Mme Nicole Bricq. Un tel argument n’est pas recevable !

M. Philippe Mouiller. Cette année, le rapport souligne la sous-budgétisation des crédits alloués à l’AME. En effet, le projet de loi de finances rectificative pour 2015 prévoit l’ouverture de plus de 87 millions d’euros supplémentaires afin de couvrir les besoins.

La proposition d’aide médicale d’urgence adoptée par le Sénat dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration constitue une piste intéressante de réforme, sur le modèle du dispositif existant en Allemagne.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Santé », sous réserve de l’adoption des amendements qui seront présentés par M. le rapporteur spécial, Mme la rapporteur pour avis et M. le président de la commission des affaires sociales, que je tiens à féliciter de la qualité de leurs travaux. Les amendements qui sont à nos yeux les plus importants sont ceux qui visent la diminution des crédits de l’AME et le droit aux informations demandées par les caisses primaires d’assurance maladie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Commeinhes.

M. François Commeinhes. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, le projet de budget qui nous est présenté est le premier qui intervient après la loi de santé. L’idée est non pas de revenir sur les débats que nous avons eus ici, mais de juger les actes dans la durée. On le sait, les intentions louables d’un projet de loi de finances en matière de santé, énoncées en autorisations d’engagement, deviennent parfois de beaux souvenirs le temps des crédits de paiement venu.

Les moyens budgétaires de la mission « Santé », d’un montant de 1,2 milliard d’euros, permettent certes de poursuivre les missions de prévention sanitaire et de modernisation de l’offre de soins. Toutefois, les crédits des deux principaux programmes de cette mission connaissent une évolution contraire.

Le projet de budget traduit l’augmentation attendue des dépenses au titre de l’aide médicale de l’État, tandis que le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » connaît une baisse certaine de ses crédits.

La grande nouveauté de cette mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2016, c’est l’intégration, depuis sa réforme, du Fonds d’intervention régional, le FIR, comme outil de financement de projets innovants en matière de prévention et d’offre de soins. Il s’agit de l’action n° 18, Projets régionaux de santé, qui regroupe l’ensemble des crédits de prévention, de promotion de la santé, de veille et de sécurité sanitaires alloués aux agences régionales de santé par l’intermédiaire du Fonds d’intervention régional.

La réforme, décidée en 2015 et effective en 2016, visant à transférer aux ARS l’essentiel de la gestion du FIR, qui fera désormais l’objet d’un budget annexe pour chaque ARS, permettra, espérons-le, de clarifier les actions, de spécifier les modes d’interventions, notamment entre le sanitaire et le médico-social, et de pérenniser les projets. Pourtant, je doute que cela suffise.

Certes, cette réforme du FIR n’est pas une mauvaise chose, mais le processus mérite d’être clarifié, sa gestion et son pilotage précisés et améliorés ; les moyens qui y sont consacrés, soit 124,54 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, sont stables par rapport à 2015. Rappelons que les crédits du programme n° 204 sont complétés par un financement spécifique des trois régimes d’assurance maladie abondant le FIR, en provenance notamment de leurs fonds de prévention.

Dès lors, comment ne pas pointer ce qui ressort de la pratique pour les professionnels, à savoir le manque de lisibilité dans l’attribution des fonds ? Ce n’est que par le biais d’une circulaire qu’ont été précisées, en 2015, les missions financées par le FIR, les orientations nationales pour l’année, les ressources du FIR, les règles d’attribution et de gestion des crédits par les ARS, les modalités de suivi des dépenses, les normes d’évaluation des missions financées.

Notons pour la présente discussion que, en 2015, le FIR a fait l’objet de gels au titre des mises en réserves pour la régulation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie d’un montant de 30 millions d’euros, contre 75 millions d’euros l’exercice précédent. La dotation de l’État a par ailleurs fait l’objet d’une réserve prudentielle de 10 millions d’euros appliquée à l’enveloppe votée en loi de finances pour 2015. Qu’en sera-t-il cette année ?

