compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Éric Bocquet,

Mme Catherine Deroche.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures cinquante-cinq.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 5 mars 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Hommage à Nicolas Alfonsi, ancien sénateur

M. le président. Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec émotion que nous avons appris le décès, lundi, de notre ancien collègue Nicolas Alfonsi, qui fut sénateur de la Corse-du-Sud de 2001 à 2014. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mme et MM. les ministres, se lèvent.)

Maire de Piana pendant trente-neuf ans, premier vice-président de l’Assemblée de Corse, premier vice-président du conseil général de la Corse-du-Sud, Nicolas Alfonsi a été un acteur majeur de la vie démocratique et de la décentralisation en Corse. Il a été le défenseur passionné de son île, qu’il a servie également au travers de la présidence du Conseil des rivages de Corse et des responsabilités qu’il a assumées en tant que premier vice-président du Conservatoire du littoral.

Élu député de la Corse-du-Sud en 1973, en 1981 et en 1986 avant de devenir sénateur le 2 décembre 2001 – une date symbole – et membre du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, il est toujours resté fidèle à son idéal républicain et à sa tradition radicale.

Pendant treize années à nos côtés, Nicolas Alfonsi a éclairé notre assemblée et la commission des lois, dont il était membre, par la finesse de son analyse, la rigueur et la subtilité de son raisonnement juridique, façonné par son métier d’avocat.

Sa grande culture historique, marquée de sa passion pour l’épopée napoléonienne, son sens politique conjugué à son sens de l’humour ont marqué tous ceux qui ont eu la chance de travailler à ses côtés. La grande intelligence, les réparties parfois mémorables, l’indéfectible esprit de justice, de solidarité et de fraternité de ce grand républicain, de ce grand Français, de ce grand Corse vont cruellement manquer.

Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à sa famille, à ses proches, ainsi qu’au président et aux membres du groupe RDSE, auquel il a appartenu. J’ai une pensée particulière pour son épouse.

Je vous propose d’observer un instant de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mme et MM. les ministres, observent un moment de recueillement.)

3

Allocution de M. le président du Sénat

M. le président. Avant d’ouvrir la séquence de notre séance consacrée aux questions d’actualité au Gouvernement, je tiens, en votre nom à tous, à assurer de notre soutien et de notre profonde reconnaissance tous nos compatriotes – en particulier les personnels soignants, en ville et à la campagne, les personnels hospitaliers des secteurs public et privé, soignants, administratifs ou techniques, ainsi que toutes les équipes de secours – qui sont engagés depuis plusieurs semaines maintenant dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19.

Le Sénat salue leur détermination, leur disponibilité et leur dévouement face à une crise sanitaire exceptionnelle qu’ils affrontent en première ligne, dans des conditions particulièrement difficiles. Ils méritent toute notre gratitude. Leur attitude exemplaire rend d’autant plus indispensable, en ces moments critiques, l’effort de responsabilité et de discipline exigé de chacun.

Je souhaite aussi rendre hommage à tous ceux qui, à leur poste de travail, assurent la continuité des services de la Nation. Qu’ils soient agents publics ou salariés du secteur privé ou associatif, ils sont indispensables.

Qu’il me soit également permis de remercier nos collègues présents et d’avoir une pensée pour tous ceux qui, comme l’ensemble de nos concitoyens, ne sont pas en mesure de se déplacer ou qui ont accepté le principe, souhaité par les présidents de groupe et moi-même, d’une limitation du nombre de participants à cette séance. J’ai une pensée toute particulière pour nos deux collègues que j’ai eus au téléphone ce matin et dont les nouvelles sont rassurantes, ainsi que pour le président Requier, absent parce qu’il respecte les mesures mises en place.

Je souhaite également remercier l’ensemble du personnel et des collaborateurs du Sénat, les collaborateurs des sénateurs, ainsi que les policiers du palais et les militaires de la garde républicaine, mobilisés pour permettre nos délibérations et la continuité de nos travaux.

