M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Stéphane Artano. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture.

L’audiovisuel public fait actuellement l’objet de toutes les attentions, avec 80 millions d’euros d’économies supplémentaires demandés aux entreprises du secteur, la fuite malheureuse d’un rapport qui propose la suppression de France Ô, le basculement de France 4 sur le numérique et, dernièrement, les propos peu amènes prêtés au Président de la République devant des députés, propos qu’il a précisés tout récemment sur France 2.

Il est tout à fait louable de vouloir moderniser pour relever les nouveaux défis du numérique et de l’accès à la culture et à la création. Pour autant, cela ne doit pas faire oublier la mission éducative de l’audiovisuel public.

Le manque de concertation inquiète légitimement nos concitoyens, attachés au service public, ainsi que des personnels, en métropole et dans les outre-mer, qui voient les choses se dessiner au gré des articles de presse, ne sachant où se décide précisément cette réforme. Il importe donc de définir rapidement une vision stratégique et un calendrier précis pour cette réforme que nous appelons de nos vœux.

Pour alimenter votre réflexion, les entreprises du secteur vous ont remis leurs propres propositions en novembre dernier. Parmi celles de France Télévisions figure le renforcement significatif du caractère régional de France 3, à l’instar de ce qui existe déjà en outre-mer grâce aux neuf chaînes du réseau Outre-Mer 1ère, chaînes de proximité de plein exercice.

J’aimerais aller un peu plus loin et connaître la philosophie de votre ministère sur la valorisation et le partage en métropole des cultures des outre-mer pour tous les publics.

Sur le fond, avez-vous retenu certaines des propositions formulées par France Télévisions, notamment en matière de régionalisation ? Nous confirmez-vous que la suppression de France Ô est définitivement écartée et que cette chaîne conservera sa vocation dans le groupe ?

Enfin, le Président de la République a annoncé une grande concertation. Vous évoquez vous-même des arbitrages en février ou mars prochains. Pourriez-vous nous préciser le calendrier de la réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur l’avenir de la chaîne France Ô, dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel public.

La présence de France Télévisions sur l’ensemble des territoires ultramarins au travers du réseau des chaînes Outre-Mer 1ère est une force de notre service public audiovisuel sur laquelle nous devons nous appuyer davantage.

Concernant France Ô, il est de la mission du service public de faire connaître au plus large public les actualités, la création, le patrimoine et les cultures de ces territoires. Ces dernières années, cette mission était principalement assurée par France Ô, dont la ligne éditoriale a été recentrée sur sa vocation ultramarine.

En réalité, la véritable question est celle de la présence des outre-mer sur toutes les antennes nationales de France Télévisions, afin notamment de leur assurer une plus grande visibilité. Cela vaut en matière d’information comme de création audiovisuelle. Je veux d’ailleurs saluer ici la qualité des fictions et des documentaires produits par le service public sur les territoires ultramarins. Ces contenus mériteraient d’être davantage exposés sur l’ensemble des antennes nationales.

Cette réflexion s’inscrit dans le cadre des travaux sur la transformation de l’audiovisuel public que le Président de la République a appelée de ses vœux et que nous avons lancée. Je rencontrerai encore l’ensemble des directeurs de l’audiovisuel public le 21 décembre prochain. Nous menons une vaste concertation, notamment avec la représentation nationale. Nous espérons pouvoir vous remettre les premiers résultats de ce travail en début d’année prochaine. À ce stade, aucune décision n’a été arrêtée. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

accueil des réfugiés

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Guillaume Gontard. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre d’État, j’ai assisté samedi dernier à Briançon aux états généraux des migrations. Pour l’occasion, rappelant la totale solidarité que requiert cette pratique, une cordée de 330 personnes s’est déployée le long du col de l’Échelle, là même où les panneaux « France » ont étrangement été retirés pour égarer les migrants.

Après avoir échappé à l’esclavage en Libye, après avoir évité la noyade en Méditerranée, hommes, femmes et enfants entreprennent par milliers la traversée des Alpes, à peine vêtus, malgré le froid, malgré la neige qu’ils découvrent pour la première fois.

