M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Presque ?

M. Éric Bocquet. … du Gouvernement et de l’Assemblée nationale ne peut pas vraiment déplaire à notre majorité sénatoriale – il est difficile de se défaire de l’impression qu’il n’y a entre vous que quelques nuances ici et là.

Pour le reste, je rappelle qu’ont été rejetés, ici comme à l’Assemblée nationale, nos amendements visant à promouvoir une plus grande justice fiscale via un barème plus progressif de l’impôt sur le revenu, avec onze tranches, à rétablir l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune), à supprimer le PFU (prélèvement forfaitaire unique). Sur ces points, il y a eu consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

À l’évidence, ce budget n’est pas la réponse à la situation sociale du pays. Les gens vous le disent depuis quatorze jours, monsieur le secrétaire d’État, à propos du projet de réforme des retraites, qui s’inspire de la même logique : une baisse du niveau des pensions et un changement de philosophie qui ouvrent la porte, à terme, qu’on le veuille ou non, à un système par capitalisation, provoquant l’inquiétude grandissante de nos concitoyens.

Ce budget est dans la continuité de cette philosophie : affaiblissement de l’État, moins de services publics, chasse à la dépense publique, laquelle serait par nature nocive, voilà autant de notions que l’on a pu entendre régulièrement, ici, au cours des débats.

Cette question préalable, je l’ai dit, est en quelque sorte un retour à la case départ ; je ne rappellerai pas ici les propos qui avaient été tenus par Pascal Savoldelli, en première lecture, pour justifier de soumettre à votre vote, mes chers collègues, une telle motion. Tout ce qu’il avait dit alors reste d’actualité. Vous comprendrez, dans ces conditions, que, renvoyant dos à dos les auteurs de ce budget libéral à deux voix, nous ne votions pas la présente question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous procédons aujourd’hui à la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2020.

Cette année encore, une motion tendant à opposer la question préalable a été déposée par la commission des finances, ce qui risque fort de nous priver d’un examen détaillé des articles du projet de loi. Notre groupe, par principe, n’est pas favorable à cette démarche, même si nous comprenons bien les contraintes de calendrier extrêmement strictes avec lesquelles le Parlement doit composer, ainsi que les arguments que vous avez mobilisés, monsieur le rapporteur général, pour motiver votre pessimisme s’agissant d’une éventuelle poursuite du débat.

À rebours de ce que la rédaction de la motion laisse entendre, nous saluons les efforts accomplis en matière de maîtrise des comptes publics. Comme nous l’avons déjà dit ici même, nous aurions souhaité que ces efforts fussent plus ambitieux ; mais un principe de réalité s’impose. Nous constatons donc que ce budget va, globalement, dans le bon sens. Nous saluons en particulier les baisses de prélèvements obligatoires, tant pour les ménages que pour les entreprises. Ces mesures permettent de soutenir le pouvoir d’achat de nos concitoyens, et ce même si les prévisions de croissance ont récemment été revues à la baisse.

Pourtant, les réserves ne manquent pas. Et pour cause : élus à la chambre des territoires, nous avons toujours à cœur de relayer et de faire valoir les revendications des collectivités territoriales et des acteurs du terrain. Cette année, ces revendications ont une pertinence toute particulière, puisque ce budget est d’abord celui de la fiscalité locale.

S’agissant de la compensation par l’État de la suppression de la taxe d’habitation pour les collectivités, le groupe Les Indépendants a fait savoir, dès la première lecture, qu’il ne soutenait pas le principe d’un report dans le temps. Mais les ajustements paramétriques proposés par le Sénat, concernant par exemple la revalorisation à l’inflation des valeurs locatives, nous semblaient légitimes pour préserver l’autonomie financière des collectivités. L’Assemblée nationale aurait pu, sur ce point, se ranger à la sagesse du Sénat sans pour autant retarder la mise en œuvre de la réforme ou en modifier profondément l’architecture.