Enfin, je tiens à saluer les élus locaux, qui sont des acteurs essentiels de la solidarité et de la proximité en ces temps d’inquiétude. M. le ministre des solidarités et de la santé et M. le ministre de l’intérieur savent pouvoir compter sur eux. (Applaudissements.)

4

Conférence des présidents

M. le président. Mes chers collègues, les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie ce jour sont consultables sur le site internet du Sénat.

La conférence des présidents a fixé l’ordre du jour des séances de cette fin de semaine et, au regard des mesures de restriction de circulation et de réunion en vigueur, elle a décidé de retirer de l’ordre du jour les débats de contrôle et les textes législatifs qui avaient été précédemment inscrits pour les trois prochaines semaines.

Vous serez bien entendu tenus informés des conditions dans lesquelles nous reprendrons nos travaux et assurerons notre mission de contrôle de l’action du Gouvernement, qui est aussi une mission essentielle.

En l’absence d’observations, je considère les conclusions de la conférence des présidents comme adoptées.

5

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à sept questions d’actualité au Gouvernement, à raison d’une question par groupe.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat. Je ne doute pas que chacun sera attentif au respect du temps de parole et des orateurs.

réponse européenne à la crise sanitaire

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, à cet instant, nous entendons rendre hommage au travail remarquable du personnel soignant qui est en première ligne pour sauver des vies, parfois dans des conditions dramatiques, comme actuellement dans le Grand Est. Nous avons aussi une pensée émue pour les malades et leurs proches. Je tiens également à remercier nos concitoyens qui respectent les consignes sanitaires : ces mesures extraordinaires sont contraignantes, mais absolument nécessaires. Nous saluons enfin l’engagement des pouvoirs publics, des services de l’État, mais aussi des élus locaux et des agents mobilisés au quotidien.

Au Sénat, nous avons fait le choix de traiter au travers de nos questions les différents aspects de la crise, afin d’obtenir les réponses les plus complètes du Gouvernement.

Notre continent est à présent le premier foyer de la pandémie. Pour limiter la propagation du virus et éviter la saturation de nos hôpitaux, l’Union européenne a renforcé le contrôle de ses frontières, et certains pays membres ont fait de même. Seule une solidarité intra-européenne permettra de faire face à cette crise qui ne connaît pas de frontières. Aucun des pays membres de l’Union européenne ne peut cependant vivre de manière autarcique ; le marché unique doit donc continuer de fonctionner, mais avec précaution et contrôle.

Les réponses des États membres doivent être coordonnées et cohérentes. La coopération européenne doit jouer en matière de mesures sanitaires, bien sûr, mais également de recherche et de production des équipements de protection, aujourd’hui en nombre insuffisant.

Quelles mesures de coordination et quelles procédures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre, avec nos partenaires européens, pour permettre une gestion de la pandémie à l’échelle de l’Union européenne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Menonville, le combat contre le Covid-19 est européen. C’est une épreuve et un défi pour l’Europe ; les Européens doivent le relever ensemble, pour préserver leur espace commun. C’est dans cet esprit que le Président de la République a souhaité la tenue, avant-hier, d’un Conseil européen par visioconférence.

Ce Conseil européen a débouché sur la prise de trois grandes séries d’initiatives.

Tout d’abord, pour limiter les déplacements et endiguer la diffusion du virus, il a été décidé de fermer les frontières extérieures de l’Union européenne et de l’espace Schengen. Cette décision s’applique depuis mardi aux citoyens des pays extérieurs à l’Union européenne, mais n’empêche pas nos compatriotes et les autres ressortissants européens de rentrer chez eux. À l’intérieur de l’espace européen, la même logique de limitation des déplacements afin de restreindre la diffusion du virus prévaut. Des contrôles conjoints aux frontières nationales sont ainsi mis en place, en particulier avec l’Allemagne, l’Espagne et la Suisse, mais chacun pourra rentrer chez soi, les marchandises continueront à circuler et les transfrontaliers pourront se rendre à leur travail.

