Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Cigolotti.

M. Olivier Cigolotti. S’agissant du développement des soins ambulatoires, madame la ministre, une baisse de la TVA sur certains dispositifs médicaux, notamment le matériel nécessaire à de tels soins, serait une excellente chose.

Néanmoins, le groupe UDI-UC, vous l’aurez compris, regrette que ce PLFSS soit incomplet et flou sur de nombreux points, comme l’a très largement souligné notre rapporteur général. (Mme Françoise Gatel et M. Gérard Dériot applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s’inscrit dans un contexte historique particulier, rappelé à maintes reprises. Voilà soixante-dix ans, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, naissait la sécurité sociale.

Il faut défendre la sécurité sociale ! Cette institution fondamentale représente le point culminant de plusieurs décennies de lutte des travailleurs pour la solidarité, même si quelques patrons inspirés par le catholicisme social y ont également œuvré. Sous l’impulsion d’Ambroise Croizat, ministre du travail du général de Gaulle, la sécurité sociale a permis d’extraire la santé, l’assurance chômage, la retraite et les allocations familiales des mains du privé, afin de les confier à un ensemble d’associations paritaires œuvrant pour l’intérêt général. Il s’agit sans aucun doute de l’acquis social le plus important de notre pays, pas seulement symbolique, puisque les dépenses du régime de base de la sécurité sociale représentent aujourd’hui un quart de notre PIB.

Soixante-dix ans plus tard, où en est-on ? Force est de constater que les néolibéraux, discrets au sortir de la guerre, sont aujourd’hui idéologiquement omniprésents. Dans leur système de pensée, la dépense sociale est vue uniquement comme un « coût », les cotisations sociales sont appelées des « charges » et il est regrettable que le Gouvernement, faute d’un projet alternatif, finisse par s’inscrire dans cette logique.

Disons-le d’emblée, les écologistes sont favorables à une maîtrise de l’équilibre des comptes sociaux. Il est en effet naturel de veiller à une corrélation de l’évolution des dépenses et des recettes, afin de ne pas mettre en danger la pérennité du système pour les générations futures. Toutefois, nous estimons que cet équilibre doit être réalisé dans un souci de justice, en maintenant le niveau des prestations sociales, voire en l’augmentant pour les plus démunis.

Or, qui bénéficie aujourd’hui le plus de la politique menée par le Gouvernement ? Les entreprises ! Dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, l’exonération de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, sera offerte aux entreprises réalisant jusqu’à 19 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre 3,25 millions d’euros aujourd’hui.

Le Gouvernement prévoit également d’étendre la baisse de 1,8 point des cotisations familiales patronales jusqu’à 3,5 SMIC, soit 5000 euros mensuels.

Ces deux mesures sont mises en place sans conditions ni contreparties, et bénéficieront largement aux grandes entreprises, qui ne sont pas celles ayant le plus besoin de soutien. Nous n’avons pas la même analyse de l’état économique des entreprises aujourd’hui : celles-ci ont reconstitué leurs marges. Les profits sont très importants et l’écart entre les plus riches et les plus pauvres augmente.

Si au moins ces exonérations étaient subordonnées au respect d’obligations en matière de revenus, d’égalité entre les femmes et les hommes, de protection de l’environnement, elles pourraient servir de levier à une transformation du monde de l’entreprise. Cependant, le Gouvernement n’a pas fait ce choix et continue à croire que la mise en œuvre du pacte de responsabilité permettra de relancer la machine économique en créant de la croissance. Or, depuis deux ans maintenant que ce pacte est mis en place, ses effets se font toujours attendre !

Mme Nicole Bricq. Cela commence !

M. Jean Desessard. Tout comme les politiques de relance pures, les politiques de l’offre pures sont vouées à l’échec et il est temps de le reconnaître.

Voilà pourquoi les écologistes vous proposeront durant l’examen de ce PLFSS de supprimer les articles 7 et 8 prévoyant de nouvelles « ristournes » inefficaces en faveur des entreprises.

