M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la DGF est destinée à compenser les inégalités de situation entre les collectivités territoriales en leur apportant un niveau de ressources suffisant pour faire face à leurs charges particulières. Elle ne remplit ce rôle que de façon lacunaire dans les collectivités d’outre-mer, qui sont pourtant, en majeure partie, considérées comme les plus pauvres de France.

Conçue avant tout pour les collectivités hexagonales, elle pâtit d’une certaine inadaptation aux réalités ultramarines, qui ne sont que peu prises en considération. Les outre-mer présentent des particularités issues de leur histoire et de leur géographie qui, indéniablement, les différencient des collectivités hexagonales, et les articles 73, 74, 76 et 77 de la Constitution en apportent la preuve.

Leurs charges sont ainsi incontestablement plus élevées, tant en fonctionnement qu’en investissement, en raison du contexte de rattrapage économique et social, de leur démographie et des compétences plus étendues qu’elles exercent.

Mais leurs recettes fiscales directes sont beaucoup plus faibles : elles ne représentent que 20 % de leurs recettes de fonctionnement, contre 40 % dans l’Hexagone. En conséquence, les collectivités d’outre-mer souffrent d’une très grande fragilité financière, et nombre d’entre elles sont en situation de déficit. Une majorité d’entre elles fait en effet l’objet d’une procédure d’alerte cette année.

Afin que la DGF joue pleinement son rôle de stabilisateur des budgets des collectivités locales et de compensation de leurs charges en outre-mer, il est impératif de l’adapter en comblant les lacunes des dispositifs de droit commun et en étudiant sérieusement la mise en place de mesures de péréquation spécifiques aux outre-mer.

Ayant fortement sensibilisé le Gouvernement et Mme Pires Beaune, en avançant des propositions, je m’attendais à des avancées significatives. Tant s’en faut !

L’article 58 du projet de loi de finances pour 2016 ignore une fois de plus la situation particulière des outre-mer. En dépit de tous les constats déjà établis, le droit commun s’impose toujours en ce qui concerne la dotation forfaitaire et le statu quo est maintenu pour les dotations de péréquation !

S’agissant de la dotation forfaitaire, les engagements pris n’ont pas été tenus, en particulier envers les communes de Guyane, déjà lésées par un prélèvement exceptionnel et inique de 27 millions d’euros sur leurs recettes d’octroi de mer depuis 1974. Les maires de Guyane, excédés de ne pas obtenir gain de cause après de multiples demandes de rétrocession de ce prélèvement, ont pris la décision de déposer un recours devant le tribunal administratif.

Dans leur rédaction actuelle, plusieurs points de l’article 58 susvisé méritent d’être revus, corrigés et précisés pour les communes d’outre-mer.

Tout d’abord, la détermination de la population retenue pour le calcul de la dotation de base n’intègre pas de coefficient de majoration pour les communes de Guyane dans lesquelles l’INSEE refuse de procéder aux tournées physiques de recensement en raison de leur dangerosité pour ses agents. Comme vous le savez, les garimpeiros, ou orpailleurs clandestins, pullulent dans les forêts guyanaises et peuvent être dangereux lorsque se présentent devant eux des fonctionnaires de l’État. Il ne s’agit donc pas d’une sous-estimation de la population recensée pour des raisons techniques, mais bien de la non-prise en compte d’une catégorie de population, dont l’existence est pourtant connue de l’État.

La dotation de ruralité, censée remplacer la dotation superficiaire, voit sa portée limitée par le « tunnel », même si son plafond est relevé à quatre fois la dotation de base. Des assurances avaient pourtant été données : cette composante devait constituer une réponse en direction des grandes communes de Guyane en proie à des difficultés énormes pour garantir les besoins primaires à leur population, tels que l’eau potable et l’électricité.

En outre, les critères d’attribution de cette dotation, basés sur la densité de population, excluent de son bénéfice la quasi-totalité des communes des autres départements d’outre-mer, aux fortes densités de population.

La dotation de centralité, quant à elle, fait apparaître tout simplement des situations ubuesques, lorsque l’on connaît un tant soit peu les intercommunalités de Guyane ! Quelles charges de centralité supportent donc des villes-centres envers des communes dont les habitants doivent faire plusieurs jours de pirogue pour s’y rendre ? (M. Raymond Vall sourit.)