La deuxième série d’initiatives a trait à la mise en commun de moyens pour mieux nous protéger. Cela se traduit notamment par des achats groupés de matériel de protection et par la mise à disposition de crédits significatifs pour financer la recherche sur le Covid-19 et trouver un vaccin.

La troisième série d’initiatives vise à limiter l’impact économique de cette crise. La Commission européenne a ainsi permis la mobilisation immédiate de 37 milliards d’euros pour financer les mesures nationales de soutien aux systèmes de soins et aux secteurs économiques les plus vulnérables. Cela conduit à davantage de souplesse sur les aides d’État et sur la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance.

Enfin, la Banque centrale européenne a adopté hier un programme de rachat de la dette publique et privée, à hauteur de 750 milliards d’euros, pour soutenir l’activité.

Ces initiatives inédites doivent nous permettre de faire face à une crise sans précédent. En tout état de cause, la réponse sera en grande partie européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

protection sanitaire des français

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, depuis mardi midi, la France est presque cloîtrée, les Français sont confinés. Cependant, nous sommes là, nous siégeons, parce que nous avons une mission à assumer. En effet, dans cette épreuve, les parlementaires ont le devoir d’aider le Gouvernement à protéger nos compatriotes, en votant des mesures sanitaires, sociales et économiques, ainsi que les crédits nécessaires.

Au nom du groupe Les Républicains, je voudrais vous dire, monsieur le Premier ministre, que vous pouvez compter sur notre disponibilité et sur notre soutien, déterminé et vigilant.

Si nous sommes là aujourd’hui, c’est aussi parce que le Parlement a également pour mission d’être le relais exigeant des questions que les Français se posent, au-delà des polémiques, quant à leur santé, à leur avenir.

À cet instant, je voudrais saluer à mon tour toutes celles et tous ceux qui sont en première ligne, des personnels de santé aux caissières de supermarché. Tous méritent le même hommage. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, LaREM et SOCR.)

Monsieur le Premier ministre, je ne demande qu’à vous croire en ce qui concerne les masques, mais comment expliquer un tel décalage entre le terrain et vos déclarations ? Des dizaines de millions de masques auraient été commandés, mais ils n’arrivent qu’au compte-gouttes. Pourquoi ? Il en est de même pour le gel et les solutions hydroalcooliques. Pourtant, des entreprises françaises des secteurs du textile et des cosmétiques sont prêtes à produire en masse. Les Français ont finalement compris la consigne ; ils restent chez eux. Du coup, l’économie risque un arrêt brutal, ce qui pourrait entraîner des problèmes d’approvisionnement.

Par ailleurs, des traitements sont en train d’être mis au point. C’est encourageant, mais quand pourront-ils être généralisés ?

Enfin, dans cette lutte, la défiance est un poison, la confiance une arme. Monsieur le Premier ministre, il faut donc parler clair, agir, prendre de bonnes décisions ; vous nous trouverez à vos côtés, nous vous accompagnerons. Je fais confiance aux Français. La France a surmonté d’autres épreuves ; nous surmonterons celle-ci et nous vaincrons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE. – M. Richard Yung applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, je m’associe à l’hommage que vous venez de rendre à toutes celles et à tous ceux qui, quel que soit leur profession, font leur devoir avec un sens très élevé de l’intérêt général et avec la conscience que leur activité est nécessaire à la vie du pays.

Je partage également vos propos sur le rôle du Parlement. J’irai même plus loin : non seulement il est indispensable, dans une démocratie, que le Parlement puisse continuer à se réunir, le cas échéant dans des formes aménagées, pour exercer son contrôle sur le Gouvernement, y compris dans une période de crise sanitaire et de confinement, mais le Gouvernement en a aussi besoin. J’ai besoin du contrôle du Parlement, parce que les mesures que nous prenons pour faire face à une situation aussi sérieuse et délicate ont un impact considérable sur nos concitoyens : elles sont certes exigées par les circonstances, mais elles ne sauraient relever de la seule volonté du pouvoir exécutif ; il est indispensable que le Parlement puisse exercer son contrôle, avec sens de l’État, avec vigilance, avec exigence. Je n’attends rien de moins de vous, monsieur le président Retailleau, et du Sénat, car je sais que nous partageons la volonté de trouver les solutions à la crise que nous traversons.