En matière de propositions, nous vous soumettrons deux amendements afin que ce PLFSS soit celui des salariés. Le premier vise à poursuivre jusqu’au bout la démarche de réforme fiscale engagée par le précédent Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Quel dommage que la grande réforme fiscale qu’il avait annoncée ne soit pas allée à son terme ! Nous vous proposerons ainsi la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, couplée à une baisse des prélèvements sur les salaires inférieurs à deux SMIC. En solution de repli, nous vous proposerons une réduction dégressive de CSG pour les plus modestes, jusqu’à deux SMIC également.

Nous considérons en effet que la redistribution doit succéder aux efforts et que les gestes fiscaux ne doivent pas concerner toujours les mêmes. Si les entreprises sont bel et bien au cœur de l’activité de notre pays et doivent faire l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics, il ne faut pas oublier que celles-ci sont avant tout constituées de salariés et que le capital découle de leur travail.

Ma collègue Aline Archimbaud, comme elle l’a évoqué avant moi, vous présentera au cours de ce débat ses solutions pour une politique de santé plus juste, plus équilibrée et qui prenne enfin en compte l’impact de l’environnement sur la santé de nos concitoyens.

Ainsi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, en l’état, ne correspond pas au modèle soutenu par les écologistes. Il ne correspond pas non plus, hélas, à l’esprit de solidarité qui présidait à la création de la sécurité sociale, voilà maintenant soixante-dix ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, tout d’abord, je ne partage pas tout à fait les analyses de mon collègue Desessard.

M. Jean Desessard. Je n’oblige personne !

M. François Fortassin. Vraisemblablement, nous ne fréquentons pas les mêmes chefs d’entreprises. Pour ma part, j’en vois beaucoup qui souffrent ; si certains gagnent beaucoup d’argent, ils ne sont certainement pas une majorité par les temps qui courent.

Mme Annie David. Les salariés souffrent aussi !

M. François Fortassin. Oui, c’est évident !

Née voilà soixante-dix ans d’une grande idée de solidarité nationale pour répondre au désir de sécurité de la population meurtrie par la guerre, la sécurité sociale est aujourd’hui considérée comme un acquis, et personne ne conçoit qu’elle puisse ne pas exister. Comme vous l’avez rappelé à l’occasion de la célébration de ce soixante-dixième anniversaire : « Sa préservation et sa modernisation tiennent autant du devoir que du besoin », ce qui n’est pas chose aisée dans le contexte économique actuel.

Pour autant, alors qu’en 2010 le déficit avait atteint un niveau abyssal et mettait en péril la survie du modèle social dont nous sommes très fiers, depuis 2012, nous sommes sur la voie du rétablissement des comptes sociaux. Vous prévoyez de ramener le déficit à 9,3 milliards d’euros en 2016, soit 3,1 milliards d’euros de moins qu’en 2015 et 9,9 milliards d’euros de moins qu’en 2012, et ainsi de suite.

Nous regrettons toutefois que le retour à l’équilibre, initialement prévu pour 2017, soit renvoyé, au mieux, à 2021, si l’on en croit les prévisions de la Cour des comptes. Celle-ci juge ce report préoccupant et rappelle que l’objectif ne pourra être atteint qu’au moyen d’efforts plus ambitieux et d’économies structurelles. La persistance des déficits, notamment de l’assurance maladie, menace la pérennité de notre système de protection sociale.

Lors de la présentation à la presse du rapport sur la sécurité sociale pour 2015, le Premier président de la Cour des comptes a reconnu que des progrès avaient été faits, mais que les déficits résistaient obstinément, nécessitant d’aller plus loin et plus vite.

Madame la ministre, ces réformes sont indispensables et ne peuvent être différées. Pour autant, ce PLFSS contient un certain nombre d’avancées que nous saluons.

Je pense, bien sûr, à l’instauration d’une véritable protection universelle maladie. Comme vous l’avez très justement rappelé, « depuis la création de la couverture maladie universelle, chacun a le droit, en théorie, à une couverture pour ses soins [...], mais, dans les faits, ce droit n’est pas toujours effectif ».