Jamais depuis Hannibal la traversée des Alpes n’aura été aussi périlleuse. Mais le Gouvernement français, aveuglé par les chiffres et sans considération aucune pour la souffrance humaine, ramène à la frontière, par moins 10 degrés, ces gens à peine vêtus.

Comme partout sur le territoire, associations et citoyens se mobilisent pour le respect de la vie humaine, pour que l’on ne transforme pas les Alpes en cimetière. Certains ont même été condamnés pour leur humanité. Samedi, la police était d’ailleurs là pour relever les plaques d’immatriculation des encordés…

« Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des hommes et des femmes dans les rues, dans les bois. Je veux partout des hébergements d’urgence. » a dit le Président de la République. Or l’État gaze les migrants et leurs biens, lacère leurs tentes ou brûle leurs couvertures.

Étape supplémentaire dans l’indignité, votre circulaire du 12 décembre dernier autorise désormais la police à traquer les réfugiés jusque dans les hébergements d’urgence, provoquant l’ire des ONG. Indigne et absurde, cette mesure jettera dans les rues des gens qui, pour survivre, pourraient commettre l’irréparable.

Le Défenseur des droits dénonce un « tournant politique déplorable en termes de respect des droits et des libertés fondamentales ». Le Gouvernement lui répondra bientôt par un projet de loi Asile et immigration qui prévoit un doublement de la durée légale de rétention.

Monsieur le ministre d’État, cette politique respecte-t-elle le devoir et l’honneur de la France, invoqués solennellement par le Président de la République le 23 juin dernier ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Non, monsieur le sénateur, la politique de la France n’est pas indigne.

Oui, nous accueillons beaucoup de celles et de ceux qui ont droit à l’asile. Ce matin encore, j’accueillais un certain nombre de réfugiés venant du Darfour et de l’Érythrée.

Mais, comme l’a dit le Président de la République, autant nous devons accueillir celles et ceux qui sont victimes de la guerre ou de persécutions politiques dans leur pays, autant nous ne pouvons accueillir l’ensemble des migrants économiques. (Mme Éliane Assassi proteste. – Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Nous présenterons un projet de loi visant à réduire à six mois la durée d’examen de la demande d’asile, de manière à pouvoir très vite accueillir celles et ceux qui auront vocation à s’installer en France et éloigner les autres. (M. Pierre Laurent proteste.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, le nombre de non-admissions aux frontières s’est élevé à 100 000 cette année. Qui pense que nous aurions pu accueillir ces 100 000 personnes en sus des 95 000 qui ont déposé une demande d’asile en 2016 ? C’est impossible ! Il aurait fallu construire une ville entière, ce qui est totalement irréaliste ! Nous avons le sens des responsabilités ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

droit d’asile

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Au nom de mon groupe, je me joins aux propos que vient de tenir M. Gontard. Monsieur le ministre de l’intérieur, vous le savez, toutes les associations humanitaires protestent depuis quelques jours contre la circulaire que vous avez prise le 12 décembre dernier, donnant instruction d’opérer un tri parmi les personnes accueillies dans les centres d’hébergement d’urgence, au mépris du principe d’accueil inconditionnel qui est inscrit dans notre droit et fait l’honneur et la grandeur de notre pays.

Le Président de la République a dit qu’il ne voulait plus voir personne dormir dans les rues, dans les bois d’ici à la fin de l’année. Il vous reste donc onze jours, monsieur le ministre, pour donner une suite positive au vœu du Président de la République.

Chaque jour, depuis maintenant plusieurs semaines, un recul sans précédent du respect des droits fondamentaux en matière de politique migratoire est dénoncé par le Défenseur des droits, Jacques Toubon, le Secours catholique, la Fédération d’entraide protestante, la Fédération des acteurs de la solidarité, la CFDT, la Commission nationale consultative des droits de l’homme…

À Paris, des tentes de migrants sont lacérées ; à Calais, des centaines de couvertures sont détruites. Certains migrants, comme l’a rappelé M. Gontard, traversent les Alpes par des températures glaciales, au risque de leur vie. Les maires de grandes villes, de toute couleur politique, vous ont fait part de leur inquiétude.

Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez répondu à côté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.– Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Accueillez-les donc chez vous !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Aucun être humain, migrant ou non, ne peut être traité au mépris de nos règles de droit et de l’humanité.