Avec la gestion du FIR, se pose aussi la définition du rôle des ARS. Parle-t-on d’agences techniques chargées de mettre en place une politique sanitaire centralisée dictée par des circulaires ministérielles ou d’outils et d’organismes disposant de marges d’actions pour adapter une politique sanitaire et de santé aux réalités d’un territoire donné ? On ne peut conférer à ces agences une seule dimension technique ; à la lecture des crédits, la dimension se révèle maintenant politique.

Se pose alors la question du contrôle politique de ces agences, dans la mesure où l’autonomie sans contrôle démocratique a pour corollaire le risque d’iniquité entre territoires de santé. Je le répète, nous parlons de plus de 124 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour 2016. Peut-on faire l’économie de la clarté ?

Comme j’évoquais au début de mon intervention les intentions louables des autorisations d’engagements, je tiens à la lisibilité à l’heure des crédits de paiements. C’est pourquoi je renouvelle ici le vœu formulé lors de l’examen de la loi de santé, à savoir l’inscription dans le code de la santé publique que, chaque année, les agences régionales de santé présentent un bilan complet devant le Parlement de la répartition financière des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation et des FIR, ainsi que de leur bilan comptable complet.

Par respect du principe de transparence, il doit être demandé aux agences régionales de santé, madame la secrétaire d'État, de justifier l’utilisation des deniers publics devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2016, je m’attacherai plus précisément à l’action relative à l’aide médicale d’État, qui constitue l’essentiel du programme 183. À cet égard, je tiens à rappeler, comme l’a dit Jean-Pierre Godefroy, l’inscription de 10 millions d’euros en faveur du FIVA.

Les crédits consacrés à l’AME sont fixés à 744,5 millions d’euros pour 2016, soit 700 millions d’euros pour l’aide médicale de droit commun couvrant les dépenses avancées par la Caisse nationale d’assurance maladie, 40 millions d’euros au titre des soins urgents et 4,5 millions d’euros destinés à des dispositifs particuliers, dont les gardés à vue. La dépense moyenne annuelle pour un bénéficiaire de l’AME reste stable : elle était de 2 846 euros en 2007, de 2 829 euros en 2008 et de 2 823 euros en 2014. Elle représente moins de 0,2 % des dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base. Je dis cela pour redonner la mesure du débat et rappeler la réalité des chiffres.

La dépense est-elle justifiée ? La réponse de tous les experts et de tous les responsables dans ce domaine est unanime. Oui, la dépense est nécessaire ! Elle l’est d’abord du point de vue de la santé publique ; elle l’est aussi du point de vue économique ; elle l’est, enfin, au titre des valeurs qui fondent notre pays.

La responsabilité de l’État est d’assurer la sécurité sanitaire sur l’ensemble du territoire national : permettre que des personnes éventuellement porteuses de maladies contagieuses, qui plus est en situation précaire, ne se soignent pas ou retardent le moment de consulter un médecin ou un service comporte un risque de propagation qui ne peut être ni pris ni accepté.

En outre, les prises en charge retardées entraînent une dépense beaucoup plus élevée pour la collectivité, particulièrement à l’hôpital, avec la mobilisation de structures lourdes et d’un grand nombre de personnels. Le coût de ce phénomène de report de soins nous est connu, de même que ses conséquences sur les services d’urgence. C’est pourquoi le maintien de l’accès aux soins est aussi un facteur de la maîtrise des coûts.

Deux rapports conjoints de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances soutiennent sans ambigüité cette analyse : en 2007, à l’issue d’une mission d’audit, la mise en œuvre d’un droit d’entrée pour l’AME est déconseillée et la définition d’un panier de soins qualifiée d’« irréaliste » ; en 2010, les conclusions d’un second rapport consacré à l’analyse de l’évolution des dépenses au titre de l’aide médicale d’État, tendent à démontrer que l’instauration d’un droit d’entrée risque de se révéler contre-productive, en incitant à un recours tardif à l’hôpital avec des frais ultérieurs plus élevés, en faisant courir des risques sanitaires aux intéressés, mais aussi à l’ensemble de la population dans le cas de maladies transmissibles.

