compte rendu intégral

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

vice-président

Secrétaires :

M. François Fortassin,

Mme Colette Mélot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

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Dossier législatif : proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l'urbanisme et à la construction
Discussion générale (fin)

Simplification de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et de certaines normes d'urbanisme

Adoption d’une proposition de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe UDI-UC, de la proposition de résolution tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l’urbanisme et à la construction, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Jean Marie Bockel et plusieurs de ses collègues (proposition n° 198 rectifiée).

Dans le débat, la parole est à M. Jean Marie Bockel, auteur de la proposition de résolution.

M. Jean-Marie Bockel, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les jours se suivent et se ressemblent, tout du moins s’agissant de la problématique des normes applicables aux collectivités territoriales.

Nous avons en effet adopté, hier, une proposition de loi constitutionnelle qui devrait notablement contribuer – le jour où elle sera mise en œuvre ! – à corriger à la source la propension de notre culture politique et juridique à accumuler dans la loi et dans la réglementation des prescriptions redondantes, des exigences disproportionnées et des procédures inextricables.

Chaque élu local ne cesse d’expérimenter tout au long de ses mandats à quel point ce phénomène entrave l’action au-delà de ce que requiert la sécurité des procédures et renchérit les coûts au-delà de ce que permet la contraction des ressources publiques, surtout en ces temps de rigueur budgétaire et de réduction des dotations.

Il fallait donc viser la source de l’inflation normative, qui est bien souvent législative, et c’est pourquoi nous avons souhaité inscrire dans la Constitution elle-même le principe de la compensation par l’État des charges supplémentaires créées par les normes nouvelles. Il n’y a pas de moyen plus efficace de créer le changement dans notre façon de légiférer et de réglementer, afin de nous rapprocher de la réalité des pratiques en vigueur dans les pays européens qui nous entourent et qui, finalement, ne fonctionnent pas si mal, bien au contraire.

Toutefois, nous avons souhaité, parallèlement à cette initiative constitutionnelle, faire progresser la sobriété normative, en rappelant un principe simple : pour une norme réglementaire créée, une norme supprimée ou allégée. C’est le premier objet de notre proposition de résolution.

Des initiatives ont déjà été prises en ce sens, avec l’inscription de ce principe dans la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du « gel » de la réglementation. Cependant, M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification a indiqué lui-même, en réponse à une question orale, que ce texte n’était qu’un « premier pas ».

Donner à l’objectif de simplification la priorité qu’il mérite suppose en effet une profonde évolution de la culture administrative. Une circulaire, si utile soit-elle, ne peut y suffire dans la durée.

C’est la raison pour laquelle notre proposition de résolution suggère dans sa première partie de rehausser dans la hiérarchie des normes le principe selon lequel l’ajout d’une norme doit être compensé par la suppression ou l’allégement d’une autre, dans le cas de la réglementation applicable aux collectivités territoriales. C’est une façon pragmatique de réguler les flux de normes nouvelles tout en s’attaquant par la bande au stock existant.

En effet, le problème du stock est crucial. Alors que les ressources des collectivités territoriales subissent de la part de l’État une pression massive, les coûts économiques, techniques et administratifs de l’empilement normatif existant sont devenus insupportables. C’est pourquoi nous devons engager une action systématique de réduction de ces stocks. Les élus locaux nous le demandent, de manière insistante et réitérée, et ils ont raison.

Néanmoins, par quoi commencer ? Notre délégation a posé la question aux élus en les interrogeant sur leurs priorités à l’occasion du congrès des maires en 2014. Le niveau de participation à notre consultation, comme Rémy Pointereau le rappelait encore hier, a été significatif. Lors de la fermeture de celle-ci, en février 2015, près de 4 200 réponses avaient été transmises à la délégation.

Les résultats ont été parlants : près de 64 % des réponses ont mentionné l’urbanisme et le droit des sols comme secteurs prioritaires pour la simplification. C’est pourquoi notre délégation a décidé de consacrer ses premiers travaux de simplification du stock de normes aux dispositions régissant l’urbanisme.