S’agissant de la péréquation, laquelle, de l’avis même de Mme Pires Beaune, « soulève en outre-mer des questions spécifiques » et pour laquelle « il convient donc d’examiner l’opportunité d’introduire de nouveaux critères afin de permettre une répartition des dotations de péréquation plus adaptée aux ressources et aux charges de territoires », l’article 58 précité ne prévoit pas plus d’évolution.

Le statu quo demeure, alors que l’écart se creuse entre les communes des outre-mer et les communes défavorisées de l’Hexagone depuis 2011. Si, pour celles-ci, la hausse de la péréquation nationale a neutralisé l’effort à la contribution au redressement des finances publiques, la CRFP, celles-là subissent au contraire une double peine : les enveloppes de péréquation ne sont pas à niveau et la hausse de péréquation n’est possible pour elles que dans la limite d’une enveloppe majorant leur poids démographique de 33 %, appelée la « dotation d’aménagement des communes d’outre-mer », ou DACOM.

Souvent comparée à une moyenne hexagonale, cette DACOM ne s’avère en réalité pas avantageuse pour l’outre-mer, au regard des efforts consentis à l’endroit des communes défavorisées de l’Hexagone. En effet, la hausse de la péréquation nationale entre 2014 et 2015 a atteint 517 millions d’euros, mais seuls 25 millions d’euros ont été consacrés aux communes d’outre-mer. Cela correspondant à leur poids démographique majoré de 33 %, mais reste insuffisant pour neutraliser l’effort à la contribution au redressement des finances publiques des communes d’outre-mer.

La contribution passe, certes, de 1,84 % à 0,04 % des recettes réelles de fonctionnement pour les communes éligibles à la DSU cible, et elle est même annulée pour les communes éligibles à la DSR cible qui gagnent même 20 millions d’euros, mais l’effort est maintenu à 1,22 % en outre-mer. Il en ressort que le montant de la hausse de la péréquation a été calculé seulement pour l’effort des communes de l’Hexagone éligibles à la DSR cible et à la DSU cible.

Nous insistons donc pour réviser la majoration des populations dans le calcul de la quote-part outre-mer de la dotation d’aménagement des collectivités d’outre-mer. Une telle mesure est d’autant plus nécessaire que celles-ci ne disposent pas de levier fiscal pour compenser la baisse de leurs recettes et que le mode de reversement du FPIC exclut de manière arbitraire 40 % des communes d’outre-mer, alors que seules 3 % d’entre elles sont contributrices.

Avant de conclure mon propos, je voudrais également attirer votre attention sur la très prochaine mise en place des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique. Je plaide depuis quelques années pour la création d’une dotation spéciale dédiée aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, destinée à financer les charges qu’entraînera nécessairement leur création, inédite. J’ai défendu des amendements en ce sens lors des précédentes discussions de projets de loi de finances.

Enfin, le Gouvernement a proposé à l’Assemblée nationale de reporter la réforme au 1er janvier 2017. L’architecture de la réforme est toutefois maintenue en l’état dans le projet de loi de finances pour 2016. Il a également été annoncé à l’Assemblée nationale que les travaux relatifs à la réforme de la DGF reprendraient dès la fin de la discussion de ce projet de loi.

Toutes ces remarques concernant l’inadaptation de la DGF, telle qu’elle est conçue et prévue, aux outre-mer, me conduisent à insister pour que les élus ultramarins soient réellement associés à ces travaux, de manière à améliorer la prise en compte de la spécificité des finances locales ultramarines, dans un cadre de gouvernance mieux adapté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Caroline Cayeux. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement a souhaité réformer, dans le projet de loi de finances initiale pour 2016, la dotation globale de fonctionnement, afin de la rendre « plus juste et plus efficace ».

En six mois, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous espériez sans doute, sur la base de cette terminologie, revoir les règles de répartition de 33 milliards d’euros…, soit près de quarante ans d’histoires de transferts et de compensations d’anciens impôts locaux, entre l’État et les collectivités locales.

C’est en tant que représentante d’une ville de plus de 50 000 habitants, mais aussi en ma qualité de présidente de Villes de France, qui rassemble les villes inframétropolitaines de plus de 15 000 habitants et leurs EPCI, que j’ai souhaité ce soir réagir.

Ce réseau représente une majorité de la population urbaine, disons-le oubliée de la réforme, plusieurs centaines de villes où la fiscalité locale est plus lourde en moyenne qu’au niveau national, où les ressources des habitants sont modestes, et les charges périphériques importantes pour la ville centre.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, quel cap voulez-vous donner à cette réforme ?

