Mme Évelyne Didier, rapporteur. Elle est déjà prête !

M. Jean-Jacques Filleul. En effet, l’occasion se présentera forcément, puisqu’il existe une seule usine de construction d’autocars, sous licence italienne.

Enfin, cette réforme du transport par autocar est à l’évidence une réforme propre, dans l’esprit et dans la lettre.

Certes, à première vue, l’autocar est un mode de transport plus polluant que le ferroviaire. La réalité est pourtant bien plus complexe : 50 % des trains régionaux roulent toujours au diesel ; 25 % des liaisons TER sont réalisées par autocars. Il faut également prendre en compte le taux de remplissage : en dessous d’un certain seuil de fréquentation, le rapport pollution émise par personne transportée par train peut être très élevé.

Par ailleurs, un autocar vaut mieux que cinquante véhicules sur la route, chacun comprend cela, M. le secrétaire d’État l’a rappelé, et l’impact carbone serait négatif si les voyageurs qui prennent habituellement le train se reportaient tous sur l’autocar, ce qui n’est pas possible.

J’ajoute que l’article 2 de la loi Macron prévoit que les pouvoirs publics aient, en la matière, un certain niveau d’exigence environnementale. Les autocars doivent, en effet, relever le défi d’une véritable alternative à la voiture particulière. Un arrêté du 22 septembre 2015 prévoit que seuls les autocars de norme Euro V, jusqu’au 31 décembre 2017, et les autocars de norme Euro VI à partir du 1er janvier 2018, sont, et seront, autorisés à circuler.

Madame la rapporteur, je suis sensible aux critiques relevées dans l’exposé des motifs quant au rapport de la commission sur les trains d’équilibre du territoire. Cette sensibilité à vos propos tient à ma participation active à l’élaboration de ce rapport. Celui-ci constate, en effet, une offre très dégradée, nous en convenons tous, qui ne correspond plus aux besoins des usagers, avec un déficit d’exploitation en forte augmentation ces dernières années. La conjonction de ces facteurs pouvait à terme menacer l’existence même de ces lignes. Le développement du TGV, du transport aérien à bas coût, du covoiturage, remet en cause la pertinence de certaines dessertes des TET, jamais repensées.

Certaines lignes sont surexploitées, d’autres sont très faiblement fréquentées. Cette inadaptation frappe particulièrement les lignes de nuit, confrontées au développement d’autres offres de transport et dont le niveau de confort est surtout très en deçà de ce que les usagers sont en droit d’attendre.

Le rapport pose donc la question de la survie de ces lignes et propose des pistes pour permettre de développer une offre de TET pertinente, en prenant en compte les besoins des usagers. Plutôt que « l’abandon des lignes », comme j’ai pu le lire, le rapport Duron propose une redynamisation et une adaptation de l’offre des trains d’équilibre du territoire.

L’objectif n’est pas, comme vous l’écrivez, d’aboutir à une hyper-régionalisation de l’offre en dehors du TGV, nous n’y souscririons pas. Les TER, dont on connaît le succès, sont bien de la compétence régionale et le resteront. La commission a procédé à une analyse précise, ligne par ligne, de l’offre des TET. Sur les lignes fortement fréquentées, il est proposé de renforcer l’offre, en augmentant la fréquence des dessertes et en les rendant plus attractives. Par ailleurs, le développement de la tarification flexible et la mise en place du cadencement sont d’actualité.

Comme tous mes collègues siégeant à la commission sur les TET, j’ai observé avec satisfaction que le secrétaire d’État aux transports a répondu positivement aux conclusions du rapport. La feuille de route qu’il a présentée en juin 2015 exprime l’ambition que l’État prenne pleinement sa place dans l’organisation des TET : elle nous convient.

Puis, alors que les gouvernances des nouvelles régions seront établies dans les mois à venir, j’attends que les préfets interlocuteurs des régions engagent, au nom de l’État, les négociations visant à revoir le maillage, à revitaliser les TET et à signer les conventions avec la SNCF. L’État stratège prendra alors toute sa valeur comme autorité organisatrice de transport de plein exercice et en renforçant sa capacité d’expertise, élargissant le champ de ses décisions, notamment sur l’offre de transport.

