M. Roland Courteau. Cet amendement vise à clarifier la législation afin de favoriser la promotion touristique de nos paysages viticoles. Nous souhaitons que l’on puisse communiquer en toute sécurité juridique sur les terroirs, la toponymie, les itinéraires touristiques, et plus généralement en faveur de ce patrimoine viticole, gastronomique et culturel qui est le nôtre.

Nous ne proposons pas de modifier l’encadrement de la publicité en faveur des boissons alcooliques, et nous ne contestons nullement le fait qu’elle soit soumise à des restrictions afin de prévenir des consommations excessives.

En revanche, nous proposons de lever le flou juridique qui résulte des dérives jurisprudentielles de ces dernières années. En effet, la jurisprudence assimile de fait un contenu journalistique, culturel ou œnotouristique à de la publicité. Or tel n’était pas l’objectif du législateur lors de l’adoption de la loi de 1991, et les juges n’ont pas à se substituer au législateur.

Nous voulons donc, sur ce point, reprendre la main en faisant la distinction entre ce qui relève de la publicité, d’une part, et ce qui relève d’un contenu journalistique ou œnotouristique, d’autre part, de manière à sortir de cette situation d’insécurité juridique manifeste qui conduit souvent journalistes et opérateurs œnotouristiques à s’autocensurer.

Je le répète, il ne s’agit pas d’assouplir l’encadrement de la publicité en faveur des boissons alcooliques, qui est une chose différente de l’information journalistique ou œnotouristique.

J’ajouterai, pour conclure, que cet amendement est identique, à la virgule près, à celui qui avait été présenté par le Gouvernement lors de la discussion de la loi Macron.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous ne proposons rien d’autre que de permettre, en toute sécurité juridique, la promotion de nos terroirs, de nos paysages viticoles, de nos savoir-faire et de nos produits, toutes choses qui contribuent au rayonnement de la France dans le monde. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié.

M. Gérard César. Le Conseil constitutionnel a censuré, début août, une disposition de la loi Macron visant à clarifier les notions d’information et de publicité relatives aux boissons alcooliques.

Je vous rappelle qu’un amendement allant en ce sens, et cosigné par les membres du groupe d’études de la vigne et du vin du Sénat, avait été adopté à l’unanimité, toutes tendances politiques confondues, lors de la première lecture du projet de loi Macron dans notre assemblée.

Un amendement à ce même texte, présenté par le Gouvernement, a ensuite été adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. C’est le dispositif de ce dernier amendement que nous proposons d’adopter aujourd’hui dans le cadre du projet de loi santé, comme vient de l’expliquer Roland Courteau, à qui je me permets de souhaiter une bonne fête puisque c’est aujourd'hui la Saint-Roland. (Sourires et exclamations.)

M. Marc Daunis. C’est l’occasion de boire un bon verre de vin ! (Nouveaux sourires.)

M. Gérard César. En rejetant cette disposition, pour des raisons de forme, et non de fond, le Conseil constitutionnel n’a toutefois pas remis en cause l’objectif de clarification de la loi Évin. Comme l’ont rappelé les juges constitutionnels, le but de la loi Évin était « de lutter contre les excès de consommation d’alcool et de protéger les populations à risque ». Sa validation par le juge a reposé sur le fait que « le législateur, qui [avait] entendu prévenir une consommation excessive de boissons alcooliques, [s’était] borné à limiter la publicité en ce domaine, sans la prohiber de façon générale et absolue. »

Pourtant, nous constatons aujourd’hui que l’application de la loi Évin connaît une dérive, car elle s’est écartée de l’esprit du texte. Ainsi, une définition du champ de la publicité par la Cour de cassation induit l’assimilation d’un contenu journalistique, œnotouristique, culturel ou artistique à de la publicité, et des journaux tels que Paris Match ou Le Parisien ont été condamnés à ce titre.

Aujourd’hui, compte tenu des risques juridiques et judiciaires, beaucoup de journalistes pratiquent l’autocensure en s’abstenant d’écrire des articles sur les régions viticoles, fût-ce pour se contenter d’évoquer leurs paysages.