Comment réformer et, surtout, dans quelle direction réformer, alors que, au moment du dépôt du projet de loi de finances, début octobre, la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, n’était pas en mesure de livrer les résultats de ses propres orientations ?

La représentation nationale n’ayant pas eu le temps d’une analyse apaisée, puisque le Premier ministre, sous la pression des associations, je veux le croire – à cet égard, je tiens à saluer en particulier le président de l’AMF pour son soutien –, a modifié le calendrier.

Finalement, il est permis de se demander si le Gouvernement n’a pas confondu vitesse et précipitation, et pris avec légèreté ces 33 milliards euros, qui ne sont pas des subventions de l’État, comme la presse le laisse trop souvent entendre.

En effet, comment peut-on être à l’origine de la loi NOTRe et ignorer en pratique l’impact de l’extension du périmètre des intercommunalités sur les finances locales ? Ce phénomène continue d’ailleurs à poser un réel problème de calendrier dans cette réforme, puisque la stabilisation des périmètres intercommunaux ne sera effective qu’en 2017.

Aujourd’hui, la plupart de nos territoires intercommunaux, surtout ceux des villes de plus de 15 000 habitants, c’est-à-dire les communautés d’agglomération, s’étendent parfois considérablement, de quelques kilomètres carrés à plusieurs centaines de kilomètres carrés.

La réforme prévue dans l’article 58 du PLF est toutefois maintenue dans ses principes, l’entrée en vigueur étant fixée au 1er janvier 2017.

Je ne vous cacherai pas, mes chers collègues, notre désarroi devant l’attitude du Gouvernement, qui nous demande de revenir sur nos amendements en cours de préparation et de nous prononcer en aveugles sur cette nouvelle DGF, tout en nous assurant, malgré tout, qu’un rapport nous serait remis le 30 juin 2016.

Oui, mes chers collègues, le temps de la discussion parlementaire est désormais suspendu aux rapports d’une administration, ce qui est regrettable, eu égard au pouvoir de contrôle que nous devons normalement exercer sur elle.

La réforme de la DGF proposée est en réalité contre-péréquatrice pour les villes de France et leurs EPCI. Afin de réduire des écarts « injustifiés » de dotation par habitant, le Gouvernement entend introduire une dotation forfaitaire rénovée. Avez-vous seulement entendu que la dotation forfaitaire actuelle garde aujourd’hui une importance significative dans la péréquation ?

Pour la dotation de base, qui est la composante la plus importante au sein de la dotation forfaitaire rénovée, chaque commune percevrait un montant unitaire de 75 euros par habitant, identique pour toutes. Pour plus de justice, dites-vous, le Gouvernement veut une nouvelle DGF, la même pour tous ! Voilà un beau principe révolutionnaire, mais qui nécessite l’abolition des « privilèges » des habitants des villes...

Pour effectuer un parallèle avec l’impôt sur le revenu, c’est comme si, découvrant du jour au lendemain l’injustice créée par les effets de seuil du barème de l’impôt sur le revenu, nous décidions, pour plus de justice, un barème identique pour tous. Il s’agirait d’une conclusion aussi brutale que celle qui nous est proposée pour la réforme de la DGF.

L’histoire de la DGF est certes compliquée, mais, contrairement à ce que le Gouvernement affirme, les différences de DGF entre collectivités ne sont pas toujours injustifiées, cher Philippe Dallier (M. Philippe Dallier s’esclaffe.), compte tenu du poids de certaines charges, comme les charges de centralité ou les charges touristiques, qui étaient déjà prises en considération dans le calcul de la DGF d’avant 1991 – une réforme que votre majorité, madame la ministre, avait elle-même mise en œuvre -, et qui sont de ce fait figées dans la dotation forfaitaire actuelle.

Et ne nous faites pas croire que la dotation de centralité viendra corriger tous les problèmes, quand cette dotation est réservée aux communes de plus de 500 habitants !

Que dire encore du fait que ce sont en réalité les territoires des villes intermédiaires qui vont assumer le coût des métropoles et celui des communes nouvelles, et qui ne leur est, sauf exception, pas réservé ?

Vous ne vouliez pas, avec cette réforme, opposer les représentants des villes à ceux du monde rural, mais, avec les orientations égalitaristes qui ne tiennent pas compte du passé, n’allez-vous pas finalement aggraver les inégalités ?