Concernant les masques et la production de gel hydroalcoolique, vous avez soulevé des questions que se posent aussi les Français. Je pense que le débat sur le projet de loi d’urgence, tout à l’heure, sera l’occasion d’apporter des réponses. Nous avons déjà pris des mesures, des décisions. Nous disposons de réserves de masques, mais leur distribution est effectivement difficile, je n’en disconviens pas. Le ministre des solidarités et de la santé s’exprimera tout à l’heure sur ce sujet. Je lui laisse le soin d’exposer clairement l’ensemble des éléments.

Nous sommes entrés dans une crise sanitaire inédite en France depuis un siècle. Cette crise va porter un coup d’arrêt puissant, massif et brutal à notre économie et entraîner une transformation puissante, massive et brutale de nos habitudes collectives de vie. Elle fait courir le risque d’un impact puissant, massif et brutal sur les structures collectives nationales, européennes et internationales que nous avons toujours connues. La situation est donc très sérieuse.

Les projets de loi que nous vous présenterons et l’ensemble des décisions que nous sommes et serons amenés à prendre visent à nous permettre de traverser cette crise dans le strict respect du cadre démocratique et sous le contrôle du Parlement. Comme vous, monsieur le président Retailleau, et exactement pour les mêmes raisons, j’ai confiance ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants, UC, RDSE et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)

fonctionnement de la justice pendant la crise sanitaire

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste.

Mme Nathalie Goulet. Je m’associe bien sûr aux témoignages de soutien et de solidarité qui ont été adressés aux héros du quotidien, notamment aux personnels de santé.

Madame la garde des sceaux, comme le Gouvernement et l’ensemble de la population, nous avons pris la mesure du défi que représente l’épidémie de coronavirus pour notre pays, mais aussi pour l’institution judiciaire, déjà en difficulté en temps normal. Il s’agit de repenser complètement le fonctionnement de la justice à l’heure du coronavirus, rien de moins !

Vous avez débattu, avec la présidente du Conseil national des barreaux, de la question de la suspension indispensable des délais de prescription en matière civile et pénale ; des mesures figurent d’ailleurs à l’article 7 du projet de loi que nous examinerons tout à l’heure.

Dans le cadre du plan de continuation d’activité des juridictions et avec les mesures de confinement, les extractions judiciaires vont être matériellement rendues quasiment impossibles en l’état des moyens de notre justice, outre le danger de propagation que présenteraient ces mouvements, comme l’a déjà signalé l’Association des magistrats.

Nos juridictions et nos établissements pénitentiaires ne disposent ni de matériels de protection pour les personnels et les auxiliaires ni d’équipements de visioconférence en nombre suffisant.

Les parloirs sont suspendus. Hier, le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris a lancé un cri d’alarme sur les conditions sanitaires dans les geôles du tribunal de Paris et refusé de désigner des avocats pour le service de l’urgence pénale.

Madame la garde des sceaux, quelles mesures précises avez-vous prises pour éviter que des terroristes et autres individus dangereux soient libérés en raison de failles procédurales ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Goulet, la situation sanitaire de la France nous a conduits, depuis quelques semaines déjà, à prendre un certain nombre de décisions, dont la mise en œuvre des plans de continuation d’activité des juridictions, que vous avez évoquée.

La restriction des activités qui s’installe désormais nous conduit à aller plus loin et à prévoir des mesures provisoires qui seront prises en application des ordonnances visées dans le projet de loi d’urgence que vous examinerez à partir de cet après-midi.

Nous avons, dans ce cadre, un double objectif : reporter les délais procéduraux et permettre, sans risque de nullité, une extension du recours à la visioconférence pour l’activité juridictionnelle. Depuis deux ans, nous avons considérablement modernisé nos réseaux et augmenté le nombre des équipements de plus de 80 %. Nous pouvons donc développer de manière importante et sereine le recours à la visioconférence, ce qui va nous permettre de réduire de manière drastique les extractions judiciaires.

