M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand.

M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce matin a trait à la précarité énergétique et, plus globalement, à l’accès de tous à l’énergie, sujet plus que prégnant dans la France d’aujourd’hui.

Pour les ménages les plus modestes, la part du budget consacrée aux dépenses d’énergie, en particulier au chauffage, devient une charge importante, parfois insurmontable. L’énergie est en effet indispensable pour se chauffer et pour se déplacer, mais aussi pour de nombreux actes de la vie quotidienne, tout en étant une dépense contrainte qui, bien souvent, mobilise une part importante du budget des ménages.

Pour mesurer la précarité énergétique, l’ONPE s’appuie sur un panier d’indicateurs : le taux d’effort énergétique, l’indicateur bas revenus et les dépenses élevées, mais aussi le ressenti de l’inconfort, qui est pris en compte comme indicateur du froid et permet de mesurer le phénomène d’autorestriction de la consommation d’énergie.

Ces indicateurs nous dévoilent la réalité de la précarité énergétique : environ 1 million de ménages cumulent une situation d’inconfort thermique et de vulnérabilité économique ; environ 5,6 millions de ménages sont quant à eux en situation de précarité énergétique au regard d’au moins un indicateur.

Les impayés d’énergie, en constante augmentation, ne sont que la partie émergée de l’iceberg : les diagnostics effectués au domicile des ménages en difficulté révèlent bien souvent que les ménages pauvres se privent pour ne pas avoir à régler de trop grosses factures.

M. Fabien Gay et ses collègues du groupe CRCE, au travers de la présente proposition de loi, veulent notamment inscrire l’accès à l’énergie parmi les droits fondamentaux et interdire d’infliger des coupures d’eau et d’énergie aux ménages bénéficiaires du chèque énergie. Ils proposent en outre que le taux de TVA des tarifs de l’énergie soit abaissé à 5,5 % pour ce qui est de la consommation de base et selon des critères sociaux.

Les mesures qui nous sont présentées ont certes une forte valeur symbolique, mais je rejoins notre collègue rapporteur, Mme Denise Saint-Pé, dans ses conclusions.

En effet, si les intentions des auteurs de ce texte sont plus que louables, les difficultés soulevées par les mesures proposées et les doutes qui peuvent naître quant à leur efficacité me font penser que, plutôt que d’inventer des dispositifs nouveaux qui s’avèrent complexes, juridiquement hasardeux et techniquement impossibles, nous serions mieux inspirés de chercher à améliorer les dispositifs existants.

Les leviers d’action sont de deux ordres : traiter les causes en agissant sur la consommation, notamment au travers de l’amélioration de la performance énergétique des logements, et proposer aux ménages en situation de précarité une aide au paiement de la facture énergétique, à travers le chèque énergie.

D’abord, il faut se concentrer sur l’état des logements : leur performance thermique est généralement mauvaise, voire exécrable. Les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire, souvent vétustes, contribuent également à gonfler la facture énergétique des plus pauvres, surtout dans le parc privé.

Pour lutter contre la précarité énergétique, un premier enjeu est d’aider les ménages modestes à réduire leur consommation grâce à la réalisation d’opérations d’économies d’énergie dans leur logement.

Le Gouvernement – Mme la secrétaire d’État l’a rappelé – a tout à fait conscience de l’urgence que revêt l’accélération de la rénovation énergétique des logements. Le plan de rénovation énergétique des bâtiments, lancé en 2018 par le ministère chargé du logement et le ministère de la transition écologique et solidaire, doit permettre, avec l’appui des financements apportés par le Grand Plan d’investissement, d’augmenter les aides à la rénovation énergétique des logements pour les ménages modestes et très modestes : 1,2 milliard d’euros ont été réservés à cet effet jusqu’en 2022.

De nombreux dispositifs ont été mis en place pour accompagner les ménages modestes dans le financement des travaux d’isolation thermique et de rénovation des systèmes de chauffage. On peut ainsi citer le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), le programme « Habiter mieux », piloté par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), les certificats d’économies d’énergie, en particulier le « Coup de pouce chauffage » et le « Coup de pouce isolation », financés par les fournisseurs d’énergie, l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), financé par l’État et distribué par les établissements bancaires, la TVA à taux réduit pour les travaux et les programmes complémentaires financés par les collectivités locales.

