut que surprendre. Rien non plus, ce qui fausse grandement nos prévisions macroéconomiques selon moi, sur la mission « Engagements financiers de l’État », alors que l’on constate une légère remontée des taux, même si la signature de la France est certaine, comme l’a rappelé M. Darmanin à l’instant et comme l’ont prouvé les dernières émissions de jeudi.

Le besoin de financement de l’État, à ce stade, s’élève à près de 246 milliards d’euros. Aux 45 milliards annoncés, qui ne représentent, il est vrai, qu’environ 8 milliards d’euros de réelles dépenses, il faudra sans doute ajouter le paiement d’intérêts.

Je serai bref sur l’article 3 portant sur les comptes spéciaux. Le renoncement à la vente d’Aéroports de Paris, ce qui est une très bonne chose, se traduira par une recette en moins pour l’État et par des dépenses équivalentes, sachant que 2 milliards d’euros étaient affectés au désendettement de l’État. Il serait opportun d’avoir des précisions sur la valeur qui était alors attendue de la cession d’Aéroports de Paris. On est bien loin des estimations du temps de la loi Pacte, ce qui peut s’expliquer de deux façons : soit une surestimation de la valeur d’Aéroports de Paris lors de la discussion de cette loi – je n’y crois guère–, soit une sous-budgétisation manifeste dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative.

Enfin, l’article 4 met en place des garanties d’emprunt. Nous soutenons sans difficulté ce dispositif absolument utile, pour ne pas dire nécessaire, à nos entreprises, même si le seuil de 70 % paraît contestable pour les plus petites d’entre elles, notamment au regard de la situation au mois de mars.

Voilà, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, les éléments que le groupe socialiste et républicain tenait à soulever, afin de rappeler, s’il le faut, que ce vote, motivé par les enjeux d’urgence, ne constitue nullement un blanc-seing au Gouvernement. Il convient que le Parlement soit associé et puisse contrôler le Gouvernement. En ce sens, les propositions du rapporteur général sont intéressantes.

Je voudrais conclure mon propos en rappelant que ce texte financier est extrêmement atypique, pour ne pas dire unique, en ce qu’il prévoit – c’est logique – des dépenses sans proposer de recettes. Mais je ne doute pas que cela viendra. De facto, dans l’urgence, les réponses à la crise se font par le creusement de la dette. Le pacte de stabilité – c’est une bonne chose – est suspendu. La décision de la BCE est bienvenue.

Toutefois, je tiens à rappeler que l’instauration d’une imposition sur le revenu en France, par le biais de la loi Caillaux, date de 1914. Après sept années de débats parlementaires qui n’avaient pas permis de trouver une solution satisfaisante, c’est l’entrée en guerre de la Nation qui a conduit les parlementaires à accepter la mise en œuvre de tels prélèvements fiscaux. À l’heure actuelle, nous sommes en guerre, comme l’a répété le Président de la République. Dès aujourd’hui, nous devons donc préparer le jour d’après que nous espérons très prochain. Je souhaite, au nom du groupe socialiste et républicain, que notre pays puisse dépasser dans la solidarité cette épreuve.

L’heure de traiter ce point n’est pas encore venue. Madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, je veux toutefois conclure en vous rappelant qu’elle arrivera assez rapidement. J’ai entendu, ce matin, le Medef demander à nos concitoyens de renoncer à une partie de leurs économies une fois la crise sanitaire dénouée. À mon tour, je demande aux bénéficiaires des baisses d’impôts issues de la suppression de l’ISF et de la mise en œuvre du prélèvement forfaitaire unique (PFU) de renoncer à leur avantage fiscal calculé depuis la mise en œuvre du texte et, à l’instar de ce que réclame le Medef, de réinjecter ces sommes, au nom de la solidarité nationale, dans le plan de relance économique à venir pour soutenir l’activité et l’emploi dans le prolongement des propos tenus par le président de la commission des finances, Vincent Éblé. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France connaît actuellement sa plus grave crise sanitaire depuis un siècle.

Le coronavirus circule sur notre territoire national. Il constitue une menace dont l’ombre grandit chaque jour. Mais au-delà de la situation sanitaire, laquelle doit demeurer notre priorité absolue et notre seule boussole pour lutter contre le virus, la situation économique et financière s’avère d’ores et déjà très préoccupante.

Je pense à toutes nos entreprises, tout particulièrement à nos TPE et PME, qui doivent faire face à des difficultés nouvelles qu’il faut traiter dans l’urgence, comme les annulations en cascade de leurs commandes, les difficultés d’approvisionnement et de financement ou la réorganisation contrainte de leurs ressources humaines. Nous devons maintenant les rassurer et les accompagner avec des outils adaptés, efficaces et réactifs.

Le Gouvernement propose des mesures d’urgence, à savoir le renforcement du dispositif de chômage partiel pour l’accompagnement des entreprises dans la gestion de leur force de travail, la garantie apportée par l’État à toutes les entreprises en difficulté demandant un crédit et des reports de charges et d’un certain nombre de modalités fiscales.

À travers cette crise, nous reprenons conscience de tout ce que l’État peut apporter aux acteurs économiques : un filet de sécurité, une garantie collective contre les crises imprévisibles, un soutien pour accompagner les acteurs français dans la tourmente mondiale – je pense notamment à la garantie apportée par l’État grâce à Bpifrance qui témoigne de la solidarité de la Nation, laquelle sait accompagner ses forces vives dans les moments difficiles.

Mais cette crise doit aussi nous faire prendre conscience de notre trop grande dépendance aux autres économies mondiales dans les secteurs stratégiques. Je pense, par exemple, à la production de médicaments. Ce qui vaut pour la France vaut également pour l’Europe : le moment venu, il faudra savoir en tirer toutes les conséquences pour notre stratégie industrielle et agricole et assurer davantage de souveraineté dans ces secteurs.

Toutes ces mesures d’urgence représentent bien évidemment un coût considérable pour les comptes publics : par le double effet de la diminution des recettes et de l’augmentation des dépenses, le déficit public sera amené à se creuser largement et pourrait atteindre près de 4 % du PIB.

Le groupe Les Indépendants votera, bien évidemment, ce projet de loi de finances rectificative afin de répondre à l’urgence de la situation. Il y va de notre responsabilité collective pour soutenir nos entreprises et notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il n’est pas question de remettre en cause les mesures proposées, que nous allons voter dans l’urgence et dans un consensus républicain, ce dernier ne doit pas nous affranchir de notre faculté de jugement et du devoir de sincérité.

Surtout, la volonté de consensus ne nous interdit pas de dire aujourd’hui ce que nous disions hier. Les Français attendent de leurs élus une constance dans leurs convictions et positions.

Que n’avons-nous cessé de dire depuis 2012 ? Qu’il fallait aller plus loin, plus vite et plus fort dans le redressement des comptes publics, sans quoi, en cas de retournement conjoncturel, notre pays ne disposerait d’aucune marge de manœuvre budgétaire. Nous n’avons eu de cesse de le répéter, à chaque projet de loi de finances. Nous avons fait des propositions, dans la limite de ce que la LOLF et la Constitution nous permettaient. Nous n’avons jamais été entendus !

Le ministre de l’économie et des finances a jugé, voilà quelques jours, que la France a la chance d’avoir des finances publiques saines. Nous ne faisons pas le même constat.