M. Pierre Camani. J’ai souhaité présenter cet amendement en tant que membre du Conseil national du numérique et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, afin d’alimenter le débat sur la loyauté des plateformes.

Les problématiques liées au pouvoir de marché considérable de quelques géants d’internet constituent une préoccupation forte pour le Sénat.

En prévoyant l’instauration d’un principe de « loyauté » s’imposant aux grandes plateformes sur internet dans leurs relations avec les consommateurs, l’article 22 du présent projet de loi aborde un vrai problème. Toutefois, la solution proposée n’est peut-être pas entièrement satisfaisante.

Je crois nécessaire d’envisager la problématique des plateformes du point de vue des consommateurs, certes, mais également de celui des utilisateurs professionnels.

Dans un contexte de numérisation de l’ensemble de l’économie, il est essentiel d’apporter aux entreprises le maximum de sécurité et de confiance. Il faut en particulier les protéger des comportements parfois unilatéraux des grandes plateformes internet, points de passage obligés pour accéder aux marchés en ligne.

Par ailleurs, imposer un principe de loyauté au seul niveau national soulèverait des difficultés de mise en œuvre à l’égard des acteurs implantés à l’étranger. Même s’il pourrait théoriquement s’appliquer également à ces derniers, le dispositif de l’article risquerait d’affecter principalement les acteurs établis en France, donc la compétitivité de notre pays.

Les réponses réglementaires doivent venir de l’Europe. Une intervention à l’échelon national ne saurait procéder que du droit souple. Cette observation vaut également pour l’article L. 111-5-1 du code de la consommation, qui a été introduit par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et concerne les places de marché en ligne. L’amendement vise également à revenir sur ce dispositif.

Nous proposons donc d’organiser la mise en place d’un dispositif de notation des plateformes. C’est ce que le Conseil national du numérique propose dans son rapport intitulé « Ambition numérique ».

Cette solution consiste à accumuler de l’information sur les plateformes pour mieux comprendre leurs comportements et leurs interactions avec les consommateurs comme avec les utilisateurs professionnels, et à la restituer sous forme de tests comparatifs publics.

Compte tenu de la variété des plateformes, le dispositif proposé est ouvert, ce qui permettra à divers acteurs de contribuer.

Le mécanisme vise, d’une part, à inciter, par la publicité des informations, les plateformes à adopter des comportements plus vertueux, et, d’autre part, à permettre la construction d’un socle d’expertise objective renforçant la position des autorités françaises en vue de la définition au niveau européen d’un cadre réglementaire adapté.

L’État jouera dans ce dispositif un rôle de stimulant et de tiers certificateur, pour veiller à la sincérité et à la fiabilité des informations publiées par les différents contributeurs.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Pierre Camani. Néanmoins, il gardera la capacité d’obtenir des informations directement auprès des plateformes en cas de besoin.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. M. Camani propose rien de moins qu’une réécriture intégrale de l’article 22, selon une logique tout autre que celle de la commission. Nous ne pouvons donc être d'accord…

Au demeurant, pour être conforme au droit européen, le dispositif sur la régulation des opérateurs de plateforme doit viser expressément la protection des consommateurs. Il est donc quelque peu incertain de l’inscrire dans le code des postes et communications électroniques, comme cela est proposé.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement constate que les entreprises du numérique relèvent de modèles économiques nouveaux, fondés sur la captation des données, personnelles ou de consommation.

Cela soulève de nombreuses questions en termes de respect de la vie privée, de fiscalité, de pratiques commerciales, de respect des règles de consommation, de positionnement concurrentiel…

Nous sommes obligés de constater que nous manquons d’informations pour appréhender ces sujets dans leur globalité tant ils sont récents et tant il est incertain que nos cadres juridiques, qu’ils soient nationaux ou européens, sont aujourd'hui adaptés à appréhender ces modèles économiques nouveaux.

Dans ces conditions, nous avons décidé d’avancer prudemment et progressivement, en dotant l’État de la capacité d’observer activement ces pratiques, en lien naturellement avec l’écosystème et les régulateurs compétents, mais aussi avec les associations de consommateurs, le Conseil national du numérique et les entreprises.

