M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Madame la ministre, je vous remercie de votre éclairage. Comme vous l’avez très bien expliqué, la fusion permet un débat stratégique et opérationnel en un même lieu. Dans les entreprises, il est important de travailler ensemble, de réfléchir en commun, surtout de ne pas travailler « en silo ». Il faut faire évoluer le côté un peu gaulois où chacun a son avis dans son coin. Il faut passer à un autre monde, un monde où on travaille ensemble. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.) Encouragez-moi, j’aime bien.

Vous avez décrit le futur comité social et économique qui regrouperait ces trois instances, en assurant que les salariés ne subiraient aucune perte de droits. Il faut le souligner.

Ensuite, vous avez parlé d’une sous-commission au-delà d’une certaine taille. Cela rejoint ce que j’avais dit : faites confiance aux entreprises. Si la nécessité d’un groupe de travail spécifique sur un sujet se fait sentir, s’il vous plaît, ne l’inscrivez pas dans la loi ; laissez les intéressés agir en fonction de leurs besoins.

Permettez-moi de revenir sur le paradoxe pointé par Mme Bricq. Je ne voterai pas moi non plus ces amendements pour les raisons que je viens d’indiquer, mais peut-être y a-t-il derrière la défense enflammée des multiples comités, de bonnes raisons, des intérêts financiers de nombre de représentants ? (Oh ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.) Si tout cela était plus transparent, peut-être comprendrait-on mieux certaines positions défendues dans cet hémicycle. (Même mouvement.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Madame la ministre, vous nous avez dit que sur toutes les travées de cet hémicycle, nous nous intéressions d’abord à la santé et que celle-ci ne devait pas être sacrifiée.

Admettons que ce soit vrai pour tout le monde – à l’exception de M. Cadic, qui, lui, préfère simplifier le dispositif (Sourires sur les travées du groupe CRC.) – et que ce soit l’objectif numéro un du Gouvernement. Vous ne nous avez pas donné d’exemple illustrant en quoi la santé serait mieux défendue dans une seule structure plutôt que dans trois. Vous avez évoqué un exemple en précisant qu’il y en avait bien d’autres. Quels sont ces « bien d’autres » que vous connaissez et que, nous, nous ne connaissons pas ?

Quels sont les exemples montrant que le fait d’avoir une seule structure permet de s’occuper davantage de la santé des travailleurs ? Comment ne pas être sceptique quand vous dites qu’une seule structure qui s’intéresse à l’économie de l’entreprise, à la gouvernance, s’occupera mieux des problèmes de santé qu’une structure spécifique qui a l’habitude de traiter ces dossiers et dont les membres sont en relation avec d’autres entreprises pour comparer les conditions de travail, s’interrogent et prennent des informations dans des revues spécialisées et auprès du corps médical pour savoir si telle organisation dans l’entreprise ne va pas créer des problèmes de santé ?

Vous nous dites que dès qu’on s’occupe d’économie on a réponse à tout, mais vous ne nous avez pas montré en quoi le rassemblement de ces trois structures serait plus efficace !

Si, comme vous l’avez dit, monsieur Cadic, il ne faut pas travailler en silo, il serait simple d’établir que les conclusions de toute réunion du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions travail seront portées à la connaissance du comité d’entreprise. En revanche, je ne vois pas en quoi faire disparaître une structure dont le rôle est de s’occuper de la santé, des conditions de travail et précisément de tout ce qui porte atteinte à la santé des travailleurs permettra d’être plus efficace en matière de santé.

Si votre objectif est de permettre aux entreprises d’être plus rentables économiquement et de faire disparaître des structures qui coûtent cher, on peut convenir avec vous de l’intérêt de cette suppression…

Mme Éliane Assassi. Pas forcément !

M. Jean Desessard. Mais si la santé est votre préoccupation première, il faut surtout maintenir ces trois structures distinctes.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. L’argument principal de Mme la ministre, qui paraît effectivement cohérent, consistait à dire que beaucoup de décisions économiques ont un effet immédiat sur la santé. Dans votre raisonnement, il paraît donc plus logique d’avoir une seule instance permettant de disposer d’une vision globale puisque chaque décision, qu’elle soit économique ou sociale, peut avoir un effet sur la santé.