Afin de faciliter l’accès des ménages modestes qui sont propriétaires occupants de leurs logements à ces financements, qui se multiplient, le Gouvernement a souhaité que les aides versées dans le cadre du CITE et du programme « Habiter mieux » soient fusionnées dans une prime unique dès le 1er janvier 2020. Par ailleurs, à l’occasion de sa prorogation, l’éco-PTZ a été rendu plus opérationnel et fortement simplifié, dès mars 2019 : la condition du bouquet de travaux a été supprimée, ce qui permet de lever la contrainte de liquidité pesant sur les ménages qui ne réalisent pas de bouquet de travaux.

Les locataires doivent également pouvoir bénéficier de logements performants. À ce titre, le CITE sera étendu aux propriétaires bailleurs. L’ANAH continuera à soutenir financièrement les propriétaires bailleurs s’engageant à louer leurs logements aux ménages modestes selon les tarifs conventionnés.

De même, il convient de saluer l’ambition du Gouvernement de faire de la lutte contre les passoires thermiques une réalité, notamment pour les logements occupés par des ménages aux revenus modestes.

À cet égard, l’ambition portée par le plan de renouveau du bassin minier est exemplaire, avec un objectif affiché de rénovation de 23 000 logements dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. Lors de mes échanges avec les habitants de la cité Heurteau, à Hornaing, où 153 logements sont concernés par ce grand plan, ce qui est loin d’être anodin, j’ai eu l’occasion de mesurer combien la lutte contre la précarité énergétique commence par la rénovation thermique des logements.

Je voudrais également mettre l’accent sur le chèque énergie, qui permet aux ménages bénéficiaires de régler leur facture d’énergie, quel que soit leur moyen de chauffage. Ceux-ci peuvent également l’utiliser pour financer des travaux de rénovation énergétique dans leur logement.

Le chèque énergie a remplacé en 2018 les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité. Il permet de pallier les défauts constatés des tarifs sociaux, dont le nombre de bénéficiaires était nettement inférieur à celui des ayants droit. Pour rappel, la valeur moyenne du chèque énergie est passée de 150 euros en 2018 à 200 euros en 2019. Son public a également été élargi, puisque le nombre de ménages concernés est passé de 3,6 millions à 5,8 millions. Nous pouvons imaginer que ce dispositif continuera d’augmenter dans son montant, mais aussi par le nombre de ménages concernés : c’est l’une des pistes de travail qu’a proposées notre rapporteur.

En définitive, s’il est plus que jamais nécessaire de lutter contre la précarité énergétique, les mesures envisagées dans cette proposition de loi soulèvent chez nous un doute quant à leur efficacité et leur validité juridique. Aussi le groupe La République En Marche votera-t-il contre ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer celles et ceux qui, peu nombreux, sont venus débattre ce matin de cette proposition de loi et, plus largement, de l’enjeu que représente la précarité énergétique.

Permettez-moi, mes chers collègues, en réponse aux propos de certains orateurs précédents et, notamment, de Mme la rapporteure, de rappeler très rapidement les conditions de l’exercice : l’examen de cette proposition de loi se fait dans le cadre d’une niche de notre groupe. Il doit donc se faire dans un temps limité, ce qui impose de soumettre un texte ramassé, où il est impossible de traiter de tous les problèmes.

C’est le choix qu’a fait mon collègue Fabien Gay : aborder le sujet de l’énergie sous un angle spécifiquement social, dans la mesure où la précarité énergétique affecte de plus en plus de nos concitoyens et rend les fins de mois, voire les milieux de mois, très compliqués. Bien des femmes et des hommes doivent choisir, dans notre pays, entre manger et se chauffer. Cette charge est toujours plus lourde pour nos ménages et ses conséquences sont toujours plus insupportables !

J’ai évidemment bien entendu tous les enjeux évoqués par les autres orateurs et, notamment, celui de la rénovation du bâti. Certes, cette première action possible sur le long terme pour lutter contre la précarité énergétique n’est pas présente dans ce texte, mais l’urgence environnementale comme l’urgence sociale sont indéniables.

Force est de constater que, année après année, de plus en plus de gens basculent dans la précarité énergétique : c’est le cas, cette année, de 230 000 personnes, selon le rapport de l’Ademe. Dans le département de la Loire, la Fondation Abbé Pierre rapporte que 68 000 ménages consacrent plus de 12 % de leurs revenus au chauffage de leur logement.

Bien évidemment, j’ai entendu les objections : tout ce que nous proposons au fil des articles de ce texte serait trop compliqué et difficile.