À ce stade, il serait dommage de confier cette compétence d’emblée à une autorité administrative indépendante, ce qui nous ferait rater l’occasion de renforcer l’expertise de l’État sur ce sujet. Cela limiterait aussi son domaine à un champ sectoriel occupé à l’heure actuelle par l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

J’ajoute enfin que l’ARCEP se plaint de voir ses dépenses, en particulier de fonctionnement, diminuer du fait des contraintes budgétaires de l’État. Il serait délicat de lui confier une telle mission importante, par conséquent lourde en termes de ressources.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 575.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 589, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 8, seconde phrase

Supprimer les mots :

, grâce à une signalisation explicite,

II. – Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Par cet amendement, nous souhaitons améliorer radicalement l’information du consommateur. Ces informations doivent être accessibles, lisibles et visibles pour les utilisateurs. Néanmoins, la référence à une signalisation explicite pour accueillir ces informations est excessivement précise.

Cet article a fait l’objet d’un important travail avec la Commission européenne, notamment avec les commissaires Oettinger, chargé de l’économie numérique, Jourová, chargée de la justice, et Ansip, vice-président de la Commission européenne.

Le second objectif de cet amendement est de maintenir l’article L. 111-6 du nouveau code de la consommation, relatif à l’activité des sites comparateurs. En effet, si la définition de l’opérateur de plateforme en ligne donnée désormais par l’article L. 111-7 du nouveau code de la consommation recouvre les sites comparateurs, son contenu ne vise pas précisément l’activité de comparaison en ligne. Il fallait donc apporter cette précision, pour bien indiquer que nous posions le principe d’une information loyale, claire et transparente, spécifiquement pour les comparaisons en ligne portant sur les prix et les caractéristiques des biens et des services, y compris sur ce qui relève de la publicité.

C’est une activité spécifique qui concerne un nombre d’acteurs bien plus faible que l’ensemble des plateformes et qui connaît des spécificités en termes d’informations souhaitées.

Cet amendement a été très attendu par les parties prenantes, aussi bien par les consommateurs et leurs associations que par les entreprises du secteur des comparateurs de prix. Il se trouve qu’en ce domaine les entreprises françaises sont très performantes. Elles souhaitent empêcher les concurrents moins-disants en matière de protection des consommateurs de dégrader la confiance des utilisateurs s'agissant de ce secteur. Il est important de ne pas abroger la base législative de ce travail.

M. le président. L'amendement n° 111 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé, est ainsi libellé :

Alinéa 8, seconde phrase

Supprimer les mots :

, grâce à une signalisation explicite,

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Les achats et la consommation de contenus ou de services en ligne, gratuits ou non, « monnayés » ou non par la publicité, ont pris une place croissante dans notre quotidien.

Nombreux restent pourtant les questionnements de l’internaute sur la transparence et parfois la véracité des informations auxquelles il accède sur le web.

Si le principe d’information loyale et claire est évidemment essentiel, il paraît inutile de le complexifier plus que nécessaire. En ce sens, l’usage excessif de pictogrammes risque de compliquer la lecture des pages visitées et la navigation dans son ensemble, sans intérêt réel pour l’expérience utilisateur, ainsi que pour les droits du consommateur.

Les grandes plateformes – Google, Yahoo, etc. – visées initialement par ce texte font en effet déjà usage d’une signalisation particulière pour les liens commerciaux dits « liens sponsorisés », qui sont une forme de publicité en ligne.

Par ailleurs, il est à noter que l’article 22 précise déjà que les informations devront « apparaître clairement ». L’objet du présent amendement est donc de supprimer la mention « grâce à une signalisation explicite », qui semble superflue, et de renvoyer la précision des modalités au décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement n° 589 du Gouvernement tend à supprimer l’abrogation différée de l’article L. 111-6 du code de la consommation proposée par la commission.

Or cette abrogation vise à éviter que deux régimes juridiques différents ne se recouvrent. Le futur article L. 111-7 concerne à la fois les moteurs de recherche, les comparateurs de prix et les places de marchés. L’article L. 111-6 ne concerne que les comparateurs de prix.

Il est vrai que le Gouvernement devrait prochainement, après deux ans d’attente, publier le décret d’application de l’article L. 111-6. Il serait dommage que ce décret tant attendu disparaisse du fait de l’abrogation de l’article L. 111-6.