Toujours d’après la feuille de route, pour pouvoir jouer pleinement ce nouveau rôle, les moyens des services chargés des missions d’AOT au sein du ministère des transports sont renforcés. Un conseil consultatif des trains d’équilibre du territoire est créé, afin de permettre un dialogue régulier de haut niveau sur leur évolution, en présence des autorités organisatrices régionales.

Ce positionnement nouveau sur les TET doit s’accompagner d’acquisitions de matériels roulants performants, neufs et adaptés aux besoins des usagers. Un investissement de 1,5 milliard d’euros nous a été promis à ce titre. C’est l’ensemble de ces conditions et moyens qui permettront aux TET de retrouver toute leur utilité entre les TGV et les TER.

Dans l’article 2 de votre proposition de loi, madame la rapporteur, vous préconisez la mise en place d’un versement transport régional. Convenons ensemble que cette revendication a pu nous paraître justifiée, en particulier dans le cadre de la réforme ferroviaire de 2014. Nous avons alors déposé un amendement tendant à instaurer un versement transport interstitiel dans les secteurs hors périmètre de transport urbain, ou PTU, lequel nous paraissait de nature à fournir de nouveaux moyens financiers aux régions. Le Gouvernement ne nous a pas suivis à l’époque, M. le secrétaire d’État vient de nous le confirmer encore, nous l’avons regretté et compris.

Vous proposez, dans cet article 2, la mise en place d’un versement transport mixte interstitiel et additionnel. Nous ne soutiendrons pas cette mesure, qui diffère de ce que nous avons défendu en 2014 et qui ferait peser de nouvelles charges sur les entreprises.

Pour conclure sur ce point, il vient d’être rappelé que le Gouvernement s’est engagé à compenser en totalité les conséquences de la modification de seuil de neuf salariés à onze salariés prévue par l’article 4 du projet de loi de finances pour 2016.

J’ajoute que, par l’article 39, non rattaché, de ce projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement s’engage à compenser les transferts de compétences des départements vers les régions, notamment en matière de transport scolaire et interurbain. L’objectif est de compenser financièrement ces transferts en attribuant aux régions une ressource équivalente : 25 % du produit de la CVAE des départements au 1er janvier 2017, soit l’équivalent d’un produit fiscal d’environ 3,9 milliards d’euros.

L’article 3 prévoit la mise en place d’un taux réduit de TVA à 5,5 % sur les transports publics. Nous avons proposé cette mesure à de multiples reprises, et nous ne sommes pas les seuls. Toutefois, une proposition de loi est-elle le bon véhicule pour modifier un taux de TVA ? Non, évidemment. Une telle réforme a sa place dans un projet de loi de finances.

Monsieur le secrétaire d’État nous a précisé que le Gouvernement est toujours défavorable à cette mesure au regard de l’état des finances publiques dans les circonstances actuelles. M. le ministre des finances en a d’ailleurs exposé les raisons dans un récent courrier adressé à l’Union des transports publics et ferroviaires, suggérant que cette mesure ne serait pas conforme au droit européen – vous l’avez rappelé à l’instant, monsieur le secrétaire d’État. Cette baisse de TVA ne s’appliquerait en effet qu’aux seuls transports du quotidien. Eu égard à tout ce que nous avons entrepris dans ce domaine, nous nous abstiendrons sur cet article.

En revanche, comme nous l’avons fait en commission, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la coauteur de la proposition de loi et rapporteur, chère Évelyne Didier, madame la coauteur de la proposition de loi, chère Marie-France Beaufils, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, chers collègues, Ronan Dantec, qui siège à la commission du développement durable, devait intervenir aujourd’hui à ma place, mais il occupe, en ce moment même, une place plus importante encore, puisqu’il porte haut et loin, dans le cadre de la COP 21, la voix des villes et des collectivités territoriales, en sa qualité de porte-parole climat de l’organisation mondiale des villes.

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a transféré aux régions l’ensemble des compétences en matière de transports hors agglomération. Les écologistes ont soutenu ce transfert : nous considérons en effet que la région est un échelon pertinent pour gérer les transports, et que le regroupement des compétences renforce l’efficacité de ce service public essentiel.