Ainsi, chaque année, un million de Français engagent des démarches administratives complexes pour changer de caisse ou bénéficier de la CMU. Ce dispositif permettra d’éviter des situations de rupture de droits en cas de changement de situation professionnelle, familiale, résidentielle, de caisse ou de régime. Désormais, tous les assurés qui travaillent ou résident en France de manière stable et régulière bénéficieront pleinement du droit à la prise en charge de leurs frais de soins.

Le statut d’ayant droit sera supprimé pour les majeurs, et les enfants auront leur propre carte vitale dès l’âge de douze ans, si leurs parents le souhaitent.

Autre avancée : la généralisation du dispositif de garantie des impayés de pensions alimentaires, qui avait été mis en place à titre expérimental dans vingt départements par la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Ce dispositif permet le versement d’une allocation de soutien familial dès le premier mois d’impayé. C’est une très bonne chose. En effet, dans 40 % des cas de séparation, la pension alimentaire n’est pas versée ou l’est irrégulièrement, ce qui place souvent les parents isolés dans des situations très difficiles.

Nous nous félicitons également que vous renforciez l’accès des mineures à la contraception, que vous mettiez en place la gratuité des actes de dépistage du cancer du sein pour les femmes présentant un risque particulier, et que vous pérennisiez et étendiez l’expérimentation conduite en matière de permanence des soins ambulatoires.

S’agissant de la lutte contre l’obésité, ce PLFSS introduit la possibilité de mener des expérimentations pour améliorer la prise en charge et le suivi des enfants de trois à huit ans. Nous ne pouvons que souscrire à cette mesure, même si nous pensons que le dispositif devrait être ouvert aux professionnels libéraux qui souhaiteraient s’investir dans ce travail de prévention.

Enfin, madame la ministre, je souhaite vous poser deux questions précises.

Premièrement, sur les 375 000 patients qui sont, chaque année, opérés de la cataracte, près de 35 000 d’entre eux bénéficient d’implants de technologie avancée, qui font l’objet d’un « copaiement » de la part des patients, avec l’accord de l’assurance maladie. Le risque existe aujourd’hui que les futurs patients soient privés de ces implants en raison de l’absence, à ce jour, de décision de la Haute Autorité de santé sur leur évaluation. Savez-vous où en est ce programme d’évaluation ?

Deuxièmement, le Parlement a autorisé, voilà deux ans, les pharmaciens à substituer à un médicament biologique de référence un médicament biosimilaire dans un cadre sécurisé. Or, le décret d’application qui doit préciser les modalités et proposer une liste de référence n’a toujours pas été publié. Pensez-vous que sa publication interviendra prochainement ?

Pour conclure, madame la ministre, la majorité des membres du RDSE sera particulièrement attentive au débat qui va s’ouvrir et à la discussion des amendements. Vous pouvez considérer, pour l’instant, que nous faisons preuve d’une neutralité positive… (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier les différents rapporteurs pour la qualité de leurs travaux. Ils ont su faire preuve d’une grande pédagogie, nous permettant ainsi d’appréhender ce projet de loi si technique.

En effet, il est nécessaire de bien maîtriser l’ossature générale du budget afin de mieux comprendre son organisation et les transferts de charges qui, parfois, ont pour effet d’embellir la réalité.

On constate une réelle volonté du Gouvernement de diminuer la croissance des déficits des différents budgets, en s’appuyant sur de nouvelles mesures, mais également en récoltant les bénéfices de mesures prises par l’ancienne majorité – je pense notamment à la réforme des retraites.

Je souhaiterais plus particulièrement parler de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, ou AT-MP, et du secteur médico-social.

Concernant la branche AT-MP, le rapport de notre collègue Gérard Dériot montre que cette branche participe de plus en plus au renflouement de l’assurance maladie.

En effet, en 2016, un versement d’un milliard d’euros se fera au titre des sous-déclarations, et un transfert d’un demi-milliard d’euros de cotisations interviendra en 2016 et 2017. Dans le même temps, nous constatons le désengagement de l’État du financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. Ces transferts remettent en cause l’autonomie de la branche et sa vocation assurantielle. Je rejoins notre collègue rapporteur sur la nécessité de mettre en place un travail de fond sur les causes de cette sous-déclaration et sur les actions à mener pour la limiter.