Sous l’impulsion de Rémy Pointereau, notre premier vice-président délégué, nous nous sommes dans un premier temps intéressés à la réglementation. La deuxième partie de la proposition de résolution dont nous débattons aujourd’hui est l’aboutissement de cette démarche. Elle identifie plus d’une dizaine de pistes de simplification concrètes, qui nous semblent à même de montrer que le processus de simplification s’enclenche, qu’il s’intensifie, que la demande exprimée par les élus locaux ne reste pas sans réponse, que le Sénat, totalement inscrit dans sa mission de représentant des collectivités territoriales, est à la manœuvre.

Certaines de ces pistes sont connues de tous ; notre collègue Éric Doligé les a présentées dans son rapport de 2011 sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Cinq ans après, elles sont toujours d’actualité.

Certaines autres pistes ont fait l’objet d’annonces de la part du Gouvernement, dont les plus récentes remontent au 14 septembre dernier. Souhaitons que le Sénat serve d’aiguillon pour que ces annonces se concrétisent pleinement et rapidement.

Je ne mets nullement en doute la détermination du Gouvernement, la vôtre, monsieur le secrétaire d’État ou celle de M. Mandon, avec qui nous avons eu l’occasion de nous entretenir de ce sujet. Toutefois, entre la volonté et l’action, nous avons un rôle d’impulsion à jouer, et c’est aussi l’esprit de cette résolution, qui n’a aucune valeur contraignante, mais qui constituerait un signal fort si elle était adoptée.

Je distinguerai quatre catégories de propositions.

Tout d’abord, trois dispositions de la proposition de résolution appellent le Gouvernement à clarifier, au moyen d’instruments de droit souple – des chartes ou des référentiels élaborés en concertation avec les élus locaux –, les relations entre les collectivités et certains de leurs interlocuteurs – les commissions de sécurité et les officiers préventionnistes, les architectes des bâtiments de France, les agences régionales de santé.

Quatre dispositions de la proposition de résolution incitent le Gouvernement à simplifier les règles de construction et de gestion des établissements recevant du public – il s’agit là d’un sujet sensible – en portant à la connaissance des préfets et des élus locaux les dérogations aux règles d’accessibilité existantes dans une circulaire ; en ajustant la périodicité de certains contrôles, à commencer par ceux qui sont relatifs aux installations électriques ; en élargissant la possibilité d’installation de classes démontables dans les établissements scolaires faisant l’objet de travaux ; enfin, en assouplissant les normes parasismiques dans les zones et pour les bâtiments présentant un très faible enjeu au regard du risque sismique.

Quatre autres dispositions de la proposition de résolution invitent le Gouvernement à alléger les formalités pesant sur les actes et les documents d’urbanisme grâce à la simplification d’un formulaire de déclaration préalable – le CERFA 13 404 – pour certains types d’aménagement, de construction et de travaux ; à l’établissement de la liste précise des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité ; à la limitation à un mois de la majoration éventuelle des délais d’instruction de droit commun des déclarations préalables, des permis de construire et des permis d’aménager ; enfin, à la simplification des obligations réglementaires pesant sur les plans locaux d’urbanisme, en particulier les études exigées dans les zones humides. Qui, sur son territoire, n’a pas été confronté à des conflits, des interrogations et des incertitudes sur ce sujet sensible ? (M. Jacques Mézard acquiesce.)

Les deux dernières dispositions de la proposition de résolution ont trait à des équipements et des aménagements posant des difficultés spécifiques dans nos territoires. Elles tendent, d’une part, à accompagner les communes dans la mise en conformité de leurs équipements d’assainissement collectif avec la réglementation européenne, et, d’autre part, à permettre le regroupement des différents dossiers préalables à la création d’une zone d’aménagement concerté en un seul.

Cet ensemble pourrait paraître un peu technique et passablement fragmentaire, mais nous savons tous, en tant qu’élus locaux, ce qu’il y a de vécu, et souvent de mal vécu, dans cette énumération.