Ces conclusions contredisent directement et clairement le bien-fondé des mesures de restrictions d’accès à l’AME adoptées en loi de finances pour 2011, au point que la publication du second rapport, achevé en novembre 2010, a été retardée de quelques mois après l’examen du projet de loi de finances, car ses conclusions devaient déranger !

À partir de 2012, ce gouvernement a pris des décisions exactement inverses aux précédentes en abrogeant ces mesures non recommandées et en mettant en œuvre celles qui l’étaient, comme, j’y insiste, la création d’un titre d’admission sécurisé à l’AME, la mise en place d’un processus d’instruction des dossiers modélisée dans le cadre d’un plan de maîtrise harmonisé sur l’ensemble du territoire et permettant un contrôle interne, la reconnaissance au service du contrôle médical d’une compétence générale pour les prescriptions délivrées aux bénéficiaires de l’AME.

A également été mis en œuvre, comme cela était recommandé dans le rapport de 2010, un nouveau mode de tarification des prestations hospitalières pour les bénéficiaires de l’AME en MCO, médecine chirurgie obstétrique, mode qui permettra en 2016 une économie de 60 millions d’euros.

Cette réforme a été poursuivie au travers de la loi de financement de la sécurité sociale de 2015, avec l’extension de ces règles de tarification et de facturation à la délivrance des soins urgents.

S’agissant de la nature des soins délivrés, le décret du 3 février 2015 exclut du panier de soins couverts les médicaments à faible service médical rendu. Je rappelle, pour éviter tout fantasme, que les frais liés à la procréation médicalement assistée ou aux cures thermales sont d’ores et déjà exclus de l’AME.

Les crédits consacrés à l’aide médicale d’état sont donc l’objet d’un encadrement strict rationnel, préservant l’objectif de cette mission, qui est d’assurer une prise en charge la plus précoce possible dans un souci essentiel de santé publique.

Pour mémoire – Catherine Génisson l’a bien souligné tout à l’heure –, mes chers collègues, l’aide médicale date, sous la forme de secours, de 1793, et, sous celle d’une assistance médicale gratuite, de 1893. Par conséquent, pendant deux cents ans, toute personne dépourvue de ressources pouvait être soignée, sans aucune considération d’origine.

Je n’oublie pas non plus de mentionner les conclusions des rapports précités sur la fraude : celle-ci serait marginale et concernerait seulement 54 cas en 2014, pour un préjudice de 130 000 euros. Les propositions de restrictions de droits de nouveau soumises à notre approbation aujourd’hui ne s’appuient réellement sur rien, hormis des a priori, voire certains préjugés. En tout état de cause, elles sont dangereuses pour la santé, mais aussi pour les finances de notre protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à revenir sur quelques-uns des points soulevés au titre de cette mission, lors des débats en commission et dans cet hémicycle.

Tout d’abord, j’évoquerai le niveau des crédits alloués aux actions de prévention.

La préservation des crédits dédiés à la prévention est un choix politique fort dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Aussi, je ne peux laisser dire que les chiffres contrediraient l’intérêt que le Gouvernement marque pour la prévention.

M. Delattre et Mme Imbert l’ont souligné : sur toute la durée du triennal, les crédits de prévention de la mission « Santé » sont maintenus au niveau fixé en 2014, c’est-à-dire à 162 millions d’euros. En particulier, 130 millions d’euros sont mobilisés au profit des fonds d’interventions régionaux. Il s’agit très concrètement d’encourager les comportements favorables à la santé à travers la prévention des maladies chroniques, la nutrition et la lutte contre l’obésité, la prévention des pratiques addictives, ou encore d’agir au titre de la santé environnementale, et ce en fonction des caractéristiques sanitaires et sociales des territoires.