S’agissant du secteur médico-social, le rapport de Colette Giudicelli nous indique que l’ONDAM médico-social devrait s’établir à 18,2 milliards d’euros en 2016, soit une hausse de 1,9 % par rapport à l’année 2015. Au total, 405 millions d’euros de moyens supplémentaires doivent être alloués aux établissements et services pour personnes âgées et handicapées en 2016.

Toutefois, le Gouvernement a fait un certain nombre d’annonces qui nécessitent de déployer des moyens financiers supplémentaires.

Je pourrais citer, à titre d’exemple, la fin du plan autisme, le plan de modernisation des établissements et services d’aide par le travail – ESAT –, l’accompagnement du rapport de Denis Piveteau, Zéro sans solution, et l’article 21 bis du projet de loi de modernisation de notre système de santé, qui permet de proposer, aux personnes handicapées n’ayant pas de solution ou en situation de rupture, de réelles solutions complémentaires.

Nous ne pouvons qu’approuver ces nouvelles mesures, mais elles impliqueront deux obligations : d’une part, celle de donner des moyens supplémentaires aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, afin qu’elles puissent remplir leurs missions, malgré la mise en place de mesures de simplification ; d’autre part, celle de créer des places supplémentaires dans les différentes structures d’accueil, pour répondre aux attentes.

Les moyens proposés par votre gouvernement ne couvriront pas tous les besoins, madame la ministre. Concernant les places nouvelles dans les établissements, le budget prévoit le financement d’environ 18 500 places, alors que les besoins sont estimés à environ 50 000 places.

Je souhaite tout particulièrement évoquer la douloureuse situation de nos compatriotes handicapés, contraints de quitter le territoire national, notamment pour la Belgique. Actuellement, plus de 6 500 personnes handicapées françaises, 1 500 enfants et au moins 5 000 adultes, sont accompagnées par des établissements médico-sociaux belges. Sur ces 6 500 exilés, 4 000 ne sont pas des frontaliers. Pour beaucoup, ce départ vers ces établissements n’est pas un choix, mais une contrainte imposée par un manque de réponses sur le territoire national.

Vous venez d’annoncer le déblocage de 15 millions d’euros pour limiter ces départs. Si le geste mérite d’être souligné, le montant reste manifestement insuffisant.

À l’heure actuelle, la France consacre environ 250 millions d’euros par an pour l’accueil de nos ressortissants dans des établissements étrangers, le financement étant assuré, en fonction des situations, par l’ONDAM médico-social, l’assurance maladie ou les conseils départementaux. Je propose que ces 250 millions d’euros soient utilisés pour créer des places en France, et j’ai déposé des amendements en ce sens.

Par ailleurs, je peux confirmer que le transfert du financement des ESAT, opéré par l’article 46 du projet de loi, est bien accueilli. Néanmoins, ce transfert ne sera effectif qu’en 2017 et ses modalités ne sont pas connues, ce qui suscite de légitimes inquiétudes. Il est nécessaire, madame la ministre, de rassurer les acteurs du monde du handicap sur les modalités de transfert de ces crédits.

Nous avons une responsabilité collective vis-à-vis du monde du handicap. Un certain nombre de rendez-vous ont été reportés, voire parfois oubliés. Notre société doit réellement se mobiliser pour les personnes handicapées.

Même si les moyens financiers ne nous permettent pas de tout régler dans les mois à venir, nous devons engager des efforts significatifs et, surtout, envoyer des signaux forts en direction du monde du handicap, qui peut parfois se sentir désabusé.

En effet, d’un côté, on annonce des moyens supplémentaires, des recherches de solutions concernant les personnes accueillies à l’étranger et, surtout, la mise en place du « zéro sans solution » dans les territoires, mais, de l’autre, le Gouvernement ne prévoit pas suffisamment de financements pour les établissements, continue de geler le nombre de places dans les ESAT et le budget 2016 consacré aux MDPH ne permettra pas de répondre à la charge de travail supplémentaire.

De grâce, madame la ministre, respectez vos engagements et faites attention aux messages que vous envoyez aux personnes handicapées ! Le pire aura été atteint avec le cafouillage engendré par l’annonce, puis le retrait, de la proposition d’intégrer dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés les modestes revenus des livrets non soumis à l’imposition sur le revenu.