Même cas de figure concernant la rationalisation du dispositif de mécénat pour les grandes entreprises : si l’argument financier ne peut laisser insensible, une approche trop comptable risque, en l’occurrence, de priver les acteurs de terrain de financements vitaux pour le tissu associatif. Car rationaliser le dispositif de mécénat pour les versements importants, c’est tarir des ressources qui manquent déjà. L’Assemblée nationale a choisi d’ignorer les modifications que nous avions votées à la quasi-unanimité. C’est regrettable ! Cette mesure introduit de l’incertitude autour d’un dispositif qui brillait notamment par sa lisibilité et par sa stabilité, ce qui n’est pas si courant dans notre pays ; elle instaure en outre une forme de hiérarchisation des causes.

Notre groupe a été force de propositions. Il a notamment cherché à encourager les collectivités à s’engager de façon volontaire dans la transition écologique. Ainsi notre proposition, largement partagée ici, visant à ouvrir le FCTVA (fonds de compensation pour la TVA) à la location de véhicules électriques et hybrides constituait-elle une réponse pragmatique à un besoin exprimé par les élus locaux ; son adoption aurait fait avancer concrètement la transition écologique. Elle a connu le même sort que plusieurs de nos propositions ; nous le regrettons amèrement.

De même, nous soutenions la position de sagesse arrêtée par la commission des finances concernant la taxe forfaitaire sur les CDD d’usage. Notre groupe en avait proposé la suppression pure et simple, mais le décalage dans le temps nous paraissait à la fois nécessaire et raisonnable. Nous regrettons que cette proposition n’ait pas été retenue.

En définitive, le budget tel qu’il nous est présenté affiche un recul du déficit nominal. Le volet des dépenses aurait pu, et aurait dû, compte tenu de la conjoncture favorable, être plus ambitieux en matière d’économies. Mais nous nous réjouissons que les budgets régaliens aient été sanctuarisés. Je pense notamment à la mission « Défense », dont j’ai eu l’honneur d’être l’un des rapporteurs. Les crédits de cette mission respectaient les prévisions de la loi de programmation militaire. Nous les avons votés, tous autant que nous sommes, adoptant la seule position responsable, afin de doter nos forces armées des ressources dont elles ont besoin pour assurer notre sécurité, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières.

Mes chers collègues, le groupe Les Indépendants soutient une politique ambitieuse de réduction des dépenses publiques, tant que celle-ci ne se fait pas au détriment des fonctions régaliennes de l’État. De nombreuses améliorations peuvent encore être accomplies en matière de rationalisation de l’action publique, sans que cela nous pénalise collectivement face aux grands défis auxquels notre pays devra faire face. (M. Alain Marc applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, autant tuer le suspense tout de suite : le groupe Union Centriste votera dans sa grande majorité la question préalable.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Vincent Delahaye. Nous remercions le rapporteur général d’avoir accepté d’amender la première version de son texte pour nous permettre d’en partager la quasi-totalité des considérants, à quelques nuances près, sans lesquelles nous ne serions pas centristes. (Sourires.)

Le mot qui nous revient le plus à la bouche à l’issue de ce débat budgétaire, c’est le mot « frustration ».

Première frustration : nous ne pouvons pas nous empêcher de nous dire « Tout ça pour ça ! » Autant de travail, des centaines d’heures passées en commission et en séance publique à débattre, à discuter, à voter, pour aboutir à un résultat si maigre. À voir ce que l’Assemblée nationale a retenu du travail du Sénat, il est vrai que le bilan est décevant.

Pouvons-nous nous réjouir d’avoir établi un nouveau record sous la Ve République en termes de volume ? Le projet de loi de finances pour 2020 compte 393 articles, un nombre incalculable de pages. Pour ma part, je n’en suis pas très fier. Cela fait partie, me semble-t-il, des effets négatifs de la loi sur le non-cumul des mandats.