C’est la raison pour laquelle nous invitons le Sénat à adopter la présente proposition de résolution, fruit d’un travail collectif mené notamment avec Rémy Pointereau, qui anime, au sein de la délégation, un groupe de travail très actif. Avec Alain Lambert, qui préside aujourd’hui le conseil des normes, mais qui a longtemps siégé dans cet hémicycle, il effectue un travail considérable que je tiens à saluer.

Nous travaillons également en bonne intelligence avec les différentes commissions permanentes. Nous n’entendons nullement remettre en question leur rôle et nous œuvrons dans la transversalité, notamment avec la commission des lois, avec laquelle nous entretenons un très bon dialogue sur ces questions qui relèvent de sa compétence, mais également avec les autres commissions, comme nous le verrons dans la suite des travaux de la délégation.

Nous sommes nombreux, au sein de la délégation, mais aussi sur toutes les travées de notre assemblée, à souhaiter que cette proposition soit adoptée.

Les élus locaux y verront un signe de l’attention que nous portons à leurs problèmes concrets. Le président Gérard Larcher y est lui-même personnellement sensible et a donné une impulsion forte à nos travaux. Notre délégation y verra un encouragement à poursuivre sa tâche austère et le Gouvernement, à n’en pas douter, une incitation à mener à bonne fin les travaux qu’il a entrepris de son côté, car tous les gouvernements, quels qu’ils soient, sont toujours confrontés à un certain nombre de freins et de pesanteurs.

Au travers de ce projet de résolution, nous appuyons la volonté sincère du Gouvernement d’avancer sur cette question qui nous tient à cœur. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE. – MM. Joël Labbé et René Vandierendonck applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui un sujet récurrent au sein de notre hémicycle et dans les réflexions des pouvoirs publics.

Ainsi, en 1991, le Conseil d’État faisait déjà part de ses inquiétudes concernant la complexité du droit, caractérisé par la prolifération désordonnée des textes, l’instabilité croissante des règles et la dégradation manifeste de la norme.

En 2011, une mission d’information sur cette question a été conduite par le Sénat sous l’égide de la délégation aux collectivités territoriales, portée par notre collègue Éric Doligé. Ce rapport a abouti au dépôt d’une proposition de loi, toujours en cours de navette, que l’examen de cette proposition de résolution remet d’une certaine façon au goût du jour.

De fait, le sujet est important, en particulier pour les élus locaux. Aujourd’hui, ce sont plus de 400 000 normes qui sont applicables. Cette situation pose de vraies questions, liées notamment à l’insécurité juridique pour les collectivités. Trop de normes tue l’idée même de la norme et rend impossible l’idée que la loi soit connue et intelligible par tous. C’est donc aussi un problème démocratique.

Il faut cependant aller plus loin et remettre en cause non seulement le volume, mais aussi les modes d’élaboration de la norme et de la loi. Les efforts à produire en matière de démocratie sont immenses et, dans ce domaine aussi, les collectivités, notamment les communes, ont fait preuve d’un esprit d’initiative et d’innovation remarquable.

Dans d’autres circonstances, en particulier dans le cadre de l’élaboration de la loi, nous nous trouvons trop souvent enfermés dans des débats d’experts. Or de la vivacité de notre démocratie dépend aussi la qualité des normes et des lois.

Pour autant, il faut être clair. Cette volonté de diminuer les normes, donc les contraintes sur les collectivités, ne doit pas conduire à réduire la qualité et la sécurité pour nos concitoyens.

Limiter les normes ne doit pas constituer non plus une forme de déréglementation des secteurs de l’urbanisme, du logement et de l’environnement, dans lesquels les objectifs en matière d’accessibilité, de sécurité, de normes sanitaires et de protection de l’environnement seraient relégués comme des questions annexes ou trop complexes. Une telle posture est dangereuse.

Par ailleurs, derrière le rejet des normes par les élus, se cachent, pour beaucoup d’entre ces derniers, de réelles difficultés dans la mise en œuvre, faute d’accompagnement technique par les administrations et de soutien financier par l’État. En matière d’urbanisme, nous regrettons d’ailleurs la quasi-suppression de l’assistance technique de l’État, l’ATESAT, tout comme la baisse des dotations qui obère les capacités d’intervention des collectivités et leurs moyens humains pour garantir le respect de ces normes.