Madame la sénatrice Goulet, je sais que vous êtes très attentive à la situation des établissements pénitentiaires, en particulier ceux de Condé-sur-Sarthe et d’Argentan. Sachez que, dans le cadre du projet de loi d’urgence, nous allons prendre des mesures pour limiter les courtes peines et soulager les centres de détention. Bien évidemment, ces dispositions ne concerneront pas les détenus dangereux.

Les mesures générales de confinement récemment prises empêchent les familles d’accéder aux parloirs qui, de fait, ont été suspendus, mais les avocats peuvent, quant à eux, continuer à voir leurs clients en détention. Les parloirs avocats ne sont pas interdits ; ils seront organisés dans le respect des gestes barrières.

Vous avez évoqué la situation spécifique du tribunal judiciaire de Paris. Des mesures ont été prises pour permettre aux avocats d’avoir accès aux prévenus dans des conditions de sécurité sanitaire satisfaisantes – j’en parlais encore ce matin avec le procureur et le président du tribunal de Paris. Je sais que nous pourrons compter sur les avocats pour assurer le respect des droits de la défense dans cette période exceptionnelle.

Soyez assurée, madame la sénatrice, que tous les personnels judiciaires et pénitentiaires sont actuellement pleinement mobilisés pour assurer la continuité du service public de la justice et la sécurité de nos concitoyens, cela dans le respect des droits fondamentaux de chacun.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie de ces précisions, madame la garde des sceaux. Les dispositions que vous avez prises par circulaire le 14 mars ne n’avaient pas échappé ; elles doivent maintenant être inscrites dans la loi, parce qu’elles ne sont pas d’ordre réglementaire. Surtout, les personnels pénitentiaires et les auxiliaires de justice ont absolument besoin d’équipements de protection ; on ne peut pas les laisser dans la situation actuelle, les enjeux de sécurité sont trop importants.

mesures économiques annoncées par le gouvernement, notamment en faveur des indépendants

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche.

M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, nous sommes confrontés à une crise sanitaire dramatique, sans précédent, mais aussi à une crise économique. Nous saluons l’action du Gouvernement pour faire face à cette double crise. Beaucoup de questions portent sur le volet sanitaire ; j’évoquerai pour ma part l’aspect économique.

Nous sommes tous sollicités par les fédérations professionnelles, les entrepreneurs et les salariés à propos des mesures devant être prises pour assurer la survie des entreprises ou aider les particuliers. Au-delà des réponses d’ensemble que vous pourrez nous apporter, monsieur le Premier ministre, sur les moyens mis en œuvre par notre pays et par l’Union européenne pour faire face à cette crise économique, je voudrais attirer votre attention sur la situation spécifique des indépendants, qui se trouvent aujourd’hui démunis. Nombre d’entre eux ont souscrit des assurances contre les événements dramatiques, tels que les catastrophes naturelles, mais les épidémies ne sont pas couvertes. Le Gouvernement ne pourrait-il demander aux assureurs de participer à l’effort national en intégrant les épidémies dans le champ des événements couverts par les contrats souscrits par les entreprises individuelles, en particulier ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Patriat, je l’ai dit, la crise sanitaire que nous vivons va porter un coup de frein massif, brutal et immédiat à l’activité du tissu productif de notre pays. Nous savons quelles conséquences dangereuses cela peut emporter.

Dans l’immédiat et dans l’urgence, la priorité, pour le Gouvernement, est de faire en sorte que nous puissions passer la crise sanitaire, en permettant aux entreprises de survivre à ce trou d’air et de conserver leurs salariés, c’est-à-dire leurs compétences, de façon à pouvoir ensuite repartir.

C’est la raison pour laquelle le projet de loi d’urgence dont nous débattrons tout à l’heure prévoit un dispositif particulier d’activité partielle, qui permettra d’indemniser dans de bien meilleures conditions qu’aujourd’hui les salariés se trouvant dans cette situation.