En nous faisant formellement adopter l’article 58 et son article additionnel, le Gouvernement renonce quelque part à une discrimination positive assurée par l’ancienne DGF dans nos villes.

J’ajouterai qu’aucun traitement n’est réservé aux inégalités fiscales, qui sont plus grandes. Le volet fiscal a d’ailleurs été majoritairement occulté dans cette réforme.

Le potentiel fiscal des villes de 15 000 à 100 000 habitants varie, par exemple, de 1 à 3, quand la dotation forfaitaire s’échelonne de 1 à 1,5. L’effort fiscal y est, en moyenne, proche de 2, quand, dans le monde rural, il est inférieur à 1.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, telles sont les questions posées par cette réforme, qui n’ont pas reçu le moindre commencement de réponse à l’heure où vous nous demandez malgré tout de voter.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Caroline Cayeux. En conclusion, je dirai que les effets cumulés de vos propositions nuisent à la sérénité indispensable à une réforme de cette ampleur.

Par cohérence et par respect pour le travail de nos assemblées, il est nécessaire que nous obtenions le retrait définitif de l’article 58 et l’examen d’une réforme de la DGF dans le cadre d’un projet de loi spécifique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Genest. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Genest. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, beaucoup a été dit dans ce débat, et la diversité des interventions que nous avons écoutées jusqu’ici est à l’image de celle des communes de notre pays.

La France compte 32 000 communes rurales de moins de 2 000 âmes, représentant 20 % de la population.

Pour leurs habitants, ces communes rurales représentent le premier échelon de proximité, pour ne pas dire bientôt le seul, avec la paupérisation du département qui vise à amener par étapes une suppression programmée.

Pour ces communes, la dotation globale de fonctionnement est donc non pas un « coup de pouce » permettant aux maires de concrétiser leurs rêves de grandeur, mais simplement la contribution de l’État à la collectivité qui agit au plus près de nos concitoyens ruraux et permet, autant que possible, d’éviter la désertification de nos campagnes. Dans de nombreuses petites communes, cette dotation peut représenter 50 % à 70 % des recettes.

Cette DGF, demeurée sans modification depuis de trop nombreuses années, est-elle aujourd’hui équitable ? Assurément non ! Incompréhensible, elle est bâtie sur des formules tellement obscures que, selon les aveux mêmes des services de Bercy, seuls quelques spécialistes sont capables de la calculer.

Finalement, comme trop souvent, le montant de cette dotation par habitant crée une criante rupture d’égalité pour la France rurale.

Madame la ministre, si l’initiative de la réforme résultait d’une vision clairvoyante de la situation, la mener à bien sans tenir compte de la nouvelle carte des intercommunalités, qui verra le jour en 2017, était aussi irréaliste que précipité.

On ne peut que se réjouir de voir que le Gouvernement a été sensible aux arguments des maires, amplement relayés par les sénateurs. C’est un scénario auquel nous commençons malheureusement à être habitués : une réforme décisive pour les collectivités territoriales est annoncée par le Gouvernement de façon soudaine, et sans réelle concertation, avant que, constatant son impréparation, le même Gouvernement soit obligé d’accepter de remettre l’ouvrage sur le métier.

Les élus communaux, bénévoles au vrai sens du terme, n’y comprennent plus rien. S’ils n’y perdent pas leur latin, leur bon sens paysan est mis à rude épreuve !

Je mettrai donc à profit cette période maintenant ouverte à la concertation et à une réflexion approfondie en vue de réformer la dotation pour vous indiquer, madame la ministre, quelques points primordiaux de nature à rétablir une situation équitable entre citoyens ruraux et citoyens urbains.

Tout d’abord, j’évoquerai la part « bourg-centre » de la dotation de solidarité rurale, qui permet aujourd’hui d’apporter une aide à la commune comptant 15 % de la population du canton. Avec l’agrandissement des cantons, en effet, la représentation des communes répondant à ce critère a baissé mécaniquement et cela pénalise fortement des collectivités qui continuent à jouer un rôle moteur sur leur territoire en abritant les mêmes infrastructures et en apportant les mêmes services à la population.

Ensuite, madame la ministre, votre réforme entraînera la même sanction pour les charges de centralité. Permettez-moi de donner ici l’exemple de ma commune, ancien chef-lieu de canton. Aujourd’hui, elle représente 38 % de la population d’une communauté de communes de montagne, de surcroît très peu peuplée. Après la mise en place du schéma départemental de coopération intercommunale, elle ne représentera plus les 20 % de la nouvelle entité et perdra donc cette dotation de centralité. Ainsi, elle jouera toujours son rôle de bourg-centre, mais sans compensation financière.