Sur l’appréciation du caractère essentiel de ce service public, nous rejoignons d’ailleurs les auteurs de la présente proposition de loi. L’accessibilité des territoires et la mobilité des habitants sont en effet des leviers déterminants de l’accès à l’emploi, nécessaires pour réduire les fractures qui traversent notre pays et prémunir les populations de certains territoires contre le sentiment d’abandon. Ces préoccupations relèvent plus que jamais de l’urgence.

Dans cette perspective, la présente proposition de loi prévoit plusieurs mesures.

Concernant la libéralisation du transport par autocar, il est clair que la concurrence créée par ce nouveau service met en danger le service ferroviaire, qui est déjà en difficulté, et entraînera immanquablement sa dégradation.

Au regard de l’état de nos finances publiques et de l’impossibilité de construire partout des lignes de train, nous pourrions certes considérer comme légitime l’utilisation du transport par autocar, en complément des lignes de train, pour la desserte de certains endroits isolés. Cependant, les opérateurs privés de transport par autocar n’ont que faire des considérations d’aménagement du territoire.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Très juste !

M. Joël Labbé. Nos craintes se sont d’ailleurs vérifiées : ils s’installent sur les liaisons les plus rentables – c’est un grand classique –, faisant perdre des recettes au service public ferroviaire, affectant ainsi sa capacité à satisfaire les obligations de service public.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Bien sûr !

M. Joël Labbé. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit également d’instaurer des financements pour les transports régionaux.

Nous soutenons pleinement cette demande. Fournir à tous des services de transport de qualité requiert en effet des budgets importants. Oui, nous avons besoin de services publics. Oui, certaines dépenses publiques, dont celles-ci font partie, sont essentielles. Non, l’impôt n’est pas un gros mot lorsqu’il vise à financer des services au bénéfice de la population, lorsqu’il est juste et bien utilisé.

Après une longue bataille menée à la fin de 2013, le Gouvernement a décidé de relever le taux de TVA applicable aux transports malgré les difficultés inhérentes à une telle réforme, prévues par tous ceux qui exercent des responsabilités dans ce secteur.

S’agissant de l’instauration d’un versement transport au profit des régions, la revendication s’est déjà exprimée fortement, et de façon transpartisane.

Le Sénat avait créé, par amendement à la loi portant réforme ferroviaire du 4 août 2014, un versement transport interstitiel en faveur des régions. Cette mesure a néanmoins été supprimée, avant même sa mise en œuvre, dans la loi de finances pour 2015, à la demande du Gouvernement.

Notre groupe politique a défendu à la fois le rétablissement d’un taux réduit de TVA sur les transports et l’institution du versement transport interstitiel. Alors que les dotations de l’État baissent, les régions ne disposent en effet d’aucune ressource fiscale propre. Elles sont donc confrontées, en la matière, à la quadrature du cercle, et ne sont plus en mesure d’assurer le service public des transports, dont elles ont pourtant la charge.

J’ajoute que le groupe écologiste défend d’autres propositions qui vont dans le même sens : l’augmentation de la part régionale de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, et surtout le droit à l’instauration de taxes régionales de transit sur les poids lourds.

J’en viens à l’enjeu écologique. L’urgence climatique fait en ce moment l’actualité, et est de toute façon appelée, au fil du temps, à se faire toujours plus prégnante, qu’on le veuille ou non.

Le secteur des transports représente environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre en France et 95 % de ces émissions sont imputables aux transports routiers. Nous devons réorienter une grande partie du transport routier vers des modes de transport dont l’empreinte carbone est moindre. À cet effet, l’une des solutions consiste à fournir à la population une offre de services de transports publics performants.

Par conséquent, le groupe écologiste ne peut que soutenir avec force l’objectif du maintien et du développement, sur l’ensemble du territoire national, d’une offre de transport ferroviaire régional de qualité. Nous voterons donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, en pleine période de renouvellement des assemblées régionales, les sondages réalisés sur les enjeux et les compétences des régions démontrent que les transports constituent, avec l’emploi et le développement économique, l’une des premières préoccupations des Français.

Cela est aisément compréhensible, tant, à cet égard, les difficultés sont grandes, aussi bien dans les régions très urbaines comme l’Île-de-France, que dans de nombreux territoires enclavés, qui souffrent de l’absence de dessertes ferroviaires, aériennes et même routières de qualité.