Mais il s’agit d’une construction intellectuelle, que l’on peut complètement retourner si on suit le raisonnement de Mme Annie David. Des réunions conjointes des différentes instances permettraient de mettre en commun leurs compétences, leurs spécificités, leur savoir-faire et d’avoir ainsi une vision globale pour prendre ou indiquer des décisions respectant tous les impératifs : économiques, sociaux, de santé, etc. Or ce n’est pas ce que vous proposez.

Ce débat a eu lieu dans d’autres domaines. Je m’occupais des questions liées à la culture et aux médias lorsque s’était posée la question de la coexistence du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Alors que certains s’offusquaient qu’on s’oppose à leur fusion, j’avais tout de suite compris que la conséquence en serait que l’économie, avec la puissance de ses réseaux et de ses intérêts, aurait dicté ce qui est bon pour la culture.

Tel est le rapport de force qui caractérise la société. Ne faisons pas comme si nous étions dans un monde idéal où tout le monde fait prévaloir l’intérêt général.

De la même façon, vous ne me ferez pas croire que l’on s’occupera mieux de santé parce qu’il y aura une seule instance. Ce n’est pas vrai ! Il est évident qu’un organe spécifique composé de gens formés sur les sujets de santé et disponibles pour les suivre sera forcément plus efficace.

Nous sommes favorables à la suppression de l’article 2, même si des amendements de repli sont présentés, car nous voyons bien ce qui se passe quand nous débattons plus avant. Hier, le groupe La République en marche, qui soutient le projet du Gouvernement, a voté l’article 1er amendé par la droite.

M. le président. Merci, mon cher collègue !

M. David Assouline. Or dans cet hémicycle, la droite « droitise », et l’on a bien vu ce qu’était devenu l’équilibre tant vanté de ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour explication de vote. Je vous remercie de bien vouloir respecter votre temps de parole, ma chère collègue.

Mme Évelyne Yonnet. Beaucoup de choses ayant été dites, notamment sur le CHSCT, permettez-moi de reformuler les choses : l’employeur n’est rien sans ses salariés, et les salariés ne sont rien sans l’employeur. Je crois qu’il est important de le dire.

Les instances que vous dénommez IRP constituent à mes yeux une forme de lien social entre les salariés et l’employeur, et elles montrent qu’une forme de démocratie s’installe dans l’entreprise, où par ailleurs les rapports de force semblent aujourd'hui prévaloir.

Les choses changent, le monde bouge et les entreprises se développent. Chacun y joue son rôle. Si DP et CE sont différents, ils peuvent se regrouper, le CHSCT a un rôle très spécifique.

Il est d’abord le seul à faire le lien avec le médecin du travail. Vu à quoi on l’a réduite, il peut sembler difficile de continuer à parler de médecine du travail, mais le CHSCT assure tout de même une forme de prévention, et ses membres y sont formés.

Il constitue donc la seule instance qui ne peut pas être regroupée avec le CE – d’ailleurs, personne ne parle du comité central d’entreprise, le CCE, qui a beaucoup plus de prérogatives que le CE. Le CHSCT a un rôle spécifique, et je ne vois pas ce qu’il irait faire à défendre les droits du personnel, le milieu économique de l’entreprise ou son développement et à voter des rapports. J’entendais d’ailleurs ce matin à la radio que la CFTC commence à tiquer sur ce sujet.

Je crois qu’il faut revoir votre position, madame la ministre. Il ne sert à rien de remplacer le CHSCT par une sous-commission. De plus, cela risque d’entraîner d’autres demandes. Il faut vraiment le séparer des autres instances représentatives du personnel pour faire de la prévention et permettre le lien avec le médecin du travail, qui, je le rappelle, a un rôle très important puisqu’il revoit l’employeur et donne chaque année un rapport qui est voté par les membres du CE et du CCE. L’entreprise ne pourra pas évoluer si le CHSCT est réduit à ce que vous appelez des IRP avec les DP et le CE.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, je vous demande solennellement de revoir votre position. (Mme Odette Herviaux applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. L’histoire du progrès social et économique est une suite ininterrompue de textes qui ont cherché à améliorer les conditions de travail – sur la durée du temps de travail, sur la qualité et la santé au travail –, et l’aboutissement de ce progrès dans notre droit national est le CHSCT.