Dans ce contexte, il est essentiel d’apporter la sécurité juridique nécessaire aux opérateurs publics et privés, tels que les collectivités territoriales, les offices du tourisme, les agences de voyage ou les journaux pour valoriser, dans une optique d’information, les vignobles de France, nos territoires et nos paysages.

Mes chers collègues, tel est l’enjeu de cet amendement. Il s’agit d’une clarification et d’une sécurisation faisant écho à l’engagement responsable de la filière viti-vinicole,…

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collège.

M. Gérard César. … laquelle promeut le principe d’une consommation quantitativement responsable au travers d’actions concrètes sur le terrain, en particulier en matière de prévention du risque « alcool » pour nos jeunes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. L’amendement n° 399 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 410 rectifié.

M. Jean-Noël Cardoux. Notre collègue René-Paul Savary étant malheureusement immobilisé, il n’est pas en mesure de défendre son amendement. Il me revient donc de le faire, en accord avec ses autres signataires.

Je ne reprendrai pas les arguments de fond qui viennent d’être avancés par nos collègues Roland Courteau et Gérard César : j’y souscris totalement. J’ajouterai simplement deux précisions.

Tout d’abord, comme l’a souligné Gérard César, le Conseil constitutionnel a jugé qu’il s’agissait d’un cavalier dans la loi Macron, mais, lorsque l’on présente le même amendement dans un texte relatif à la santé, ce qu’était aussi la loi Évin, il nous est rétorqué que qu’il n’y a pas non plus sa place…

M. Gérard César. Ce n’est jamais le bon texte !

M. Jean-Noël Cardoux. Je me demande donc sur quel texte on peut le présenter !

C’était un des arguments qui nous ont été opposés ce matin en commission. Du reste, je remercie son président et ses corapporteurs d’avoir, dans leur grande sagesse, accepté de soumettre ces amendements au vote des commissaires, qui se sont prononcés en leur faveur à une large majorité, convertissant ainsi l’avis de sagesse qui avait été initialement émis en avis favorable.

Ensuite, l’esprit de cet amendement milite en faveur des terroirs, en faveur de la ruralité, bien malmenée actuellement avec la loi NOTRe et la crise agricole. En le votant, nous permettrons aux viticulteurs de nos régions, qui ne ménagent pas leurs efforts, de se faire connaître par des annonces non pas publicitaires, mais informatives. Ce vote constituera le signal fort en faveur de la ruralité et du terroir que chacun appelle de ses vœux pour sa propre région.

À cet égard, il faut savoir que les petites communes rurales se plaignent, même si le phénomène est tout juste émergent, de la législation sur les enseignes, qui empêche de signaler à l’entrée de leur territoire tel ou tel producteur ou artisan local à l’attention des touristes qui le traversent. L’ajout d’une interdiction à une autre finit par asphyxier totalement la ruralité, la vie locale et les petits villages.

Tels sont les arguments que je voulais ajouter à ceux qui ont déjà été développés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 859 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Je me contenterai d’ajouter une remarque. Il m’arrive d’aller voir des matches de rugby à l’étranger, à l’occasion du Tournoi des Six nations.

En Écosse, on fait de la publicité, ou de l’ »information », dans les stades pour la boisson nationale à base de malt fermenté. De même, à Dublin, on voit partout des images de cette bière brune qui fait la renommée de l’Irlande.

En revanche, en France, rien de tout cela n’est possible !

Ainsi, dans le Lot, lors de la construction de l’autoroute A20, le conseil général avait décidé de planter une vigne et d’installer un panneau évoquant le vin de Cahors, le tracé ne passant pas par le vignoble. L’interdiction est tombée, et il a fallu arracher la vigne !

On ne peut donc plus faire d’information suffisante sur le vin. Or il s’agit du patrimoine de la France, de notre terroir. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement.

De grâce, madame la ministre, arrêtons de nous tirer une balle, non pas dans le pied, mais dans le gosier ! (Rires et vifs applaudissements sur de nombreuses travées.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces amendements visent à clarifier l’interdiction de la publicité pour les boissons alcooliques issue de la loi Évin.