Vous conviendrez pourtant, mes chers collègues, d’une chose : déclarer que l’accès à l’énergie est un droit fondamental n’est tout de même pas si difficile ! L’article 1er permet tout simplement de réaffirmer ce droit. Oui, aujourd’hui, l’accès à l’énergie est la garantie de pouvoir se chauffer de façon correcte au quotidien. Certes, cette année, l’hiver est peut-être plus clément que certaines années précédentes, le chauffage n’en demeure pas moins une nécessité absolue pour vivre dignement.

Je me permettrai également de rappeler à beaucoup d’entre vous qu’ils ont parfois voté en faveur de mesures autrement compliquées ! Ainsi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) : c’est très cher, c’est très compliqué, mais c’est adopté et reconduit année après année ! De sa mise en place à aujourd’hui, il nous a déjà coûté 100 milliards d’euros, et son inefficacité est fortement reconnue.

La problématique de la TVA a également été évoquée : au-delà de la complexité du dispositif, une difficulté juridique se poserait s’il n’y avait pas d’harmonisation de la TVA pour l’ensemble des ménages. Eh bien, puisqu’il faut faciliter et simplifier, vous auriez pu, madame la rapporteure, nous faire une autre proposition que celle que nous avions rédigée : on pourrait tout simplement, en reconnaissant l’énergie comme un bien de première nécessité, réduire le taux de TVA qui lui est appliqué.

Ainsi, si l’on compare notre situation à ce qui se fait dans d’autres pays européens, il s’avère que le taux de TVA sur l’électricité s’élève à 13,5 % en Irlande, à 10 % en Italie, à 8 % au Luxembourg et à 5 % au Royaume-Uni, pays qui, même s’il a quitté l’Union européenne, n’en demeure pas moins européen. Finalement, quand on veut, on peut toujours !

J’en reviens donc, avec la question de la TVA, à mon propos initial : réduire son taux, faciliter ainsi le paiement des factures de celles et ceux pour qui elles représentent une charge toujours plus importante ne sera pas la seule solution, mais c’est une mesure immédiate qui pourrait soulager nombre de nos familles.

Il faudra parallèlement, madame la secrétaire d’État, bien plus qu’un chèque énergie, bien plus que les aides qui existent aujourd’hui, et dont on ne peut que constater qu’elles ne sont pas à la hauteur, pour entreprendre une rénovation thermique d’ampleur des logements dans notre pays. C’est vrai dans les grandes villes comme dans les plus petites communes.

Il faut être en mesure de mobiliser l’ensemble des bailleurs sociaux, qui ont été fragilisés par la loi ÉLAN quant à leur financement possible et, par conséquent, à leur capacité à investir et à procéder à la rénovation thermique nécessaire. Il faudra également mobiliser l’ensemble des propriétaires privés de notre pays pour effectuer l’indispensable montée en gamme du plus grand nombre de logements et ainsi réduire réellement tant la fracture que la facture énergétiques.

Nous sommes tous conscients de l’urgence sociale à laquelle il faut répondre, mais aussi du défi environnemental qu’il nous faut relever. Investir fortement dans la rénovation du logement permettrait en outre de créer nombre d’emplois ; les cotisations nouvelles qui en résulteraient produiraient notamment les ressources nécessaires pour financer les mesures que nous proposons dans ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Fabien Gay nous permet de débattre d’un sujet qui représente, bien entendu, un enjeu social, mais n’en est pas moins un sujet économique et environnemental qui touche au quotidien de nombreux Français.

Selon l’ONPE, 6,7 millions de ménages français modestes consacrent plus de 8 % de leurs revenus à l’énergie et 15 % des ménages affirment avoir souffert du froid dans leur domicile : parmi les explications les plus fréquentes, des défauts d’isolation sont évoqués par 40 % de ces ménages, un manque de chauffage par 28 % d’entre eux.

Une récente étude de l’Insee sur la vulnérabilité énergétique, qui incluait chauffage et mobilité, a fixé le seuil maximal acceptable pour un ménage : la facture énergétique du logement ne devrait pas représenter plus de 8 % de ses dépenses ; celle des déplacements, plus de 4,5 %. Selon ces critères, un ménage sur cinq est en situation de vulnérabilité énergétique.

Par ailleurs, on remarque que les habitants des zones rurales, en particulier les retraités modestes, sont surreprésentés dans ces résultats. En effet, sur 3,8 millions de ménages en situation de précarité énergétique en France, plus de 50 % habitent en zone rurale ou dans une agglomération de moins de 20 000 habitants. En outre, les factures de chauffage dans les zones rurales seraient supérieures de 23 % à la moyenne nationale. Ainsi, il apparaît nécessaire d’accorder une attention particulière à la précarité énergétique en zone rurale.