Je prendrai l’exemple d’un territoire cher à notre collègue Jacques Mézard, président de notre groupe : celui de l’arrondissement d’Aurillac. Il est desservi par une seule route nationale, la RN 122 – laquelle comporte des tronçons limités à 30 kilomètres par heure, ainsi qu’un grand nombre de radars –, par des lignes ferroviaires lentes et par de rares liaisons aériennes qui laissent à désirer.

Les transports ferroviaires, service public qui devrait être garanti à tous nos concitoyens, ont un coût que la collectivité peine à assumer, en particulier dans le contexte budgétaire actuel.

En 2013, les régions participaient à hauteur de près de 4 milliards d’euros au financement du transport ferroviaire régional, qui est visé par la présente proposition de loi. Elles ont, depuis 2002, permis de faire repartir à la hausse la fréquentation des TER, par les investissements qu’elles ont consentis sur les réseaux, les gares et les matériels roulants.

Alors que l’autonomie financière des régions est plus fragile qu’elle ne devrait l’être, la loi NOTRe du 7 août 2015 a procédé au renforcement de leurs compétences en matière de transports. La compensation de ce transfert de compétences aura lieu, mais le manque récurrent de ressources pérennes ne laisse pas d’inquiéter.

Nous regrettons une nouvelle fois les errements du Gouvernement sur le dossier de l’écotaxe poids lourds. Celle-ci devait garantir une meilleure visibilité à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, dont les projets, essentiels à la réduction des fractures territoriales, sont soumis chaque année aux aléas budgétaires.

Si nous partageons le diagnostic des auteurs de la présente proposition de loi, nous sommes en revanche plus circonspects quant aux solutions préconisées.

Premièrement, ce texte entend revenir sur la libéralisation des liaisons de transport par autocar prévue par la loi Macron, qui vient à peine d’être votée et est entrée en vigueur en août dernier.

Le bilan encore très provisoire de cette mesure peut être considéré comme positif : la nature ayant horreur du vide, elle a notamment conduit au développement d’une offre de services là où il n’en existait pas. Ceci s’est fait dans l’intérêt des usagers, les prix proposés permettant à un grand nombre d’entre eux, dont une forte proportion de jeunes qui n’auraient jamais pris le TGV ni le train Intercités, de voyager sur de longues distances. Il s’agit incontestablement d’un progrès.

Mes chers collègues, nous devons réfléchir en termes de complémentarité des modes de transport qui participent au droit à la mobilité. Cette complémentarité est essentielle dans les zones mal desservies.

Bien que nous soutenions le maintien et le développement des lignes ferroviaires, qui sont essentielles à l’aménagement du territoire, nous constatons, sur certains trajets, qu’à défaut d’un service de qualité, nos concitoyens se replient sur la voiture individuelle, ce qui est contraire à nos objectifs en matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre.

Il y a là un véritable effet pervers : l’existence de liaisons ferroviaires dont la qualité est insuffisante favorise le recours à la voiture, décourageant les efforts d’amélioration du réseau ferré.

Quant aux autocars, ils participent – certes faiblement – à l’entretien des routes, par le biais des péages qu’ils acquittent auprès des sociétés concessionnaires.

Deuxièmement, l’article 2 crée, en vue de pallier l’insuffisance chronique des financements, un versement transport régional. Sa composante « versement transport additionnel » reviendrait à taxer deux fois une même assiette, et donc les mêmes redevables. Cela ne nous semble pas acceptable !

Nous étions majoritairement favorables, en revanche, au versement transport interstitiel, applicable sur les territoires situés hors du ressort territorial des autorités organisatrices de la mobilité. Ce versement avait été créé ici même, lors de l’examen de la loi portant réforme ferroviaire, avant d’être supprimé par la majorité gouvernementale lors de l’examen de la loi de finances pour 2015.

Nous ne pouvons toutefois pas souscrire à l’augmentation de la fiscalité des entreprises telle qu’elle est envisagée par les auteurs de la présente proposition de loi. Les entreprises se trouveraient en effet doublement pénalisées, puisque le gage financier de l’article 4 consiste en une réduction du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Troisièmement, la réduction de 10 % à 5,5 % du taux de TVA applicable aux transports publics urbains, prévue par l’article 3, ne serait pas conforme au droit européen, comme l’a expliqué le Gouvernement. En outre, cette disposition nous semble relever davantage du ressort d’une loi de finances.