En dépit du retrait de cette mesure, les personnes en situation de handicap se sont senties attaquées par cette annonce, qui faisait fi de l’esprit même de la loi de 2005 et de la situation financière, souvent difficile, d’un grand nombre de personnes handicapées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les évolutions de notre société et du contexte économique ont nécessairement une influence sur notre modèle de protection sociale. Ce modèle, s’il veut subsister afin d’offrir à nos concitoyens une aide optimale, doit se réformer. Ce modèle mérite que nos gouvernants fassent preuve de courage afin d’assumer des choix parfois difficiles.

Or ce PLFSS s’inscrit dans la continuité de l’exercice précédent, sans présenter de levier de réforme véritablement significatif. Si certaines mesures sont à saluer, les mesures structurelles destinées à infléchir fortement la dynamique des dépenses ne sont pas au rendez-vous.

Pour compléter les propos de mon collègue Olivier Cigolotti, qui s’est exprimé sur l’équilibre général et les branches famille et accidents du travail, je concentrerai mon intervention sur les branches maladie et vieillesse.

La branche maladie représente près de la moitié du budget du régime général, concentrant les deux tiers des déficits, avec un solde négatif supérieur à 6 milliards d’euros.

Quant à la branche vieillesse, elle enregistre un léger solde positif en 2016, mais le Fonds de solidarité vieillesse resterait en situation de fort déficit structurel, à hauteur de 3,7 milliards d’euros.

Comme je le disais en préambule, madame la ministre, nous pouvons souscrire à certaines mesures de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : la création de places supplémentaires dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, la réduction des délais d’accès aux soins visuels, le mécanisme de garantie contre les impayés de pension alimentaire, la lutte contre la fraude ou encore la mutualisation d’activités entre organismes de sécurité sociale.

En revanche, d’autres mesures nous laissent plus interrogatifs, à commencer par le régime d’assurance maladie universelle.

Avec la réforme de la protection universelle maladie, les personnes, malgré les aléas de la vie, conserveront leurs droits à la couverture maladie, sans démarche de leur part, sans changement de caisse et sans rupture de droits. Si nous sommes naturellement enclins à soutenir une telle disposition, le flou qui entoure les modalités de sa mise en œuvre nous contraint à la vigilance.

Il en va de même de la réforme des soins de suite. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit une mise en œuvre opérationnelle de la réforme au 1er janvier 2017. N’est-ce pas un peu rapide, alors que les acteurs impliqués s’accordent à dire que les outils techniques sur lesquels repose la réforme sont encore loin d’être fiables ?

Par ailleurs, aucune simulation d’impact n’a véritablement été effectuée, ce qui engendre une absence totale de visibilité des dépenses d’assurance maladie.

Nous nous interrogeons en outre plus spécifiquement sur le financement des soins palliatifs. Lors de l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie, vous avez annoncé, madame la ministre, 40 millions d’euros supplémentaires dans ce budget pour 2016. Ces crédits sont-ils clairement fléchés ? Vous l’aurez compris : nous serons extrêmement attentifs au respect de votre engagement.

On le sait, madame la ministre, il est urgent de revenir à l’équilibre des comptes et, pour cela, la diminution des dépenses est le seul mot d’ordre qui vaille. J’observe toutefois que les efforts portent toujours sur les mêmes secteurs, notamment sur le médicament. Si une réduction des dépenses en la matière est indispensable, rappelons que le médicament ne représente que 15 % des dépenses d’assurance maladie.

L’hôpital est également soumis à forte contribution. Le Gouvernement veut dynamiser la mutualisation des ressources et les économies d’échelle à l’hôpital et nous l’y encourageons. Le développement de la chirurgie ambulatoire et la réduction des durées d’hospitalisation sont des sources d’économies. À cet égard, je salue également l’instauration des trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière proposée par notre rapporteur général, car elle permettra de réduire les dépenses de fonctionnement.