Ce sujet fondamental nous oblige à être pragmatiques et concrets.

Tout d’abord, les données que j’ai évoquées justifient la nécessité d’encourager les travaux de rénovation énergétique dans les territoires ruraux.

En ce sens, je rejoins totalement la position de Mme la rapporteure et de la commission, qui privilégient l’amélioration des dispositifs existants plutôt qu’une consécration de l’énergie au rang de droit fondamental, dispositif sans effet sur la vie quotidienne des Français.

Ensuite, il convient d’éviter toute mesure qui irait dans le sens d’une gratuité totale, ou quasi totale, de l’énergie. En effet, cela reviendrait à déresponsabiliser les ménages. Plus globalement, cela semble contraire aux objectifs d’efficacité énergétique et de lutte contre le changement climatique. Les citoyens doivent rester conscients de leur consommation énergétique. Aussi, les incitations financières nécessitent d’être davantage dirigées vers les économies d’énergie, les changements de comportements et la lutte contre les passoires énergétiques.

De plus, plusieurs dispositifs limitant les effets de la précarité énergétique existent déjà. Il semble important d’en mesurer l’efficacité et de leur apporter les améliorations nécessaires.

À ce titre, les tarifs sociaux de l’énergie ont été remplacés en 2018 par le chèque énergie, d’un montant moyen de 150 euros, dont 3,6 millions de ménages ont été destinataires. En 2019, le montant moyen de ce chèque a été porté à 200 euros en moyenne et étendu à 2,2 millions de nouveaux bénéficiaires. Néanmoins, 900 000 personnes ne savent toujours pas qu’elles sont éligibles à ce dispositif et seuls 75 % de ses bénéficiaires profitent réellement de cette aide. Ce dispositif doit être plus visible et sans doute être revalorisé.

Plusieurs dispositifs légaux protègent les ménages modestes. Je pense notamment à la trêve hivernale des coupures d’énergie et aux organismes qui aident au paiement des factures d’énergie, comme le fonds de solidarité pour le logement, ou encore les centres communaux et intercommunaux d’action sociale.

La meilleure façon d’éradiquer la précarité énergétique n’en reste pas moins la rénovation des passoires énergétiques. En effet, 80 % des Français seraient logés dans des bâtiments très énergivores. Une forte mobilisation des pouvoirs publics est donc indispensable pour remédier concrètement à ce problème.

D’autres dispositifs méritent d’être connus et, au besoin, renforcés. Je pense notamment au programme « Habiter mieux » de l’ANAH, qui permet de subventionner jusqu’à 50 % des travaux pour les ménages modestes. Les certificats d’économies d’énergie pourraient également constituer une piste d’action à renforcer et à élargir. Nous serons également très attentifs aux résultats du plan de rénovation énergétique des bâtiments lancé en 2018 ; il est important de le dynamiser et de l’amplifier pour atteindre les objectifs fixés.

La précarité énergétique est donc bien un problème global aux multiples facettes ; sa résolution passera inéluctablement par la simplification, le renforcement et la lisibilité accrue des aides et des processus de rénovation énergétique.

Le groupe Les Indépendants ne votera donc pas en faveur de cette proposition de loi, qui ne s’inscrit pas suffisamment dans l’amélioration et le renforcement des dispositifs existants, même si les intentions de ses auteurs sont louables et si son examen permet la tenue du débat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga.

M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la fracture sociale et la précarité sont une réalité dans notre pays. Certains de nos concitoyens souffrent de pauvreté énergétique : on estime qu’environ 12 millions d’entre eux sont touchés par ce problème. Selon des études publiées en mai 2017 par divers instituts, cette situation doublerait le risque d’être en mauvaise santé.

La précarité énergétique désigne la difficulté à se chauffer correctement et à un coût acceptable. Elle est causée par des revenus trop faibles pour payer des factures qui augmentent régulièrement. La mauvaise performance énergétique des logements aggrave la situation de personnes en condition de fragilité sociale. Les foyers modestes peinent à payer les factures et doivent renoncer à un certain confort.

Le sentiment d’avoir froid chez soi, de se sentir mal chauffé, est un indicateur de précarité énergétique. Celle-ci impacte la facture d’énergie, mais aussi la qualité de vie des personnes qui la subissent. Elle touche des publics divers – des jeunes, des retraités, des familles monoparentales et certains autres foyers – ; on peut donc être touché à tout âge et dans des situations variées.