Enfin, cette proposition de loi ne nous semble pas directement concourir à l’amélioration de la qualité des dessertes ferroviaires. Il conviendrait d’aller de l’avant, plutôt que de revenir sur des dispositions qui viennent seulement d’être approuvées par le Parlement.

Ainsi, comme vous l’aurez compris, les remèdes proposés par les auteurs de ce texte n’ont pas convaincu les membres du RDSE. C’est pourquoi nous ne pouvons pas approuver la présente proposition de loi.

Mme Laurence Cohen. C’est dommage !

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Madame la présidente, madame la rapporteur – que je salue pour la constance de ses convictions –, mes chers collègues, nous le savons tous, et vous l’avez d’ailleurs tous rappelé : depuis de très nombreuses années, notre système ferroviaire fonctionne de moins en moins bien.

Notre réseau est passé du statut de fierté nationale à celui de lourd fardeau, dont la dette, monsieur le secrétaire d’État, est aujourd’hui de 44 milliards d’euros. Elle pourrait s’élever, si nous persistons sur la trajectoire exponentielle qui prévaut actuellement, à plus de 66 milliards d’euros à l’horizon de 2020. Quel bilan tirer de ce constat ?

Dès 2005, les conclusions du rapport Rivier sur l’état du réseau ferré national – confirmées par un rapport thématique de la Cour des comptes – étaient que le réseau ferroviaire français était en voie d’effondrement.

Le matériel des trains d’équilibre du territoire est obsolète et fatigué. La réponse de l’État stratège n’est pas à la hauteur de l’enjeu, malgré l’abandon des 500 millions d’euros de dividendes et d’impôt sur les sociétés auparavant acquittés par la SNCF, et malgré les investissements prévus à hauteur de 1,5 milliard d’euros, mais d’ici à 2025. Or le problème de l’industrie ferroviaire, c’est son plan de charge actuel ! Il n’est pas jusqu’au TGV qui ne commence à son tour à connaître des problèmes d’équilibre économique.

M. Roger Karoutchi. Il est mal géré !

M. Louis Nègre. Dans ce paysage, qui s’assombrit d’année en année, seule l’action déterminée des régions a contribué, par des investissements massifs effectués depuis 2002, à la dynamique du ferroviaire, avec à la clé une forte augmentation du nombre de passagers.

Il nous est demandé cet après-midi de nous prononcer sur la proposition de loi censée permettre de développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité.

Si nous approuvons pleinement le but affiché par votre proposition de loi, mesdames les coauteurs, nous sommes en revanche en désaccord avec les moyens que vous préconisez pour y parvenir.

Comme vous le savez, mes chers collègues, à la suite de la promulgation de la loi du 7 août 2015, dite loi « NOTRe », la région est la collectivité qui bénéficie des transferts de compétences les plus importants, notamment dans le domaine des transports.

Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État : la région devient l’autorité organisatrice de l’intégralité de la mobilité interurbaine. Elle se voit dotée de nouvelles responsabilités sur l’ensemble des transports publics interurbains de voyageurs, y compris les transports scolaires et les transports à la demande non urbains.

J’en viens au texte lui-même. L’article 1er de la présente proposition de loi revient sur la libéralisation du transport par autocar, instituée par la loi Macron.

Chers collègues, rappelons qu’en France, il a été décidé, en 1948,…

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Une très bonne année !

M. Louis Nègre. … donc en des temps différents des nôtres, de privilégier le rail pour transporter les voyageurs sur de longues distances. Il s’est développé de ce fait un réseau très dense et très régulier de lignes de transport de voyageurs par rail : les lignes de transport express régional.

À la suite de l’adoption de la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires de décembre 2009, dite ORTF, le cabotage national des liaisons internationales par autocar a été autorisé, pour autant qu’il ne dépasse pas 25 % des passagers de chaque autocar effectuant la liaison. Je constate que ce monopole n’a pas empêché les régions de développer un réseau de lignes d’autocars, car près de 23 % du transport express régional actuel sont déjà effectués par ce mode.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Les régions ont été plus sérieuses que l’État !