M. Julien Bargeton. Aurions-nous trop de temps ? (Sourires.)

M. Vincent Delahaye. Nous sommes sans doute beaucoup plus prolixes, ce qui se traduit en nombre d’amendements et d’articles. Je ne suis pas sûr que la loi en sorte plus claire et plus compréhensible pour nos compatriotes.

Deuxième frustration : la façon dont les amendements de nombreux collègues ont été traités. Cette année encore, beaucoup d’entre eux ont eu le sentiment que plusieurs de leurs amendements avaient été balayés d’un revers de main sans qu’ils puissent les défendre au mieux.

Nous n’avons toujours pas les outils indispensables à une mesure efficace de l’impact budgétaire de nos propositions. La forteresse de Bercy est demeurée inviolable ! Nous n’avons à notre disposition que les moyens du bord. Nous tentons chaque année de chiffrer le mieux possible nos propositions pour nous entendre dire, en séance, que celles-ci sont, au pire, déraisonnables ou, au mieux, trop ambitieuses. Ce n’est pas dans de telles conditions que le Parlement peut accomplir sa mission pourtant fondatrice qu’est l’élaboration du budget de la Nation.

Troisième frustration : des propositions de fond ont été rejetées. J’ai défendu de telles propositions sur l’impôt sur le revenu et, au nom du groupe Union Centriste, sur l’imposition des plus-values immobilières. Cela fait quatre ans que je fais adopter un amendement dont la mise en œuvre simplifierait considérablement l’imposition des plus-values immobilières, avec à la clé une baisse des taux et, à mon sens, davantage d’efficacité économique.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est dix ans qu’il faut attendre !

M. Vincent Delahaye. Nous sommes persévérants – et je le suis moi-même, à titre personnel –, monsieur le secrétaire d’État. J’ai bon espoir que le Gouvernement nous écoute sur ce sujet, comme sur d’autres d’ailleurs. J’espère que viendra le moment où les graines que nous semons ici, au Sénat, finiront par germer. Comme le disait notre rapporteur général, nous avons peut-être, parfois, raison trop tôt ; mais on ne saurait désespérer de rien, et quand on pense avoir raison, on pense aussi pouvoir en convaincre les autres.

Quatrième frustration : nous avons voté un budget qui ne ressemblait à rien. Cinq missions ont été supprimées par le Sénat, notamment l’agriculture, la justice, la sécurité, l’écologie. Ce n’est pas sérieux ! Je le dis à l’attention de l’ensemble des rapporteurs spéciaux des différentes missions : lorsque nous ne sommes pas d’accord avec un budget, nous devons l’amender.

M. Philippe Dallier. C’est quasiment impossible !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il y a l’article 40 !

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. La Constitution l’interdit ! Elle nous infantilise !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est la LOLF qu’il faut supprimer !

M. Vincent Delahaye. Le texte qui sort du Sénat doit permettre de financer l’ensemble des missions considérées comme nécessaires pour notre pays. En cas de désaccord, je suis pour que nous fassions des propositions et présentions des amendements plutôt que de procéder à la suppression pure et simple de missions.

Au-delà de la frustration, je voudrais dire à l’ensemble de nos collègues qu’il faut sortir de la logique suivant laquelle un bon budget est un budget en augmentation. C’est vrai pour toutes les missions ; j’ai le sentiment, à écouter nos débats, que dès lors qu’un budget n’augmente pas, ce n’est pas un bon budget.

Éric Bocquet disait que nous parlions souvent de l’argent public. Je voudrais lui rappeler qu’on n’a jamais dépensé autant d’argent public. Pourtant, nos compatriotes sont assez mécontents des services publics, et les personnels de ces services ne sont pas moins mécontents des conditions dans lesquelles ils exercent leurs missions.

M. Jean Bizet. Exactement !

M. Vincent Delahaye. Nous devrions nous poser des questions. Je dirais même qu’il s’agit là d’une question fondamentale à se poser quand on étudie un budget comme celui qui nous a été présenté.