Gardons à l’esprit le fait que l’édiction de règles répond, le plus souvent, à un besoin essentiel de sécurité technique et juridique.

Au-delà de ces considérations sur l’utilité des normes, c’est aussi l’argument libéral qui est avancé. Ainsi, dans la discussion sur sa proposition de loi, Éric Doligé rappelait l’essentiel : « N’oublions pas que la compétitivité se mesure sur les marchés internationaux. Celui qui ne maîtrise pas ses charges et contraintes perd de la compétitivité. Chaque norme supérieure à celle de notre concurrent nous pénalise ».

Manifestement, nous ne sommes donc pas seulement dans une volonté de sécuriser les collectivités, mais bien de libéraliser les secteurs économiques qui ne le seraient pas encore, en abaissant le niveau des normes, qu’elles soient urbanistiques, environnementales, de sécurité ou encore sociales. Ce discours de l’ultralibéralisme débridé conduit à des catastrophes humaines, sociales et environnementales – nous le savons bien ! Les sénateurs et sénatrices du groupe CRC condamnent cette orientation politique du moins-disant.

De notre côté, nous pouvons avancer deux propositions.

Tout d’abord, pour éviter l’écueil de lois utiles, mais inapplicables faute de moyens, ne faudrait-il pas prévoir, de manière systématique, un volet fixant les règles financières de leur mise en œuvre ?

Ensuite, ne pourrait-on pas encourager plus encore le dialogue avec les autorités devant délivrer des avis, par exemple les architectes des bâtiments de France ou les agences régionales de santé, pour éviter des recours systématiques à la justice administrative par ailleurs surchargée, recours qui allongent les délais ?

S’agissant des propositions formulées dans cette proposition de résolution, il faut bien reconnaître que nous ne les partageons pas.

En ce qui concerne le principe « pour une norme créée, une norme supprimée », nous considérons que cette affirmation est purement démagogique. Ce qui doit prévaloir pour définir le droit positif, c’est non sa masse globale, mais bien la justesse et l’utilité de ces normes. Toute idée mécanique est donc à bannir. Quant à savoir si un décret a plus de force qu’une circulaire, ce débat sur la hiérarchie des normes réglementaires est – franchement – bien en deçà des questions que vous posez.

Cette proposition de résolution semble être une curieuse collection de dispositions issues de divers rapports et propositions de loi, dont la portée et le contenu sont extrêmement variables, allant de la santé à l’environnement, en passant par l’assainissement. D’ailleurs, la plupart de ces mesures relèvent purement du pouvoir réglementaire ou même du bon sens. La proposition de résolution va même jusqu’à évoquer la question de formulaires administratifs...

La création de chartes nationales pour fixer le niveau d’exigence des commissions de sécurité ou celui des architectes des bâtiments de France relève uniquement, là encore, de bonnes pratiques.

Le fil conducteur de ces propositions, c’est au fond l’idée que l’administration serait par nature arbitraire et même dangereuse, alors qu’elle protège les administrés et notre environnement.

D’autres préconisations nous semblent tout autant problématiques, notamment en matière d’urbanisme, avec cette volonté tenace de déréglementer le droit des sols. Il en est ainsi de la proposition d’établir une liste des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité ou de celle qui entend carrément limiter la réglementation applicable aux plans locaux d’urbanisme.

Pour ces raisons, nous ne voterons pas ce texte.

Nous, nous demandons en priorité au Gouvernement, et ce pour soulager les collectivités, de cesser ses coupes budgétaires et de remettre des fonctionnaires dans les préfectures et les services déconcentrés. Les collectivités pourront ainsi mener les politiques pour lesquelles les électeurs ont voté. Derrière la question des normes, c’est cela le vrai sujet ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.

Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est présentée – je souhaite d’ailleurs en remercier M. Bockel et ses collègues – se veut une réponse aux résultats de la consultation des élus locaux, lancée à l’occasion du congrès des maires en 2014 par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

En matière de simplification des normes, les élus locaux ont en effet placé en tête de leurs préoccupations le secteur de l’urbanisme et du droit du sol.