Monsieur Cadic, fidèle à votre versant très libéral, vous nous avez dit que ce n’étaient que des intérêts particuliers qui étaient en jeu. Je pense qu’il faut universaliser le propos, parce que, disant cela, vous ne pouvez qu’être naïf ou indifférent.

Mme Annie David. Certainement !

M. Jérôme Durain. Nous discutions il y a quelques mois d’une proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre visant à améliorer les conditions de travail à l’autre bout de la planète. Lorsque nous cherchions par exemple à vérifier que la chaîne de sous-traitance protégeait des ouvriers au Bangladesh menacés de périr dans la destruction d’immeubles à moitié désaffectés, il me semble que notre propos et notre intention étaient universels et non au service de petits intérêts médiocres. (M. Guillaume Arnell opine. – M. Jean Desessard applaudit.)

Si l’on s’en tient à l’idéal que vous défendez, celui de l’autorégulation, il se passe ce que l’on constate par exemple au Bangladesh ou dans la Silicon Valley.

Dans la société Twitter, on vous explique par exemple que prendre ses congés n’a pas d’intérêt, mais que c’est un sujet « cool ». Si on veut les prendre, il suffit d’aller voir son manager pour lui dire qu’on part en congé. Le problème, c’est que ça n’arrive pas, parce que la subordination est une réalité dans tous les domaines de l’activité économique. Les contraintes économiques écrasent toutes les autres considérations.

Ne pas sanctuariser les questions d’hygiène, de sécurité et de santé au travail, c’est risquer de les subordonner définitivement aux questions économiques. Celles-ci ont certes leur légitimité, mais ce serait inverser les valeurs que nous voulons protéger. Ces questions méritent d’être traitées à part, parce que, comme l’a dit ma collègue Évelyne Yonnet, quand on soigne son capital humain et qu’on a des salariés motivés et intéressés par leur travail, qui l’exercent dans de bonnes conditions, ils sont plus productifs, et tout le monde gagne à ce qu’ils ne soient pas soumis aux seules considérations économiques immédiates. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. Ronan Dantec. Chacun connaît l’adage populaire qui dit que la santé n’a pas de prix. Cet adage devrait vous guider dans ce débat. Par extension, on pourrait presque dire que le CHSCT, lui non plus, n’a pas de prix eu égard au fonctionnement de l’entreprise.

Je ne comprends pas comment fonctionne le système qui nous est proposé, si ce n’est que celui-ci inclura peut-être des sous-groupes. Nous vous donnons les clefs pour légiférer par ordonnances donc nous ne reviendrons pas sur ces questions, mais concrètement, en comité d’entreprise, entre la discussion sur le chèque vacances et une autre du même ordre interviendra la discussion sur des risques importants dans l’entreprise. Cela ne peut fonctionner. Le CHSCT est un vrai progrès social.

Sur des sujets tels que l’amiante, dont nous discutons beaucoup actuellement, la loi sur les lanceurs d’alerte, qui a été portée par le groupe écologiste au Sénat (M. Jean Desessard applaudit.), visait justement à éviter les risques. Or vous êtes en train de remettre le risque au cœur de l’entreprise.

M. Jean Desessard. Exactement !

M. Ronan Dantec. Il faut un lieu de sérénité, un lieu où on peut discuter des heures s’il le faut pour trouver une solution face à un risque ou une pénibilité identifiés. Cela fonctionne, et il faudrait même plutôt renforcer le CHSCT.

Peut-être êtes-vous nostalgique d’un temps de luttes sociales brutales où il n’y avait aucune cogestion dans l’entreprise, mais vous êtes en train de mettre en place un système dans lequel les lieux de régulation seront affaiblis, entraînant le retour à des luttes sociales et à des affrontements plus importants.