Le candidat à l’élection présidentielle Emmanuel Macron mettait en avant l’honneur de la France d’accueillir des réfugiés, mais les actes d’aujourd’hui contredisent les paroles d’hier, envolées…

Monsieur le ministre, comptez-vous écouter toutes ces grandes voix qui vous alertent et vous demandent de rééquilibrer votre politique en mettant au cœur de celle-ci la dignité, le respect de la loi et celui des devoirs de la France ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice, de quoi parlons-nous ?

Mme Esther Benbassa et M. Pierre Laurent. De gens qui meurent !

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Nous parlons du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », qui recouvre deux types de centres.

Les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, accueillent des personnes ou des familles connaissant de graves difficultés économiques, familiales, de logement, de santé ou d’insertion. L’objectif est de les aider à accéder à leur autonomie personnelle ou sociale ou de la recouvrer.

Les centres d’hébergement d’urgence, quant à eux, permettent la mise à l’abri de toute personne pour un temps très particulier.

M. Vincent Éblé. Nous le savons !

M. Martial Bourquin. Ce n’est pas la question !

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Le nombre de places dans les centres d’hébergement d’urgence est de 128 000, en augmentation de 95 % par rapport à 2010. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons doublé le nombre de places ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Laurence Rossignol. C’est nous qui l’avons fait !

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Mais aujourd’hui, cela ne suffit pas. Cela montre que nous devons mener une politique d’immigration responsable. C’est ce que nous continuerons de faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.– Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

position de la france sur la protection des données personnelles numériques

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Jérôme Bignon. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Le projet de loi destiné à adapter la législation française au règlement général européen sur la protection des données personnelles – le RGPD – a été adopté mercredi dernier en conseil des ministres.

L’entrée en vigueur du règlement, qui réforme en profondeur notre cadre normatif de traitement des données, est fixée au 25 mai prochain. Le temps presse, par conséquent, et nous regrettons que les délais pour débattre d’un sujet aussi stratégique et complexe s’annoncent quelque peu serrés.

Le RGPD constitue pourtant une véritable révolution au service d’une meilleure protection des données personnelles : il crée un « droit à l’oubli » et à la portabilité des données pour les citoyens, il oblige les entreprises à recevoir le consentement « explicite » et « positif » des utilisateurs avant le traitement de leurs données, il contraint ces mêmes entreprises à prendre en compte des exigences relatives à la protection des données personnelles dès la conception des produits. Ce règlement permet de combler en partie le retard des régulateurs européens et nationaux sur les avancées technologiques.

Je souhaite saluer ici le rôle crucial joué par la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, Mme Falque-Pierrotin, dans les travaux européens qui ont conduit à l’adoption du RGPD.

Notre groupe se réjouit que cette régulation mette en valeur une conception très européenne, très protectrice de la vie privée, qui n’est pas celle des États-Unis.

Devant la puissance des entreprises américaines du numérique, en particulier des « GAFA » – Google, Apple, Facebook, Amazon –, devant une législation américaine particulièrement indulgente pour les services de renseignement des États-Unis dès que la sécurité nationale du pays est concernée – l’affaire Snowden l’a démontré –, comment la France compte-t-elle défendre au niveau européen et international le respect de ces nouvelles dispositions, notamment par les entreprises et le gouvernement américains, qui disposent d’un quasi-monopole sur l’hébergement des données numériques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, le projet de loi relatif à la protection des données personnelles, qui sera débattu à partir du mois de février prochain, vise en réalité à adapter la loi Informatique et libertés de 1978 à un nouveau cadre juridique européen composé d’un règlement et d’une directive, laquelle devra être transposée avant le 25 mai 2018.

Ce règlement et le texte français qui le transpose instaurent de nouveaux droits pour les citoyens, en particulier – c’est très important – un droit à l’effacement des données et un droit à la portabilité des données personnelles. Le cadre juridique sécurisé ainsi dessiné permettra de renforcer la confiance des citoyens dans l’utilisation qui est faite de leurs données personnelles.

Pour répondre précisément à la question que vous posez, monsieur le sénateur, il faut dire que le règlement constitue un cadre très protecteur pour l’ensemble des Européens en matière de données personnelles. Il est applicable à l’ensemble des entreprises et de leurs sous-traitants, quel que soit leur lieu d’implantation, dès lors qu’ils offrent des biens et des services à des personnes résidant sur le territoire de l’Union européenne.