Cet exemple illustre le cas de centaines de communes françaises : avec les mêmes charges s’agissant notamment des écoles ou des activités sportives et culturelles, leur dilution dans un ensemble intercommunal plus vaste va cependant les priver de cette part de dotation essentielle. Est-ce cela, l’aménagement du territoire ?

Enfin, et suivant le même raisonnement, le futur mode de calcul devra aussi tenir compte des dépenses à la charge des communes qui ne sont actuellement pas prises en compte, mais qui sont déterminantes dans le rôle que ces collectivités locales jouent en tant qu’aménageurs du territoire. Je pense aux nombreux kilomètres de voirie, mais aussi aux servitudes liées à la géographie physique, comme les reliefs montagneux, qui rendent nécessaire le déneigement.

Les communes sont en danger. La loi NOTRe est dévastatrice au moins sur deux points pour les petites communes. D’abord, elles vont être littéralement dissoutes au milieu d’immenses communautés qui auront une grande partie des compétences. En effet, les dérogations au nombre d’habitants prévues par la loi sont exceptionnelles, car les préfets ont reçu des consignes précises du Gouvernement pour fragiliser les petites communes.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais non !

M. Jacques Genest. Mais si ! (Rires.)

M. le président. Madame la ministre, mon cher collègue, vous aurez tout loisir d’échanger après… (Sourires.)

M. Jacques Genest. Ensuite, le département, qui assure la solidarité territoriale, est vraiment mis à mal. En effet, que va-t-il représenter quand il ne regroupera plus qu’une poignée d’intercommunalités et qu’il sera asphyxié par le social ?

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jacques Genest. Que vont devenir nos communes, sans compétences et sans moyens financiers ?

Je vous en conjure, ne donnez pas le coup de grâce aux communes pauvres et peu peuplées avec une réforme de la DGF qui leur sera défavorable. Les habitants de la France oubliée sont exaspérés et humiliés par toutes ces décisions néfastes.

Ne détruisez pas la commune, qui est la seule cellule de proximité et le plus précieux lien social et démocratique, surtout en ces périodes troublées.

Je vous pose la question, madame la ministre : mais que vous ont donc fait les communes ? (Rires.)

Soyez-en convaincue, le temps de la réflexion que vous accorderez à contrecœur à cette réforme de la DGF ne sera pas perdu s’il est mis au service d’un changement visant à accompagner les communes sans les écraser, et à soutenir la ruralité dans sa spécificité pour l’aider à exprimer ses richesses et ses talents. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Benoît Huré.

M. Benoît Huré. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la pédagogie est affaire de répétition, a-t-on coutume de dire. C’est aussi une histoire de patience. Étant le quatorzième et dernier orateur à intervenir dans cette discussion, je vous remercie de bien vouloir malgré tout m’écouter.

Ce débat sur la réforme de la DGF s’inscrit, ne l’oublions pas, dans un contexte de nécessaire redressement des finances publiques, et ce alors même que de nouvelles dépenses doivent être engagées pour combattre le terrorisme.

Pour les conseils départementaux comme pour toutes les collectivités se pose dans sa globalité le problème des moyens financiers, à mettre en perspective non seulement avec les compétences exercées, mais aussi avec leurs propres ressources, qui, elles, sont liées à la situation économique, sociale et géographique spécifique à chacun des départements, comme à chacun des territoires.

La question du niveau des péréquations, à la fois horizontale et verticale, se pose également. Fort de ma connaissance et de mon expérience, tant dans mon département qu’au sein de l’Assemblée des départements de France, je m’interroge sur le niveau et l’efficacité d’une mise en œuvre réelle de la péréquation horizontale.

Autant la péréquation verticale peut garantir le pacte républicain, en quelque sorte, car elle constitue une réponse financière de la Nation adaptée et au bénéfice de chacun de ces territoires, autant la péréquation horizontale est aléatoire, car les prélevés trouvent toujours de bonnes raisons à faire valoir pour ne pas l’alimenter eux-mêmes !

Avant toute réforme de la dotation globale de fonctionnement, il y a, à mes yeux, nécessité d’arrêter et de constater le plus objectivement et le plus impartialement possible la réalité de la situation de chacune des collectivités concernées ; il s’agit, en quelque sorte, de poser le bon diagnostic.