Il faut arrêter de distribuer sans cesse de l’argent supplémentaire ; cela ne rend pas forcément les gens heureux. L’an dernier, 17 milliards d’euros pour les « gilets jaunes » ; un an après, qu’en a-t-on fait, monsieur le secrétaire d’État ? Ces milliards sont passés en dépenses de consommation, dans les commerces ou ont été déposés sur des comptes d’épargne, dont les taux d’intérêt sont, pour la plupart, très proches de zéro. En réalité, on n’a pas rendu les gens plus heureux. Il faut donc arrêter de distribuer de l’argent que nous n’avons pas et de laisser penser que l’État a encore beaucoup de moyens, alors qu’il est fauché !

Comme je l’ai déjà dit, le groupe Union Centriste, dans sa grande majorité, votera la question préalable. Compte tenu de l’échec de la commission mixte paritaire et du temps déjà consacré par le Sénat à ce projet de loi de finances, nous n’avons que peu d’illusions sur l’utilité d’un examen complémentaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac.

M. Thierry Carcenac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis une dernière fois aujourd’hui pour examiner le projet de loi de finances pour 2020, après l’échec de la commission mixte paritaire et la deuxième lecture de l’Assemblée nationale.

Je le dis d’emblée : je serai bref, dans la mesure où le groupe socialiste et républicain a déjà eu l’occasion d’exprimer à de multiples occasions sa position sur ce texte dans ses différentes versions, en première lecture notamment, par ma voix, d’abord, puis, au terme de la discussion, par celle de Claude Raynal.

Nous étions opposés au texte du Gouvernement ainsi qu’au texte issu de l’Assemblée nationale, que nous jugions insuffisamment redistributifs et, sur un très grand nombre de sujets, insuffisamment ambitieux.

Si elle a utilement corrigé certaines dispositions, la majorité sénatoriale a proposé un texte qui ne répondait en rien aux problématiques que nous avions soulevées. Nous avons donc voté, en première lecture, contre le projet de loi de finances.

Fort logiquement, la commission mixte paritaire ne fut pas conclusive. On ne peut que le regretter. Débattre à nouveau, ici même, sur un ensemble aussi large de dispositions, qu’il soit proposé de les abandonner ou de les rétablir, cela paraît inopportun.

Je me permettrai donc de regretter la volonté de la majorité présidentielle et du Gouvernement de ne pas entendre la parole du Sénat et de mettre en œuvre une démarche systématique de détricotage des travaux de la Haute Assemblée. Du point de vue de la méthode, nous ne pouvons que le regretter. Quand on regarde les travaux de l’Assemblée nationale, d’ailleurs, on constate que celle-ci a procédé, sans forcément beaucoup en débattre, à un véritable détricotage.

Concernant le fond, cependant, nous considérons qu’il ne nous appartient pas d’arbitrer entre un projet de loi de finances de droite et un projet de loi de finances de droite.

M. Roger Karoutchi. Allons bon !

M. Thierry Carcenac. Les deux sont de droite !

M. Roger Karoutchi. Il vient de chez vous ! (Lintervenant désigne M. le secrétaire dÉtat.)

M. Thierry Carcenac. Lorsqu’il est question de la fonction publique, notamment du temps de travail que d’aucuns, ici, voudraient imposer aux fonctionnaires, et de vos propositions en matière de masse salariale, on voit que le projet défendu par la majorité sénatoriale est un projet de droite assumé. Lorsque je regarde ce que fait le Gouvernement, qui n’écoute pas nos propositions, je vois là aussi un projet de droite.

Notre groupe a formulé des propositions fortes, sous la forme d’un budget alternatif que nous avons rendu public et qui traduit nos trois priorités politiques : accroître la justice fiscale et la justice sociale ; engager une transition écologique réelle et non plus d’affichage ; encourager nos territoires.

C’est à nos concitoyens, désormais, de se faire une opinion sur les orientations politiques retenues par le Gouvernement et par la majorité sénatoriale.