Notre collègue Gérard César a rappelé que, lors de l’examen en première lecture de la loi Macron, des amendements avaient été présentés par des sénateurs de plusieurs groupes politiques pour arriver à une formulation proche de celle qui est ici proposée. M. Macron avait alors donné un avis de sagesse, et l’amendement avait été adopté par le Sénat. En nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a, à son tour, fait adopter un amendement légèrement différent, dont la rédaction lui semblait meilleure. Le Sénat a ensuite adopté cette disposition en nouvelle lecture, mais le Conseil constitutionnel l’a finalement censurée.

Ce matin, lors de l’examen ces amendements, il nous a été expliqué qu’une telle disposition ne saurait figurer dans la loi santé. Pourtant, elle fait bien référence au code de la santé publique puisqu’elle tend à rajouter, après l’article L. 3323-3 de ce code, un article L. 3323-3-1 rédigé conformément à la volonté du Gouvernement, exprimée lors de l’examen de la loi Macron.

J’ai préconisé un avis de sagesse, mais la commission a souhaité un vote sur ces amendements et une majorité s’est dégagée pour leur donner un avis favorable.

M. André Reichardt. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que ministre en charge de la santé, je veux rappeler les enjeux de santé publique.

Mme Annie David. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. À l’occasion d’un débat sur la santé, qui vise à prémunir nos concitoyens contre les risques auxquels ils peuvent être exposés, les propos que je viens d’entendre, et qui visent ni plus ni moins à provoquer la remise en cause des enjeux de santé publique par une ministre de la santé, sont assez étonnants…

M. André Reichardt. Mais qui a parlé de cela ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Que dirait-on d’une ministre de la santé qui ne se préoccuperait pas des 50 000 morts que fait l’alcool chaque année ?

M. Gérard César. Et l’économie viticole, vous y pensez ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vais y venir, monsieur César.

M. Didier Guillaume. Écoutez Mme la ministre, mon cher collègue !

Mme Marisol Touraine, ministre. Et vous, monsieur César, que faites-vous des 50 000 morts par an ?

M. Gérard César. Cela n’a rien à voir avec le vin ! On parle de vin, pas d’alcool ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Marisol Touraine, ministre. Selon vous, quand on parle de vin, on ne parle pas d’alcool ? C’est un peu difficile à entendre ! (M. Gérard César proteste.)

Mme la présidente. Monsieur César, laissez parler Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je pense qu’un peu de raison est nécessaire dans ce débat. Que vous défendiez votre territoire, vos terroirs, une filière économique, l’activité touristique, je peux l’entendre, même si je ne partage pas votre point de vue. Mais que vous balayiez d’un revers de main, en haussant le ton, 50 000 morts dans notre pays…

M. Gérard César. C’est facile !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est facile, dites-vous ? Pour les femmes et les hommes qui meurent, non, ce n’est pas facile ! Pour les familles, ce n’est pas facile ! Au regard du coût pour la société, ce n’est pas facile ! Je suis désolée d’en venir à ces réalités triviales, mais cela représente une charge financière pour l’assurance maladie.

Avant que vous n’interveniez, je n’avais entendu, mais peut-être était-ce une illusion, que des déclarations en faveur de la santé publique, à propos d’autres amendements qui ont été votés, d’autres retirés parce qu’un travail était réalisé par ailleurs. Je me suis dit qu’il y avait là beaucoup de déclarations d’amour… Mais, vous le savez, au-delà des déclarations d’amour, il faut aussi des preuves d’amour !

Dans le texte que j’ai présenté initialement ne figurait aucune mesure visant à modifier l’équilibre de la loi Évin ; il n’y avait aucune mesure de durcissement à ce sujet, excepté pour ce qui concerne les séances d’alcoolisation rapide chez les jeunes. En effet, je voulais éviter un débat qui serait une foire d’empoigne et j’estimais qu’il ne fallait pas toucher à l’équilibre de la loi Évin.

Que dit cette loi ? Elle ne tend pas à interdire la publicité : elle vise à protéger les jeunes en encadrant la publicité, tout en respectant l’activité économique liée à l’alcool et au vin. (M. Gérard César s’exclame.)

Mme Marisol Touraine, ministre. La publicité est-elle devenue impossible ? J’ai là un certain nombre de documents qui montrent le contraire. (Mme la ministre brandit successivement différentes pages de journaux.)