C’est évidemment une avancée tout à fait considérable qui permet à la France de garder un rôle moteur dans ce domaine. Dans ce cadre uniformisé, les pouvoirs de la CNIL sont considérablement renforcés, puisqu’elle disposera d’un pouvoir de sanction, pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial consolidé.

En cas de contentieux, les juridictions nationales et/ou européennes pourront également être saisies et intervenir par rapport aux entreprises américaines. De plus, la France a souhaité être associée au « bouclier vie privée », adopté par la Commission européenne en 2016, qui permet les transferts de données des entreprises européennes vers les États-Unis. La France a rappelé la nécessité, pour l’administration américaine, de garantir un niveau de protection équivalent au standard européen. Ainsi, c’est une nouvelle forme de souveraineté que notre pays a promu au sein de l’Union européenne en matière de données personnelles. (MM. Alain Richard et Jean-Pierre Sueur applaudissent.)

bailleurs sociaux

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Ma question s’adresse à M. le ministre de la cohésion des territoires et concerne la politique du Gouvernement en matière de logement.

Deux sujets ont été au cœur de nos débats sur le logement au cours de l’examen du projet de loi de finances : la baisse de 1,5 milliard d’euros des aides personnalisées au logement, doublée d’une diminution des loyers de 1,7 milliard à 1,9 milliard d’euros, qui sera en fait supportée par les bailleurs sociaux, et la suppression de l’APL accession, dispositif qui permet pourtant aux ménages les plus modestes d’accéder à la propriété.

Nous avions cru, monsieur le ministre, que le Gouvernement entendait rechercher, ici au Sénat mais aussi avec les bailleurs sociaux, un compromis garantissant à ceux-ci de conserver les moyens de construire et d’entretenir leur patrimoine. Nous avions également cru vous avoir entendu rassurer le Sénat sur le maintien de l’APL accession.

Or, vendredi soir, à l’Assemblée nationale, par le biais de l’adoption d’un amendement du Gouvernement, vous êtes revenu en nouvelle lecture à votre projet initial, à savoir une baisse des loyers étalée sur trois ans, et vous avez supprimé l’APL accession en zone tendue. Autant dire qu’elle a quasiment disparu, puisque seulement 5 % des ménages précédemment éligibles pourront désormais y prétendre.

Ma question est simple, monsieur le ministre : à la veille de l’ouverture au Sénat des travaux de la conférence de consensus sur le logement, voulue par le président Larcher et par le Premier ministre, quelle est, pour le Gouvernement, la définition des termes « consensus » et « compromis » ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je remarque, monsieur Dallier, que vous avez gardé trente-neuf secondes pour la réplique ! (Sourires.) Je me souviens du temps où j’ai fait voter le droit de réplique dans cette assemblée ; je ne suis pas sûr que ce soit ce que j’ai fait de mieux, mais la démocratie y gagne ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Bertrand applaudit.)

Nous avons beaucoup travaillé, au Sénat et à l’Assemblée nationale, dans le cadre d’un dialogue direct avec les bailleurs sociaux mené sous l’autorité du Premier ministre.

Ce qu’a fait le Sénat a été utile, cher Philippe Dallier. Vous avez omis de rappeler l’adoption d’un amendement que vous avez soutenu et qui a permis de dégager 700 millions d’euros de financement grâce au relèvement du taux de TVA de 5,5 % à 10 % : c’est l’œuvre du Sénat, et cela change considérablement les choses !

À ce titre, je tiens à rendre hommage à celles et à ceux qui ont participé à ce travail, notamment Sophie Primas, vous-même, Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann ou Cécile Cukierman. Ce travail a été et restera utile. En effet, si nous avons abouti, sous l’autorité du Premier ministre, à la signature d’un protocole d’accord avec les entreprises sociales pour l’habitat – cela représente tout de même 60 % de la construction dans le domaine du logement social –, c’est dans une large mesure grâce au travail réalisé ici.