Au sujet des crédits de prévention nationaux, je le répète : la baisse des crédits de l’action 14, Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades, correspond presque totalement à la diminution de la dotation accordée à l’Institut national du cancer, l’INCA, et en aucun cas à une réduction des sommes allouées aux programmes de prévention.

Ainsi, les crédits de prévention sont intégralement préservés de l’effort demandé au titre du programme budgétaire 204, qui se concentre essentiellement sur les opérateurs.

L’assurance maladie vient prolonger l’effort de l’État en faveur de la prévention, premièrement, par sa contribution aux dépenses de prévention des agences régionales de santé, les ARS, à hauteur de 220 millions en 2015, deuxièmement à travers le Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaires, le FNPEIS, dont la dotation atteindra 455 millions d’euros en 2017.

De surcroît, il est important de le rappeler : la priorité que nous attribuons aux actions de prévention se traduit sur le versant de l’autre texte financier pour 2016, le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je songe à l’extension de la gratuité des examens de dépistage et de surveillance intégrale aux femmes ayant certains antécédents familiaux de cancer du sein, et qui doivent faire l’objet d’une surveillance spécifique ; à la mise en place d’une approche innovante de prévention de l’obésité chez les enfants à risques, conjuguant l’intervention de professionnels tels que des diététiciens et des psychologues et un bilan d’activité physique ; ou encore à la prise en charge de l’intégralité du parcours de contraception des mineures.

C’est donc bien l’ensemble de ces crédits qu’il convient d’examiner pour apprécier l’effort public en faveur de la prévention.

Ensuite, plusieurs orateurs l’ont indiqué, l’effort que nous demandons aux opérateurs est significatif.

Sur la durée du triennal, les agences sanitaires sont mises à contribution à hauteur de 1 % de leurs dépenses hors rémunérations. Toutefois, ces économies ne sont pas le fruit d’une politique de rabot : nous avons refusé ce choix de facilité. C’est par la transformation de notre système sanitaire que nous dégageons ces économies.

Ont été rappelées les synergies, qui pourront notamment résulter d’une meilleure coordination entre la veille sanitaire et l’opérationnel au sein de la nouvelle agence nationale de santé publique. Cette future instance ne doit pas être la simple juxtaposition de trois entités, mais un établissement efficient disposant d’une réelle cohérence d’ensemble. Voilà pourquoi le choix a été fait de lui laisser le temps nécessaire à son installation, et de n’effectuer aucune ponction sur ses réserves et sur ses effectifs en 2016.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, a, plus spécifiquement, fait l’objet de diverses interventions en commission. À ce sujet, je rappelle que la répartition de l’effort entre les huit opérateurs a été établie en tenant compte du niveau de fonds de roulement et de trésorerie de chacun d’eux.

J’en viens au financement par l’État du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA.

Lors des débats en commission, s’est fait jour une préoccupation légitime à propos du paiement des offres d’indemnisation. J’attire votre attention sur le fait que, depuis 2015, l’État a rétabli sa contribution au FIVA, ce qui devrait permettre de réduire de manière très substantielle les délais de présentation des offres.

Par ailleurs, si les dossiers d’indemnisation des victimes de l’amiante ont subi des retards, c’est notamment à cause de conflits de jurisprudences entre cours d’appel. Or – les rapporteurs l’ont souligné –, dans le cadre de l’article 62 quinquies, le Gouvernement compensera intégralement l’abandon des créances résiduelles du FIVA vis-à-vis des victimes de l’amiante ou de leurs ayants droit qui avaient bénéficié d’un trop-perçu du fait des évolutions jurisprudentielles.

J’en viens au budget de l’aide médicale d’État, l’AME.

En 2016, nous prévoyons 700 millions d’euros pour l’AME. Ce chiffre est fondé sur une hypothèse réaliste de progression tendancielle des effectifs, car identique aux années précédentes.