Le 31 août, la une du journal Le Monde contient une immense publicité avec une énorme bouteille de vin…

M. Gérard César. Il peut être condamné pour ça !

Mme Marisol Touraine, ministre. Cela n’a pas été le cas, en l’occurrence !

Qu’on ne me dise donc pas que la publicité pour le vin est interdite !

Du reste, quelques jours plus tard, paraît dans Les Échos cette énorme publicité présentant différentes bouteilles, avec toutes les qualités de vin que vous pouvez souhaiter.

Alors, me direz-vous – pas vous puisque, à l’évidence, toute publicité vous paraît impossible, mais d’autres –, « Au fond, nous savons bien que la publicité est possible. Ce qui nous paraît compliqué, c’est la publicité qui ne porte pas directement sur un produit, une bouteille, mais qui s’exprime à travers un reportage à l’occasion duquel on donne des indications sur des territoires. »

Eh bien, vous voyez ici une page qui fait référence à un territoire, une autre page consacrée à un autre territoire. Là, c’est une double page. Elles sont tirées d’un numéro spécial de L’Express, dont la couverture est titrée « Vins 2015 », et où il est également question des « Vignerons indépendants », de « Coups de cœur ». Nous avons ainsi de multiples reportages sur des sujets très à la mode, depuis « Les femmes vigneronnes » jusqu’aux « Productions biologiques » en passant par « Les nouveaux mécanismes d’installation ». Je pourrais poursuivre l’énumération, mentionner l’article qui cite une grande région, bien connue, avec un vin bien connu et toute une sélection.

Il est tellement possible de faire ce genre de publicité que Le Petit Quotidien, qui s’adresse aux enfants, a fait voilà quelques mois sa une sur « La vigne en France, un métier, une histoire, un art ». S’agissant d’un journal qui s’adresse à des enfants, on aurait pu penser que le sujet serait interdit. Eh bien, non, pas du tout ! L’article est paru, et l’on y voit des grappes de raisin, on y décrit un métier. Le tout est d'ailleurs très bien fait et l’on y apprend des tas de choses.

Et puis, oui, il y a eu, dans Paris Match, un article qui n’était pas une publicité. (Mme la ministre montre le document.) Il était consacré à une actrice de cinéma bien connue – américaine, en l’espèce, même si elle vit à Paris – avec une bouteille de champagne – il n’y a évidemment aucun mal à citer cette appellation. Cette actrice pose dans une attitude tout à fait suggestive. Et, à aucun moment, l’article n’évoque la bouteille d’alcool. Nulle part il n’est écrit : « L’abus d’alcool nuit à la santé. » On associe directement un alcool de fête à une actrice incontestablement très belle, très attirante et photographiée dans une position très lascive. (Sourires et exclamations.)

Pour ma part, je n’y vois que des choses très charmantes. Néanmoins, tout cela, c’est une publicité déguisée pour l’alcool, et c’est cela qui a été condamné.

Mon propos n’est pas du tout d’opposer à l’objectif de santé publique l’activité de filières économiques, la viticulture et le tourisme, qui sont des vecteurs de développement, qui exportent, apportent des devises, etc. Je veux simplement rappeler que la loi Évin a mis en place un équilibre qui, depuis des années, nous permettait de développer cette activité, de vendre, de favoriser le tourisme. Il y a des routes du vin partout en France ! Dans mon département, qui est un département viticole, il y a des routes du vin, comme partout ailleurs. Ce n’est pas interdit !

La position que je défends, je l’ai défendue depuis le début. En effet, si l’amendement contenu dans la loi Macron a été décrété inconstitutionnel, c’est non parce qu’il ne figurait pas dans le bon texte, mais parce qu’il était intervenu trop tardivement dans la procédure.

M. Gérard César. C’est le Gouvernement qui l’a introduit !

Mme Marisol Touraine, ministre. Non ! Ce sont les parlementaires !

Mme la présidente. Monsieur César, vous pourrez prendre la parole tout à l’heure pour expliquer votre vote !

Mme Marisol Touraine, ministre. J’entends les positions, j’écoute ce qui est dit et je veux exprimer par avance mes regrets. Et je les exprimerai à nouveau après le vote s’il est favorable à ces amendements, parce qu’il s’agit ici d’une loi de santé publique !