Ils ont globalement mis en avant l’excès de formalisme, l’absence d’interlocuteur identifié, les dossiers administratifs longs et indigestes ou encore le manque d’adaptation des normes aux contextes locaux. Ils ont aussi relevé que toutes les normes édictées pour les zones urbaines sont difficilement applicables dans les zones rurales.

Il est indéniable que les élus engagés dans l’élaboration de documents d’urbanisme, notamment des plans locaux d’urbanisme, sont aujourd’hui confrontés à la complexité accrue des normes, devenues trop nombreuses et contraignantes.

Cette inflation normative résulte des demandes croissantes de nos concitoyens en matière de sécurité, de santé, de protection de l’environnement ou encore d’application du principe de précaution. Il faut aussi compter avec les textes communautaires et internationaux, voire avec d’autres législations.

L’élu communal, principal acteur des compétences d’urbanisme et conciliateur de l’intérêt général avec les intérêts particuliers des propriétaires et des constructeurs, a ainsi dû faire face, ces dernières années, à une profusion de nouveaux textes.

Cet étouffement normatif est, depuis longtemps, une source d’instabilité, de coûts importants, d’insécurité juridique et de lourdeurs, obligeant certains élus, quand ils le peuvent, à faire appel à des cabinets d’avocats. Pourtant, depuis plus de vingt ans, alors que le Conseil d’État mettait en garde contre de telles dérives, de nombreuses lois sont encore venues modifier les orientations et le contenu du droit de l’urbanisme.

Cet empilement législatif et réglementaire rend le droit de l’urbanisme instable, difficilement accessible et peu lisible pour la plupart des élus. Dans un tel contexte, la simplification des normes est devenue, en particulier pour les maires, une question prioritaire.

Partant de ce constat, la proposition de résolution, qui s’articule autour de deux axes, invite le Gouvernement à rehausser, dans la hiérarchie des normes, le principe de la compensation de l’ajout d’une norme par la suppression ou l’allégement d’une autre et lui présente ensuite treize propositions à mettre en œuvre pour simplifier les normes réglementaires en matière d’urbanisme et de construction.

Le principe de la compensation de tout ajout d’une nouvelle norme par la suppression d’une autre a été décidé par le Président de la République, qui, dès le début de son mandat, a fait de la simplification des normes pesant sur les collectivités locales une priorité.

Ce gel des normes, entré en vigueur le 1er septembre 2013 conformément à une circulaire, a remplacé le moratoire sur les normes mis en place en 2010 par François Fillon, également par voie de circulaire, mais qui s’était montré peu efficace. Alain Lambert, médiateur des normes applicables aux collectivités territoriales, dénonçait alors un moratoire, qui « semblait inconnu de la part d’un certain nombre d’administrations centrales ».

C’est pourquoi le Gouvernement, au-delà de l’institution de ce gel, a limité le nombre de circulaires ministérielles, pour en améliorer la qualité, tout en rénovant le mode de relation avec les services déconcentrés. Il réserve désormais l’usage des circulaires à la diffusion d’instructions pour la mise en œuvre d’une politique publique. Les précisions techniques ou méthodologiques sont apportées via internet et les préfets et services déconcentrés de l’État doivent être en mesure de prendre en compte la réalité des territoires dans l’application des textes.

Il est donc inutile de transformer cette circulaire en décret et de rajouter ainsi à l’inflation des normes. En ce sens, Alain Lambert juge indispensable de rétablir la hiérarchie des textes – sortir de la loi ce qui aurait dû être du ressort du décret, sortir du décret ce qui aurait pu tenir dans un arrêté, etc. –, afin de modifier plus facilement un texte mal conçu.

Depuis l’adoption de cette mesure, le processus de simplification engagé par le Gouvernement se poursuit et s’intensifie. Pour mieux lutter contre l’inflation normative, le Conseil national d’évaluation des normes, créé par la loi du 17 octobre 2013, dispose de pouvoirs renforcés. Il est compétent pour la gestion des flux, comme pour le stock de normes. Ainsi, les élus pourront saisir directement cet organisme, afin de proposer l’abrogation ou la simplification d’une norme.