Dès cette année, l’écart entre la prévision et la consommation de crédits se réduit par rapport aux exercices antérieurs, ce qui prouve que nous gagnons en précision dans l’évaluation de la dépense. Ainsi, l’ouverture de crédits en fin de gestion devrait atteindre 101 millions d’euros au titre de l’année 2015. Ce montant sera donc nettement inférieur à celui des années 2014 et 2013, au cours desquelles ont été dépassés les 150 millions d’euros.

En quoi consistent les propositions visant à supprimer l’AME pour la remplacer par une aide médicale d’urgence ? Il s’agit, concrètement, de limiter la prise en charge des adultes en situation irrégulière sur le territoire national au traitement des maladies graves et des douleurs aiguës.

Or la dépense d’aide médicale d’État est nécessaire, je tiens à le rappeler, non seulement parce qu’elle est conforme à nos valeurs, mais aussi parce qu’elle permet de prévenir les surcoûts liés à des soins retardés et pratiqués dans l’urgence.

Loin de favoriser la régulation de la dépense, une limitation de l’AME aux soins urgents et prioritaires entraînerait un recours aux soins hospitaliers plus tardif et partant plus coûteux. On le sait : aujourd’hui, pour les patients bénéficiant de l’AME au titre des seuls soins urgents, la durée moyenne de séjour et la prévalence de certaines pathologies graves sont bien plus élevées que pour l’AME dite « de droit commun ». (M. Roger Karoutchi manifeste sa circonspection.)

Enfin, j’évoquerai les moyens mis en œuvre pour maîtriser la dépense, pour rendre plus fiable l’instruction des dossiers et pour améliorer les procédures de contrôle.

À ce titre, nous avons demandé au directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM, d’intensifier les contrôles exercés lors de l’ouverture des droits. Cette directive vaut pour l’AME comme pour d’autres prestations, pour les bénéficiaires comme pour les professionnels de santé.

Toutes les personnes ayant déposé un dossier en déclarant n’avoir aucune ressource voient leurs moyens d’existence faire l’objet d’un contrôle approfondi. Dans ce cadre, les demandeurs sont convoqués pour un entretien à la caisse primaire d’assurance maladie, ou CPAM, dont ils dépendent.

Sur les 204 480 notifications d’ouverture de droits adressées en 2014, 29 405 se sont soldées par des refus. Le taux de refus s’établit ainsi à près de 15 %. Par ailleurs, 160 agents spécialement formés sont chargés de contrôler les dossiers de demande et les conditions d’attribution de la prestation. Il est donc inexact d’affirmer qu’aucune action n’a été engagée par l’assurance maladie en la matière ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)

Santé
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 62 quinquies (nouveau)

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Santé », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Santé

1 247 685 521

1 248 985 521

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

495 255 493

496 555 493

Protection maladie

752 430 028

752 430 028

Mme la présidente. L'amendement n° II–142 rectifié, présenté par M. Delattre, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

Protection maladie

200 000 000

200 000 000

TOTAL

200 000 000

200 000 000

SOLDE

- 200 000 000

- 200 000 000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. Force est de le constater, cette proposition, que la commission des finances a déjà soumise au Sénat l’an dernier, soulève une polémique assez redoutable... Pour autant, on ne peut considérer qu’il y aurait, d’un côté, les bons, les gentils et, de l’autre, les irresponsables ! (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. Yves Daudigny. Nous n’avons jamais dit cela !

Mme Laurence Cohen. C’est vous qui employez ces mots !

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. Bien entendu, il ne s’agit pas de remettre en cause l’utilité de l’aide médicale de l’État, l’AME, ou de compromettre l’accès aux soins qu’elle permet. Cet amendement tend simplement à le limiter, non de manière drastique mais dans des proportions assez raisonnables, afin de rendre cette aide soutenable financièrement et, surtout, acceptable par l’ensemble de nos concitoyens.