Cependant, l’hôpital ne peut pas tout supporter, du moins pas seul. Il doit mieux s’articuler avec la médecine de ville. Il faut associer le médecin traitant à la prise en charge hospitalière du patient, favoriser la communication entre les professionnels et les structures de santé, faciliter l’accessibilité à l’offre de soins hospitaliers pour la médecine de ville. Or, lorsque se pose la question de la médecine de ville, se pose également la terrible question de l’accessibilité aux soins. C’est sans doute sur ce sujet que les réformes structurelles font le plus cruellement défaut.

Nous le savons, le creux de la démographie médicale est attendu pour 2020. Nous ne devons plus tarder pour agir, madame la ministre, alors même que, dans nos territoires, toutes les communes et intercommunalités investissent massivement dans la réalisation de maisons de santé pour lutter contre la désertification médicale.

Certaines mesures de ce projet de loi sont quelque peu inopportunes – me semble-t-il… Ainsi, le groupe UDI-UC se réjouit que la commission des affaires sociales ait proposé de supprimer le nouveau contrat d’assurance maladie complémentaire labellisé pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Cette segmentation des offres constitue un frein à la solidarité et à la mutualisation des risques entre les actifs et les inactifs, mettant en difficulté l’équilibre d’ensemble du système. Le dispositif d’appel d’offres proposé par le Gouvernement va sans doute conduire à une baisse artificielle des prix, au détriment non seulement des garanties proposées, mais aussi de ceux qui paieront in fine la facture : les actifs plus jeunes.

Nous n’étions pas non plus très favorables à l’article 22, que la commission des affaires sociales propose également de supprimer. Cet article prévoit un « chèque santé » pour les salariés en contrats très courts et les temps très partiels. Nous ne disposons pas de données chiffrées permettant d’évaluer le nombre de salariés concernés. Nous ne savons pas non plus où se situe le curseur pour définir les seuils donnant droit au dispositif. Enfin, nous pensons que cette mesure risquerait finalement de pénaliser la catégorie de salariés qu’elle prétend défendre. L’alourdissement des démarches administratives et des charges pourrait en effet amener les entreprises à renoncer à recruter des salariés bénéficiant de tels contrats. Au 1er janvier 2016, alors qu’on ne cesse de parler de simplification, une avalanche d’obligations d’une grande complexité va s’abattre sur les entreprises et cette mesure renchérit cette complexité.

Concernant la branche vieillesse, nous observons certes une amélioration, mais vous avouerez que nous ne pouvons que maintenir une extrême vigilance, car cette amélioration apparaît bien fragile. Du reste, les partenaires sociaux l’ont parfaitement compris et ont fait preuve d’une grande responsabilité en ce qui concerne les régimes de retraite complémentaire.

Actuellement, en vertu de la réforme de 2010, l’âge légal de départ en retraite est repoussé chaque année de cinq mois jusqu’au 1er janvier 2017. Cette mesure permet de dégager 5,1 milliards d’euros et l’âge de la retraite sera ainsi fixé à 62 ans pour la génération née en 1955…

Mme Françoise Gatel. C’est d’ailleurs cette réforme qui contribue largement au recul du déficit de la branche vieillesse, mais elle n’est évidemment pas suffisante pour revenir à l’équilibre. Comme l’a très bien exposé le rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse, Gérard Roche, le levier de l’âge légal de départ à la retraite est, de loin, celui qui offre à la France les plus importantes marges de manœuvre. C’est pourquoi nous approuvons totalement sa proposition visant à reporter à 63 ans l’âge légal de départ en retraite à compter du 1er janvier 2019. Il s’agit là d’une proposition courageuse, lucide et indispensable, qui pourra, sans conteste, contribuer à la durabilité de notre système de sécurité sociale auquel nous sommes tous profondément attachés.

En conclusion, je voudrais remercier le président et les rapporteurs de la commission, en particulier le rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, pour la qualité de leur travail et leur pédagogie.

Madame la ministre, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale n’appelle ni à la réjouissance ni aux lamentations, mais il suscite une forte déception. Vous l’aurez compris, nous regrettons, une fois de plus, l’absence de véritable réforme structurelle courageuse, visant à rétablir durablement l’équilibre des comptes. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.