En matière d’urbanisme, plusieurs mesures récentes de simplification permettent d’agir sur le traitement contentieux des autorisations d’urbanisme, de raccourcir les délais d’obtention des permis de construire, de prolonger les délais de validité des permis de deux à trois ans et d’assouplir les conditions de la concertation pour certains d’entre eux.

Un décret publié en décembre dernier réforme le plan local d’urbanisme et clarifie le code de l’urbanisme. Les douze articles actuels seront remplacés par un règlement plus souple et mieux adapté aux spécificités des territoires.

Un certain nombre de règles ont donc bien été allégées et supprimées, mais les effets de ces simplifications – pour la plupart, récentes – ne sont pas encore spectaculaires. De plus, le toilettage du stock de normes existant peut s’avérer complexe, comme pour la loi sur le handicap.

Aujourd’hui, la plupart des treize propositions présentées dans le texte que nous examinons, soit sont déjà mises en place, soit ont fait l’objet d’annonces lors du comité interministériel du 14 septembre 2015 à Vesoul. Le Gouvernement a donc bien entendu les demandes exprimées par les élus et a mené un chantier spécifique de simplification des normes de construction et des règles d’urbanisme, qui commence à produire des effets.

Il n’y a donc pas d’intérêt majeur à cette proposition de résolution, qui va dans le sens du travail accompli par le Gouvernement. C’est la raison pour laquelle notre groupe s’abstiendra, mais de manière positive, sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le chantier de la simplification est en cours depuis le mois de mars 2013 avec l’annonce, par le Président de la République, de son « choc de simplification ».

Je ne suis pas nécessairement convaincu par les thérapies de choc. De manière générale, je préfère les évolutions aux révolutions, les petits matins aux grands soirs, les transitions concertées aux bouleversements soudains et imposés. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Joël Labbé. Cela vient peut-être avec l’âge, chers collègues ! (Sourires.)

Heureusement, dans cette œuvre de simplification, il y a eu de la concertation. Nous avons examiné, dans cet hémicycle, de nombreux textes de simplification ces deux dernières années et la plupart d’entre eux ont fait l’objet d’une concertation préalable avec les acteurs économiques et institutionnels.

C’est aujourd’hui le travail de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui est en discussion. Il ne s’agit pas d’un travail partisan. Par les temps qui courent, c’est particulièrement appréciable !

En tant qu’ancien maire, je comprends très bien la détresse de certains élus locaux face aux réglementations extrêmement complexes, notamment en matière d’urbanisme. Cette résolution vient répondre à cette détresse, et je souscris à l’objectif de ses auteurs.

Toutefois, les écologistes resteront vigilants (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), car il ne faut pas confondre simplification et déréglementation. Certaines normes sont utiles et n’ont pas été adoptées par hasard, en particulier lorsque des excès ont été commis.

M. Alain Gournac. Trop d’excès !

M. Joël Labbé. Elles méritent parfois d’être assouplies, mais il ne faut pas que leur utilité s’en trouve écornée.

Il serait nécessaire d’établir un premier bilan de l’activité du Conseil national d’évaluation des normes, que notre assemblée a réformé en adoptant une proposition de loi présentée sur l’initiative commune de deux de ses « piliers », Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, dont je veux saluer ici le travail et la détermination.

La loi du 17 octobre 2013 a permis de consacrer, grâce à un amendement de notre ancienne collègue Hélène Lipietz – je tiens à la saluer, car je sais qu’elle est présente dans nos murs aujourd’hui –, la proposition du Président de la République consistant à abroger une norme devenue inutile ou obsolète chaque fois qu’une norme nouvelle est applicable aux collectivités territoriales. Ainsi, « l’avis rendu par le Conseil national sur des dispositions réglementaires en vigueur peut proposer des modalités de simplification de ces dispositions et l’abrogation de normes devenues obsolètes ». C’est donc avec une certaine satisfaction que je peux aujourd’hui oser soutenir ce texte,…