Mes chers collègues, nous sommes toutes et tous des élus politiquement responsables. Or nous toutes et tous rencontrons, dans nos villes, dans nos territoires, des personnes plus ou moins âgées dont les ressources sont proches du SMIC,…

Mme Nicole Bricq. Tout le monde est soigné en France !

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. … qui nous exposent toutes les difficultés auxquelles elles se heurtent pour obtenir des soins. (Mme Nicole Bricq et M. Jean-Louis Carrère s’exclament.)

Je veux bien croire que les remises en cause de l’AME sont souvent exagérées. Mais ces critiques se fondent malgré tout sur une réalité, à laquelle nous devons avoir le courage de répondre. Il y va de notre responsabilité ! Le sentiment d’iniquité, qui nous vaut d’entendre tant de commentaires durant toutes les campagnes électorales, exige une réaction de notre part.

Vous invoquez souvent, dans cet hémicycle, l’unité nationale (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

Mme Laurence Cohen. C’est sur les contenus politiques qu’il faut agir !

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. Sur un sujet comme celui-ci, il serait bon d’aboutir à un accord utile, soutenable et acceptable par l’ensemble de la population.

À cet égard, la solution que nous proposons est assez simple. Pour ce qui concerne la soutenabilité, je me permets de vous renvoyer au modeste rapport que j’ai rédigé. Je le dis notamment à l’intention de Mme Bricq, qui apprécie l’analyse des rapports et des courbes, et qui, j’en suis certain, a déjà pris connaissance de ce document.

Certes, les prévisions sont difficiles à établir. Je relève toutefois qu’en 2012, au titre de l’AME, les courbes des prévisions et des dépenses effectives étaient parfaitement identiques : ce coût s’établissait à 588 millions d’euros.

Dès lors, nous proposons de fixer les crédits de l’aide médicale d’État à 500 millions d’euros, en maintenant naturellement le montant obligatoire de 40 milliards d’euros au titre de l’assurance maladie, et en conservant les 4 milliards d’euros de crédits restant.

Peut-on, en ayant à l’esprit la situation de 2012, déclarer que cette proposition met à bas l’AME ? Non ! Ce que nous souhaitons, c’est engager le débat et la réforme. Au titre de la soutenabilité financière, la Cour des comptes elle-même formule des remarques qui devraient nous interpeller.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur spécial, il faut conclure.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. Madame la présidente, il s’agit là d’un sujet particulièrement complexe.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. Peut-être pourrais-je m’exprimer un peu plus longuement !

Mme la présidente. Je suis au regret de vous indiquer que les temps de parole sont impératifs.

Mme Laurence Cohen. Les règles sont les mêmes pour tout le monde !

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. Dans ce cas, on se demande comment débattre…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur spécial, si ce sujet n’était pas si grave, je le qualifierais volontiers de « marronnier » : chaque année, cette question est soulevée de la même manière, et les mêmes arguments sont exposés.

Mme Annie David. C’est vrai !

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. Vous évoquez sans cesse les valeurs ; cependant, mes valeurs ne sont pas les vôtres, madame la secrétaire d’État !

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Figurez-vous que je m’en étais aperçue… Cela étant, permettez-moi de vous répondre, car même si, en définitive, nous ne sommes pas d’accord, nous pouvons débattre de manière enrichissante. L’hémicycle de la Haute Assemblée est précisément le lieu du débat !

Le sentiment d’iniquité, qui peut se propager au sein de la population, est souvent entretenu par des arguments occultant la réalité suivante : soigner des personnes malades, c’est prévenir la propagation de maladies graves et contagieuses, c’est épargner, à cette population même qui éprouverait un sentiment d’iniquité, de contracter diverses affections, c’est éviter des épidémies. Il faut le rappeler.

Même si certains ou certaines assimilent les étrangers à des bactéries,…