Les chiffres sont éloquents : 87 % des foyers en situation de précarité énergétique sont dans le parc privé ; 70 % d’entre eux appartiennent aux 25 % de ménages les plus modestes ; 62 % sont propriétaires-occupants ; 55 % ont plus de 60 ans ; 65 % vivent en ville, 35 % dans les zones rurales. Par ailleurs, 11 % des Français disent avoir du mal à payer leur facture d’électricité ; les locataires sont trois fois plus concernés que les propriétaires. Enfin, selon une étude de l’Ademe, les 5,5 millions de ménages français les plus modestes consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques, contre seulement 6 % pour les plus aisés.

La mauvaise qualité thermique du parc de logement français induit la précarité énergétique : les trois quarts du parc de logement se situent dans les classes D, E, F ou G. Les augmentations de prix aggravent cette situation.

Ce problème écologique a aussi un impact social : les propriétaires qui ont les moyens d’acquérir un logement dans un bâtiment à basse consommation, dit « BBC », logement en moyenne 15 % plus cher qu’un logement traditionnel, ne sont pas touchés par la précarité énergétique, car leur domicile est moins énergivore qu’un logement standard. Cependant, un tel logement à énergie passive ou positive est quasi introuvable à la location.

Certaines solutions innovantes devraient permettre d’éradiquer le fléau qu’est la précarité énergétique. Les bâtiments vieillissent toujours plus et ne peuvent garantir une efficacité énergétique optimale. Rénover le parc des bâtiments permettrait d’endiguer ce problème : il s’agit de faire des travaux de rénovation sur l’ensemble du parc résidentiel, qu’il relève de particuliers, de bailleurs sociaux ou de syndicats de copropriétés.

La solution est de mettre en place et de financer un grand plan de rénovation énergétique des logements. Ces rénovations doivent être ambitieuses et ne pas concerner uniquement le remplacement des fenêtres ou le changement des chaudières.

Une autre piste concerne les logements mis en location. Pour en finir avec les passoires énergétiques, il faudrait mettre en place une réglementation plus contraignante pour les bailleurs : les logements qui ne respectent pas un standard minimal de performance énergétique devraient être considérés comme impropres à la location.

Cependant, il est important d’associer à un tel plan des outils de financement incitatifs et orientés vers les ménages aux revenus modestes.

Aujourd’hui, la situation est préoccupante, mais elle pourrait encore se dégrader. En effet, la nouvelle directive européenne sur les règles communes pour le marché de l’électricité, adoptée en juin 2019, pourrait apporter des modifications importantes. Ainsi, ce texte prévoit que les États membres pourront décider d’autoriser les fournisseurs à faire payer des frais de résiliation à leurs clients qui mettront fin à un contrat à prix fixe pour une durée déterminée avant le terme prévu. Cela signifierait la fin de la gratuité du changement de fournisseur pour les États qui donneraient de telles autorisations aux fournisseurs d’énergie. Il serait souhaitable que la France protège les consommateurs et conserve le principe de la gratuité du changement de fournisseur.

Un autre point qui suscite l’attention des consommateurs français est celui de la hausse du nombre des démarchages par les fournisseurs d’électricité. Cela entraîne une augmentation du nombre de litiges portant sur des contestations de souscription ou des dénonciations de pratiques commerciales abusives.

Pour les commerciaux employés par les fournisseurs d’énergie, tous les moyens sont bons pour entrer au domicile des particuliers et avoir accès à leurs factures d’énergie. Les méthodes commerciales douteuses sont légion : certains usurpent l’identité de concurrents, ou se font passer pour des releveurs de compteurs. Les personnes âgées sont un public très vulnérable, mais les petites entreprises sont aussi la cible des fausses promesses des démarcheurs. Sans le vouloir, parfois même sans le savoir, des usagers ont changé de fournisseur ! Quand ces victimes s’en aperçoivent, elles doivent contester être à l’origine de la souscription auprès de ce nouveau fournisseur.

Pour éviter les dérives de ces démarchages, les fournisseurs d’énergie doivent prendre leurs responsabilités et prévoir un mode de rémunération décent pour les démarcheurs à domicile, avec un salaire fixe complété par une prime variable. Pour garantir le bon fonctionnement du marché de l’énergie libéralisée, plusieurs conditions sont requises : entre autres, les prix des offres de marché doivent demeurer raisonnables et les pratiques des fournisseurs d’énergie doivent être saines.