M. Louis Nègre. Enfin, l’article 5 de la loi Macron a supprimé ce monopole. Cette nouvelle loi a autorisé la création de services réguliers de transport par autocar de façon libre, au-delà d’un seuil de 100 kilomètres.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Hélas !

M. Louis Nègre. Lors de l’examen de ce projet de loi, notre groupe avait souhaité éviter d’installer une concurrence excessive entre les différents modes de transport. Nous souhaitions donc privilégier la complémentarité, comme vous l’avez d’ailleurs dit, monsieur le secrétaire d’État, en n’autorisant la libéralisation des liaisons par autocar qu’au-delà du seuil de 200 kilomètres. Nous en avions discuté avec l’ensemble des parties prenantes, notamment le Groupement des autorités responsables de transport, le GART, et nous avions fixé cette limite qui semblait convenir. Le choix d’un seuil de 100 kilomètres, au contraire, pose problème.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Très juste !

M. Louis Nègre. Cette proposition a été malheureusement rejetée par la majorité à l’Assemblée nationale, ce que nous ne pouvons que regretter, même si les chiffres que vous nous avez annoncés tout à l’heure montrent bien que la libéralisation des liaisons par autocar fournit un certain nombre de réponses aux gens qui résident dans des territoires non desservis par le chemin de fer.

L’article 2 prévoit la généralisation du versement transport, ou VT, au niveau régional, en s’inspirant du modèle de la région Île-de-France. Le VT est dû, je le rappelle, par les personnes physiques ou morales, publiques ou privées qui emploient plus de neuf salariés, hors activité à caractère social. Cependant, le Gouvernement a récemment relevé le seuil d’assujettissement du versement transport de neuf à onze salariés.

Si notre groupe a toujours été favorable à des mesures d’allégement de charges pour les entreprises, il a également exprimé à plusieurs reprises ses plus vives préoccupations concernant le maintien d’un financement adéquat pour les transports du quotidien, qui concernent directement tous nos concitoyens.

Nous resterons extrêmement attentifs, monsieur le secrétaire d’État, au respect de l’engagement pris par le Gouvernement et par le Premier ministre de compenser intégralement la perte résultant, pour les autorités organisatrices de la mobilité, du relèvement du seuil d’assujettissement au versement transport.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Mais pour combien de temps ? Cela ne dure jamais !

M. Louis Nègre. Cependant, nous considérons que la mesure proposée dans ce texte conduirait à alourdir la fiscalité qui pèse sur nos entreprises. Vous avez annoncé le chiffre de 700 millions d’euros par an : vous savez faire des calculs pour faire payer les autres !

Mme Évelyne Didier, rapporteur. C’est un leitmotiv !

Mme Éliane Assassi. Nous pensons aux gens !

M. Louis Nègre. Nous ne pouvons pas l’accepter, ne serait-ce qu’en raison de la faible compétitivité actuelle de notre économie.

L’article 3 de cette proposition de loi vise à abaisser le taux de TVA applicable aux transports publics à 5,5 %, qui est le taux dévolu, je le rappelle, aux produits de première nécessité. C’est une bonne proposition, chers collègues, et permettez-moi de rappeler à M. le secrétaire d’État que, au mois de juillet dernier, tout semblait aller dans ce sens. Selon des sources bien informées, des annonces officielles devaient intervenir à la rentrée.

Aujourd’hui, malgré nos demandes répétées, le Gouvernement a refusé de ramener à 5,5 % le taux de TVA applicable aux transports du quotidien, qui intéressent pourtant les couches les plus modestes de la population.

Il nous paraît d’ailleurs étrange qu’un gouvernement se réclamant de la gauche puisse oublier ainsi ces Français qui sont, pour la plupart, des travailleurs et qui, le plus souvent, n’ont pas d’autre choix que d’emprunter quotidiennement ces transports. Ce recul du Gouvernement est d’autant plus étonnant que nous sommes à l’heure de la transition énergétique et de la COP 21.

Pour conclure, mes chers collègues, si nous approuvons le but de cette proposition de loi, à savoir maintenir et développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité, nous ne sommes pas d’accord avec les moyens qu’elle préconise pour y parvenir.

Ne soyons pas idéologues, soyons pragmatiques ! Nous ne sommes pas là pour défendre un monopole, une institution, mais pour défendre les usagers et leur apporter le meilleur du ferroviaire.