Je n’avais pas le sentiment que c’était la proposition initiale du Président Macron, mais c’est vers cela que vous allez.

Comme l’on dit mes collègues à l’instant, il est encore temps que la raison l’emporte, et que l’on sanctuarise – je reprends le mot car c’est le « vrai » mot –, le CHSCT, que l’on renforce ses moyens afin que ce lieu de sérénité – j’insiste sur ce terme –, dégagé des autres jeux internes de l’entreprise, que ce soit les rapports de force en l’absence de syndicats et évidemment l’ensemble des questions économiques, soit préservé. Sans cela nous régressons, et la régression nous amènerait demain à plus d’affrontements directs dans l’entreprise. Il ne me semble pas que c’était la vision de la société que vous défendiez. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Madame la ministre, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Vous proposez de fondre le CHSCT dans une instance unique avec trois composantes, puis de créer une commission au sein de cette instance. Cela ne me paraît pas très opérationnel.

Les CHSCT fonctionnent aujourd’hui, et s’il y a des frustrations – les salariés siégeant dans les CHSCT que je rencontre régulièrement me confirment qu’il y en a effectivement –, c’est parce qu’il manque des médecins et des inspecteurs du travail et que les problèmes que les CHSCT relèvent et font remonter ne sont malheureusement pas bien pris en compte aujourd’hui.

À M. Cadic, je répondrai que la ficelle est un peu grosse ! Mon cher collègue, vous êtes chef d’entreprise, nous le savons, et vous trouvez bien de fondre le CHSCT, qui peut parfois quelque peu embêter les patrons en posant des questions que vous préféreriez ignorer, dans une instance stratégique.

Permettez-moi simplement de vous faire remarquer que c’est contre-productif du point de vue de la compétitivité même de l’entreprise. Je ne fais pas que l’affirmer, je le prouve : une étude du cabinet APICIL Mozart Consulting indiquait récemment que le coût global du mal-être au travail se monte à 12 600 euros par an et par salarié du privé pour l’entreprise.

M. Jean Desessard. Et pour la société !

M. Dominique Watrin. Le fait de ne pas vouloir s’attaquer spécifiquement à ces problèmes est donc contre-productif, car si 2 500 euros sont liés à des coûts incompressibles – arrêts de travail, etc. –, 10 100 euros pourraient être économisés par les entreprises si seulement elles prenaient en compte ce que cette étude appelle le désengagement salarié-employeur, qui peut se traduire par des arrêts causés par une charge de travail trop lourde, par des burn out, par des problèmes de santé et de sécurité ou du fait d’une perte de sens au travail, d’un manque de reconnaissance, d’information, de dialogue social, d’un isolement ou de conditions de travail dégradées.

Une meilleure prise en compte des conditions de travail peut donc faire économiser quelque 10 000 euros par salarié, par an et par entreprise. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Jean Desessard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Permettez-moi de répondre à Mme Bricq, qui prenait l’exemple de l’entreprise Solvay pour montrer que dans un secteur comme la chimie, les représentants du personnel sont capables de se mettre d’accord et de réunir leurs instances, dont le CHSCT.

Cela peut se faire. Une entreprise et des organismes peuvent décider de réunir régulièrement leurs instances ensemble. De ce point de vue, la proposition de Mme David me paraît frappée au coin du bon sens.

En revanche, le Conseil d’État lui-même s’étonne dans son avis que vous rendiez cela obligatoire. Si dans certains cas un accord majoritaire peut déboucher sur une unification des instances, vous qui vous présentez comme un gouvernement favorable à la négociation sociale rendez impossible le maintien des différentes structures.

Il est totalement contradictoire que ce soit le seul sujet sur lequel les salariés n’ont pas le droit de négocier, et ce parce que vous voulez qu’il y ait moins de représentants des syndicats et du personnel dans les entreprises, de la même manière que vous voulez moins d’élus locaux et moins de parlementaires.

C’est une philosophie du pouvoir qui vise à renforcer en permanence l’exécutif, le décideur par rapport à ceux qui interviennent dans ce qu’on appelle les parties et qui doivent décider dans une entreprise comme dans la société. C’est cette philosophie-là, qui entend concentrer le pouvoir et les structures, qui n’est pas souhaitable parce que la logique économique et l’hypervigilance en matière de santé et de sécurité poursuivent des objectifs divergents.