Par ailleurs, je considère que la réforme de la DGF – si elle veut être ambitieuse – ne saurait s’appuyer seulement sur un prélèvement opéré sur les uns au profit des autres.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, dans ce débat sur la DGF, on ne saurait négliger la question tout aussi fondamentale des dépenses prescrites par l’État, par exemple, toutes celles qui sont liées à la mise en œuvre de nombreuses normes actuelles ou à venir, et plus spécifiquement encore celles qui sont liées aux dépenses relatives aux allocations individuelles de solidarité, ces AIS qui, prescrites par la Nation, sont versées par les départements pour son compte.

Les départements subissent la double peine d’une hausse constante des allocations à verser et de moins en moins compensées par l’État. Pour ces allocations, en 2014 et 2015, la somme due aux départements est de 15, 3 milliards d'euros. Double peine, disais-je, puisque, dans le même temps, la baisse de la DGF représente 1,6 milliard d'euros.

Pour vous permettre de mieux appréhender ces chiffres, je veux vous citer l’exemple de mon département, les Ardennes. Sur cette même période, pour les AIS, les sommes dues par l’État y sont de 66,5 millions d'euros et la baisse de la DGF y est de 5,5 millions d'euros. Or un point de fiscalité dans les Ardennes rapporte à peine 500 000 euros…

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la situation de nos collectivités départementales est devenue plus que critique. En effet, à ce jour, dix départements ne peuvent faire face aux dépenses de l’exercice budgétaire en cours et quarante-deux départements ne pourront équilibrer leur budget de l’exercice 2016.

Au travers des départements, c’est le niveau même de solidarité à l’égard des plus fragiles de nos concitoyens qui est interrogé. Pour la Nation, c’est finalement sa capacité à préserver le pacte républicain, héritage historique du Conseil national de la Résistance, dont il est question.

Désormais, les départements ne peuvent plus se substituer à l’État à un tel niveau, et c’est une baisse importante de ces AIS qui va être inégalement, selon les départements, rendue obligatoire, à défaut d’une meilleure compensation par l’État aux départements.

Nous devons, dès maintenant, en mesurer les nombreuses conséquences, tant pour les publics aidés que pour les emplois de service à la personne et pour le pouvoir d’achat généré, sans parler de la crédibilité de nos institutions aux yeux de nos compatriotes.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, finalement, c’est l’ensemble des financements dédiés aux collectivités – à toutes les collectivités – qu’il faut repenser, au premier rang desquels se situe la DGF. Cela est devenu urgent, sans justifier pour autant qu’il y ait précipitation ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de laisser Mme Lebranchu vous répondre sur la réforme de la DGF, je vais m’exprimer sur la baisse des dotations, qui a été abondamment évoquée, et c’est tout à fait légitime.

Cette baisse des dotations, je veux simplement la resituer dans le contexte que vous connaissez, celui de la baisse de la dépense publique et du plan d’économies du Gouvernement de 50 milliards d'euros sur trois ans.

Sur ce plan d’économies, il faut savoir que l’État va contribuer à hauteur de 18 milliards d'euros, le secteur social à hauteur de 21 milliards d'euros et les collectivités locales à hauteur de 11 milliards d'euros, ce qui fait 20 % du plan d’économies. Et, 20 %, c’est le poids de la dépense publique locale dans la dépense publique globale.

La dépense publique locale, en gros, ce sont 250 milliards d'euros – 243 milliards d'euros pour être précis – et la dépense publique globale, ce sont 1 250 milliards d'euros. La contribution de 11 milliards d'euros représente 1,6 % des recettes totales des collectivités locales, en moyenne. Je sais que, pour certaines collectivités locales, c’est beaucoup plus, mais c’est donc beaucoup moins pour d’autres.

J’ajoute que la seule revalorisation de 0,9 point des bases fiscales en 2015 a rapporté 950 millions d'euros aux collectivités locales. Les ressources fiscales des collectivités locales – en clair, les impôts -, qui représentent 62 % de leurs recettes réelles de fonctionnement, ont progressé de 2,4 % en 2014.

S’agissant des communes rurales, et singulièrement de celles de l’Ardèche, sachez, monsieur Genest, que nous les aimons tous beaucoup, et notamment ici, dans cet hémicycle ! (Sourires.)