Nous avons également prévu un report immédiat de charges et la création d’un fonds de solidarité qui permettra à tous les indépendants de bénéficier d’une subvention versée automatiquement par la direction générale des finances publiques (DGFiP). Cela n’empêchera pas que les professionnels subissent les effets du ralentissement massif de l’activité, mais ils seront accompagnés à hauteur d’environ 1 500 euros. Les régions ont accepté de participer au financement de ce fonds de solidarité et un deuxième étage du dispositif permettra d’aider l’ensemble des indépendants et des PME, qui se trouvent confrontés à des situations redoutablement difficiles, la quasi-totalité de leur chiffre d’affaires pouvant disparaître du jour au lendemain.

Je le redis, notre priorité est d’accompagner le tissu économique pour passer l’urgence. Ensuite, une fois la crise sanitaire finie – car elle aura bien une fin –, il faudra aider l’économie française à rebondir, aider l’ensemble du tissu productif à reprendre du muscle et à repartir de l’avant. Nous avons de ce point de vue un peu de temps devant nous, mais cela exigera la préparation d’un plan de relance et une discussion en profondeur avec l’ensemble des organisations syndicales et patronales et des acteurs publics et privés intéressés par le redémarrage économique. Mais l’urgence, je le répète, est de passer cette période de crise.

Concernant l’association des assureurs à ces mesures d’urgence, je ne puis, monsieur le président Patriat, m’engager de chic sur un sujet de cette ampleur. Pour autant, personne ne pourra s’exempter de l’effort considérable que nous allons tous devoir consentir pour permettre à notre pays de repartir.

Le Président de la République a eu raison de dire : « quoi qu’il en coûte », car l’urgence est là, mais cela signifie que la Nation dans son ensemble devra accompagner le mouvement, dans un effort collectif pour dépasser cette situation d’urgence et, demain, repartir de l’avant. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

rôle des élus

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Mme Nathalie Delattre. Depuis trois mois, une bataille planétaire s’est engagée ; une guerre mondiale contre un ennemi invisible, et pourtant si présent, comme l’a justement dit notre président.

Pour autant, la France n’est pas restée derrière sa ligne Maginot. Nous sommes passés à l’offensive avec, dès samedi dernier, la mise en place de mesures inédites. Devant la gravité du moment, nous avons entendu l’ordre de mobilisation générale du Président de la République. L’heure de l’affrontement est arrivée.

Au front, nos médecins, nos infirmiers, nos pharmaciens et l’ensemble de nos personnels soignants et d’entretien, nos forces de sécurité intérieure, civiles et militaires, mais aussi les personnels des supermarchés, nos boulangers, nos buralistes, nos pompistes et nos chauffeurs routiers, font tous face avec courage et détermination aux assauts de la maladie. La viticultrice que je suis a également une pensée particulière pour nos agriculteurs. À chacune et à chacun d’entre eux, je tiens à exprimer, au nom de mon groupe parlementaire, toute notre admiration et notre gratitude.

J’exhorte chacun à remplir son devoir et à poursuivre le combat, où qu’il se trouve, quel que soit son rôle. Alors, la France pourra être fière de ses enfants et sera une nouvelle fois au rendez-vous de l’histoire.

Je souhaite adresser, depuis l’hémicycle du Sénat, un mot particulier aux personnels de l’État et municipaux, ainsi qu’à nos élus locaux, bien évidemment, en particulier nos maires, qui se mobilisent comme à leur habitude au service de l’intérêt général. Notre République, solidaire et fraternelle, démontre une fois encore qu’elle est debout lorsque l’essentiel est en jeu.

Monsieur le ministre de l’intérieur, pouvez-vous indiquer aux élus de la République ce que le Gouvernement attend d’eux précisément ? Avec quels moyens, notamment techniques, pourront-ils agir ? Les maires pourront-ils réquisitionner, par exemple ? Ils sont les plus à même de prendre des mesures urgentes et de proximité utiles.