La commission a tenu compte de cet inconvénient et a proposé d’y remédier en maintenant l’article L. 111-6 jusqu’à ce que les décrets d’application de l’article L. 111-7 prennent le relais du décret en cause. Ainsi, il n’y aura pas de solution de continuité dans la régulation et l’on évitera que deux régimes juridiques différents ne coexistent.

J’invite le Gouvernement à se rallier à cette solution de sagesse et à retirer son amendement n° 589.

L’amendement n° 111 rectifié vise quant à lui à supprimer une précision relative au caractère explicite de la signalisation qui ne me semble pas superflue.

Imposer une signalisation explicite du fait que le classement d’un produit a été acheté évitera que cette signalisation ne se retrouve en note de bas de page ou qu’elle soit suffisamment vague pour entretenir la confusion.

L’exemple des sites qui ont, d’eux-mêmes, mis en place une telle signalisation montre que « l’expérience utilisateur » ou la « navigation dans son ensemble » n’est pas aussi perturbée que l’indique l’objet de l’amendement.

Toutefois, il est vrai que le texte prévoit déjà que l’information doit être claire. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis de sagesse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 111 rectifié ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Je souhaite que M. le rapporteur réexamine sa position sur la signalisation explicite.

Il s’agit d’un domaine d’exercice de la libre prestation de services au niveau de la communauté et de fixation des conditions commerciales de concurrence. L’étiquetage ou la caractérisation publique des produits est un enjeu très important d’unité du marché intérieur. Tous ceux qui s’intéressent aux questions d’appellations d’origine contrôlée savent qu’il n’est plus possible, sauf accord au sein de l’Union européenne, d’instaurer des catégorisations fragmentant artificiellement le marché.

Comme l’a souligné très justement Mme la secrétaire d’État, dire qu’il existe des règles d’identification de la nature du service, de présentation des garanties, mais que nous, Français, nous demandons que tout cela fasse l’objet d’une signalisation explicite risque fort – c’est même une certitude – de donner lieu à un contentieux communautaire. Plutôt que de se mettre dans une passe difficile sur le plan européen, mieux vaut donc laisser s’instaurer ce dispositif, qui est déjà exigeant, et observer si des fraudes ou des abus empêchent le consommateur de profiter des garanties qui lui sont offertes.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. J’abonderai dans le sens d’Alain Richard. La notion de signalisation explicite a expressément été considérée comme trop prescriptive par la commission européenne.

Nous sommes sur une ligne de crête. En cette matière, comme dans beaucoup d’autres, d’ailleurs, il s’agit de mesurer les marges de manœuvre réservées aux gouvernements nationaux pour ne pas emprunter un chemin exclusivement européen et bruxellois. C’est ce travail d’articulation très fine qui a été mené sur le texte pour l’ensemble des sujets couverts.

Il se trouve que, en cette matière, les négociations avec la Commission européenne pour nous permettre d’avancer et de renforcer davantage la protection des consommateurs, lorsqu’elles sont possibles, lient le gouvernement français : il y va de notre crédibilité pour continuer à peser dans le cadre des discussions numériques à Bruxelles.

M. Alain Richard. Cela s’appelle le marché commun !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Richard, j’entends parfaitement vos arguments. C’est précisément la raison pour laquelle la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat au sujet de l’amendement n° 111 rectifié, qui vise à supprimer la référence à une signalisation explicite.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 589.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 206 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 135
Contre 207

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 111 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 338, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 8, seconde phrase

Après le mot :

explicite,

insérer les mots :

et sur un dispositif consultable à tout moment,

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement a pour objet que les descriptions génériques des informations à délivrer ne soient pas limitées à une simple mention dans les conditions générales d’utilisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La proposition de mettre en place une consultation possible à tout moment des indications sur les modalités de référencement est assez intéressante. Néanmoins, il me semble préférable de laisser au décret le soin de déterminer selon quelles modalités l’information sur les conditions de référencement des offres doit être portée à la connaissance du consommateur.

À ce stade, je sollicite le retrait de cet amendement, dont les dispositions semblent relever davantage du domaine réglementaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement sollicite également le retrait de cet amendement, étant entendu que nous avons l’intention, pour définir le contenu du décret d’application de cet article, d’organiser une consultation sur le modèle de celle qui avait été mise en place avec le Conseil national de la consommation au sujet des sites de comparaison en ligne.