Pour ce qui concerne la question préalable – je l’ai dit –, notre groupe en comprend la philosophie ou, à tout le moins, la motivation. Je tiens notamment à exprimer notre inquiétude quant au refus par le Gouvernement de reporter la réforme visant à compenser la suppression de la taxe d’habitation. À regarder d’autres dispositions bien particulières, concernant par exemple le logement social, on ne peut qu’être inquiet sur les choix qui ont été faits par l’Assemblée nationale. Cependant, mes chers collègues, plusieurs considérants énoncés par le rapporteur général nous conduiront à nous abstenir sur la motion tendant à opposer la question préalable. Si nous pouvons en effet vous rejoindre pour dénoncer la méthode de travail du Gouvernement, les constats politiques que nous formulons divergent assez largement.

M. le président. La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, reconnaissons-le, l’adoption plus que probable de la motion tendant à opposer la question préalable en nouvelle lecture de ce projet de loi de finances, qui entraînera le rejet du texte, est davantage dictée par des impératifs d’agenda et par des frustrations déjà exprimées que par des considérations strictement politiques. En effet, l’Assemblée nationale a achevé ses travaux tard la nuit dernière.

Mes collègues du groupe du RDSE et moi-même comprenons cette situation, bien que cela limite, à nos yeux, les prérogatives du Sénat, a fortiori dans le contexte social difficile que nous traversons en ce moment. Nous le répétons chaque année, les conditions d’examen du projet de loi de finances sont très particulières et ne sont pas toujours idéales. Des délais très contraints pour prendre connaissance du texte et pour proposer des amendements, avec l’obligation d’examiner l’ensemble en seulement vingt jours, nous conduisent bien souvent à survoler les différents sujets, qui sont pourtant nombreux et techniques.

Acte très politique, le vote du budget traduit le soutien accordé ou non à la politique du Gouvernement. C’est pourquoi l’échec de la commission mixte paritaire faisait, comme chaque année, peu de doute.

Avec près de 2 500 amendements déposés en première lecture, nous avons de nouveau battu un record. Je rappelle qu’il y avait eu 2 000 amendements l’an dernier, 1 400 amendements en 2017 et « seulement » 1 000 amendements en 2015. L’explication de Vincent Delahaye, qui a mis en avant le non-cumul des mandats, est peut-être la bonne.

En quatre ans, le nombre d’amendements au PLF a donc plus que doublé. C’est sans doute aussi une conséquence de la suppression du collectif « balai » de fin d’année, qui faisait souvent office de projet de loi de rattrapage.

Comme je l’ai déjà souligné à l’issue de la première partie, je rappellerai de nouveau ici la place pivot de ce budget à la moitié du quinquennat.

En première lecture, le Sénat avait reporté d’un an la réforme du financement des collectivités territoriales. L’Assemblée nationale, lundi, a rétabli sa version, en adoptant une très longue série d’amendements. Elle a également supprimé les nombreuses niches fiscales introduites par la majorité sénatoriale, en particulier sur l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) ou encore sur les droits de succession et les donations. Concernant le CITE, elle est revenue sur l’élargissement aux propriétaires bailleurs. Enfin, la plupart des nouveaux articles introduits par le Sénat ont été supprimés. Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d’État, la frustration de mes collègues qui se sont investis dans ce PLF.

Je regrette, pour ma part, la suppression de dispositions adoptées sur l’initiative de membres de mon groupe tant sur la fiscalité du numérique qu’en ce qui concerne l’agriculture ou l’aménagement du territoire.

Comme il est difficile de se prononcer sur l’ensemble des modifications votées par l’Assemblée nationale ces deux derniers jours, je rappellerai simplement la contribution apportée par les sénateurs et sénatrices du RDSE, dont nous pouvons être fiers.

En ce qui concerne la fiscalité du numérique, comme je l’ai souligné, l’assujettissement des « pure players » du commerce en ligne à la taxe sur les surfaces commerciales répondait à une question d’équité fiscale, notamment par rapport aux acteurs traditionnels.

Sur la fiscalité énergétique, nous avons soutenu avec succès des modes de chauffage renouvelables et l’usage de carburants alternatifs. La fiscalité environnementale ne doit pas s’opposer aux activités agricoles, elle doit au contraire être complémentaire : nous l’avons montré dans des domaines cruciaux comme l’apiculture ou la protection des espaces forestiers.

En matière d’aménagement du territoire, nous avons défendu, comme chaque année, la cause des territoires ruraux et enclavés, avec la préservation des petites lignes aériennes dans le cadre de la hausse de la taxe sur les billets d’avion, mais aussi les activités de montagne et la préservation des zones de revitalisation rurale. Nous avons été à l’initiative d’une revalorisation importante du budget de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, qui entrera en fonction à partir du 1er janvier prochain.

Enfin, nous avons défendu les ressources financières des collectivités, comme celles des départements d’Île-de-France face aux atermoiements du financement du Grand Paris.

M. Éric Jeansannetas. Nous en connaissions le résultat…

Mes chers collègues, gardons à l’esprit qu’il s’agit d’une loi de finances initiale. Si son examen prend beaucoup de temps et d’énergie, cela reste un budget prévisionnel. La « sincérisation » des lois de finances depuis 2017 est saluée par tous. Toutefois, il est impossible d’éviter un décalage entre la prévision et l’exécution, car les hypothèses macroéconomiques – croissance, inflation, etc. – sont, par définition, difficiles à anticiper. C’est pourquoi le projet de loi de règlement de l’été et les missions de contrôle budgétaires doivent être revalorisés.

Nous ne pouvons pas non plus ignorer le contexte européen. Aux élections générales du 12 décembre dernier, le peuple britannique semble avoir confirmé sa volonté de quitter l’Union européenne telle qu’elle est aujourd’hui. Par ailleurs, la situation économique et politique d’autres voisins comme l’Italie reste préoccupante. Partout, les modèles politiques et sociaux sont remis en cause. Notre débat budgétaire en subit les conséquences. Ainsi, et il faut le déplorer, la gestion de la dette pèse inévitablement sur toutes nos politiques publiques.

À ce propos, je mentionnerai le récent film de Costa-Gavras, qui met en scène les âpres négociations qui ont eu lieu il y a quelques années sur le programme d’aide au désendettement de la Grèce. Il montre combien les questions budgétaires et le bon fonctionnement de la démocratie sont intimement liés.

Comme vous, monsieur le rapporteur général, nous ne nous faisons aucune illusion sur l’utilité de cette nouvelle lecture. Cependant, conformément à la tradition, le groupe du RDSE votera contre la motion. (Mme Josiane Costes applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de finances est effectivement particulièrement fourni. De ce point de vue, il ressemble parfois plus à une averse tropicale qu’à une bruine bretonne. Toutefois, n’oublions pas que nous n’avons pas eu de projet de loi de finances rectificative. Nous ne souhaitons d’ailleurs pas que le Gouvernement revienne à l’époque où il y avait deux, trois, voire quatre projets de loi de finances rectificative, avec parfois des centaines d’articles fiscaux. Évidemment, tout cela a une contrepartie, puisque le volet fiscal de ce projet de loi de finances a été particulièrement dense.

Quoi qu’il en soit, nous devons accepter l’idée d’organiser nos débats de façon différente puisqu’il n’y a plus de PLFR (projet de loi de finances rectificative). Je ne citerai pas les chiffres sur le nombre d’articles, ils ont déjà été rappelés à plusieurs reprises. J’insisterai en revanche sur un point que j’ai déjà évoqué, à savoir le rejet de cinq missions par le Sénat. Je comprends les contraintes liées à la Constitution.