À l’instar de la rapporteure de cette proposition de loi, notre collègue Denise Saint-Pé, que je félicite pour son excellent travail, si je partage la majorité des constats faits par M. Fabien Gay, auteur de cette proposition de loi, je considère que les solutions qu’il propose seraient difficiles à réaliser. De plus, je ne crois pas que le « tout gratuit » soit la bonne solution. Il déresponsabilise et serait trop onéreux pour la collectivité, mais aussi difficile, voire impossible à mettre en œuvre pour les fournisseurs.

Comme l’a préconisé notre rapporteure, il faut améliorer les dispositifs existants, tels que le chèque énergie, avec pour principale cible les plus précaires.

C’est pour ces raisons que les membres de mon groupe ne voteront pas cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, aujourd’hui, la précarité énergétique touche 7 millions de personnes en France, soit 233 000 personnes de plus qu’en 2018. Ce constat est terrible. Ces personnes consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses d’énergie dans le logement.

C’est un problème social qui se traduit par une pauvreté et une solitude croissante de la population. Le rapport de la Fondation Abbé Pierre pour 2020 explique que la « monorésidentialité » est l’une des causes principales du mal-logement.

Cet enjeu social est doublé d’un problème de santé publique et triplé d’un problème environnemental, en raison de la déperdition d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre ainsi occasionnées.

En effet, si les augmentations des prix de l’électricité et du gaz peuvent impacter les consommateurs et accroître les difficultés qu’ils rencontrent pour payer leurs factures, c’est parce qu’ils occupent des passoires thermiques, des logements mal isolés.

Les pouvoirs publics ont compris l’importance de ce sujet, mais peinent à rénover ces 7 millions de passoires énergivores. La précarité énergétique est donc bien un enjeu fondamental de la transition énergétique.

La vraie question est, me semble-t-il, la suivante : quel soutien apporter aux ménages pour une transition écologique plus juste et comment faciliter leur accès aux aides de rénovation énergétique ?

La proposition de loi que nous étudions aujourd’hui met ainsi sur la table ce sujet essentiel et vise à compléter les nombreux outils existants au travers de quatre mesures énoncées précédemment.

Plusieurs remarques me viennent à l’esprit.

D’abord, nombreux sont les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique des bâtiments mis en place : CITE, éco-PTZ, TVA réduite, chèque énergie, etc. S’ils ont le mérite d’exister, les retours du terrain indiquent qu’ils doivent gagner en lisibilité et en simplification pour être bien stabilisés. Il me semble donc fondamental de commencer par dresser un bilan des dispositifs déjà existants et de contribuer à leur amélioration.

Ensuite, les mesures d’urgence proposées dans ce texte sont curatives et non préventives. Elles risqueraient donc de déresponsabiliser les ménages concernés. En effet, aucune proposition n’est formulée sur le montant de la facture énergétique ou sur les actions à mettre en œuvre pour maîtriser les consommations et, par conséquent, limiter l’accumulation d’une dette substantielle. L’interdiction de procéder à des coupures d’énergie ne pourrait s’entendre que si des mesures tendant à la maîtrise des consommations et à la rénovation énergétique étaient engagées.

Je formulerai la même remarque sur les dispositions fiscales envisagées.

Il me semble que la priorité est d’accompagner les ménages précaires de manière préventive, en leur apprenant les bons gestes de consommation et en les mettant en relation avec les services sociaux ou associatifs pour engager des actions de rénovation, par exemple.

La réponse durable structurelle à la précarité énergétique, c’est la rénovation du parc immobilier existant, ce qui permettra, au passage, de lutter contre l’artificialisation des sols et de préserver la biodiversité, sujet qui vous est cher, madame la secrétaire d’État, à vous comme à nous.

Des investissements accrus permettraient de dépasser les limites des aides actuelles, en finançant mieux des rénovations complètes : chauffage, isolation, ventilation…

Je souligne le rôle déterminant des collectivités locales pour identifier les zones de précarité énergétique et accompagner les ménages. À ce titre, Enedis constitue un vrai soutien. Dans mon département, il a lancé un groupe de travail sur la précarité énergétique avec plusieurs acteurs – collectivités locales, entreprises de proximité et de médiation – et a notamment développé un outil, PrécariTER, qui aide les collectivités à diagnostiquer la précarité énergétique.

Avec la question de la simplification des dispositifs de soutien à la rénovation énergétique des bâtiments, c’est dans la lutte contre la pauvreté et pour la rénovation du parc immobilier que nous devons nous investir pour combattre efficacement la précarité énergétique.

Je voterai contre cette proposition de loi.