Il est important de consulter les professionnels du secteur et les consommateurs pour connaître les modalités exactes d’affichage des informations.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Madame Bouchoux, l'amendement n° 338 est-il maintenu ?

Mme Corinne Bouchoux. Rassurée par les propos de Mme la secrétaire d’État, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 338 est retiré.

L'amendement n° 465, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 8, seconde phrase

Supprimer le mot :

directe

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Nous souhaitons revenir à la rédaction de l’article 22 du projet de loi initial.

Les « GAFA » et autres Microsoft sont devenus omniprésents dans notre vie quotidienne. Ces entreprises numériques sont de plus en plus hégémoniques, ce qui crée un fort ressenti de déséquilibre entre leur pouvoir et leurs usagers. Cela fait parfois très peur !

Le constat est vrai aussi pour d’autres plateformes plus modestes. C’est pourquoi il est impératif d’imposer un principe de neutralité des plateformes ou un principe de loyauté. C’est cette dernière option qui a été retenue par le projet de loi.

L’article 22 définit ces plateformes et les soumet au respect d’un cadre réglementaire minimum au profit du consommateur. Cette obligation de transparence porte, entre autres, sur les liens capitalistiques entre plateformes et personnes référencées, dès lors qu’ils influencent les classements, et sur les liens de rémunération avec les personnes référencées. Cette mesure est plutôt une bonne chose.

Toutefois, cette obligation a été restreinte, et seules les rémunérations directes doivent être mentionnées. Nous considérons quant à nous qu’il convient de revenir à l’article 22 tel qu’il était rédigé initialement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement tend à supprimer la référence à la rémunération directe.

Une telle suppression permet d’élargir le champ d’application et évite d’introduire trop d’insécurité juridique. Que serait une rémunération directe ou, a contrario, une rémunération indirecte ? Toute forme de rémunération doit être incluse dans le champ de l’obligation loyale et transparente.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 465.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 47 rectifié bis, présenté par MM. Grand et Milon, Mmes Giudicelli et M. Mercier, MM. Vasselle, Gilles et Pellevat, Mme Micouleau, MM. Lefèvre, Bizet, Charon et Laménie et Mme Deroche, n'est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 80 rectifié ter, présenté par MM. Commeinhes, Gremillet, Chatillon, Longeot, A. Marc, Laménie et Husson, n'est pas soutenu.

L'amendement n° 395, présenté par MM. Rome, Sueur, Leconte et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les opérateurs de plateforme en ligne ne favorisent pas leurs propres services ou ceux d'entités entretenant avec eux des liens capitalistiques par des signalétiques distinctives ou des espaces dédiés. »

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Cet amendement vise à encadrer l’activité de certaines grandes plateformes qui cumulent – cette pratique existe aussi dans le domaine du numérique ! (Sourires.) – les fonctions de moteur de recherche en position dominante et celles de prestataire de services.

Ces plateformes ont en effet pris l’habitude de favoriser leurs propres services ou filiales au détriment des sites concurrents. Ce traitement privilégié peut se traduire par un affichage préférentiel réservé à ces services ou filiales sur la première page de résultats du moteur de recherche : rang de classement, mais aussi espace dédié et encadrement particulier.

Le service du moteur de recherche est incontestablement avantagé lorsque la première page de résultats pour une recherche de billets d’avion, par exemple, est occupée pour moitié par un encadré affichant des offres tarifaires.

Google Shopping, par exemple, est tout à la fois un site de commerce et un comparateur de prix, les professionnels payant Google pour que leurs produits soient représentés sur son service.

Ces pratiques d’abus de position dominante trompent le consommateur et nuisent à de nombreuses entreprises du numérique.

Cet amendement a donc pour objet d’empêcher que des opérateurs de plateforme en ligne, étant à la fois comparateurs et vendeurs, ne favorisent leurs propres services, filiales ou partenaires par des signalisations privilégiées ou des espaces dédiés, au détriment des sites concurrents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement me laisse perplexe. On ne peut, sans porter atteinte à la liberté du commerce, interdire à un opérateur, quel qu’il soit, de faire, sur son site, la promotion de ses propres produits. Comment empêcher la FNAC, sur son propre site, de faire la promotion de ses produits ? Idem pour Google.

En revanche, on peut lui imposer d’être totalement transparent sur ce référencement promotionnel. C’est ce que prévoit d’ores et déjà l’article 22 de la commission.

La commission demande donc le retrait de cet amendement, au profit du texte de la commission sur le sujet, qui est déjà complet. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il s’agit certes d’un sujet important, mais les dispositions de cet amendement vont trop loin, au point que j’y suis défavorable.

Cet amendement vise à interdire tout affichage préférentiel, notamment de la part d’un moteur de recherche. Une telle disposition pourrait totalement remettre en question des modèles économiques librement choisis par les entreprises. Or, dans le domaine des pratiques commerciales, il est interdit d’interdire pour les États membres en raison de la directive européenne relative aux pratiques commerciales déloyales, en particulier.

Plus généralement, le choix de ce texte est de se placer du point de vue du consommateur, pour que celui-ci bénéficie d’une information transparente et puisse effectuer des choix éclairés. Ce qui importe, c’est de savoir qu’un produit a été référencé du fait d’un lien capitalistique, par exemple, ou que l’entreprise responsable d’une marchandise a payé à des fins de publicité.

Deux niveaux sont choisis : à l'échelon national, le terrain du droit de la consommation ; à l’échelon européen, le terrain du droit de la concurrence. C’est à ce niveau que la Commission européenne a engagé un certain nombre de procédures d’enquêtes de notification de griefs. D’autres en sont au stade du contentieux.

Je pense, en particulier, à la procédure ouverte par la Commission européenne contre Google concernant l’utilisation de Google Shopping ou encore, très récemment, à la notification de griefs contre Google, qui pourrait être accusé d’abus de position dominante dans sa relation avec les fabricants de terminaux, qui intègrent le système d’exploitation Android dans des proportions très majoritaires sur le marché des smartphones.

Il est important de comprendre sur quel terrain du droit nous nous situons. Le terrain commercial est, en l’occurrence, beaucoup trop invasif et il est interdit pour la France.

M. le président. Monsieur Rome, l'amendement n° 395 est-il maintenu ?

M. Yves Rome. Je suis fier d’avoir pu poser le débat sur les plateformes. Il y a là un problème récurrent qui, à terme, si nous n’y prenons garde, risque de tuer toute l’économie et d’ôter tous moyens à la nation française d’agir au profit du bien-vivre ensemble.

Néanmoins, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 395 est retiré.

L'amendement n° 396 rectifié, présenté par MM. Rome, Leconte, Sueur et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

I. – Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Lorsque son activité consiste en la mise en relation de consommateurs avec des professionnels ou des non-professionnels, (le reste sans changement) » ;

II. – Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au troisième alinéa, la référence : « à l'article L. 221-6 » est remplacée par les références : « aux articles L. 221-5 et L. 221-6 ».

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Le code de la consommation prévoit que, lorsque des consommateurs ou des non-professionnels sont mis en relation, l’opérateur de plateforme en ligne fournit une information loyale, claire et transparente sur la qualité de l’annonceur et sur les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale.

Cet amendement a pour objet d’élargir cette mesure aux opérateurs de plateforme en ligne lorsqu’ils mettent en relation les consommateurs avec des professionnels, vendeurs ou prestataires de service.

De nombreuses plateformes sont mixtes en ce sens qu’elles mettent en relation le consommateur avec des professionnels et des non-professionnels.

Il est donc important que l’information loyale, claire et transparente sur la qualité de l’annonceur s’applique, que le consommateur soit mis en relation avec des non-professionnels ou avec des professionnels.

Par ailleurs, l’amendement tend à compléter le renvoi aux articles relatifs aux informations précontractuelles que doivent respecter les opérateurs de plateforme en ligne : il paraît essentiel de viser l’article L. 221-5 du code de la consommation dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation.

C’est en effet cet article qui traite de la mention des informations précontractuelles : droit de rétraction, conditions des retours, coordonnées du professionnel…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Là, monsieur Rome, nous allons nous retrouver ! (Sourires.)

L’amendement vise, notamment, à étendre l’obligation d’indiquer la qualité de l’annonceur. Cette disposition répond, par anticipation, à un certain nombre d’amendements qui suivent et qui ont tous pour point commun d’exiger que l’opérateur indique si l’annonceur est un professionnel ou non.

Cette obligation existe déjà, mais seulement lorsque le site met en relation un consommateur avec un non-professionnel. L’extension est utile.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.