Pour ce qui concerne la conférence de consensus, qui a été proposée par le président du Sénat et acceptée par le Premier ministre, nous avons la volonté d’avancer ensemble. Rechercher un consensus, cela signifie non pas trouver des solutions à tout, mais travailler ensemble, s’écouter et faire avancer la question du logement. Nous le savons tous, parce que vous l’avez souligné souvent dans vos excellents rapports, un certain nombre de problèmes importants doivent être réglés dans ce domaine, la situation actuelle n’étant pas satisfaisante.

Dans l’attente de votre réplique, monsieur Dallier, voilà ce que je voulais vous dire amicalement ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.

M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, à mes yeux, le Gouvernement a commis une erreur à l’égard du monde HLM, d’abord en le divisant, ce qui n’est pas une bonne chose, ensuite en refusant de se donner du temps pour évaluer les conséquences de votre politique.

Je pense également que vous avez commis une faute à l’égard du Parlement, et particulièrement du Sénat. J’ai en effet le sentiment, monsieur le ministre, que, malgré ce que vous avez dit, nous avons perdu notre temps. En effet, il n’y avait en vérité pas grand-chose à négocier. La nouvelle lecture à l’Assemblée nationale nous l’a malheureusement démontré. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du groupe Union Centriste.)

situation de jérusalem

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République En Marche. (M. André Gattolin applaudit.)

M. Richard Yung. Ma question porte sur la reconnaissance, par les États-Unis, de Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël.

Le 6 décembre dernier, le président Trump a annoncé sa décision de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et d’y transférer l’ambassade américaine, qui se trouve actuellement à Tel-Aviv et compte plus de 1 000 agents. Pour ce faire, il s’est fondé sur une loi de 1995, dont l’application avait jusqu’alors été suspendue de six mois en six mois par tous les différents présidents américains.

Par cette décision unilatérale, le président américain déstabilise une nouvelle fois le Proche-Orient, en rompant un statu quo fragile et en instituant un rapport de force inégal en défaveur des Palestiniens. Il montre aussi le peu de cas qu’il fait de ses alliés – si l’on peut dire ! – de l’OTAN. Les États-Unis perdent en même temps leur statut de médiateur au Proche-Orient.

Le Président de la République, Emmanuel Macron, a exprimé la désapprobation de la France, en qualifiant cette initiative de contraire au droit international et dangereuse pour la paix au Proche-Orient.

Le Conseil de sécurité des Nations unies, réuni hier, a condamné la décision de Donald Trump par quatorze voix, dont celle de la France, et les États-Unis, isolés, ont dû user de leur droit de veto.

La France est l’amie des Palestiniens comme des Israéliens. C’est pourquoi elle ne peut accepter ce coup de force. Comme l’a dit le Président de la République, elle cherchera à rétablir le consensus sur la ville de Jérusalem, la paix et la reconnaissance des deux États.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quelles voies la France envisage d’emprunter pour atteindre ces objectifs ? (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Richard Yung, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Jean-Yves Le Drian, qui se trouve précisément avec le Président de la République et le roi Abdallah de Jordanie. Le sujet que vous évoquez est naturellement au cœur de leurs entretiens.

La marque de fabrique de la diplomatie française, c’est qu’elle maintient le dialogue avec l’ensemble des acteurs de la région. Elle continue naturellement à parler à l’Autorité palestinienne, ainsi qu’à l’État d’Israël, puisque le Premier ministre Netanyahou était, voilà quelques jours, en France.

La France est constante dans son souhait de voir advenir véritablement deux États pouvant coexister en paix dans des conditions de sécurité effective. Sa doctrine, très largement partagée au niveau international, se fonde aussi sur l’idée que Jérusalem doit être la capitale des deux États.

La décision du président américain a été qualifiée de regrettable par le Président de la République depuis Alger puis Doha. Le Conseil européen a réaffirmé son attachement à la mise en place de deux États, avec Jérusalem pour capitale commune. Soyons clairs : sans accord sur Jérusalem, il n’y aura pas d’accord de paix.

Dans ces conditions, la France reste active et engagée. Jean-Yves Le Drian était hier aux États-Unis et le Président de la République consulte aujourd’hui. Nous avons bon espoir que la raison finisse par triompher. Il y va de l’avenir de populations qui vivent depuis des décennies dans la peur, voire dans la terreur, ce à quoi on ne peut se résigner. L’année 2018 verra la France poursuivre avec ardeur ses efforts. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce