M. Bruno Le Maire, ministre. Cet amendement vise à maintenir l’imposition au taux de 30 % des gains réalisés lors de la cession de titres souscrits en exercice de bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise, les BSPCE, lorsque le contribuable exerce son activité dans la société dans laquelle il a bénéficié de l'attribution de ces bons depuis moins de trois ans.

Il s’agit de revenir au régime antérieur, le régime fixé aujourd'hui étant défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’avis de la commission ne sera évidemment pas le même sur l’amendement de notre collègue Raynal et sur celui du Gouvernement.

L’amendement de Claude Raynal vise, de manière déguisée, à supprimer le PFU en instaurant un autre taux. Sans doute s’agit-il de faire durer le plaisir…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’augmentation du taux poserait des problèmes par rapport aux régimes des plus-values par exemple. Le régime serait beaucoup moins favorable que le droit actuel dans certains cas. Il faudrait a minima prévoir des régimes d’abattement pour durée de détention. Nous en reviendrions alors à la situation antérieure, dont nous souhaitons sortir, c’est-à-dire à un régime complexe, avec des abattements. Nous souhaitons la simplicité. Restons-en au PFU au taux unique de 30 %, au lieu de le porter à 35 %.

Cet amendement est plus une nouvelle occasion de parler du PFU qu’un amendement opérationnel.

Aussi, l’avis est défavorable.

Je vois plutôt d’un bon œil l’amendement du Gouvernement, puisqu’il vise à régler la situation pour les gains réalisés par le contribuable qui exerce son activité dans la société concernée depuis moins de trois ans en maintenant l’imposition au taux de 30 % des gains réalisés lors de la cession de titres souscrits en exercice de bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise. Cette disposition va dans le bon sens.

En revanche, cet amendement, que la commission n’a pu examiner puisqu’elle en a eu connaissance tardivement, ne contient aucun chiffrage. Pourriez-vous nous donner des précisions, monsieur le ministre ? Cette mesure est-elle coûteuse ? (M. le ministre fait un signe de dénégation.)

Cela étant dit, la commission émet un avis de sagesse favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° I–566 ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je tiens à faire part à M. Raynal de mon admiration…

M. Roger Karoutchi. … pour son ralliement brutal à l’association capital-travail et à l’intéressement. (Mme Sophie Primas sourit.) Nous vivons parfois des moments d’émotion au Parlement ! Nous venons en effet d’assister à un revirement : alors que les socialistes ont toujours combattu cette idée, ils lui trouvent soudainement beaucoup de qualités lorsqu’il s’agit de contester une mesure gouvernementale qui, par ailleurs, peut effectivement être critiquée ou amendée.

Pour ma part, je pense sincèrement que si on veut réellement mettre en œuvre un intéressement pour les travailleurs et l’ensemble des salariés, et j’espère que ce sera le cas l’année prochaine, il faut que les entreprises réalisent des bénéfices, sinon les salariés seront intéressés à pas grand-chose, si ce n’est à la fermeture de leur entreprise.

Contrairement à ce que vous dites, monsieur Raynal, si beaucoup de capitaux étrangers sont investis en France, c’est dans l’achat de terres et d’immeubles, et non pas tellement, ou en tout cas pas assez, dans l’industrie ou dans des activités de fond. Là est le véritable problème. Pour ma part, à l’heure du Brexit, je préfère une fiscalité susceptible d’attirer les entreprises et les investisseurs étrangers qui créent de la richesse en France et permettent aux salariés français de bénéficier de la croissance en ayant une part de ce retour de la profitabilité des entreprises, plutôt que de voir nos terres et nos immeubles être vendus parce que les étrangers souhaitent investir dans ce domaine.

Je voterai les amendements du rapporteur général visant à modifier un certain nombre d’éléments. Cela étant dit, compte tenu de l’état de notre économie, de tout ce que l’on a dit depuis des années, à droite comme à gauche, sous les gouvernements Sarkozy ou Hollande – il faut rebondir, on perd des parts de marché, notre situation est catastrophique –, faisons un pas ensemble aujourd'hui, quitte ensuite à mettre en garde le Gouvernement et à lui rappeler que cette mesure doit bénéficier à tous les Français, pas uniquement à quelques-uns. Franchement, on a besoin de ce coup de booster.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous livrer quelques réflexions sur l’amendement de notre collègue Claude Raynal, dont je comprends les préoccupations et les inquiétudes.

J’entends tout à fait vos explications, monsieur le ministre, sur le monde économique, la compétitivité des entreprises, les investissements qu’elles doivent réaliser et l’instauration du PFU, au taux de 30 %. Il faut néanmoins demeurer réaliste.

Il faut soutenir nos entreprises ; ce sont les salariés et les chefs d’entreprise qui les font fonctionner sur l’ensemble du territoire. Il faut rester extrêmement vigilant sur leurs difficultés, qui sont malheureusement croissantes, tout en restant positif.

Aussi, je me rallierai à la position de la commission et du rapporteur général.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Personne n’a le monopole de l’entreprise, mais personne ne remet en cause la nécessité pour les entreprises de réussir.

M. Philippe Dallier. Mieux vaut le dire !

M. Pascal Savoldelli. En revanche, il y a un mot qui manque dans ce débat : banque. J’ai étudié les profits. En brut, 665 milliards d’euros ; 31,5 % de marges.

M. Bruno Le Maire, ministre. Il y a eu la contribution exceptionnelle !

M. Pascal Savoldelli. Nous parlons pour l’instant des dividendes. J’évoquerai tout à l’heure les salaires afin de vous rafraîchir la mémoire sur le niveau de rémunération des salariés, lesquels produisent de la richesse, vous êtes bien d’accord ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Tout à fait.

M. Pascal Savoldelli. Quand on parle de dividendes, mes chers collègues, il faut parler des banques. Nos banques sont à terre. En 2016, les paiements des banques françaises ont augmenté de 53 %. Il ne faut donc pas confondre les actionnaires, dont certains, mais pas tous, sont des prédateurs de l’entreprise, et la question des entreprises et de leur attractivité. Nous devrions peut-être réfléchir ensemble à certaines clarifications.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-566.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-637.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° I–625, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 11, 29, 54 et 183

Remplacer les références :

Aux 1 ou 2 de l’article 200 A

par les références :

aux 1, 2 ou 2 bis de l’article 200 A

II. – Alinéa 162

Compléter cet alinéa par les mots :

ou pour lesquels les dispositions du 2 bis du même article 200 A sont applicables

III. – Alinéa 172

Remplacer la référence :

Au 2 de l’article 200 A

par la référence

aux 2 et 2 bis de l’article 200 A

IV. – Après l’alinéa 234

Insérer dix-sept alinéas ainsi rédigés :

…) Le 2 bis est ainsi rétabli :

« 2 bis. 1° Par dérogation aux 1 et 2 du présent article, sont retenus dans l’assiette du revenu net global défini à l’article 158, sous les conditions et dans les limites prévues au deuxième alinéa du présent 1°, les revenus mentionnés aux articles 108 à 115 et les revenus mentionnés au 4° de l’article 124, perçus par les personnes remplissant les conditions énumérées aux a et b du présent 1°, leur conjoint ou leur partenaire auquel elles sont liées par un pacte civil de solidarité et leurs enfants mineurs non émancipés, au titre de la détention de parts ou d’actions de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option.

« Les revenus mentionnés au premier alinéa du présent 1° sont retenus pour la part de leur montant excédant 10 % de la valeur des parts ou actions détenues dans ces sociétés par les personnes mentionnées au même premier alinéa, leur conjoint ou partenaire auquel elles sont liées par un pacte civil de solidarité et leurs enfants mineurs non émancipés, si ces mêmes personnes remplissent les conditions suivantes :

« a) Être, soit gérant nommé conformément aux statuts d’une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d’une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une société par actions.

« Les fonctions énumérées au premier alinéa du présent a doivent donner lieu à une rémunération qui doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l’intéressé est soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62. La condition de rémunération est remplie si la somme des rémunérations perçues au titre des fonctions énumérées au premier alinéa du présent a dans les sociétés dont le redevable possède des parts ou actions représente plus de la moitié des revenus mentionnés à la première phrase du présent alinéa.

« b) Posséder 10 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société, directement ou par l’intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs. Les titres détenus dans les mêmes conditions dans une société possédant une participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions sont pris en compte dans la proportion de cette participation.

« La condition de possession de 10 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société prévue au premier alinéa est remplie après une augmentation de capital si, à compter de la date de cette dernière, les personnes mentionnées au premier alinéa du présent 1° remplissent les trois conditions suivantes :

« – elles ont respecté cette condition au cours des cinq années ayant précédé l’augmentation de capital ;

« – elles possèdent 5 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société, directement ou par l’intermédiaire de leur conjoint, de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs ;

« – elles sont partie à un pacte conclu avec d’autres associés ou actionnaires représentant au total 10 % au moins des droits de vote.

« Pour la détermination du montant mentionné au deuxième alinéa du présent 1°, les valeurs mobilières cotées sur un marché sont évaluées selon le dernier cours connu ou selon la moyenne des trente derniers cours qui précèdent la date d’imposition.

« Les revenus distribués sur les titres mentionnés à la seconde phrase du premier alinéa du b du présent 1° sont pris en compte dans la proportion de la participation détenue dans la société dans laquelle les personnes mentionnées au premier alinéa du présent 1° exercent leurs fonctions.

« 2° Par dérogation au deuxième alinéa du 1° du présent 2 bis, les revenus mentionnés au même deuxième alinéa sont retenus pour la part de leur montant excédant 10 % du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant détenus en toute propriété ou en usufruit par les personnes mentionnées aux a et b du présent 2°, par leur conjoint ou le partenaire auquel ils sont liés par un pacte civil de solidarité ou par leurs enfants mineurs non émancipés.

« Les dispositions du présent 2° s’appliquent aux revenus perçus :

« a) Par le travailleur non salarié non agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou leurs enfants mineurs non émancipés ;

« b) Par les personnes mentionnées aux 12° ou 23° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale qui possèdent ensemble plus de la moitié du capital social, par leur conjoint ou le partenaire auquel ils sont liés par un pacte civil de solidarité ou par leurs enfants mineurs non émancipés. Les actions appartenant, en toute propriété ou en usufruit, à leur conjoint ou au partenaire auquel elles sont liées par un pacte civil de solidarité et à leurs enfants mineurs non émancipés sont considérées comme possédées par elles.

« Un décret en Conseil d’État précise la nature des apports retenus pour la détermination du capital social au sens du présent 2 bis ainsi que les modalités de prise en compte des sommes versées en compte courant. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission, je l’ai rappelé à deux reprises, et la majorité sénatoriale sont favorables au prélèvement forfaitaire unique pour des raisons de lisibilité que j’ai déjà expliquées.

Néanmoins, nous devons évoquer avec le Gouvernement le risque de transfert de l’imposition au barème vers le prélèvement forfaitaire unique.

Nous avons constaté des phénomènes d’érosion, notamment dans les pays d’Europe du Nord qui ont mis en place de tels barèmes. Un certain nombre de personnes ont clairement préféré se rémunérer sous forme de dividendes plutôt qu’en salaire, car le régime du barème était moins avantageux que le régime du forfait. Des pays comme la Suède, la Finlande, la Norvège, qui ont mis en place cette flat tax, cette taxe à taux unique, ont donc été amenés à instaurer des dispositifs « anti-abus », lesquels existent, d’ailleurs, à d’autres titres dans le droit français.

La commission des finances propose donc au Gouvernement de débattre de cette question. Nous ne souhaiterions pas que, à terme, un transfert massif des revenus du travail sortant du barème vers l’imposition à taux unique entraîne des pertes de recettes.

Nous suggérons par conséquent deux dispositifs anti-abus.

Le premier est de nature générale. Pour les salariés dirigeants et cadres possédant plus de 10 % des droits de vote d’une société, le bénéfice du prélèvement forfaitaire serait plafonné à la fraction du rendement en capital considéré comme normal, c’est-à-dire dans la limite de 10 % du capital investi. Cette option, retenue par la Suède, s’inspire d’une disposition qui existe déjà en droit français avec le traitement des titres non cotés logés dans un plan d’épargne en actions, ou PEA : les produits et plus-values ne bénéficient de l’exonération d’impôt sur le revenu que dans la limite de 10 % du montant des placements.

J’en viens au second dispositif anti-abus. Dans le cas particulier des travailleurs indépendants, le bénéfice du prélèvement forfaitaire unique serait plafonné à la part du revenu n’excédant pas 10 % du capital social et du compte courant d’associé. Là encore, une telle mesure trouve son inspiration dans les dispositions actuellement en vigueur dans le droit français en matière de cotisations sur les distributions de dividendes aux travailleurs indépendants : les distributions de dividendes des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés au profit des travailleurs indépendants sont soumises aux cotisations du régime social des indépendants pour la part dépassant 10 % du capital social et du compte courant d’associé. C’est un peu technique.

En résumé, nous sommes favorables, pour des raisons de lisibilité et de compétitivité, que nous partageons avec le Gouvernement, à la mise en place du prélèvement forfaitaire unique. En revanche, la mise en place du PFU ne doit pas aboutir à une perte de recettes considérable en cas de basculement de l’imposition au barème vers l’imposition au forfait d’un grand nombre de dirigeants d’entreprise et de cadres actionnaires.

Nous inspirant à la fois d’exemples étrangers et de dispositions existant dans le droit français, nous vous proposons…

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le règlement ne prévoit pas de limitation du temps de parole pour le rapporteur, madame la présidente !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Alors, je me rassois et je demande immédiatement la parole, madame la présidente ! (Rires. – M. le rapporteur général se rassoit et se relève immédiatement.)

Mme la présidente. Vous avez donc la parole, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’article 37 du règlement prévoit que la parole est accordée aux présidents et aux rapporteurs des commissions à tout moment lorsqu’ils la demandent. Si je me rassois et si je demande de nouveau la parole, elle est de droit, madame la présidente… Mais j’en ai terminé ! (Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains s’esclaffent.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je comprends le souhait du rapporteur général d’éviter les stratégies d’optimisation liées à ce prélèvement forfaitaire unique. Je ne reviens pas sur les raisons pour lesquelles nous instaurons ce prélèvement, je les ai suffisamment présentées. M. le rapporteur général y est favorable, comme du reste beaucoup d’entre vous.

Je souligne juste à quel point ces risques me semblent limités, d’abord pour les raisons que j’ai indiquées. Lorsque vous percevez des dividendes, vous ne cotisez pas à votre régime de retraite. Ce choix est par définition plus risqué que de continuer à se servir un salaire.

Par ailleurs, il n’y a pas à craindre un déplacement des revenus du travail vers ceux du capital en 2018 et en 2019, car nous mettrons en place le prélèvement à la source au 1er janvier 2019, comme l’a confirmé Gérald Darmanin ce matin. Ce prélèvement à la source s’accompagnera d’un effacement de l’impôt sur les traitements et salaires perçus en 2018, alors que les dividendes, eux, seront soumis au prélèvement forfaitaire unique. L’intérêt d’optimisation fiscale n’est donc pas évident.

Cela étant dit, je comprends parfaitement le souci de rigueur et le souhait d’empêcher toute optimisation fiscale du rapporteur général. Je reconnais bien là son sens des responsabilités s’agissant des finances publiques. J’émettrai donc, sur son amendement, un avis de sagesse. (Marques d’approbation ironiques sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. Même si la prise en compte du risque d’optimisation fiscale nous semble positive, nous restons tout à fait défavorables au principe même du prélèvement forfaitaire unique, ainsi que l’a fort justement rappelé M. Raynal.

Vous souhaitez accroître la profitabilité des entreprises, c’est votre credo, mais vous le faites au prix de la détérioration de nombreux services publics. Ainsi, vous améliorez le capital de ceux qui en ont un et vous détériorez les conditions de vie de ceux qui n’en ont pas. C’est votre choix.

Nous allons peut-être éviter la mise en place de la théorie de l’évaporation grâce à un certain nombre de dispositifs proposés par le rapporteur général, mais il n’en demeure pas moins que vous êtes un adepte de la théorie du ruissellement, contrairement à ce que vous dites.

Pour notre part, nous croyons à la théorie du ruissellement via l’impôt. Cela s’appelle la redistribution. Elle peut ruisseler sur l’économie à travers l’investissement public et bénéficier à la majorité des Français.

Aussi, nous nous abstiendrons sur ces amendements, même s’ils vont plutôt dans le bon sens, car nous sommes totalement hostiles à la mise en œuvre du PFU.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je suis désolé, mais je ne peux pas laisser passer un argumentaire tel que celui-là.

Nous sommes aussi attachés que vous aux services publics, nous sommes aussi attachés que vous à la redistribution, nous sommes aussi attachés que vous à la bonne rémunération des salariés,…

M. Pierre Ouzoulias. Et des fonctionnaires !

M. Bruno Le Maire, ministre. … mais la différence majeure entre vous et nous, c’est que vous pensez qu’on peut redistribuer des richesses avant de les avoir créées. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous, nous estimons qu’il faut d’abord créer des richesses avant de les redistribuer.

M. Jean Bizet. C’est le b.a.-ba !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je suis désolé de le souligner, mais si la France s’est appauvrie depuis des années et des années, c’est parce qu’elle n’a cessé de redistribuer des richesses qu’elle n’avait pas créées. Nous avons voulu financer des services publics alors que nous n’avions pas l’argent pour cela.

M. Jean Bizet. Bien sûr !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous avons voulu aider ceux qui en avaient le plus besoin sans en avoir les moyens.

Au bout du compte, cela a conduit à ce que nous avons connu au cours des années passées : l’augmentation systématique des taxes et des impôts alors que les Français sont de moins en moins nombreux à pouvoir les payer. C’est finalement la ruine du pays ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Emmanuel Capus applaudit également.) Nous refusons donc cet argumentaire.

Je tenais à souligner que nous étions aussi attachés que vous au bon fonctionnement des services publics, de l’État, des hôpitaux, des crèches et des écoles.

Si le Président de la République, le Premier ministre et moi-même livrons avec autant d’acharnement le combat pour la taxation des géants du numérique, c’est parce que nous savons parfaitement que si nous ne taxons pas demain les données, qui sont les principales créatrices de valeur, nous n’aurons pas de quoi financer nos services publics, nos crèches nous hôpitaux, nos écoles.

Nous avons donc les mêmes préoccupations : bien financer nos services publics, aider les plus fragiles, mais il y a une différence absolument majeure entre vous et nous, je le répète, c’est que vous pensez qu’on peut le faire sans créer de richesses, quand nous pensons qu’on ne pourra le faire, et continuer à le faire, qu’en créant plus de richesses. (Mme Nassimah Dindar applaudit. – Mme Sophie Taillé-Polian s’exclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Ça va tanguer ! (Sourires.)

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, je vous ai écouté voilà quelques instants, vous aviez raison : notre rapporteur général a une analyse fine, cohérente et intelligente, il cherche toujours à rassembler les droites, et il y arrive ! (Rires.)

Il vient de nous livrer une comparaison intéressante avec les pays nordiques, mais il a oublié de comparer les dividendes – il le sait très bien d’ailleurs ; il est beaucoup plus qualifié que moi. C’est parce que les dividendes, il faut les laisser s’échapper !

Monsieur le ministre, qu’est-ce que c’est que cette caricature ? On n’invente pas des richesses ! On débat du capital et du travail, mais on n’ignore pas l’un ou l’autre. En 2016, les dividendes ont augmenté de 11,8 %. Notre pays n’a pas à avoir honte par rapport aux autres, sa situation n’est pas si catastrophique.

En revanche, les salaires – je sais que cela vous intéresse fortement – n’ont augmenté, eux, que de 1,4 % en moyenne.

Nos amis Les Républicains disent certes « oui, mais » au PFU, mais ils disent d’abord « oui ». Ensuite, pour essayer de se donner bonne conscience, ils envisagent des mesures de contrôle, à savoir les quelques astuces fort intelligentes et claires de notre rapporteur général.

M. Roger Karoutchi. On a toujours été positifs, quasi constructifs ! (Sourires.)

M. Pascal Savoldelli. Vous ne parviendrez cependant pas à contrôler. Le taux marginal actuel de l’impôt sur le revenu est de 45 %, au-dessus des 12,8 % du PFU. Les prélèvements sociaux d’un salarié ordinaire se situent souvent près de 20 %, au-dessus des 17,2 % du PFU.

Admettons, et cette situation ne vous est pas étrangère puisque nous venons de la vivre pour la sécurité sociale, que dans peu de temps, peut-être l’année prochaine, on nous annonce une hausse de 3 % de la CSG. Concrètement, que se passera-t-il ? On ajustera les 30 % du PFU en fixant à 20,2 % la part de la sécurité sociale et à 9,8 % la part du budget général. Cela fragilisera l’équilibre des comptes de la Nation et favorisera l’augmentation fiscale.

Monsieur le rapporteur général, c’est bien d’avoir essayé de faire un peu la différence entre la droite du Gouvernement et la droite du Sénat avec un amendement technique, mais fondamentalement, et vous l’avez dit avec sincérité, vous êtes pour le PFU.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui !

M. Pascal Savoldelli. Mieux vaut le dire…

M. Philippe Dallier. On l’a dit !

M. Pascal Savoldelli. … que de déposer quelques amendements pour créer du brouillard !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui, je suis pour le PFU !

M. Pascal Savoldelli. La droite reste la droite ! (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Oui ! Bravo ! Merci !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

M. Claude Raynal. Monsieur Karoutchi, on peut encore discuter ! Cela me ferait plaisir de vous entendre de nouveau… (Sourires.) Si, si, croyez-moi !

Monsieur le ministre, il est dommage que s’achève cet excellent débat sur le PFU. Nous avons échangé des arguments tout à fait normaux et naturels, me semble-t-il, même si certains à la fin étaient un peu caricaturaux. Je pense à ce qui a été dit sur ceux qui veulent distribuer de la richesse avant de la créer.

M. Roger Karoutchi. C’est la réalité !

M. Claude Raynal. C’est sympathique, mais bon, ce n’est pas très raisonnable.

Par ailleurs, vous avez évoqué quelques éléments surprenants s’agissant de la retraite des chefs d’entreprise. Si nous vous avons bien compris, les chefs d’entreprise resteraient salariés pour financer leur retraite. J’ai beau être socialiste, figurez-vous que j’ai été patron de PME pendant dix ans.

M. Bruno Le Maire, ministre. Ce n’est pas incompatible !