Après ce vote, nous reprendrons les débats sur les questions relatives au diabète et à l’obésité. Nous reprendrons nos discussions sur l’organisation du système de santé. Nous reviendrons sur la manière de suivre dans la durée les personnes atteintes de maladies chroniques.

Or, parmi ces maladies, certaines sont liées à la consommation excessive d’alcool. Refuser de le voir, fermer les yeux sur ce fait, je ne crois pas que ce soit rendre service à une filière économique ! C’est, au fond, ne pas tenir compte d’une réalité qui coûte à notre pays. Une étude récente vient encore de le montrer, il y a le coût direct pour la santé, il y a le coût des vies humaines brisées, des familles détruites, il y a le coût pour l’activité économique de salariés qui ne peuvent pas se rendre régulièrement à leur travail.

Aujourd'hui, si nous voulons que notre population vive mieux, nous devons nous donner les moyens de lutter contre les maladies qui peuvent être évitées, c'est-à-dire celles qui sont liées à des comportements excessifs.

Évidemment, il y a des millions de gens qui boivent du vin de façon tout à fait raisonnable et responsable. Là n’est pas le problème. Vos amendements ne changeront rien à cette réalité. Mais, en matière de santé publique, la publicité a un impact et nous devons donc préserver l’équilibre issu de la loi Évin.

C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces amendements identiques, déposés sur un texte dont l’objet est la santé. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Les envolées, les considérations plus ou moins théologiques sur les politiques de santé, c’est bien, mais je crois qu’il faut s’en tenir au texte proposé dans ces amendements. Que dit-il ? Il prévoit que ne sont pas considérés comme de la publicité ou de la propagande les contenus, les images, les commentaires sur une région de production, une indication géographique, un terroir, un itinéraire.

Notre objectif est tout simplement d’éviter que des articles de presse faisant la promotion de l’œnotourisme soient empêchés de paraître.

Je rappelle que si la France accueille 83 millions de touristes, elle est en retard, notamment par rapport à l’Espagne, sur le critère du panier moyen de dépenses. Nous sommes en train de nous faire dépasser !

Il y a bien, à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation de 2004, des articles qui ont été condamnés. Celui du Parisien a été condamné alors qu’il était dédié à la réussite de l’exportation des vins de Champagne. On parlait d’export ! La Cour de cassation ayant dit que « tout acte en faveur d’un organisme ou d’un produit ayant pour effet, quelle qu’en soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique… » – tout est dans « quelle qu’en soit la finalité » –, on est bloqué ! Nous avons besoin de cette clarification législative pour permettre enfin aux journalistes de faire leur travail sans danger de condamnation. Il ne s’agit pas d’être irresponsable !

Les filières ont fait d’énormes efforts. Il y a une prise de conscience générale. Madame la ministre, croyez bien que nous sommes également sincères dans notre démarche !

Si l’on pousse votre raisonnement jusqu’au bout, madame la ministre, faudrait-il encadrer strictement la publicité pour les voitures, qui, elles aussi, tuent plusieurs milliers de personnes chaque année ?

Je crois que nous sommes là pour légiférer sous l’empire du bon sens et faire en sorte que nos territoires, nos terroirs puissent communiquer – il s’agit de communication, pas de publicité – et être ainsi attractifs partout dans le monde.

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je conclus en rappelant que les auteurs de ces amendements ont repris mot pour mot la rédaction qui avait été proposée par le Gouvernement lors de la discussion de la loi Macron. Vous êtes certes ministre de la santé, mais vous êtes solidaire de l’ensemble du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Il y a, c’est vrai beaucoup de passion dans ce débat, et je remercie la ministre de la santé de l’avoir recadré : il s’agit d’un texte de santé publique, non d’un texte sur le tourisme.

Quand on parle de santé publique, entendre les arguments que j’ai entendus me choque. Cela me choque d’autant plus que nous en sommes au titre Ier, intitulé « Renforcer la prévention et la promotion de la santé », et même au chapitre 1er, intitulé « Soutenir les jeunes pour l’égalité des droits en santé ».