Je voudrais savoir ce qu’en pense M. Hulot, qui, lors d’une récente audition au Sénat, soulignait l’importance de la santé environnementale, et qui sait à quel point les enjeux sont importants dans le travail : produits chimiques, poussières fines, etc. Il y a d’énormes enjeux environnementaux. Il y a même d’énormes enjeux en termes de sécurité environnementale. Or le CHSCT est un lieu de vigilance collective en plus d’être celui de la prévention,…

M. Jean Desessard. Bravo ! J’approuve !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et vous allez le noyer dans une commission !

À l’adage populaire de M. Dantec, je répondrai que, quand on veut noyer un problème, on crée une commission. Vous nous proposez de tout resserrer et de créer une commission. Eh bien non, madame la ministre, non et non ! (Mme Evelyne Yonnet applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Je voudrais poser une question à Mme la ministre. Nous voyons bien que deux objectifs se confrontent et parfois se contredisent : un objectif de mise en commun du travail de l’ensemble des représentants du personnel dans leurs différentes fonctions, et un objectif, qui me paraît aujourd’hui essentiel, de préservation d’un travail spécifique sur les problèmes de santé qui prennent de plus en plus d’importance et de gravité dans les entreprises.

Vous avez entrouvert une porte, madame la ministre, en évoquant la possibilité de créer au sein du nouvel organe fusionné une sous-commission qui serait en charge des compétences actuelles du CHSCT.

Pourquoi le Gouvernement ne prend-il pas l’engagement de rendre la constitution de cette cellule à l’intérieur du grand ensemble obligatoire et de droit ? Les objectifs d’unité du travail et de traitement spécifique de la santé seraient ainsi tous deux remplis.

J’ajoute une autre question : quid du nombre des représentants dans cette instance ? Vous pourriez également prendre l’engagement que les textes prévoient le maintien du nombre des délégués du CHSCT. (M. Jean Desessard et Mme Dominique Gillot applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le cœur du sujet, c’est que nous croyons que lorsqu’il est à la fois social et économique, le dialogue apporte de la valeur.

J’ai cité deux exemples, celui de la prévention des risques psychosociaux et, plus rapidement, celui des fusions-acquisitions. Je voudrais vous en donner deux autres.

Le cœur du sujet est la valeur ajoutée dans le dialogue par la possibilité de parler à la fois de l’économique et du social.

Je prendrai d’abord un exemple très quotidien : un salarié saisit son délégué du personnel pour lui faire part de ses difficultés de santé pour continuer à travailler en équipe. Cela arrive tous les jours dans l’entreprise.

Actuellement, le délégué du personnel va poser la question à l’employeur pour essayer d’avoir une réponse individuelle. Et cela s’arrête là, alors que dans la même entreprise, plusieurs personnes peuvent rencontrer le même type de difficultés. Avec le comité social et économique, cette question sera traitée individuellement dans le respect du secret médical, mais l’aspect organisationnel, qui ne concerne jamais une seule personne, pourra également être pris en compte. Les aspects touchant à l’organisation et à la qualité de vie au travail pourront susciter des réflexions qui iront plus loin.

L’un des sujets récurrents lorsqu’il y a une personne handicapée dans une équipe est de savoir si les aménagements doivent concerner uniquement la personne handicapée ou si cela peut être l’occasion de revoir les conditions de travail, les horaires, l’organisation et les questions de qualité. Or ce n’est pas la même instance qui peut décider d’aménagements individuels ou plus larges.

Ce type de sujet est quotidien dans les entreprises, et le fait de pouvoir associer les deux volets permettra d’aller plus loin sur la prévention, sur l’organisation.

D’ailleurs, je constate que de nombreux pays européens, qui en général n’ont qu’une seule instance, obtiennent de meilleurs résultats que nous en matière de sécurité au travail. Celle-ci n’est donc pas liée au nombre d’instances, mais à la manière dont elles travaillent, à ce qu’on met sur la table, au pouvoir de discussion et de négociation et au degré d’engagement aussi bien de l’employeur que des représentants du personnel.