M. Philippe Dallier. Et à la LOLF !

M. Julien Bargeton. En effet !

En tout état de cause, il est curieux de tout rejeter au motif que certaines missions ne sont pas assez abondées et que les crédits manquent. Pourquoi n’avons-nous pas voté les crédits ? Parce qu’on a critiqué le fait qu’il n’y avait pas assez d’argent ! Il est quelque peu paradoxal de critiquer sans cesse l’insuffisante réduction des déficits publics et de rejeter des missions en mettant les budgets à zéro, en quelque sorte, sous prétexte que des crédits manquaient ! D’ailleurs, dans la nouvelle version de la motion tendant à opposer la question préalable, sans doute après négociation au sein de la majorité sénatoriale, ce point-là a disparu, car un groupe n’a pas accepté les raisons ayant conduit au rejet de ces missions. C’est ce que l’honnêteté doit conduire à reconnaître !

Je souhaite également insister sur le fait que certains des apports du Sénat ont été pris en compte et préservés. Je sais bien que, sur les travées de la majorité sénatoriale et sur certaines travées de l’opposition, ce n’est pas suffisant. Je mettrai pour ma part l’accent sur quelques points qui ont été corrigés. Je pense aux amendements de notre collègue Dallier sur l’extension du taux réduit pour les travaux d’amélioration exécutés sur les logements cédés à bail emphytéotique ou sur l’application du taux de TVA réduit pour les acquisitions de terrains à bâtir destinés à des opérations de logement social. Ces deux modifications ont été finalement prises en compte et figurent dans le texte final.

De même, en ce qui concerne l’encadrement de l’article 57 sur l’utilisation des réseaux sociaux par le fisc, tous nos apports ont été conservés. Idem pour les foncières solidaires chargées d’un service d’intérêt économique général dans le domaine du logement : le Sénat a apporté diverses modifications, qui ont été conservées.

Par ailleurs, de nouveaux articles proposés par le Sénat ont été maintenus jusqu’au bout, notamment en ce qui concerne la TVA sur les livres audio et la TVA applicable aux services de presse, les véhicules des collectivités territoriales ou la dotation destinée à compenser les frais d’assurance supportés par les communes de moins de 3 500 habitants pour couvrir le coût résultant de la mise en œuvre de la protection fonctionnelle des maires. Il s’agissait d’une demande importante du Sénat : cette dotation est maintenue. Je pense que nous pouvons nous en réjouir, tout comme du maintien des modifications relatives aux agences comptables, qui avaient fait l’objet de critiques.

J’entends votre déception : ce n’est pas assez, et le Sénat voudrait être davantage écouté. Mais les acquis ne sont pas non plus négligeables !

Notre groupe a également contribué à amender ce texte. Je voudrais rendre ici un hommage appuyé à ma collègue Patricia Schillinger, qui a proposé un amendement visant à prévoir une expérimentation pour la distribution de protections périodiques dans différents lieux accueillant du public, notamment les centres d’hébergement d’urgence, les associations caritatives et les lieux d’enfermement. C’est une question importante qui lui tenait à cœur. La mesure a été maintenue jusqu’au bout, et l’expérimentation, qui était une préconisation figurant dans son rapport, pourra avoir lieu.

Nous nous félicitons donc de certains apports du Sénat. Nous en avons d’ailleurs voté certains. Quoi qu’il en soit, un texte comme le projet de loi de finances traduit nécessairement les orientations politiques d’une majorité, que nous soutenons. Je pense, en particulier, à l’importante baisse de fiscalité pour les classes moyennes qui travaillent. Je ne partage pas l’opinion émise par certains sur ce sujet, il est important de rendre du pouvoir d’achat aux classes moyennes : 9,3 milliards d’euros en 2020, 5 milliards d’euros d’impôts sur le revenu, la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages et la défiscalisation des heures supplémentaires. Comme nous sommes attachés à toutes ces mesures, nous rejetterons la motion tendant à opposer la question préalable. (M. Richard Yung applaudit.)