Quelle image donnons-nous ?

Nous parlons de la prévention ! Nous parlons des méfaits de l’alcoolisation chez les jeunes !

M. André Reichardt. Cela n’a rien à voir !

Mme Laurence Cohen. Vous entendez introduire des dispositions qui sont à l’opposé du sens même de ce projet de loi !

M. Roland Courteau. Ce n’est pas vrai !

Mme Laurence Cohen. Si ! Relisez les intitulés !

Vous ne donnez pas un exemple positif quand vous vous apprêtez à condamner, la main sur le cœur, des excès de fête, par exemple, parmi les étudiants. Il est un certain nombre de dérives que nous condamnons toutes et tous ! Je trouve donc qu’il y a là de votre part une sacrée hypocrisie !

Par ailleurs, mes chers collègues, j’ai le sentiment que la loi Évin faisait plus ou moins consensus et qu’elle était porteuse d’un équilibre. Cet équilibre, vous le remettez en cause !

Là, il n’y a pas de digue ! Vous nous parlez d’une similitude entre les publicités pour tel ou tel vin et les voitures. Or, s’agissant de tout ce qui est vitesse automobile, il y a des limites, il y a des contrôles, il y a des radars. Quelle est donc la pertinence de cette comparaison ?

Je me soucie de l’image que nous donnons ici en passant des heures sur cette question ? Que vont penser les jeunes si, demain, monsieur César et les autres auteurs de ces amendements, vous vous élevez contre toute mesure concernant le cannabis ?

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Gérard César. Cela n’a rien à voir !

Mme Laurence Cohen. Je trouve cela lamentable !

Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.

M. Rémy Pointereau. Je veux rebondir sur ce qu’a dit tout à l’heure notre collègue Gérard César.

Oui, le vin, c’est le patrimoine de la France. Samedi et dimanche prochains, ce sont les Journées du patrimoine. À cette occasion, le vin devrait être très largement mis en avant. D’autant que c’est l’un des rares succès de notre commerce extérieur, il faut tout de même le rappeler !

Vous avez évoqué, madame la ministre, les 50 000 décès à l’alcool. Ils sont dus non à l’alcool, mais à l’excès d’alcool !

M. Rémy Pointereau. Madame la ministre, l’obésité fait aussi beaucoup de morts en France. Alors, empêchez la publicité pour tous les produits agroalimentaires français, depuis les fromages, qui font aussi partie de notre patrimoine, jusqu’aux viennoiseries et aux pâtisseries, autant de produits dont une consommation excessive mène à l’obésité !

À un moment donné, il faut arrêter de prendre nos concitoyens pour des irresponsables !

Il faudrait faire en sorte que les conditions de la concurrence soient identiques dans tous les pays européens. En Espagne, on peut faire un peu de publicité. Il faut que tous les pays européens se mettent au même niveau en matière de publicité en faveur des vins. Il n’y a pas de raison que la France soit encore en « surtransposition » par rapport à ses voisins !

C'est la raison pour laquelle je voterai bien évidemment l’amendement de notre collègue César et les amendements identiques. Il me paraît important de clarifier les choses eu égard aux problèmes qui peuvent se poser sur le plan juridique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.

Mme Françoise Férat. Je ne vous cacherai pas que je suis gênée par certains propos que j’ai entendus. Comme si nous étions en train de faire l’apologie de l’alcool !

Comment penser que les hommes et les femmes qui ont cosigné ces amendements l’aient fait au détriment de nos concitoyens, au détriment de nos enfants ou de nos petits-enfants ?

Mme Françoise Férat. Comment est-il possible d’imaginer la conscience qui serait alors la nôtre ?

Sans reprendre les arguments qui ont déjà été avancés, je dirai qu’il s’agit de défendre nos territoires, à travers des savoir-faire, à travers la gastronomie, etc.

Non, ces amendements ne visent nullement à libérer la publicité pour l’alcool. Ne faisons pas d’amalgame !

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Françoise Férat. Et puis, madame la ministre, vous nous avez fait une brillante démonstration en nous montrant divers journaux et magazines. Or cela atteste avant tout que la plus grosse difficulté dans l’application de la loi Évin tient bien à l’interprétation qu’en font les juges.