Le second exemple que je voudrais donner est personnel. Je vous prie de bien vouloir m’en excuser mais, ayant quelque expérience en matière de ressources humaines, j’ai forcément pas mal d’exemples.

Il y a une dizaine d’années, le groupe dont j’étais directrice générale des ressources humaines a mis en place grâce à une négociation mondiale une protection sociale pour l’ensemble des 100 000 salariés dans le monde ; 60 000 d’entre eux n’avaient alors pas de protection sociale, ou une protection très faible, ou encore celle-ci était-elle parfois réservée aux cadres. Même en France, il y avait un certain nombre de disparités.

Pourquoi était-il important de ne pas en faire simplement une discussion sociale ? Si cela avait été le cas, le coût aurait dissuadé une grande partie des directeurs des cent filiales concernées. En matière d’avancée sociale, il y a toujours environ un tiers d’opinions favorables. Mais les autres directeurs n’auraient pas été convaincus et n’auraient vu dans cette mesure qu’un coût supplémentaire. L’économique et le social auraient été en conflit.

Nous avons raisonné en intégrant les dimensions économique et sociale. Cela renvoie d’ailleurs au rapport que vous évoquiez, monsieur le sénateur. En mesurant les résultats grâce à des indicateurs sociaux et économiques, nous avons pu apprécier qu’une meilleure protection sociale permettait non seulement – et c’est le plus important – de sauver des vies, mais aussi de faire baisser l’absentéisme et d’augmenter le taux d’engagement.

De manière générale, cette mesure, qui concerne tous les pays du monde dans l’entreprise Danone, perdure, et ce quoi qu’en pensent les gens. Grâce à l’articulation entre le social et l’économique, nul n’est besoin pour la soutenir d’être militant. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) L’OIT s’est d’ailleurs saisie de ce sujet et en a fait un exemple. Celui-ci est actuellement suivi par 300 entreprises dans le monde, et l’OIT a engagé une réflexion pour montrer que le fait de raisonner sur les plans social et économique apportait à la fois du progrès social et la performance économique.

Des exemples comme celui-ci, des DRH et des syndicalistes m’en ont donné beaucoup d’autres. Faites confiance aux acteurs, ils vont trouver des idées qui apportent de la valeur. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes La République en marche et Union Centriste et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Il y a 194 ou 195 pays dans le monde, et nous avons coutume de dire que parmi ces pays, certains ont des équipements ou les institutions que nous n’avons pas et réussissent mieux que nous. Sur les 194, on trouvera toujours un pays susceptible de nous montrer le chemin.

Pour avoir enseigné pendant quelques années aux Marquises, je peux dire qu’il n’y avait pas beaucoup de cancers. Il n’y avait pas non plus de CHSCT. C’est donc grâce au fait qu’il n’y avait pas de CHSCT qu’il n’y avait pas beaucoup de cancers aux Marquises ! (Rires.) Ce type de raisonnement m’irrite un peu.

De la même façon, 95 % des gens meurent au lit. Le lit est-il pour autant un endroit dangereux ? (Rires. – Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Jean Desessard applaudit également.) Cela me paraît assez rapide comme type de raisonnement !

De façon un peu égoïste, je n’ai pas trop envie de mélanger les couleurs des cartons de vote. C’est toujours un travail extrêmement difficile, et un scrutin public étant demandé sur ces amendements, j’aimerais l’éviter.

Lors des travaux de la commission des affaires sociales, le groupe socialiste a préféré, plutôt que d’évacuer l’ensemble de l’article 2, discuter alinéa par alinéa et donner son opinion sur chacun.

Par conséquent, je suis un peu ennuyé. Normalement, nous devrions voter contre l’amendement en nous réservant de dire combien nous sommes opposés à l’idée de fusionner totalement les instances représentatives du personnel. Mais il faudrait pour cela que nous nous concertions un peu. C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, je sollicite une brève suspension de séance.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié bis, 55 et 73 rectifié bis.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)